Vous n'avez pas d'alertes.
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    « Gros incident lors d’un événement de la joaillerie V&A. »

    L’employé, qui venait de lire le gros titre, posa le journal à côté de la caisse. Impossible de passer à côté : c’était partout. À la télé, sur Internet, dans toutes les conversations. Tout le monde en parlait.

    Un client s’approcha du comptoir et y déposa ses achats : un paquet de chewing-gum, une bouteille d’eau et un magazine masculin. L’employé les balaya du regard avant de lancer la conversation :

    « Chase Miller fait un carton, hein. »

    « Ouais. » répondit l’homme brièvement, d’un ton détaché. Comme s’il n’attendait que ça, l’employé poursuivit, tout en scannant les articles :

    « Franchement, ce genre de personne ne devrait même pas être invitée à ce type d’événement. Chase Miller n’a toujours pas réagi, en plus. C’est quand même à cause de lui, non ? On dirait qu’il prend plaisir à voir les gens s’agiter pour lui. »

    « Ah… Je ne suis pas trop les célébrités. » mentait-il avec aisance. Ce n’était pas tout à fait faux, il ne s’y connaissait pas vraiment en célébrités. En réalité, il voulait juste régler ses achats et rentrer chez lui.

    Au même moment, un autre client se glissa derrière lui et fixa l’employé. Celui-ci leva les yeux. L’homme était plus grand qu’il ne l’aurait cru. Sa chemise masquait son torse, mais on devinait sans peine la carrure imposante qu’elle dissimulait. Surpris, l’employé cligna des yeux, emballa rapidement les articles, et se contenta d’un signe de tête quand le client s’en alla.

    Ses yeux suivirent le dos de l’homme qui s’éloignait, tandis qu’un autre client s’approchait du comptoir.

    « C’est quoi ce temps que vous avez mis à le servir ? »

    « Vous avez vu le visage de ce type ? »

    Le client lui lança un regard perplexe, mais l’employé, les yeux toujours rivés sur l’endroit où l’homme avait disparu, murmura :

    « Ce mec-là… Doit forcément être un Alpha, non ? »

    Le client fronça les sourcils.

    « Pourtant, il ne dégageait aucune phéromone. »

    « Mais il est tellement canon ! Avec un tel physique c’est sûr que c’est un Alpha. »

    « Vraiment ? De dos, il était impressionnant, c’est sûr…  »

    Intrigué malgré lui, le client jeta un coup d’œil dans la même direction, mais l’homme avait déjà disparu.

    L’employé semblait complètement fasciné par l’inconnu — mais il ignorait totalement qui il était et où il était passé. L’employé, enfin revenu à lui, scanna le dernier article en soupirant.

    J’espère qu’il reviendra.


    Plus jamais je ne mettrai les pieds dans ce magasin.

    Josh, hors de lui, traversait la rue en courant, zigzaguant entre les voitures. Des klaxons retentirent, des conducteurs lui lancèrent des insultes, mais il les ignora et accéléra encore. Il avait déjà trente minutes de retard.

    Il avait déjà trente minutes de retard. Pourquoi est-ce que ça a pris autant de temps ? Dix minutes auraient suffi, mais il avait fallu que ce type se mette à bavarder pour ne rien dire… Et, par-dessus le marché, le sujet qu’il avait choisi était précisément celui que Josh ne voulait surtout pas entendre.

    Depuis plusieurs jours, il entendait que parler de Chase Miller au point d’en attraper la migraine. Impossible d’y échapper : chaque fois que des gens se réunissaient, le nom revenait. En achetant une boisson au distributeur, le visage de Chase apparaissait sur la canette. En allumant la télévision, il tombait sur un reportage à son sujet. En conduisant, il croisait d’immenses panneaux publicitaires pour son parfum.

    Il était littéralement impossible de vivre dans ce pays sans entendre parler de Chase Miller.

