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    Qu’est-ce qui avait bien pu pousser Chunghyun à venir jusqu’ici ?

    Ce n’était sûrement pas une coïncidence. Il savait que cette entreprise appartenait à Taehwa — autrement, il n’aurait pas paru si calme en le voyant. Au contraire, il l’avait salué d’un simple « Bonjour », comme s’ils s’étaient quittés hier.

    Mais comment ça se fait ?

    Il n’y avait aucun lien entre eux. Ils n’avaient jamais échangé leurs numéros, et ils n’avaient encore moins d’amis en commun susceptibles de lui dire ce que l’autre était devenu. L’entreprise de Taehwa se trouvait dans une petite ville, loin de Séoul ; il était donc d’autant plus étrange que Chunghyun se soit déplacé jusque-là uniquement pour emprunter de l’argent. La probabilité qu’ils se retrouvent par hasard était presque nulle.

    « J’ai simplement… découvert cet endroit par hasard, en cherchant de l’argent un peu partout. »

    « Pourquoi ne pas m’expliquer ce que “par hasard” signifie vraiment ? »

    « … Est-ce important ? »

    « Pas vraiment. Mais je suis curieux, alors dites-le. »

    Chunghyun le fixa longuement, sans la moindre émotion sur le visage, avant de sortir quelque chose de la poche de sa veste. Il le posa calmement sur la table : une carte de visite promotionnelle.

    « Un ancien camarade de classe vit dans le coin. Il m’a dit qu’il vous avait déjà emprunté de l’argent. Selon lui, vous acceptez de prêter de grosses sommes, même lorsque la plupart des prêteurs refusent. »

    Son explication était à la fois précise et évasive. Difficile à croire, mais pas impossible non plus. En somme, l’histoire tenait suffisamment debout pour qu’on ne puisse pas la rejeter complètement.

    Malgré les filaments d’inquiétude qui s’enroulaient encore autour de son cœur, Taehwa décida d’y mettre fin pour l’instant. Il n’obtiendrait rien de plus, même en insistant, et comme Chunghyun l’avait dit, la raison n’avait sans doute pas grande importance.

    « Très bien. Mettons cela de côté pour le moment. Pourquoi êtes-vous si pressé d’obtenir cet argent ? »

    « Je dois rembourser une dette. »

    Taehwa s’attendait à une esquive, mais il répondit sans hésitation. Cette franchise inattendue le prit de court. Pourtant, la brièveté de la réponse de Chunghyun n’apaisa pas sa curiosité — au contraire, elle l’attisa.

    Il arqua un sourcil.

    « Une dette ? »

    « Oui. Une dette. »

    « On rembourse une dette par une autre dette, à ce que je vois ? »

    Les taux d’intérêt variaient selon les termes du contrat, même lorsqu’il s’agissait du même prêt. Ainsi, il n’était pas rare que certaines personnes en changent, bien que cette pratique ne soit pas vraiment considérée comme très judicieuse.

    Mais comment une dette d’une telle ampleur avait-elle pu naître ? Taehwa n’osait même pas hasarder la moindre supposition, aussi farfelue soit-elle, car le Chunghyun de ses souvenirs vivait dans des conditions à mille lieues de la menace d’un endettement.

    Fils unique d’un père médecin et d’une mère ancienne idole adolescente, Chunghyun était issu d’une famille vraiment aisée. Une image de son ancienne demeure s’imposa dans l’esprit de Taehwa, aussi nette que s’il l’avait vue la veille : un manoir à deux étages, flanqué d’un vaste jardin, respirant la stabilité et la prospérité. Cette maison élégante et luxueuse incarnait à elle seule la richesse familiale.

    Alors, comment ses circonstances avaient-elles pu se détériorer à ce point, au point de devoir contracter un emprunt ?

    Et pas n’importe lequel : un prêt de cinq cents millions de wons*. Rien qu’à ce chiffre, on devinait déjà l’ampleur du fardeau que Chunghyun portait. C’était une somme colossale pour un particulier. Qu’est-ce qui avait bien pu mener à ça ?

    « Que s’est-il passé ? Vous vous êtes mis au jeu ? Ou bien… à une autre dépendance ? » demanda Taehwa, partagé entre curiosité et méfiance. Après tout, ce genre d’endroit attirait souvent les joueurs et les drogués.

    Chunghyun laissa échapper un rire bref et sec. Oui, Taehwa doutait lui aussi que ce soit le cas.

