LV • Chapitre 03
by Ruyi ♡« Qui a dit que tu n’étais pas intelligent ? Quoi qu’il en soit… Là n’est pas le problème… D’accord ? »
Il frotta et tapota plusieurs fois le dos secoué de sanglots de son ami. Sa chemise de sport était trempée de larmes, mais Gangwon n’y prêta pas attention et serra Woo Yoonjae un peu plus fort contre lui. Son corps hoquetait de manière irrégulière.
« Ne sors pas avec elle, d’accord ? Tu dois étudier. Tu sortiras avec quelqu’un à l’université… Hic… Hng… Qu’est-ce que t’as à vouloir sortir avec quelqu’un maintenant… Reprends-toi… Merde… T’es un gigolo ou quoi… ? »
« Quoi ? Gigolo ? Tu… Argh, arrête de pleurer. »
« Sniff… Sniff… Ne sors pas avec elle… Étudie juste… Tes notes ont baissé tout dernièrement… »
« Mais alors pourquoi tu m’as fait des avance… ? Non, laisse tomber. D’accord, j’ai compris, alors arrête de pleurer, d’accord ? Essaye juste de te calmer un peu. »
Il prononça ces mots sans vraiment les penser, c’était que des promesses qu’il savait déjà ne pas pouvoir tenir — simplement pour apaiser ces larmes, afin de gagner un peu de répit. Il se dit qu’il trouverait bien une excuse le moment venu, même si l’autre lui en voudrait plus tard.
Quelle plaie…
Comment se débarrasser de ce garçon si encombrant, si collant et si fatigant ? Perdu dans ses pensées, Gangwon ne desserra pourtant pas son étreinte. Dans ses bras, Yoonjae tremblait de tout son corps — exactement comme Dolly*, le vieux chien Sapsali* que sa mère chérissait depuis dix ans.
(N/T : Le nom coréen « 똘이 » pourrait être romanisé en « Ttori », mais il s’agit d’un surnom affectueux courant pour les chiens, proche de « Dolly ». À noter : en coréen, la lettre « ㄹ » peut se prononcer soit « r », soit « l » selon sa position dans le mot, ce qui explique les variations de romanisation pour certains noms.)
(N/T : 삽살개 (sapsalgae) désigne une race de chien coréenne appelée « sapsali » ou « chien sapsal » en français. Cette race, connue pour son épaisse fourrure et sa loyauté, occupe une place particulière dans la culture coréenne : on dit traditionnellement qu’elle chasse les mauvais esprits et protège la famille.
En se penchant légèrement, Gangwon sentit ses boucles effleurer son nez — douces et légères comme un pelage. Elles dégageaient une chaleur réconfortante, semblable à celle du soleil en plein midi.
Il a dû utiliser celui qu’on avait acheté l’autre jour. Ça sent bon.
Ses cheveux et son corps mince dégageaient la même senteur que le gel douche bon marché qu’ils avaient acheté sur le chemin de l’arcade, quelques jours plus tôt. Un parfum de citron si fort qu’il lui picotait presque le nez. C’était étrange : ils utilisaient le même produit, mais sur lui, l’odeur paraissait totalement différente.
Sans même s’en rendre compte, Gangwon enfouit son visage contre l’épaule de Yoonjae. Le même parfum que le sien l’enveloppa — et soudain, il sentit qu’il pouvait enfin respirer à nouveau.
« Vraiment ? »
« Oui. »
« Vraiment, vraiment ? Tu le promets ? »
« Oui, oui. »
Yoonjae le lui demanda plusieurs fois d’une voix tremblante. Son visage, d’une pâleur extrême, trahissait son désarroi. En le voyant ainsi, Gangwon ne put s’empêcher de le trouver pathétique… mais il répondit encore, et encore, inlassablement.
Ouais,
Ouais.