    Josh était à bout. Il ravala de justesse les jurons qui lui montaient aux lèvres — il se souvenait encore du jour où Pete avait répété innocemment un mot grossier qu’il avait entendu par hasard ; l’horreur qu’il avait ressentie l’avait vacciné. Depuis, il faisait extrêmement attention à ne jamais jurer, même par mégarde. Mais aujourd’hui était l’un de ces jours où se retenir relevait presque de l’impossible.

    C’est en pensant à Pete, et uniquement à lui, qu’il réussit à garder son calme. Lorsqu’il arriva enfin chez lui, il fut à deux doigts de pousser un cri de soulagement.

    « Pete ! »

    Il monta les escaliers trois par trois jusqu’à son étage, ouvrit la porte à la volée et appela son fils. Dans le salon, Pete, qui jouait avec le baby-sitter, tourna la tête et s’écria aussitôt :

    « Papa ! »

    « Pete ! »

    Josh l’attrapa aussitôt dans ses bras et couvrit son visage de baisers. Le bonheur le submergea au point de lui couper le souffle. Toute la fatigue de la journée s’envola en un instant. Après cinq longues heures, il retrouvait enfin son fils adoré.

    Ce n’est qu’après ces retrouvailles pleines d’émotion qu’il s’adressa au baby-sitter, Pete toujours blotti contre lui.

    « Merci d’avoir veillé sur lui aujourd’hui. »

    « Avec plaisir. Pete est adorable, c’est un vrai rayon de soleil. »

    Le baby-sitter était un étudiant, un jeune homme simple qui gardait Pete à temps partiel. Josh, qui le dépassait d’une tête, lui sourit.

    « Je te sollicite beaucoup ces temps-ci. Tu as bientôt des examens, non ? Dis-moi à l’avance si tu ne peux pas venir un jour. »

    « Bien sûr, Josh. Je ferai en sorte de venir autant que possible. À bientôt, Pete. »

    Après une brève poignée de main avec l’enfant et avoir reçu son salaire, le baby-sitter repartit, laissant Josh seul avec son fils.

    Comme toujours, Pete grimpa sur ses épaules et s’y installa avec plaisir. Josh entama les préparatifs du dîner.

    « Ouah, ah, baaah ! »

    Pete remuait les fesses en produisant des sons étranges. Sans doute le générique de son dessin animé préféré…

    Josh déposa un baiser sur la jambe potelée de son fils en se déplaçant dans la cuisine étroite. Il fit griller un steak, prépara une salade de pommes de terre, et ajouta des haricots pour compléter le repas.

    « J’aime pas les haricots ! »

    Installé sur sa chaise d’enfant, Pete protesta dès qu’il aperçut les légumes verts. Josh, tout en découpant la viande en petits morceaux, tenta de le convaincre :

    « Les haricots sont les amis des pommes de terre. Ils sont contents d’aller ensemble dans le ventre de Pete. Je les ai convaincus de venir, tu sais. Et Jason serait triste si tu les rejetais, hein ? »

    Jason était le petit chien en peluche préférée de Pete. D’ordinaire, l’argument faisait mouche, mais pas ce soir.

    « J’aime pas les haricots ! »

    En voyant son fils faire la moue et recracher un haricot, Josh eut un flash : l’image d’un homme adulte au visage froid lui traversa l’esprit. Mais aucun homme n’était aussi mignon que Pete.

    Le visage boudeur de son fils devant les haricots était si attendrissant qu’il ne pouvait qu’abdiquer. Josh embrassa le petit pied potelé, mit les haricots dans un mixeur, les réduisit en purée jusqu’à ce qu’ils disparaissent, et brandit triomphalement l’assiette vide.

    « L’ennemi a été éliminé ! »

    « Oui ! Oui ! »

    Pete, ravi, se trémoussait sur sa chaise. Josh lui donna à manger, tout en essuyant régulièrement avec son mouchoir ce qui s’était accumulé autour de sa bouche. En voyant cette petite main brandir la fourchette avec tant d’application, Josh sentit son cœur exploser d’amour.

