Vous n'avez pas d'alertes.
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    Nul ne m’a jamais provoqué impunément.
    Ceux qui osent se jouer de moi en paient toujours le prix.

    La salle d’audience était plongée dans un silence absolu. Si on avait fait tomber une aiguille, son bruit aurait résonné comme un coup de tonnerre. C’est dans cette atmosphère où même respirer semblait interdit, que le plaignant* se tenait livide et tremblant de peur. Ses yeux affolés erraient partout, mais restaient fixés sur un seul point.

    Le verdict qui déciderait de son destin allait tomber. Les mains jointes en prière, il semblait vaciller sous la tension, mais parvenait encore à se tenir debout. Alors que tous les regards étaient braqués sur lui, le juge prit enfin la parole

    « … En conséquence, la plainte déposée le X mois, X jour 20XX, est rejetée. »

    « Ah ! »

    Un simple souffle s’échappa des lèvres du plaignant avant qu’il ne s’écroule sur sa chaise, le visage enfoui entre ses mains. Le juge, imperturbable, poursuivait la lecture mécanique du verdict.

    « Le greffier transmettra la décision au défendeur et la procédure sera close…  »

    Mais l’homme n’entendait plus rien. Entre ses doigts, on distinguait ses yeux écarquillés. Il tremblait tel une feuille livrée à la morsure d’un vent hivernal et finit par éclater en sanglots en se prenant la tête à deux mains. Bien qu’il soit un adulte, ses pleurs résonnaient comme ceux d’un enfant.

    Dominic L. Miller, lui, observait calmement le désespoir du plaignant, dont les larmes coulaient à flots. Sur ses lèvres entrouvertes flottait une expression ambiguë, presque un sourire. Ses yeux plissés semblaient savourer l’instant.

    Beaucoup n’auraient pas cru ce qu’ils voyaient, et pourtant c’était vrai. Dans sa vie monotone, les seuls instants où Dominic avait réellement l’impression d’exister étaient ceux-là. Un léger frisson parcourait ses veines, une chaleur diffuse lui montait au bas-ventre, et c’était tout. Voilà la maigre étincelle de plaisir qu’il pouvait éprouver dans sa vie qui était d’un ennui abyssal.

    Après être resté assis un moment, il se leva tranquillement, une fois qu’il s’était assuré que le juge avait quitté la salle et que l’audience était bel et bien close.

    « Je vous remercie, Maître Miller ! Vous êtes, sans aucun doute, le meilleur avocat, pas seulement de l’Est, mais de tout le pays. Le Président sera ravi. »

    Le client, qui s’était frayé un chemin parmi les autres avocats, lui serra la main avec enthousiasme. Dominic se contenta de jeter un bref regard aux représentants de l’entreprise, qui exultaient de leur victoire, puis un autre à ses confrères, qu’il se garda bien de saluer, avant de prendre congé.

    « Maître Miller, vous partez déjà ? » s’exclama l’homme en le voyant s’éloigner, mais les autres avocats répondirent à sa place :

    « Oui. Miller a pour habitude de quitter le tribunal immédiatement après la fin d’un procès. Nous nous occuperons des dernières formalités. »

    « Je vois…  »

    Alors qui continuait à regarder sa silhouette s’éloigner avec un brin de regret, le client murmura :

    « Il a l’air d’un homme difficile à approcher. »

    « S’approcher de Miller ? Pourquoi ? Dans quel but ? »

    Les avocats réagirent, surpris. L’homme, gêné, esquissa un rire maladroit.

    « Non, enfin… Ça ne ferait pas de mal, non ? »

    « Peut-être… Mais…  »

    L’un d’eux, après avoir regardé autour de lui avec prudence, finit par lâcher à contrecœur :

    « Miller ne se lie avec personne. Il n’a jamais pris un café avec nous, alors qu’on travaille ensemble. »

    « Peut-être qu’il déteste les gens ? » chuchota l’un d’eux. Les regards se croisèrent pour retrouver la source, mais un autre intervint brusquement :

    « Ce n’est pas qu’il déteste les gens. C’est plutôt qu’il ne veut pas se mélanger à des gens « ordinaires » comme nous. Après tout, c’est un noble alpha dominant. »

    Le ton sarcastique était à peine poli, mais personne ne protesta. En vérité, chacun pensait la même chose.