Même s’ils étaient désormais au lycée, son ami lui paraissait toujours un peu idiot — un gamin qui n’avait pas vraiment grandi. Il avait beau être brillant à l’école, il ne comprenait rien aux réalités de la vie. Gangwon, lui, savait que tomber amoureux d’un garçon, c’était s’aventurer sur un chemin semé d’embûches… Alors pourquoi ce crétin ne s’en rendait-il pas compte ?
Et si, à la place, il avait avoué ses sentiments à un autre garçon ? Rien qu’à y penser, Gangwon sentit une gêne lui serrer la poitrine et chassa l’image avant qu’elle ne s’impose.
Il le trouvait bête — incapable de réfléchir avant d’agir, toujours dominé par ses émotions —, mais sa main, elle, continuait malgré tout de le tapoter avec douceur.
« Arrête de pleurer. »
« Tu… tu vas rompre avec elle, hein ? »
« Oui. »
« Tu vas vraiment, sniff… rompre ? Et puis, sniff… quand tu seras à la fac, tu sortiras avec une fille, hein ? »
« J’ai dit que j’avais compris. »
« Snif… B-bonne décision… sniff… sortir avec une fille… avec un état d’esprit pareil… sniff… c’est un truc qu’un déchet ferait… sniff… »
« Un déch— hum… d’accord, j’ai compris. »
Ce n’est qu’après lui avoir arraché des dizaines de promesses que Yoonjae finit par se calmer, il vint frotter son front contre le torse de Gangwon, comme un petit animal qui, après avoir dressé ses piquants, s’était enfin détendu.
Gangwon se dit qu’il devait absolument se débarrasser de cette émotion encombrante qui s’accrochait à lui, mais ses bras, eux, ne se desserraient toujours pas.
Le même parfum…
Le corps dans ses bras était raide, mais son contact restait supportable. À chaque frôlement, le parfum de citron se diffusait — ni désagréable, ni trop fort.
C’est ainsi que la tempête passa.
Comme on pouvait s’y attendre, contrairement à sa promesse, Gangwon ne rompit pas avec sa petite amie. Et il n’en voyait pas vraiment la raison.
Conscient que ni les larmes, ni les crises, ni aucune supplique n’auraient le moindre effet sur la relation de son ami, Yoonjae choisit tout simplement de disparaître.
Pour Gangwon, ce fut une première — et il ne sut pas comment réagir. À l’école, Yoonjae l’évitait sans cesse, fuyant au moindre regard ; quant à ses messages, ils restaient tous lus sans réponse.
Un jour passa. Puis deux. Le silence s’étira, impuissant, comme une corde trop tendue. Et en moins de deux semaines, la patience de Gangwon finit par s’effriter.
« Tu es cruel. »
C’était la première fois qu’il entendait sa voix depuis près de deux semaines. On lui avait dit qu’il ne mangeait plus rien depuis des jours ; alors, Gangwon l’avait finalement traîné de force jusqu’au petit restaurant chinois du coin.
Il avait vraiment dû sauter plusieurs repas : son visage, déjà fin, semblait prêt à s’effacer. Ses yeux gonflés et rougis lui donnaient des airs de grenouille, et sous la chaleur étouffante, ses boucles humides retombaient en désordre sur son front.
« Quoi ? »
Comme il avait l’air d’avoir chaud, Gangwon prit une lingette humide et lui essuya doucement le front. Yoonjae tressaillit, mais ne recula pas. À la place, il leva vers lui un regard sombre et trouble, insondable tel que les abysses, avant de murmurer d’une voix à peine audible :
« Tu es trop cruel. »
Un léger voile d’eau se forma sur ses prunelles noires. Les émotions, prêtes à déborder, vacillaient dangereusement ; il suffisait qu’on effleure sa joue pour qu’elles se répandent d’un coup. Sous l’éclairage bon marché du petit resto, ses longs cils fins tremblaient imperceptiblement. C’était un peu mièvre à dire entre deux garçons, mais… il était vraiment beau.