    Plus tard, il le porta dans le salon et marcha lentement jusqu’à ce que Pete s’endorme.

    Après l’avoir couché, Josh rangea sommairement, prit une douche, puis sortit une canette de bière.

    « Pfiou…  »

    Un soupir satisfait lui échappa. Sa vie n’était pas luxueuse, mais il n’avait aucune raison de s’en plaindre. Parfois, il s’imaginait que Pete, une fois plus grand, quitterait la maison pour l’université, et les larmes lui montèrent aux yeux… Mais ce jour-là était encore bien loin. Il termina sa bière et alla se coucher.


    Quand la sonnerie de son téléphone retentit, Josh dormait encore d’un sommeil profond et sans rêve.

    « Oui, allô… Emma ? »

    Encore à moitié endormi, il fut immédiatement réveillé par les sanglots étouffés de sa sœur. Pris de court, il jeta un coup d’œil à l’horloge sur la table de chevet et calcula rapidement le décalage horaire : il devait être environ huit heures du matin sur la côte Ouest.

    « Oh, Josh… Qu’est-ce que je vais faire ? »

    « Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? » s’empressa-t-il de demander, la voix tendue. Entre deux hoquets, Emma réussit à répondre :

    « Maman… Elle s’est effondrée… On est à l’hôpital…  »

    « Quoi ?… Emma, arrête de pleurer, parle doucement. Explique-moi ce qui s’est passé. »

    Sans s’en rendre compte, la voix de Josh s’était durcie. À l’autre bout du fil, il n’entendait plus que les pleurs de sa sœur. Il secoua la tête pour chasser le brouillard du sommeil et reprit, plus insistant :

    « Arrête de pleurer et explique-moi. Vous êtes aux urgences ? »

    « Oui…  »

    Et Emma se remit à sangloter. Josh serra les dents. Sa sœur avait toujours eu un tempérament solide ; la voir ainsi bouleversée était rare. Mais, coincé à l’autre bout du pays, il n’avait d’autre choix que d’attendre qu’elle retrouve son calme, frustré de ne pas pouvoir se précipiter auprès d’elle pour la rassurer.

    Enfin, après de longues secondes pénibles, Emma reprit son souffle et expliqua par bribes : leur mère qui souffrait déjà d’une maladie chronique, avait vu son état s’aggraver, au point d’être transportée en urgence à l’hôpital. Les rechutes s’étaient multipliées, et leurs économies étaient désormais presque épuisées.

    Quand elle eut fini, Josh demanda, la voix un peu plus posée :

    « Tu as vérifié pour son assurance santé ? »

    « La dernière fois, ils m’ont dit qu’il n’y avait plus rien à couvrir… Mais je vais quand même passer voir, au cas où. J’ai pris un congé au travail. Et… Je vais aller à la banque pour demander un prêt, même si… Je sais pas si ça passera…  »

    Sa phrase se brisa, remplacée par une respiration rapide et irrégulière.

    « Josh… Je croyais qu’elle allait mourir… Ses mains étaient froides … Elle ne répondait plus quand je l’appelais… Et… Et… J’arrivais plus à respirer…  »

    « Emma. Emma. »

    Il l’interrompit doucement mais fermement, avant qu’elle ne s’effondre complètement.

    « D’accord, calme-toi. Est-ce que maman va mieux maintenant ? »

    « Oui… La crise est passée. »

    Sa voix tremblait encore, mais elle s’efforçait de rester lucide. Elle avait du caractère. Rien qu’en imaginant combien elle devait être terrifiée, Josh avait envie de sauter dans le premier avion pour la rejoindre.

    « Qu’est-ce que le médecin a dit ? Est-ce qu’elle peut sortir ? »

    « Non, je crois qu’ils vont la garder quelques jours. Ils doivent encore lui faire des examens…  »

    Emma inspira profondément et demanda d’une voix un peu plus calme :

    « Qu’est-ce que je dois faire, Josh ? »

    « Ne t’inquiète pas,  » répondit-il d’une voix ferme. « Je vais trouver une solution. Tu as pu dormir un peu ? »

    « Non. »

    Sa réponse était faible et sa fatigue pesait lourd même à travers le combiné.