    Cet homme rit de tout le monde, sauf de lui-même.

    Dans l’atmosphère gênante qui s’installait, un des clients prit la parole pour clore la discussion.

    « Allons, cessons ces bavardages inutiles. Nous retournons à l’entreprise. J’ai déjà annoncé les résultats au Président par téléphone, mais je dois lui faire un rapport direct. Nous réglerons les autres démarches plus tard. Merci à tous pour vos efforts. »

    « Avec plaisir, c’est notre travail. »

    Tandis que la salle résonnait de félicitations et que des poignées de mains étaient échangées, le plaignant, anéanti, était resté figé, les yeux perdus dans le vide. Son avocat tentait de le réconforter, mais ses paroles ne l’atteignaient pas. Brisé, il ne lui restait que ses yeux pour pleurer.


    « Je croyais que libéré des phéromones lors d’une audience était interdite ? » dit une voix soudainement.

    Dominic, qui descendait le couloir, tourna la tête, alerté par celle-ci. Un homme à la barbe mal rasé, s’approcha avec un sourire narquois. Dominic détourna aussitôt les yeux et continua sa route. Se hâtant de le rattraper, l’homme inspira à pleins poumons l’air imprégné de cette fragrance envoûtante, puis ajouta avec un sourire entendu :

    « Enfin, j’imagine qu’après le procès, ça ne pose plus de problème ? »

    Dominic ne répondit pas et poursuivit son chemin, impassible, mais son agacement était perceptible.

    « Si vous voulez parler du procès, prenez rendez-vous pour une interview. »

    À ce ton glacial, l’homme comprit qu’il avait vu juste.

    « Oh non, inutile. J’ai déjà vu votre victoire de mes propres yeux. Ce n’est pas ça qui m’intéresse. »

    Il marqua une pause délibérée, avant de lancer :

    « J’ai cru comprendre que le cabinet H & J cherchait à vous recruter. Le saviez-vous ? »

    Il observa attentivement la réaction de Dominic avant de poursuivre :

    « H & J est actuellement le plus grand cabinet de lobbying*. Ils vous offriront sûrement une somme considérable. On dit même que ce sera l’offre la plus généreuse du marché. »

    Ses yeux se plissèrent, brûlants de cette curiosité intrusive propre aux journalistes. Dominic répondit d’une voix toujours aussi glaciale :

    « Un journaliste ne devrait-il pas vérifier ce genre de rumeur par lui-même ? »

    La réplique était d’une froideur brutale, mais le journaliste ne se démonta pas et se contenta de sourire.

    « N’est-ce pas exactement ce que je fais en ce moment ? »

    Dominic, qui s’était arrêté devant l’ascenseur, daigna enfin baisser les yeux vers lui. Face au journaliste qui le regardait avec une attente fébrile, il esquissa un mince sourire et répondit :

    « Je n’ai rien à dire sur ce sujet. »

    Un soupir lui échappa malgré lui. Le journaliste, arrivé au bout de sa patience, répliqua d’un ton agacé :

    « Allons, ne faites pas ça. Dites-moi. Si c’est vrai, ce sera un énorme scoop ! »

    « Depuis quand les journalistes vérifient-ils les faits avant d’écrire leurs articles ? »

    À cette pique, il répondit du tac au tac :

    « À partir de maintenant. »

    Puis, avec un sourire :

    « Je vais essayer, à partir de maintenant. »

    Les beaux sourcils de Dominic se froncèrent imperceptiblement. La provocation ne lui plaisait guère, mais il se contenta de lâcher un bref « Ha », comme s’il refusait de perdre son temps pour une telle futilité. L’ascenseur arriva à ce moment précis, et il s’y engagea aussitôt, comme s’il n’avait attendu que ça. Même alors, le journaliste ne renonça pas et lança à travers les portes qui se refermaient :

    « Si jamais vous avez quelque chose à révéler, n’hésitez pas à me contacter ! »

    Les portes se fermèrent à peine sa phrase achevée. Le journaliste laissa échapper un long soupir et laissa retomber ses épaules.