    « Je suppose que cela aurait presque été mieux si c’était ça. »

    « Donc non. Alors quoi ? »

    Cette fois, Chunghyun resta muet.

    Merde.

    Taehwa claqua la langue, irrité, jurant intérieurement. S’il ne voulait pas parler, pourquoi lancer l’appât pour ensuite le retirer ?

    Cette explication bancale ne fit qu’attiser sa curiosité. Néanmoins, il n’insista pas. Il finirait bien par découvrir la vérité. Même si cela devait lui coûter un peu d’argent, fouiller dans la vie de quelqu’un n’était pas bien difficile.

    Comme s’il avait perçu cette intention, Chunghyun finit par ajouter d’une voix calme :

    « C’est… ma famille. J’espère que vous en resterez là. »

    Taehwa, déjà décidé à enquêter malgré tout, répondit d’un ton indifférent :

    « Ah, des affaires de famille. »

    Un soupir discret s’échappa des lèvres de Chunghyun.

    « Eh bien… j’imagine que vous n’êtes pas du genre à obéir simplement parce que je vous le demande. »

    Sa voix, à peine audible, n’échappa pourtant pas à Taehwa. Le front légèrement plissé, celui-ci pencha la tête et marmonna d’un ton maussade :

    « C’est étrange… Vous parlez comme si vous me connaissiez bien. Étions-nous vraiment si proches ? N’était-ce pas plutôt le contraire ? »

    Le visage de Chunghyun se vida de toute couleur, tandis que Taehwa, délibérément, exhumait un fragment de leur passé commun.

    Taehwa esquissa un sourire en coin.

    « Vous ne me traitiez pas comme un misérable vaurien, autrefois ? »

    C’était bien cela. Dix ans plus tôt, Taehwa n’était rien de plus qu’un rat insignifiant dans le monde de Chunghyun.

    En se remémorant la misère qu’il avait ressentie à l’époque, une pointe d’amertume vint souiller sa langue. Son sourire se déforma, se tordant en une expression venimeuse.

    « Quand j’y pense, vous étiez un jeune maître hautain et tout-puissant, à l’époque. Mais maintenant, vous n’êtes plus qu’un client désespéré parmi d’autres. C’est dingue comme la vie est faite, hein ? »

    Il laissa échapper un petit rire.

    « Enfin… drôle pour moi, du moins. Vous devez vous sentir misérable, n’est-ce pas ? »

    Le visage de Chunghyun se crispa à cette raillerie pleine de fiel. Les émotions qui bouillonnaient dans son regard sombre étaient d’une complexité telle qu’aucun mot ne pouvait vraiment les décrire.

    Mais tout ce que Taehwa vit, ce fut le dégoût. Ce dégoût pur et net que Chunghyun semblait éprouver à son égard — comme s’il n’était qu’un vulgaire vaurien.

    « Tout semble réglé. Puis-je partir maintenant ? » demanda Chunghyun, d’une voix calme et polie. Son ton, indifférent et sans la moindre trace de colère, contrastait violemment avec le venin de Taehwa.

    Ce dernier claqua la langue, envahi d’un sentiment enfantin de défaite. Mais il se souvint aussitôt : Chunghyun avait toujours été ainsi.

    Oui. Toujours le même qu’il y a dix ans — celui qui se contentait d’ignorer ce qu’il n’aimait pas ou jugeait déraisonnable. Les circonstances avaient changé, mais sa personnalité, elle, semblait intacte.

    Il n’y a pas de raison de le retenir plus longtemps, pensa Taehwa en hochant imperceptiblement la tête. Il indiqua la porte d’un léger mouvement du menton.

    Chunghyun se leva, esquissa un signe de tête nonchalant comme pour dire au revoir, puis quitta la pièce. Après l’avoir suivi du regard un instant, Taehwa finit par l’interpeller :

    « Hé, Monsieur le client. »

    Chunghyun s’arrêta et se retourna. Leurs regards se croisèrent. Taehwa pencha la tête, sa langue acérée prête à frapper.

    « La prochaine fois, surveillez vos foutues manières et évitez de me parler sur ce ton familier. »

    Chunghyun sursauta, comme si Taehwa venait d’appuyer sur une plaie encore vive.