    « D’accord. Va te reposer. Je te rappellerai plus tard. »

    Emma souffla longuement :

    « … Oui, je vais essayer de dormir. Merci, Josh…  »

    « Ne t’en fais pas. Et fais attention sur la route. »

    Après ces derniers mots, il raccrocha. Le silence retomba brutalement. Dans l’obscurité, il se sentit à son tour submergé puis il repassa mentalement la conversation ; la conclusion s’imposa d’elle-même.

    J’ai besoin d’argent.

    « Ahh…  »

    Il se prit la tête entre les mains et poussa un long soupir. Mais ce n’était pas le moment de perdre pied. Il tenta d’estimer mentalement ses économies — et constata, avec un goût amer, qu’elles ne suffiraient pas.

    Alors qu’il commençait à calculer mentalement la somme nécessaire, un bruit étouffé lui parvint : des pleurs.

    « Papa… Papa…  »

    Il se leva aussitôt et entra dans la chambre de Pete. L’enfant, en larmes, tendait les bras vers lui, cherchant du réconfort. Il lui arrivait parfois de se réveiller ainsi, en pleurant, encore à moitié prisonnier de ses rêves. Comme toujours, Josh le prit dans ses bras.

    « Ça va, Pete… Ça va aller…  »

    Il marcha doucement dans la pièce, tout en le berçant contre lui. Peu à peu, les sanglots s’apaisèrent et furent remplacés par une respiration paisible. Josh déposa un baiser sur ses cheveux.

    La chaleur de Pete l’apaisait toujours. Il inspira profondément son parfum doux et sucré, et sentit ses propres angoisses s’envoler. Finalement, il alla s’installer sur le canapé, les jambes étendues, Pete endormi contre lui. Et c’est ainsi qu’il passa la nuit à veiller sur son fils jusqu’au matin.


    « Salut, Rose. »

    Josh frappa avant d’ouvrir la porte du bureau et la salua.

    Rose, assise à son bureau en train de se faire les ongles, sursauta avant de lui adresser un large sourire.

    « Salut, Josh. Tu es particulièrement beau, aujourd’hui. »

    Comme toujours, il lui répondit par un simple sourire. Il n’était pas d’humeur. Il avait laissé Pete endormi à la maison, et l’enfant pleurerait sûrement en se réveillant seul. C’était comme ça tous les jours, mais il ne pouvait s’empêcher de se sentir coupable, et cette culpabilité le rongeait.

    Il aurait aimé pouvoir rester auprès de son fils jusqu’à ce qu’il grandisse, mais la réalité ne le lui permettait pas. Et aujourd’hui, de plus, la personne qui gardait habituellement Pete avait pris sa journée.

    La culpabilité s’accentuait d’autant plus qu’il avait confié Pete à Mme Robert, sa voisine, avant même que l’enfant ne se réveille. Elle était veuve vivait de sa pension et s’occupait de Pete avec la même tendresse que pour ses petits-enfants qu’elle voyait rarement. Elle lui achetait parfois des jouets ou lui faisait des biscuits. Josh savait qu’il ne pouvait pas lui confier l’enfant trop longtemps. De ce fait, il devait se dépêcher de rentrer.

    Il jeta un coup d’œil vers le bureau de Mark. Rose, en remarquant son regard, releva la tête.

    « Le patron n’est pas encore là. Il arrive d’habitude plus tôt. Tu veux un café ? »

    Josh lui sourit, un peu déçu.

    « Oui, merci. »

    « Attends une minute. »

    Rose se leva avec entrain et se dirigea vers la cuisine. Seul, Josh alla s’installer sur le canapé. Il se sentait nerveux, sans trop savoir pourquoi. Son regard erra un instant avant de s’arrêter sur le journal posé sur la table basse. Une photo en première page attira son attention.