    « Tu t’en es plutôt bien tiré face à cet homme arrogant. »

    Un confrère lui adressa ces mots en se massant la nuque, pris d’une crampe. En tournant la tête, il aperçut un groupe de reporters qui l’observaient. Tous venaient de le voir se faire superbement ignorer, et même lui, pourtant connu pour son épaisse carapace, sentit ses joues s’échauffer.

    « Je dirais même que tu t’es bien défendu. »

    Un autre l’encouragea.

    « Oui, j’ai eu peur qu’il t’étrangle. »

    « Hé, nous sommes encore dans le palais de justice. » , lança le journaliste sur le ton de la plaisanterie, mais une voix répliqua aussitôt :

    « Cet homme est capable de tout, non ? »

    « Pour un alpha dominant, rien n’est impossible. »

    Les échos approbateurs se succédèrent, jusqu’à ce qu’une voix basse ajoute :

    « On dit qu’il a déjà tué quelqu’un. Je suis vraiment sérieux. »

    « Un journaliste ? Ou quelqu’un d’autre ? » demanda-t-on.

    « Peu importe. »

    L’information fit dresser quelques oreilles, mais le journaliste secoua la tête.

    « Et après ? Il a le pouvoir de le faire légalement, pas vrai ? »

    Dominic L. Miller pouvait envoyer quelqu’un en prison à vie, voire jusqu’à la peine de mort, sans jamais se salir les mains. Pourquoi irait-il s’encombrer de telles basses besognes, surtout contre un journaliste de caniveau ?

    « Les alphas dominants sont des narcissiques. Ils s’estiment tellement qu’ils évitent de faire du mal aux autres… Sauf quand ils ont soigneusement calculé que ça ne leur retombera pas dessus. »

    À ces mots, le silence retomba. C’était une vérité que nul n’osait remettre en question. Puis, pour rompre la lourdeur de l’instant, quelqu’un lança :

    « Et si on pariait sur le fait que Miller va changer de cabinet ? »


    Un grincement de violon strident couvrit brièvement la discussion. Aussitôt, comme pour étouffer la fausse note, les autres musiciens s’empressèrent de jouer.

    Au milieu de cette ambiance, un homme fit signe au serveur qui passait. Il prit une flûte de champagne sur le plateau que celui-ci lui tendit, puis leva légèrement son verre en direction de l’assemblée.

    « À une nouvelle victoire. »

    « Mes félicitations, Miller. » lui dit une femme qui se tenait à ses côtés, un sourire élégant aux lèvres. Dominic lui rendit un sourire de façade, avant de légèrement incliner la tête.

    « Merci. »

    « Tout le monde pensait que ce procès serait particulièrement difficile. »

    Aux paroles de l’un des convives, la femme qui avait félicité Dominic la première cligna des yeux, feignant la surprise.

    « Vraiment ? Je n’y ai pas pensé une seconde. Miller perdre un procès ? C’est impensable, non ? »

    « O-oui, c’est vrai, haha… »

    L’homme qui venait de parler eut un rire maladroit et jeta un coup d’œil à Dominic, inquiet de l’avoir froissé. Mais Dominic ne prêtait aucunement attention à leur conversation. Son regard restait fixé sur son verre de champagne qu’il faisait doucement tourner entre ses doigts. Voyant qu’il ne réagissait pas, l’homme se hâta de changer de sujet :

    « Alors… Vous avez déjà choisi le candidat que vous allez soutenir aux prochaines élections ? La soirée de levée de fonds approche à grands pas… »

    Dominic laissa ce flot de paroles entrer par une oreille et sortir par l’autre, tandis qu’il balayait lentement la salle du regard. Comme toujours, ce genre de réception l’ennuyait profondément. Officiellement, c’était une soirée caritative. Mais en réalité elle n’était qu’un prétexte où chacun faisait semblant de créer des liens, tout en flairant les opportunités financières comme des hyènes affamées. Ces discussions creuses sur le politicien qui leur rapporterait le plus commençaient à lui donner la nausée.

