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    Maxi sursauta et se leva d’un bond, aussi effrayée par l’éclat de voix de Riftan que par la présence de l’homme à la porte. Pendant un court instant, le blond sembla déconcerté par l’intensité de la colère du commandant, mais il grogna bientôt une réplique.

    « Commandant, comment aurais-je pu savoir que vous seriez… Ainsi occupé dans le salon ? J’ai cru que vous m’entendriez arriver, comme à l’accoutumée. Je n’ai donc pas jugé nécessaire de frapper. »

    « Sors d’ici ! »

    Le ton tonitruant de Riftan fit blanchir Maxi comme un linge. Elle redoutait plus que tout ce qui pourrait se passer une fois l’homme parti, alors elle lui lança un regard suppliant. Mais celui-ci se contenta de jurer entre ses dents avant de se retourner vers la porte.

    « Une voiture vous attend dehors, Commandant. Vous aviez dit que vous ne souhaitiez pas rester une minute de plus au château de Croyso. »

    « Qu’elle attende. »

    L’homme blond s’immobilisa, abasourdi par cette réponse. Puis il fronça les sourcils et poussa un long soupir d’agacement.

    « Veuillez faire vite, Commandant. »

    Sur ces mots, il jeta un regard contrarié à Maxi avant de quitter la pièce, la porte claquant violemment derrière lui.

    Maxi tourna aussitôt les yeux vers Riftan, scrutant son visage à la recherche d’un signe de colère. Il se grattait l’arrière de la tête, l’air visiblement contrarié. Lorsqu’il détourna enfin le regard de la porte pour le poser à nouveau sur elle, elle se ratatina sous l’intensité de ses yeux sombres.

    Riftan ricana légèrement. « Je ne vais pas vous sauter dessus à nouveau, alors cessez donc de trembler ainsi. Bon sang… Je n’avais même pas prévu de faire quoi que ce soit ici. »

    Elle n’osa pas relever la tête. Elle fixait ses mains jointes, comme si elle voulait y percer un trou du regard.

    Riftan se leva du canapé et remit de l’ordre dans ses vêtements froissés. « Vous l’avez entendu. Une calèche nous attend. Elle partira bientôt. »

    Le sang de Maxi se glaça. Il avait tenté de la posséder à peine quelques instants plus tôt, et à présent, il parlait de partir ? Elle n’avait même pas réussi à aligner une pensée cohérente, encore moins à le convaincre de quoi que ce soit.

    « M-Mais…  » Dans sa panique, elle agrippa le bas de sa tunique, sans se soucier de l’état de ses propres habits. « P-Pourrions-nous p-parler un i-instant…  ? »

    « Nous n’avons pas de temps à perdre,  » répondit Riftan. « Faites préparer vos affaires par une servante. Nous parlerons dans la voiture. »

    Maxi, encore tremblante de peur, le regarda sans comprendre. « M-Mes affaires…  ? »

    « Oui. Vos affaires. Vous n’avez donc rien à emporter ? »

    Elle cligna des yeux, encore confuse. Riftan poussa un soupir las et réajusta ses vêtements à elle avec des gestes rapides, les remettant tant bien que mal en ordre, puis il appela la servante qui attendait derrière la porte pour qu’elle fasse les bagages de Maxi.

    Malgré tout ce qui se déroulait devant ses yeux, Maxi n’arrivait pas à croire que Riftan avait réellement l’intention de l’emmener avec lui.

    « Prenez seulement l’essentiel. Nous n’avons pas de temps à perdre. »

    « J-Je n’ai pas grand-chose à p-prendre… Juste quelques…  »

    « Parfait. Nous partons maintenant, alors. Ce dont vous pourriez avoir besoin, vous le trouverez dans mon domaine. »

    Il congédia la servante et prit Maxi par la main pour l’entraîner hors du salon. Elle dut presque courir pour suivre ses longues foulées. Tout allait si vite que son esprit ne parvenait pas à suivre.

    « V-Votre domaine…  ? »

    « Quoi ? Cela vous étonne qu’un simple chevalier possède des terres ? » demanda-t-il en lui jetant un regard noir par-dessus l’épaule, son ton chargé d’amertume. « Le roi Reuben m’a octroyé un fief et un château lorsque j’ai été nommé chevalier. Un château qui aurait dû devenir votre foyer après notre mariage. »

    Maxi leva les yeux vers lui, abasourdie. Un château qui aurait dû devenir son foyer…  ?

    Riftan ne semblait pas vouloir s’attarder sur le sujet. Il descendit rapidement l’escalier et traversa la vaste cour extérieure. Devant la fontaine colossale, une calèche luxueuse tirée par quatre chevaux les attendait. Une quinzaine de chevaliers l’entouraient, leurs conversations s’interrompant aussitôt à l’approche du couple. Certains jetèrent à Maxi des regards furtifs, intrigués par sa présence. Elle sentit ses joues s’enflammer sous ces regards curieux.

    « Qu’attendez-vous ? » lança Riftan. « Montez dans la calèche. »

    « M-Mais… M-Mon père… Il m’attend. J’ai… J’ai besoin de sa p-permission…  »

    Le visage de Riftan se durcit à la mention du duc. Il serra plus fort son bras et la traîna vers la calèche.

    « Vous êtes mon épouse. Pourquoi devrais-je demander la permission de vous emmener ? Votre père n’a aucun droit d’intervenir. »

    Sur ces mots, il la souleva et la fit monter dans la calèche. Elle y resta assise, muette de stupeur.

    Mon épouse.

    Ces deux mots résonnaient en boucle dans sa tête. Cela voulait-il dire que Riftan n’avait jamais eu l’intention de divorcer d’elle…  ?