    En revenant de la cuisine, Rose remarqua ce qu’il regardait.

    « C’est le procureur en charge de l’affaire Davis. Il est plutôt canon, non ? »

    C’était une affaire de meurtre à New York. Le principal suspect, un Alpha riche et influent, jouissait d’une réputation douteuse. Les gens puissants se faisaient facilement des ennemis, et si la victime était un Oméga, l’opinion publique se rangeait vite d’un côté. Mais ce qui captivait le plus, c’était le procureur lui-même.

    Rose soupira d’admiration en posant une tasse devant Josh. Celui-ci la remercia brièvement et porta la boisson à ses lèvres et but une gorgée, les yeux toujours fixés sur la photo.

    « Tu penses qu’il est Alpha ou Oméga ? » demanda-t-elle.

    « Je ne sais pas trop…  »

    Les Alphas et les Omégas qui manifestaient leurs caractéristiques à l’adolescence étaient souvent d’une beauté frappante. Ce n’était pas une règle absolue, mais dans la plupart des cas, leur apparence suffisait à deviner leur nature, même sans phéromones.

    Le procureur en faisait partie. Il était si séduisant que même Josh avait été captivé un instant en voyant la photo, malgré sa mauvaise qualité. En vrai, il doit être encore plus impressionnant.

    Josh hésita à le qualifier de « beau » ou de « joli », tant il avait un visage à couper le souffle.

    « Il pourrait être un Bêta, non ? … Enfin, c’est possible, mais peu probable. »

    Rose semblait du même avis, mais sans conviction. Elle le regarda, puis détourna les yeux, mal à l’aise. Oui, il existait de rares Bêtas à la beauté exceptionnelle — et c’était grâce à ce genre d’exceptions que Josh parvenait à cacher sa vraie nature. Il lui adressa un sourire évasif. Rose le fixa, l’air intrigué, avant de s’asseoir rapidement à ses côtés.

    « Franchement, je suis surprise. Un gars aussi beau que toi… J’étais sûre que tu étais un Alpha. »

    Elle semblait presque déçue. Josh avait entendu ce genre de phrases toute sa vie — « Impossible que tu sois Bêta » — et ils avaient tous tort.

    Josh était un Oméga. Il portait même une marque derrière l’oreille.

    S’il avait exercé un autre métier, il n’aurait pas eu besoin de le cacher. Mais personne ne voulait d’un Oméga comme garde du corps. Il avait donc choisi de se faire passer pour un Bêta dès le départ.

    Il n’avait pas beaucoup de phéromones, et son apparence induisait facilement les autres en erreur. Lors de ses chaleur, ses phéromones devenaient plus perceptibles, mais il les contrôlait avec des médicaments. Depuis qu’il avait été marqué, ces épisodes étaient devenus plus rares.

    Il était convaincu de pouvoir passer inaperçu toute sa vie.

    Machinalement, il faillit porter la main à son oreille, mais se ravisa. Il devait cacher la marque. Il aurait pu faire semblant d’être un Alpha, mais cela aurait soulevé d’autres questions, du genre : « Pourquoi avoir prétendu être un Bêta jusque-là ? » Et tôt ou tard, la vérité serait sortie.

    Il n’avait qu’un seul choix : dissimuler sa vraie nature à tout prix. C’est pour ça que, même en dehors du travail, il portait parfois un casque ou d’autres accessoires pour couvrir ses oreilles.

    Je ne peux pas me permettre de perdre ce boulot.

    Un frisson lui parcourut l’échine. Il fit mine de boire son café pour se ressaisir.

    Rose le regardait avec compassion.

    « Pete a quel âge, déjà ? Ça ne doit pas être facile, de l’élever seul. »

    « Ce n’est pas facile, mais ça vaut le coup. »

    Au bureau, tout le monde croyait que la mère de Pete les avait abandonnés. Dans leur milieu, ce n’était pas rare, alors personne ne posait trop de questions. Jusqu’ici, c’était un mensonge qui suffisait.