    Et si je rentrais tout de suite ?

    « Bon… »

    Il s’apprêtait à s’excuser et prendre congé lorsque quelque chose ou plutôt quelqu’un le heurta violemment et le fit chanceler. La coupe de champagne qu’il tenait se renversa.

    « Ah ! »

    Un cri bref, presque étranglé, retentit plus bas. La première pensée qui lui traversa l’esprit, lorsqu’il rattrapa instinctivement le corps qui avait failli s’écraser au sol, fut : Léger.

    La sensation de vide dans ses bras le fit froncer les sourcils. En baissant les yeux, il croisa le regard d’un homme qui venait de relever la tête.

    Il avait les cheveux châtain clair et les yeux noisette. D’une taille sans doute moyenne, il paraissait pourtant minuscule face aux deux mètres de Dominic, puisqu’il ne lui arrivait même pas à l’épaule.

    Sa silhouette élancée et ses longs membres lui donnaient des allures de ballerine. Ses paupières battirent lentement, et lorsqu’un léger soupir s’échappa de ses lèvres entrouvertes, tout le vacarme qui assourdissait Dominic s’évanouit d’un seul coup.

    Quelques secondes seulement s’étaient écoulées, mais pour Dominic, cela avait eu la saveur d’une éternité, comme si le temps s’était figé. Lorsque l’homme dans ses bras fronça les sourcils d’embarras, le brouhaha revint d’un coup, le submergeant, au point ou cela lui donna presque le vertige.

    « Oh, je suis désolé. »

    Dominic se redressa en s’excusant. La chaleur qu’il avait ressentie dans ses bras disparut aussitôt, remplacée par un vide glacial. Il baissa les yeux vers ses mains vides avant de lentement relever la tête. Les yeux clairs de l’homme, d’un bleu limpide*, se levaient vers lui.

    « Je suis désolé, je ne regardais pas où j’allais… »

    Avec un sourire poli, il sortit un mouchoir et voulut essuyer son costume, mais Dominic s’écarta sans dire un mot de la main tendue. Voyant l’homme s’arrêter et battre des paupières avec surprise, il sentit une pointe d’agacement lui traverser le cœur.

    « Ça ira. »

    « Ah… Excusez-moi. »

    Alors qu’il s’éloignait déjà, la voix de l’homme l’interpella encore. Dominic continua de l’ignorer et poursuivit son chemin, mais l’autre se hâta de le rattraper et lui tendit quelque chose. Dominic baissa les yeux sur le petit rectangle de papier qu’il lui offrait.

    « J’aimerais vous dédommager pour avoir taché votre costume. Voici ma carte, je vous en prie, n’hésitez pas à me contacter. »

    C’était évidemment sa carte de visite. Dominic ne l’accepta pas. Il fixa plutôt son visage et répéta lentement :

    « Dédommager ? »

    « Oui. »

    L’homme sourit et expliqua :

    « Pour le pressing, ou même un nouveau costume, si nécessaire. »

    Les lèvres de Dominic se tordirent légèrement.

    « Tu veux ME donner de l’argent ? À moi ? »

    Il ne souriait pas, mais ses yeux débordaient de pur mépris. Surpris, l’homme recula d’un pas. Ne voulant pas lui donner plus d’attention que ça, Dominic se détourna alors et s’en alla. L’autre ne le suivit pas. Pourtant, Dominic pouvait sentir son regard brûlant dans son dos.


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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