    « Allez ! » cria Riftan par la fenêtre du carrosse avant de s’asseoir en face de Maxi.

    Le véhicule se mit aussitôt en branle, et le château de Croyso s’éloigna rapidement dans le paysage. C’était irréel. Maxi avait imaginé des dizaines de scénarios pour leurs retrouvailles, mais rien qui ressemblait de près ou de loin à celui-ci.

    Pourquoi m’emmène-t-il avec lui ?

    Elle fixait son mari, abasourdie. Il observait calmement le paysage défiler, un bras nonchalamment posé sur l’encadrement de la fenêtre. Était-ce vraiment le même homme qui l’avait submergée de paroles dures et de baisers brûlants avant de quitter le château, l’entraînant à sa suite ?

    Maxi repensa aux paroles de son père : Le roi Reuben lui a proposé la main de la princesse. Il ne laissera pas passer une telle opportunité !

    C’était le duc de Croyso qui lui avait martelé cela, mais il n’était pas le seul à croire que Riftan allait épouser la princesse Agnes. Celle-ci était une magicienne réputée qui avait combattu aux côtés de Riftan durant la campagne contre le Dragon Rouge. Deux guerriers tombant amoureux après avoir partagé l’adrénaline du champ de bataille, voilà un récit irrésistible pour les ménestrels, qui s’étaient empressés de composer des ballades romantiques reprises dans toute la ville. Tous s’attendaient à un mariage royal à leur retour triomphant.

    Même Maxi pensait que le divorce était inévitable. Même le clerc qui avait officié leur mariage aurait compris une telle issue. Tout le monde savait que le duc de Croyso avait contraint Riftan à l’épouser, et ce dernier aurait eu toutes les raisons d’exiger une séparation.

    Alors pourquoi…  ?

    Maxi jeta un coup d’œil en biais aux traits parfaitement sculptés de Riftan. Ses cheveux ébouriffés encadraient un front ciselé, ondulant sous la brise légère qui entrait par la fenêtre. Sa peau dorée et lustrée lui donnait une allure exotique. Bien que les campagnes militaires aient durci son expression naturellement austère, sa beauté, elle, était intacte.

    Maxi n’avait jamais vu la princesse Agnes en personne. Les rumeurs disaient qu’elle était d’une grande beauté, avec des cheveux dorés et de profonds yeux bleus. S’ils se tenaient côte à côte, Riftan et elle auraient probablement l’air d’un couple sorti d’une peinture.

    Elle détourna les yeux vers son reflet dans la vitre du carrosse. Un large front bombé. Un petit nez plat parsemé de taches de rousseur. De grands yeux ronds qui déséquilibraient son visage. Une chevelure rousse ondulée tressée à la va-vite, quelques mèches en bataille rappelant des brins de paille. Maxi ne pouvait que penser le pire d’elle-même.

    Il était impossible que Riftan la veuille réellement comme épouse. Il devait y avoir une raison cachée. Un plan secret, peut-être. Que compte-t-il faire de moi ?

    Comme s’il avait perçu ses pensées, Riftan tourna brusquement la tête vers elle. Maxi détourna aussitôt les yeux, se ratatinant sous l’intensité de son regard. Elle avait dû faire quelque chose qui lui déplaisait, car il jura entre ses dents.

    « Suis-je à ce point répugnant ? Au moins, faites l’effort de dissimuler votre dégoût ! Que vous le vouliez ou non, vous êtes coincée avec moi. Je n’ai aucune intention de quitter ce carrosse. »

    « V-Vous n’êtes p-pas r-répugnant. J-Je n’ai jamais dit…  »

    « Alors changez donc cette expression affreuse. »

    Aussitôt, Maxi leva les mains pour cacher son visage. Elle avait peur, c’était vrai, et sa présence l’intimidait. Mais elle n’avait pas conscience que son visage trahissait si ouvertement ses sentiments. Sachant qu’elle l’avait blessé, elle chercha désespérément une solution. Mais… Quelle expression suis-je censée avoir ?

    Riftan poussa un long soupir.

    « Vous devez comprendre que nous ne sommes pas comme les autres couples. »

    Une sueur froide perla sur le front de Maxi.

    « Je ne vous connais pas vraiment,  » poursuivit-il. « Et vous ne me connaissez pas non plus. Mais vous êtes ma femme, et je suis censé passer le reste de mes jours avec vous. Comment pourrais-je vous traiter en épouse si ma simple présence vous fait trembler comme une feuille ? »

    « L-Le reste de v-vos jours… A-avec m-moi ? »

    Ses traits se crispèrent.

    « Nous sommes mariés depuis trois ans. Nous sommes bien et bien mari et femme. Les couples ne sont-ils pas supposés vivre ensemble jusqu’à la fin de leurs jours ? »

    Elle le regarda comme s’il avait soudain poussé une seconde tête. Elle n’en croyait pas ses oreilles. Voulait-il vraiment qu’elle soit sa femme ? Ou mentait-il, mû par une quelconque intention cachée ? Peut-être se moquait-il d’elle, pensant qu’elle ignorait encore ses fiançailles avec la princesse. Des pensées de plus en plus angoissantes lui traversaient l’esprit.

    « Je suis peut-être un roturier, mais je tiens les vœux du mariage pour sacrés,  » lança-t-il, irrité. « Il est ahurissant qu’une fille de duc les traite avec tant de mépris. »

    « D-Du mépris ? »

    « Si ce n’est pas du mépris, alors qu’est-ce que c’est ? Vous m’avez épousé, et pourtant vous avez ignoré mon existence pendant tout ce temps. N’attendez pas de moi que je le supporte davantage. »


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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