    Mais depuis que Rose avait divorcé, il y a quelques mois, elle semblait s’intéresser davantage à lui.

    Ignorant le refus implicite de Josh, elle se pencha vers lui.

    « Mais un enfant a besoin d’une mère, non ? Il est encore si petit… Tu ne crois pas qu’une figure maternelle lui manque ? »

    Josh fronça légèrement les sourcils. Ce n’était pas ce à quoi il s’attendait.

    « Rose… Vous êtes un peu trop près. »

    Elle ne recula pas. Au contraire, elle ferma les yeux et approcha ses lèvres.

    Josh tendit la main pour l’arrêter. Ses lèvres effleurèrent sa paume, et elle rouvrit les yeux, surprise.

    « Rose, je n’en ai pas envie. »

    À ces mots doux mais fermes, elle se figea et plissa les yeux.

    « Non ? »

    « Le patron peut arriver d’une seconde à l’autre. »

    « Tu plaisantes ? »

    « Je crois que j’entends des pas. C’est peut-être lui. »

    « Tu te fiches de moi, là ? »

    À cet instant, la porte s’ouvrit brusquement.

    « Qu’est-ce que vous faites ici si tôt ? »

    « Oh ! »

    Au son de la voix sèche de Mark, Rose sursauta et se redressa vivement. Josh, imperturbable, le salua à son tour.

    « Bonjour, Mark. »

    « Tu m’attendais ? »

    Mark lança un regard à Rose, qui visiblement embarrassée, s’était s’éloignée en réajustant ses vêtements. Il se dirigea ensuite vers son bureau. Josh le suivit et referma la porte derrière eux.

    « Haa…  »

    Mark poussa un long soupir, s’assit et se mit à le fixer.

    « Tu peux me rendre un service ? Tu sais déjà que ma situation est un peu compliquée… Étant donné que je suis père célibataire. »

    Josh répéta les mensonges qu’il avait déjà servis à Rose.

    « Je te rembourserai dès que ma mère ira mieux. »

    « Ah bon ? » répondit Mark en sortant une cigarette.

    Josh avait arrêté de fumer à la naissance de Pete. Il recula légèrement pour éviter l’odeur et demanda :

    « Mark, est-ce que tu peux m’aider ? »

    « Combien ? »

    « … Dix mille dollars ? »

    Mark se mit soudain à tousser violemment. Josh pensa brièvement aux gestes de premiers secours. Une fois calmé, Mark reprit d’un ton méfiant :

    « Tu as joué ou parié ton argent ? »

    « Non. »

    Josh secoua la tête et répondit avec franchise :

    « Ma mère est malade. Il faut de l’argent pour ses frais d’hôpitaux. »

    « Je croyais qu’elle faisait juste de l’hypertension ? »

    « Oui… Mais elle a aussi perdu un rein. Enfin, il y a plusieurs choses. »

    Il parlait sans émotion, sans chercher à apitoyer, seulement à exposer les faits.

    « L’hôpital a déjà envoyé la facture. J’avais un peu économisé, mais ce n’est pas suffisant. »

    Mark resta silencieux et se contenta de tirer sur sa cigarette.

    Est-ce qu’une petite société de sécurité peut vraiment avancer une telle somme ? Pourquoi est-ce qu’il lui donnerait l’argent

    Après un moment, il soupira.

    « … Je vais y réfléchir. »

    Ce n’était pas un non, mais Josh comprit que la somme posait problème.

    « Tu comptes me rembourser comment ? » demanda-t-il.

    « Je ferai n’importe quel travail. »

    Mark le regarda avec lassitude.

    « Tu sais combien de temps il te faudrait pour rembourser dix mille dollars ? Il faut rester réaliste. »

    Josh lui adressa un sourire gêné et quitta le bureau. Derrière lui, Mark continuait de fumer, le visage grave.


