Poème de Wang Wei
Wang Wei (王維, 699–761) est l’une des figures majeures de la poésie chinoise de la dynastie Tang, admiré pour son style raffiné, sa sensibilité picturale et son profond ancrage spirituel. Peintre, musicien, poète et fonctionnaire, il incarne l’idéal du lettré accompli. Influencé par le bouddhisme Chan, il développe une poésie du silence et de l’harmonie, où chaque paysage devient l’écho d’un état intérieur. Chez lui, nature et méditation ne font qu’un : contempler, c’est déjà s’éveiller.
Ses poèmes, empreints de sérénité et d’épure, saisissent l’instant avec une grâce minimaliste, souvent marquée par la solitude, la lumière changeante, et le murmure du monde naturel. Son langage sobre cache une profondeur spirituelle qui invite à la contemplation plutôt qu’à l’explication.
(N/T : La dynastie Tang est souvent considérée comme l’une des périodes les plus brillantes de l’histoire chinoise. Elle a marqué un apogée culturel, économique et politique, faisant de la Chine un centre de rayonnement en Asie et au-delà.)
Le poème
Liánhuā Wù (蓮花塢) — L’étang aux lotus
Wang Changling (王昌齡, 698 – 756)
日日采莲去,洲长多暮归。
Rì rì cǎi lián qù, Zhōu cháng duō mù guī.
Chaque jour, je pars cueillir les lotus,
Et ne reviens qu’au soir, des bancs si longs à traverser.
弄篙莫溅水,畏湿红莲衣。
Nòng gāo mò jiàn shuǐ, Wèi shī hóng lián yī.
Ne fais pas jaillir d’eau avec ta perche !
J’ai peur qu’elle n’éclabousse ma robe rouge de lotus.
Ce poème n’est pas de Wang Wei ; il est généralement attribué à Wang Changling (王昌齡) dans les anthologies classiques, bien qu’il soit parfois confondu avec les œuvres de Wang Wei. Il s’inscrit cependant parfaitement dans la tradition des poèmes sur la cueillette des lotus (采莲诗), un genre bien établi dans la poésie chinoise, souvent à tonalité lyrique et délicatement érotique, évoquant la jeunesse, l’eau, la nature et les sentiments dissimulés..
Wang Changling (王昌齡, 698 – 756), son contemporain, offre une perspective contrastée, illustrant la richesse de la poésie Tang. Moins porté sur l’ascèse spirituelle, il est reconnu pour son lyrisme poignant et la diversité de ses thèmes. Ce poète et fonctionnaire, parfois victime d’intrigues et d’exil, excelle dans la description de la vie aux confins de l’Empire (poésie de frontière, biānsài shī) ainsi que dans l’expression des sentiments intimes des femmes recluses (poésie de gynécée, guīyuàn shī). Tandis que Wang Wei cherche la paix dans le dépouillement, Wang Changling fait de l’émotion directe et de la complexité sociale le cœur de son œuvre.
Le poème
Liánhuā Wù (蓮花塢) — L’étang aux lotus
Wang Wei (王維, c. 699 – 761)
蓮花多暮香,竹色含幽靜。
Lián huā duō mù xiāng, Zhú sè hán yōu jìng.
Les lotus diffusent leur parfum au crépuscule,
La couleur du bambou baigne dans la paix.
獨泛一扁舟,心閒事亦靜。
Dú fàn yī biǎn zhōu, Xīn xián shì yì jìng
Seul, je vogue sur une frêle barque
Le cœur en paix, tel que le monde autour de moi.
Ce poème bref, mais évocateur de Wang Wei illustre à merveille sa capacité à fusionner paysage et intériorité. Loin d’être une simple description, le décor naturel — lotus, bambous, barque — devient le miroir d’un état d’âme. L’odeur du lotus au soir évoque une beauté discrète, presque secrète, qui n’apparaît que dans le silence du crépuscule. La couleur des bambous, associée ici à la quiétude (youjing, 幽靜), enveloppe le tableau d’une douceur méditative.
La barque solitaire, image récurrente de la poésie chinoise, symbolise ici une forme d’éveil tranquille : seul sur l’eau, le poète ne cherche rien, ne s’agite pas. Le dernier vers résume cette philosophie : en apaisant son cœur, c’est le monde lui-même qui devient paisible. Wang Wei, imprégné de pensée bouddhiste, exprime ici une vérité simple, mais profonde : l’harmonie ne se conquiert pas, elle se découvre dans le dépouillement et le silence.
Ce poème, discret et limpide, nous invite à redécouvrir la beauté du moment présent, à écouter ce qui ne fait pas de bruit — l’odeur d’un lotus, la paix dans un feuillage, la clarté d’un cœur sans trouble.
La résidence de la secte GusuLan s’étendait sur les flancs d’une montagne reculée, à l’écart de la ville de Gusu. Ses bâtiments, aux murs blancs et aux toits noirs, s’alignaient sobrement le long du jardin pittoresque du Pavillon du Bord de l’Eau. Une brume permanente baignait les lieux, semblable à un océan de nuages suspendu dans le Royaume des Immortels. À l’aube, les premiers rayons du soleil transperçaient doucement les volutes vaporeuses. Ce lieu portait bien son nom : la…- 43,9 K • Ongoing


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