    Certes, dix longues années s’étaient écoulées depuis leur dernière rencontre, mais ce n’était pas comme s’ils se découvraient. Chunghyun avait deux ans de plus que lui, et parler en aîné* n’avait donc rien d’étrange. Ce n’était pas une question d’étiquette.

    Non, Taehwa voulait simplement le provoquer.

    Chunghyun aurait eu toutes les raisons de répliquer. Pourtant, il se contenta de se frotter le front, l’air impuissant.

    Affichant une attitude encore plus humble que lorsqu’il avait demandé de l’argent, il s’inclina profondément. Sa voix, d’une sincérité désarmante, résonna doucement :

    « Je suis désolé… Non. Je vous présente mes excuses. J’ai eu tort. Je ferai plus attention à l’avenir. »

    Et Taehwa…

    Taehwa resta sans voix.

    Une gêne étrange le saisit. Il ne s’était pas attendu à recevoir des excuses aussi sincères en réponse à ses piques mesquines.

    « Je vous reverrai, alors. »

    Chunghyun s’inclina une dernière fois, raide mais poli, puis quitta la pièce.

    Taehwa, qui quelques minutes plus tôt l’avait réprimandé sur sa politesse, serra les dents, agacé que Chunghyun ait réellement pris ses paroles au sérieux.

    Click.

    Dès que la porte se referma, dissimulant Chunghyun à sa vue, Taehwa remit sa cigarette entre ses lèvres et actionna de nouveau la molette du briquet.

    Tic, tic.

    L’intervalle entre les claquements métalliques se fit de plus en plus court, épousant le tempo de son propre battement de cœur.

    Ses nerfs, tendus à l’extrême, vibraient derrière la porte close. Il percevait par moments les bribes étouffées d’une conversation, puis des pas légers résonnèrent. Ce ne fut qu’au moment où la lourde porte métallique du bureau se referma dans un bruit sourd — signe du départ définitif de Chunghyun — que Taehwa laissa enfin échapper un long soupir et renversa la tête en arrière.

    Son cœur, affolé, ralentit peu à peu. Pour la première fois depuis longtemps, il ressentit une envie violente de fumer. Il voulait allumer une cigarette, inspirer profondément, quitte à réduire à néant six mois d’efforts pour arrêter.

    La porte s’ouvrit de nouveau. Quelqu’un entra : c’était Gichul, le collecteur chargé de recouvrer les dettes.

    « Je suis de retour, Hyungnim*. Vous avez vu le client qui vient de sortir ? Son visage, ah, putain… On ne croise pas souvent un visage pareil dans le coin. »

    Gichul s’agitait, manifestement encore troublé par la beauté de Chunghyun.

    Sans répondre, Taehwa renversa la tête et fixa le plafond. Sa pomme d’Adam proéminente montait et descendait lentement, au rythme de sa respiration.

    « Hyungnim ? »

    D’ordinaire, il lui aurait déjà aboyé dessus, lui ordonnant d’arrêter de jacasser et de passer au rapport. Mais, chose étrange, Taehwa demeurait silencieux. Intrigué, Gichul plissa les yeux, observant attentivement son supérieur. Puis…

    « … Putain de beauté. Merde, même après tout ce temps… »

    « … ! »

    Les yeux de Gichul s’écarquillèrent. Il crut avoir mal entendu.

    Taehwa avait dit beauté. Non, pire — putain de beauté.

    C’était bien la dernière chose qu’il s’attendait à entendre de la bouche de Taehwa, cet homme qui levait toujours les yeux au ciel quand une célébrité un peu trop sexy apparaissait à la télévision.

    Il parlait forcément de l’homme qui venait de partir. Mais… qualifier un homme de putain de beauté ?

    Incrédule, Gichul se cura les oreilles, vérifiant qu’elles n’étaient pas obstruées par de la cire.

    Pendant ce temps, Taehwa demeurait immobile, perdu dans ses pensées. Il poussa un long soupir et ferma les yeux.
    L’image de Chunghyun s’imposa à son esprit — ce visage, aussi diaboliquement beau qu’il l’avait été dix ans plus tôt.

    Dans le silence, Taehwa retraça chaque trait de son visage.

    Ses yeux humides, capables de l’engloutir dans le désespoir d’un simple battement de cœur.

    Ses lèvres pleines, d’un rouge sombre et vibrant.

    Son parfum frais, vif, presque mordant.

    Tout. Absolument tout de lui.


    ・.ʚ Voilà la fin de la deuxième partie du chapitre 01 ɞ .・

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