    « Papa, ça sent la cigarette. »

    Dès qu’il aperçut Josh, l’enfant que Mme Robert avait gardé afficha un sourire éclatant… Avant de se boucher le nez en le taquinant d’un air faussement indigné. Pris de court, Josh s’épousseta précipitamment. Pete attendit qu’il ait fini, puis lui tendit les bras. Josh le souleva d’un geste et frotta ses lèvres contre sa joue ronde.

    « Bourrrr…  »

    « Hahaha ! »

    Le petit éclata de rire quand l’air vibrant chatouilla son ventre et il se tortilla dans ses bras, mort de rire. Dans sa main, il serrait une petite voiture que Josh n’avait jamais vue. Visiblement, Mme Robert venait de lui offrir un nouveau jouet. En croisant le regard de Josh, elle lui adressa un sourire attendri.

    « Je l’ai juste achetée en passant. J’ai pensé à Pete en la voyant. »

    Embarrassé à l’idée de refuser un tel geste, Josh se contenta de lui adresser un sourire rempli de gratitude et de la remercier. Il n’oublia pas d’encourager Pete à la remercier aussi.

    « Vous n’avez pas eu de souci ? Il ne vous a pas trop fatiguée ? »

    « Pete est toujours adorable. Vraiment, vous auriez pu rentrer plus tard. J’adore passer du temps avec lui. Il est le bienvenu à tout moment. »

    Son sourire était sincère. Mme Robert, qui vivait de sa modeste retraite, avait pensé à Pete et lui offert ce jouet. Josh se dit qu’il devait trouver un moyen de lui rendre ce geste.

    Au fait, elle avait dit que la lumière de la salle de bain ne marchait plus…

    Il jeta un regard derrière elle et il reprit d’un ton décontracté :

    « Il y a des choses à réparer ? J’ai un peu de temps libre aujourd’hui, je peux m’en charger. »

    Mme Robert ne parvint pas à dissimuler sa joie.

    « Vous feriez ça ? Eh bien… Il y a la lumière de la salle de bain qui ne s’allume plus. Et le lavabo se bouche souvent…  »

    « Parfait. Je vais chercher mes outils. »

    Pour ne pas que Pete pleure, Josh retourna chez lui avec le petit dans un bras et revient avec la boîte à outils dans l’autre main. À son retour, Mme Robert était déjà en train de préparer de la pâte à biscuits.

    Ouh là… Ça risque de ne plus s’arrêter maintenant.

    Songea-t-il intérieurement, sans pourtant trouver de bonne raison de refuser. Finalement, ce qui avait commencé par une simple changement d’ampoule dans la salle de bain se termina par la réparation d’une chaise dans le salon.

    Pendant ce temps, Pete, qui observait son père travailler avec curiosité, finit par s’endormir, l’ennui l’ayant doucement gagné.


    Lorsqu’il rentra chez lui avec son fils dans les bras, l’heure du dîner approchait déjà. Mme Robert lui proposa de rester dîner, mais Josh déclina poliment. Il trouvait qu’ils avaient trop profité de son hospitalité. Il repartit toutefois avec un grand sac de cookies encore tièdes, tout juste sortis du four.

    Pete venait à peine d’ouvrir les yeux. En apercevant les biscuits, il tendit la main vers l’un d’eux, mais Josh le lui retira aussitôt.

    « Non, tu dois d’abord dîner. »

    Pete suivit le biscuit du regard, l’air terriblement déçu. Josh eut un pincement au cœur. Quand le petit leva vers lui un visage tout triste, il ne lui fallut pas plus de trois secondes pour lâcher un soupir vaincu.

    « Ugh…  »

    Comment un enfant peut-il être aussi adorable et irrésistible… Même en étant le mien ?

    Le cœur serré, Josh finit par céder et lui tendit un biscuit. Pete l’attrapa en sautillant sur place, fou de joie. Josh essuya du pouce les filets de salive qui perlaient au coin de ses lèvres, puis se hâta de préparer leur repas.

    Quand est-ce que Mark va appeler ?

