13. Étrange comportement et désobéissance au Roi
by Ruyi ♡Maxi ne parvint à s’endormir que peu avant l’aube, et fut rapidement tirée de son sommeil par l’agitation venant de l’extérieur. Les chevaliers étaient déjà en train de remettre leur armure sous la lumière grisâtre du petit matin. Elle se hâta de se rafraîchir le visage avec un peu d’eau et passa ses doigts dans ses cheveux pour les démêler tant bien que mal.
Le petit-déjeuner fut avalé à la hâte — un peu de pain et de l’eau — avant que les chevaliers ne donnent le signal du départ.
Maxi grimpa dans le carrosse, qui se mit aussitôt en route et ils quittèrent le campement dans un crissement de roues sur le sol accidenté. Malgré les secousses du trajet, elle finit par somnoler. Jusqu’ici, le voyage s’était déroulé sans encombre. Les chevaliers eux-mêmes semblaient presque déçus de l’absence de monstres, allant même jusqu’à se plaindre à haute voix qu’ils n’avaient même pas croisé un simple gobelin des bois.
Maxi, quant à elle, espérait bien ne jamais en recroiser de sa vie.
Ils roulèrent pendant une bonne moitié de la journée sans faire la moindre pause. Après un court arrêt pour déjeuner près d’une petite source, le voyage reprit aussitôt. À force de se cramponner pour ne pas être projetée d’un côté à l’autre du carrosse, les bras et les épaules de Maxi commencèrent à lui faire mal.
Même lorsque sa tête se mit à tambouriner douloureusement, elle n’osa pas leur demander une halte. Elle serra les dents jusqu’à la tombée de la nuit, moment où ils purent enfin se reposer. Elle avala sans appétit le repas que lui tendit Riftan, puis s’endormit aussitôt après s’être allongée sur la couverture dans le carrosse.
Une bonne nuit de sommeil rendit la journée suivante bien plus supportable. Ils reprirent la route à l’aube et c’est au milieu de la journée qu’ils quittèrent enfin la forêt d’Eudychal. Le carrosse secouait moins, et Maxi poussa un soupir de soulagement.
Contrairement au terrain accidenté de la forêt, les routes des plaines d’Anatolium étaient droites et bien pavées. Elle ouvrit la fenêtre pour admirer les vastes étendues d’herbe verdoyante, parsemées çà et là de fleurs sauvages d’un blanc crème. Après avoir passé des jours enfermée dans un décor de troncs serrés et de feuillages étouffants, ce paysage à ciel ouvert était un vrai bol d’air frais.
« Anatol se trouve juste derrière ces montagnes. » Riftan, qui menait l’escorte à cheval, s’approcha de la fenêtre du carrosse. Maxi passa la tête par l’ouverture et regarda droit devant elle. À l’horizon, des sommets d’un blanc immaculé se dessinaient sur fond de ciel clair.
« Encore un petit effort, » dit Riftan. « On pourrait arriver à Anatol dès demain soir. »
Maxi eut envie de pleurer de soulagement à l’idée de pouvoir enfin dormir dans un vrai lit. PPendant tout le reste du voyage, elle ne rêva que d’une chose : prendre un long bain chaud, savourer du pain moelleux tout juste sorti du four, et surtout, déguster un épais ragoût de légumes. En dessert, une tarte fourrée de confiture accompagnée d’un vin sucré et fruité. Et pour couronner le tout, une nuit paisible dans un lit doux et propre.
Le carrosse s’arrêta alors que le soleil disparaissait lentement derrière l’horizon. Les chevaliers ne lui accordèrent guère d’attention lorsqu’elle mit pied à terre. Au milieu d’eux, elle se sentait comme une enfant perdue. Cherchant Riftan du regard, elle traversa prudemment le camp que les hommes étaient en train de monter. Elle le repéra près de la rivière, en train d’abreuver les chevaux, et se hâta de le rejoindre.
Il se tourna vers elle, les sourcils froncés d’inquiétude.
« Qu’y a-t-il ? Quelque chose ne va pas ? »
Maxi ne pouvait pas lui avouer qu’elle se sentait mal à l’aise quand il disparaissait de son champ de vision. À la place, elle se pencha et fit semblant de se laver les mains. Riftan s’accroupit à ses côtés et se mis à éclabousser ses paumes et sa nuque couverte de sueur. Sous la lumière du soleil couchant, sa longue nuque musclée brillait comme du cuivre chauffé à blanc. En douce, Maxi le dévisagea alors qu’il passait une main dans ses cheveux ébouriffés par le vent. Ses traits parfaitement sculptés firent, une fois de plus, battre son cœur plus fort.
Il désigna alors ses pieds.