« Arrête de dire des bêtises et mange ton Jjamppong*. »
(N/T : 짬뽕 (jjamppong) désigne un plat populaire coréen de nouilles épicées au bouillon rouge, souvent garni de fruits de mer et de légumes : c’est le genre de plat qu’on partage entre amis, riche en goût et en réconfort.)
Gangwon ne chercha pas à le contredire. Après tout, un repas pour quelqu’un qui n’avait rien avalé depuis des jours valait bien mieux qu’une consolation bancale pour une peine de cœur aussi absurde.
Il ne comprenait pas ce que ces histoires de « je t’aime » ou « je t’aime pas » pouvaient bien vouloir dire pour eux — deux simples lycéens. Et puis, ils étaient tous les deux des garçons. Qu’est-ce qu’il peut bien avoir dans la tête, ce crétin ?
« Mâche bien, d’accord ? Tu sais que tu fais vite des indigestions. »
« … »
« Bois un peu d’eau aussi. »
Un long silence suivit. Puis, le cliquetis des baguettes et des cuillères vint peu à peu combler le silence entre eux.
« Mange vite. J’ai aussi commandé du porc aigre-doux. Tu aimes ça, non ? »
Gangwon aurait pu réciter les plats préférés du difficile Woo Yoonjae les yeux fermés. Sa mauvaise habitude de boire de l’eau en mangeant, son goût pour les champignons mais pas pour les aubergines, son obsession d’avoir des Jjolmyeon* avec ses gimbap*, ou encore le fait qu’il n’aimait pas tant le jajangmyeon*, mais appréciait toujours d’en piquer une bouchée quand il prenait du jjamppong.
(N/T : 쫄면 (jjolmyeon) : Jjolmyeon est soit un type de nouilles coréennes avec une texture très moelleuse à base de farine de blé et d’amidon, soit un plat froid et épicé bibim-jjolmyeon à base de nouilles et de légumes. Jjolmyeon peut ajouter de nombreux légumes tels que le chou et les germes de soja.)
(N/T : 김밥 (gimbap) : rouleaux de riz entourés d’algues et garnis de légumes ou de viande, proches du maki japonais.)
(N/T : 짜장면 (jajangmyeon) : nouilles nappées d’une sauce noire à base de soja fermenté, souvent associées à la cuisine chinoise coréenne.)
C’est pour ça qu’il commandait toujours du jajangmyeon pour lui.
Chaque fois qu’un serveur apportait un plat, Gangwon s’empressait de réarranger la table.
« Ne sois pas gentil avec moi… »
« Je fais ça avec tout le monde. Ne donne pas de sens inutile à ça. »
« Tu ne fais pas ça avec Seonho… »
« Et pourquoi je ferais ça pour ce type ? »
« C’est bien pour ça que je te dis de ne pas être gentil avec moi. À force, cela me donne de l’espoir, et je me fais des idées… »
« Alors n’espère pas, et contente-toi de manger. À ce niveau-là, tes illusions relèvent carrément de la maladie mentale. »
« … »
« Dépêche-toi de manger. Si tu ne finis pas tout ça aujourd’hui, tu ne sortiras pas d’ici. Tu t’es vu ? Il ne reste plus que la peau sur tes os. »
« Hng… hic-hn… »
Voyant Gangwon disposer soigneusement les plats devant lui, Woo Yoonjae éclata de nouveau en sanglots. Dans une telle situation, tout ce que Gangwon put faire fut de lui tendre un verre d’eau, de peur qu’il ne s’étouffe.
Woo Yoonjae, qui avalait tant bien que mal son jjamppong trempé de larmes, finit par avoir une violente indigestion cette nuit-là. Il allait presque de soi que celui qui l’accompagna de l’ambulance des urgences jusqu’à la chambre d’hôpital fut Gangwon.
Après tout ce remue-ménage, celui qui sortit de l’hôpital quelques jours plus tard était redevenu, comme par miracle, le même ami un peu simple et farfelu qu’avant — un camarade à la fois agaçant et familier.