    Même alors qu’il nourrissait Pete, Josh avait l’esprit ailleurs. Il songeait au montant de l’acompte pour l’hôpital, à ce qu’il lui restait d’économies, et aux moyens possibles de réunir plus d’argent. Il était tellement absorbé qu’il ne remarqua pas que Pete avait laisser tomber sa cuillère à deux reprises, l’obligeant à lui en donner une propre chaque fois.

    La sonnette retentit alors qu’ils avaient presque terminé de manger.

    « Ah, désolé du retard. »

    À peine la porte ouverte que Mark entra directement dans l’appartement, sans dire un mot. Il était arrivé plus tôt que prévu. Aussitôt, une tension lui serra la poitrine, et il se mit à le suivre, anxieux.

    Assis sur sa chaise haute, Pete trempait un biscuit dans son verre de lait. En voyant Mark entrer sans prévenir, il écarquilla les yeux. Josh s’approcha rapidement et déposa un baiser sur sa tête pour qu’il ne prenne pas peur.

    « Pete, voici M. Mark. Il faut lui dire bonsoir. »

    « Bonsoir. »

    Ce n’est qu’à ce moment-là que Pete le salua d’une petite voix. Mark lui ébouriffa distraitement les cheveux, puis se tourna aussitôt vers Josh.

    « Il faut qu’on parle. »

    Sans attendre, il se dirigea vers le salon. Josh lui emboîta le pas.

    « Tu as déjà dîné ? »

    « Oui. Et toi ? Tu veux qu’on s’y mette maintenant ? »

    « Oui, c’est bon allons-y. »

    Il comptait dîner pendant que Pete mangeait ses biscuits, mais la visite de Mark, surtout à cette heure, ne laissait présager rien de bon. Et vu ce qui s’était passé plus tôt dans la journée, Josh ne pouvait s’empêcher d’être nerveux. Il garda pourtant contenance. Puis il se tourna vers Pete, qu’il encouragea à continuer de manger seul, puis rejoignit Mark dans le salon.

    « Haa…  »

    Même assis sur le canapé, Mark pris son temps avant de prendre parole. Josh s’installa à une certaine distance et attendit qu’il se lance. L’attente sembla interminable, mais il n’osa pas le presser. Par moments, il jetait un coup d’œil vers Pete, puis baissait les yeux vers ses pieds. Enfin, Mark prit la parole, comme s’il s’était résolu :

    « C’est à propos du travail. »

    Il poussa un nouveau soupir avant de continuer :

    « J’ai quelque chose. La paye est bonne, et les conditions… Franchement, elles sont excellentes. Tu recevras toute la somme d’un coup, avec même une avance possible. L’acompte suffira largement à couvrir ce dont tu m’as parlé, et tu recevras le reste à la fin. Franchement, il n’y a rien à redire. Mais… Le problème, c’est la personne qui a fait la demande. »

    Qui peut bien être assez problématique pour qu’il tourne autant autour du pot ?

    Josh le fixa avec patience, attendant un nom. Le silence s’étira, pesant, jusqu’à ce que Mark se décide enfin. Et quand il lâcha le nom, Josh comprit immédiatement pourquoi il hésitait autant.

    « C’est Chase C. Miller… Tu te souviens de lui, non ? »

    À l’instant où ce nom fut prononcé, Josh oublia littéralement de respirer.

    Chase C. Miller.

    Comment pourrait-il oublier ce nom ?

    Des yeux violets, froids, qui vous transperçaient. Une chevelure blonde d’une brillance éclatante, un visage superbe aux traits marqués, et un corps mince et élancé à l’élégance troublante. Depuis ses débuts, il était l’acteur le plus en vue d’Hollywood, alignant les succès et conservant sa place de numéro un dans les classements du « plus bel homme du monde » et du « plus sexy ».

    Un Alpha dominant qui avait laissé sur Josh une marque indélébile.

    Et l’homme qui l’avait mis enceint de Pete.


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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