« Ta jupe est mouillée. »
La remarque la ramena brutalement sur terre, et elle se redressa précipitamment. Sa robe, déjà tâchée de poussière par les jours de voyage, était désormais alourdie par l’humidité. Le bas avait trempé dans l’eau. Elle s’empressa de relever le tissu pour en essuyer la boue.
Riftan la regarda faire un moment, silencieux. Puis, il posa un genou à terre.
« Laisse-moi t’aider. »
« C-Ce n’est r-rien, vraiment… ! » s’écria-t-elle, prête à reculer. Mais il lui lança un regard réprobateur. Elle hésita. Il lui avait déjà demandé, l’autre soir, pourquoi elle répétait sans cesse que tout allait bien. Était-ce devenu une habitude ?
Tandis qu’elle restait figée, Riftan prit le tissu de sa jupe et le plongea dans l’eau du ruisseau pour enlever la boue. Ensuite, il l’essorait soigneusement. Ne sachant que faire, Maxi s’accroupit à côté de lui.
Les chevaliers tenaient à leur honneur plus qu’à leur vie, et jamais l’un d’eux ne se serait incliné devant qui que ce soit d’autre que leur seigneur. Pourtant, Riftan se penchait toujours devant elle, même pour les choses les plus insignifiantes. Peut-être se considérait-il comme inférieur à elle, lui qui était né roturier… Mais alors, les autres chevaliers ne le méprisaient-ils pas de s’agenouiller ainsi devant une femme comme elle ?
« Ta peau est glacée, » dit Riftan en rinçant ses mains boueuses. « Va te réchauffer près du feu. »
Maxi se remit en marche sur la colline, tout en prenant soin de ne pas salir la jupe que Riftan venait tout juste de nettoyer. Un vent froid venu de l’ouest traversait les champs, et elle resserra sa capuche autour de son visage pour empêcher ses cheveux d’être emportés dans tous les sens. En contrebas, elle observa Riftan terminer d’abreuver les chevaux, le bas de son pantalon déjà trempé par l’eau du ruisseau. Le soleil se couchait derrière les montagnes, et une obscurité indigo s’étendait peu à peu sur le paysage.
Riftan revint avec les chevaux, et leva les yeux vers le ciel.
« La saison des pluies approche. »
Maxi suivit son regard. Des milliers d’étoiles scintillaient dans le ciel parfaitement dégagé. Elle pencha légèrement la tête, perplexe. Il n’y avait pas le moindre nuage à l’horizon.
Un des chevaliers, qui se chargeait de casser des brindilles pour alimenter le feu, approuva discrètement :
« C’est bien la saison. Nous sommes déjà bien avancés dans Etherias. »
Maxi resserra son manteau autour d’elle. Etherias, la saison des vents, annonciatrice de feuilles rouges et dorées, et de journées glaciales à venir.
« Rien que d’imaginer marcher sous la pluie dans les montagnes, ça me déprime, » grogna un autre chevalier en tendant les mains vers le feu. « L’armure devient un poids mort, les jambières s’enfoncent dans la boue… »
« On sera à Anatol avant que ça ne commence, » répondit Riftan. « Inutile de t’en faire. »
« Avez-vous oubliez la capitale ? » lança le chevalier d’un ton bourru en fronçant les sourcils. Il jeta un regard furtif à Maxi. « On repart dans quelques jours à peine ! On a déjà perdu du temps à cause du détour. Ce n’est jamais bon de faire attendre le roi Reuben. »
Maxi se blottit contre Riftan, comme un caneton collé à sa mère, cherchant instinctivement la chaleur et la sécurité à ses côtés.
« On n’y pourra rien une fois que la mousson commencera, » déclara Riftan en attachant les rênes des chevaux à un piquet avant de s’asseoir lourdement près du feu. Maxi se hâta de s’installer à ses côtés.
Ricaydo, qui jusque-là était resté silencieux, répondit à la désinvolture de Riftan avec un air incrédule.
« Le héros qui a vaincu le grand dragon va-t-il désobéir à l’appel du roi à cause de quelques gouttes de pluie ? »
« Personne n’a parlé de désobéissance. Je parle juste d’un léger retard. »
« On a déjà perdu assez de temps ! Si on fait encore attendre Sa Majesté— »
Les paroles de Ricaydo frappèrent Maxi comme un coup de fouet. Son visage se décolora, et elle serra sa jupe entre ses poings. Le regard de Riftan s’assombrit.
« Ursuline Ricaydo. Surveille ton langage. »
Les lèvres du chevalier frémirent, comme s’il avait encore quelque chose à dire, mais le ton glacial de Riftan le fit se raviser. Un lourd silence s’abattit sur le campement, brisé seulement par le crépitement du bois dans les flammes. Finalement, l’un des chevaliers prit la parole d’un ton léger, presque insouciant.