Par la suite, Gangwon continua de sortir avec sa première petite amie jusqu’à la période des examens d’entrée à l’université. Ce n’avait duré que quelques mois, mais leurs rendez-vous étaient légers, ponctués de gestes maladroits et d’une tendresse discrète. Ils faisaient de leur mieux pour célébrer leurs anniversaires, même si cela demandait un peu d’effort. Et, bien sûr, comme ils étaient encore lycéens, leur relation se limita à quelques mains tenues — une idylle sage et sans débordement.
Avec du recul, ça avait été une première histoire plutôt correcte : sans drame, sans attachement excessif. Et, bien entendu, rien n’avait changé entre lui et Woo Yoonjae pendant tout ce temps. Une amitié parfaite dans sa gêne même — un lien un peu pesant, mais sans faille.
C’était exactement le genre de relation que Gangwon souhaitait.
Tout le monde croyait que c’était un garçon calme, studieux, un véritable agneau docile. Mais ils se trompaient lourdement. En réalité, les grosses bêtises, celles qui n’avaient rien à voir avec les espiègleries habituelles de Gangwon, venaient toujours de Woo Yoonjae.
L’incident eut lieu l’année précédant les examens d’entrée à l’université.
« Je vais aller à la même université que Gangwon. »
« Mais qu’est-ce qu’il a, ce gosse, à la fin ! »
« Oui, Yoonjae… Gangwon est intelligent, bien sûr, mais il n’est pas tout à fait à ton niveau. Réfléchis encore un peu, d’accord ? »
Quand ce garçon — capable d’intégrer n’importe quelle université du pays s’il l’avait voulu — annonça soudain qu’il irait dans la même que Gangwon, les deux familles furent sens dessus dessous. C’était l’apogée de sa folie.
Gangwon avait de bons résultats et visait une université réputée pour son département de génie mécanique ; Woo Yoonjae, lui, appartenait à une toute autre catégorie — un élève d’élite au niveau national. Aussi absurde qu’était son choix volontairement « à la baisse », ni les reproches ni les raisonnements n’y firent rien. C’était pire que la fois où il avait fait une crise pour qu’il rompe avec sa petite amie.
« Non, je refuse. Si vous m’empêchez d’aller dans la même université, j’irai étudier aux États-Unis, je fumerai de la marijuana, je deviendrai accro, et je mourrai en braquant une supérette. »
« Il est complètement fou, ce gosse ! Espèce de petit con ! »
Face à cette menace ridicule, même la mère de Woo Yoonjae, d’ordinaire si distinguée, laissa échapper un juron. Ce fut la panique générale.
Après d’interminables discussions, un compromis finit par émerger : Yoonjae accepterait d’envisager une université nationale de tout premier rang — à condition que Gangwon y aille avec lui.
Autant dire que, pour ce dernier, qui n’avait pas le niveau requis, c’était à en devenir fou.
« Gangwon, Gangwon. Essaie de raisonner notre Yoonjae, s’il te plaît, hein ? »
« Oui, il n’écoute que toi. Profites-en pour viser un peu plus haut cette fois. »
« Mais enfin, c’est absurde. Comment voulez-vous que j’entre dans cette université ? »
« Allez, s’il te plaît. Je prendrai en charge tous les frais et ceux des cours particuliers, d’accord ? »
« Si les cours particuliers suffisaient à y faire entrer tout le monde, tout le monde y serait déjà ! »
« Et moi, je suis censé faire quoi quand il menace de partir à l’étranger pour finir drogué ? Ne peux-tu pas voir ça comme… sauver quelqu’un ? Gangwon… Essaie au moins. Si les résultats sont mauvais, on le laissera s’inscrire dans un établissement d’un rang inférieur, promis. D’accord ? »
« Ah, putain… c’est pas vrai ! Woo Yoonjae ! »
Ce chCe chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

0 Commentaire