« Moi, je suis d’accord avec le commandant, » dit-il en se grattant la tête. « Pas envie d’arriver à la capitale en ressemblant à un chien mouillé. Trois ans qu’on se bat dans cette foutue guerre ! « On mérite bien de rentrer avec une armure étincelante. »
« Imbécile ! » grogna Ricaydo. « Tu ne penses vraiment qu’à l’apparence ? »
« Le chevalier Hebaron n’a pas tout à fait tort, Sir Ursuline. » Ruth, qui observait la scène dans l’ombre, s’avança vers le feu. « Pourquoi ne pas saisir cette occasion pour montrer à la capitale que les Chevaliers Remdragon ne sont pas à prendre à la légère ? »
Hebaron Nirtha releva fièrement le menton.
« Tu vois ? Même notre sorcier dit que j’ai raison. »
« Pour l’instant, attendons de voir où le vent nous mènera, » dit Ruth d’un ton apaisant à l’intention de Ricaydo. « La pluie ne tombera peut-être pas tout de suite. »
L’atmosphère se détendit légèrement, et Maxi relâcha discrètement son souffle. À en juger par la conversation, leur détour par le duché de Croyso avait considérablement retardé leur arrivée à la capitale.
Située à l’extrême sud-ouest du continent de Roviden, Anatol s’étendait sur une petite péninsule qui s’avançait dans l’océan Issyrien comme une tête de serpent. Maxi se souvenait vaguement avoir entendu que cette terre était encerclée de montagnes escarpées et bordée au sud par un vaste océan. Drachium, la capitale royale de Wedon, se trouvait quant à elle dans le nord-ouest du royaume, bien loin d’Anatol. Le moyen le plus rapide de rallier Drachium depuis Aranthal, où les chevaliers avaient combattu pendant la guerre contre le dragon, était de suivre le fleuve Yserium en remontant son cours.
Même avec ses connaissances limitées en géographie*, Maxi comprenait que ce détour était dû à sa présence. Et si le roi Reuben se mettait en colère contre Riftan et les chevaliers Remdragon, ce serait entièrement de sa faute.
(N/T : Pour ceux qui ont du mal à suivre tout comme Maxi : Voici la carte de Roviden.)
Elle comprenait maintenant pourquoi le chevalier Ursuline était si pressé d’atteindre la capitale. Riftan avait refusé la main de la princesse que lui proposait le roi Reuben, et voilà qu’il ignorait à présent une convocation royale censée célébrer sa victoire dans la campagne du dragon. Un nœud se forma dans son estomac.
Non… Ce n’est pas à cause de moi. Il doit y avoir une autre raison. Quel chevalier désobéirait à un ordre royal simplement pour ramener sa femme chez lui ?
Elle balaya cette idée absurde. Il était insensé de croire que Riftan avait entrepris tout cela pour elle.
À cette époque de seigneurs, le pouvoir royal avait décliné : les seigneurs possédaient d’immenses terres et la main-d’œuvre nécessaire à leur exploitation leur conférait souvent plus d’influence que celle des rois. Mais contrairement aux monarques des six autres royaumes, le roi de Wedon conservait un pouvoir considérable. Le roi Reuben III avait gagné l’allégeance de centaines de chevaliers de haut rang par la seule démonstration de sa puissance. Il était inconcevable que Riftan ose désobéir à un tel souverain… Juste pour elle.
« Allons, » dit un chevalier qui avait découpé une meule de fromage pendant que les autres se disputaient. « Évitons les débats inutiles. Mangeons. »
Pendant que le chevalier distribuait des morceaux de fromage, Riftan tendit à Maxi une coupe de vin. Elle la but d’un trait pour faire passer le pain sec, qu’elle avait déjà appris à détester. Après un repas composé de viande salée, de pain et de fromage, elle retourna s’installer dans le carrosse.
Malgré sa fatigue, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Ses pensées vagabondaient vers le lendemain soir, quand elle découvrirait son nouveau foyer. À quoi ressemblait Anatol ? Il y a encore quelques jours à peine, elle frissonnait d’effroi à cette idée. Et voilà qu’une petite lueur d’espoir avait germé dans son cœur.
Peut-être que je vais pouvoir commencer une nouvelle vie…
Craignant d’être déçue, Maxi étouffa bien vite ce mince espoir.
La chance ne me sourira pas éternellement.
Non seulement elle avait échappé à la menace d’un divorce, mais elle s’était aussi affranchie de l’autorité de son père. Et son terrible époux n’était pas l’homme impitoyable qu’elle avait imaginé – au contraire, il se montrait attentionné. Cela faisait beaucoup de bonnes choses d’un coup, et Maxi savait que la déesse de la fortune se montrait rarement aussi généreuse.
Elle remonta sa couverture jusqu’au menton et prit une décision : elle ferait preuve de courage, quoi qu’il arrive.
Pitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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