Chapitre 03 – On prend un verre ensemble ?
by Ruyi ♡Shen Ningxin était très déprimée.
Zhao Jie, qui était chargée de la guider, n’avait rien de particulier à lui confier aujourd’hui. Après lui avoir simplement expliqué comment remplir les bons de production et les listes d’emballage, puis l’avait gentiment renvoyée à ses occupations. De son côté, elle s’était installée derrière l’ordinateur pour faire défiler son fil d’actualité sur les réseaux sociaux.
Shen Ningxin s’exerça pendant une bonne demi-heure. Une fois la tâche maîtrisée, elle leva les yeux… Et constata que Zhao Jie avait disparu sans laisser de trace.
Soupirant, elle se résigna à ouvrir les anciens bons de production archivés sur l’ordinateur, mais ses pensées s’échappèrent peu à peu.
Et revinrent inévitablement vers le visage de Qiu YiBai.
Dans la cantine bondée, lorsque Qiu YiBai s’était penchée vers elle… Le souffle chaud qui l’avait effleurée, son parfum subtil, sa voix douce – tout cela avait de quoi faire battre son cœur.
Mais ensuite, ces mots glacials : « On n’accepte pas de nourriture venant d’inconnues. »
Shen Ningxin en était restée figée. Ses baguettes étaient tombées d’un coup sur la table.
Comment ça, elle ne me connaît pas ? Elle m’a saluée dans le supermarché, non ? !
Agacée, elle attrapa une feuille A4 vierge, un stylo à la main, et se mit à griffonner, dressant une liste détaillée de leurs précédentes rencontres :
– Dans le bus : attitude douce, sourire
– Au bureau : indifférente, distante
– Devant le supermarché : sourire + échanges polis
– Dans la cantine : remarque sèche sur le badge + « Ne prenez rien des inconnus »
Elle examina ses notes comme une enquêtrice, le front plissé, espérant trouver un semblant de logique dans ce comportement incohérent.
Mais en vain.
Une fois elle me reconnaît, l’instant d’après, elle fait comme si on ne s’était jamais croisées…
Conclusion ?
Qiu YiBai, tu n’aurais pas une double personnalité, par hasard ? !
Shen Ningxin resta silencieuse un instant, puis attrapa son téléphone pour ouvrir le chat de groupe, curieuse de demander à Meng Yao et aux autres ce qu’elles en pensaient.
Elle n’avait tapé que la moitié de son message quand un appel inattendu coupa sa réflexion : on lui demandait de descendre chercher un colis.
« D’accord, j’y vais tout de suite », répondit-elle poliment avant de raccrocher et de se lever.
« C’est sans doute mon colis », dit alors Zhao Jie, qui était réapparue on ne sait comment à son poste. « Je peux y aller. »
« Ce n’est rien, je m’en occupe », répondit Shen Ningxin avec un sourire tranquille. « Continuez ce que vous faisiez, je reviens vite. »
À peine avait-elle fini sa phrase qu’elle était déjà à la porte, vive et efficace dans ses gestes.
Zhao Jie suivit son départ du regard pendant quelques secondes, avant de reposer sa carte d’accès sur la table. Elle n’avait jamais eu l’intention de se lever.
Et Shen Ningxin le savait parfaitement.
Elle n’était là que depuis quelques jours, mais elle avait déjà cerné la plupart de ses collègues. Elle savait exactement quel ton adopter selon la personne à qui elle s’adressait.
Zhao Jie travaillait ici depuis longtemps, quasiment depuis la création de l’entreprise. . Elle avait commencé au département du commerce intérieur avant d’être transférée ici, dans le secteur international, deux ans plus tôt. Compétente, oui — mais avec un caractère bien trempé.
Une nouvelle comme Shen Ningxin ne pouvait se permettre de la contrarier.
Et puis, elle n’avait pas grand-chose à faire. Aller chercher un colis n’était pas une corvée ; ça lui ferait simplement prendre un peu l’air.
Sur cette pensée, elle badgea pour prendre l’ascenseur, descendit rapidement et signa pour réceptionner le colis.
Quand elle revint, l’ascenseur s’ouvrit pile au rez-de-chaussée, sans qu’elle ait besoin de passer son badge.
Et là…
Le visage froid et délicat de Qiu YiBai apparut juste devant elle.
Encore toi ? !
Shen Ningxin baissa aussitôt la tête.
À cet instant précis, Shen Ningxin ne savait vraiment pas quelle attitude adopter face à Qiu YiBai. De peur de se faire encore une fois traiter d’« étrangère », elle baissa la tête et fit l’autruche.
Heureusement, Qiu YiBai descendait alors qu’elle montait. Ce n’était qu’un simple croisement de trajectoires, pas besoin de partager l’ascenseur.
Elle poussa un long soupir de soulagement et, dès que Qiu YiBai fut sortie, elle se précipita à l’intérieur. Mais avant même d’avoir pu appuyer sur son étage, une voix légère résonna derrière elle.
« Ton badge est encore de travers. »
« Retourne la pince avant de le remettre », ajouta-t-elle. « Fais attention, Shen Ningxin. »
Shen Ningxin faillit recracher du sang.
« Bien compris, présidente Qiu… » Elle resta figée un moment avant de retrouver ses esprits, hocha vivement la tête, puis se redressa instinctivement pour la regarder s’éloigner.
Son cœur battait à tout rompre.
« Aaaah, mais c’est trop frustrant ! » gémit-elle, debout dans l’ascenseur, son colis entre les bras. « Pourquoi tu me reconnais cette fois ? Et tu te souviens même de mon nom ! »
« Encore quelques rencontres comme ça et je vais vraiment faire une dépression ! »
L’après-midi s’était écoulé dans une sorte de brume morose.
Quand il fut l’heure de rentrée, Shen Ningxin rangea ses affaires, se leva et se dirigea vers l’ascenseur.
« On y va ensemble ? » Pei Qing la suivit de près et lui tapota l’épaule. « Tu as quelque chose de prévu ce soir ? Je connais un bar super populaire dans le coin, ça te dit ? »
« Pas cette fois. » Shen Ningxin lui adressa un sourire. « J’ai déjà quelque chose de prévu. »
« Dommage, » répondit Pei Qing en sortant une paire de lunettes de soleil de son sac. Elle les enfila avant de murmurer d’une voix douce : « Mais bon, une fille aussi pure que toi, ça ne fréquente sûrement pas les bars, non ~ »
Sa voix était basse, mais le ton qu’elle employa à la fin était volontairement traînant, suffisant pour glisser un malaise, sans qu’on puisse en identifier la raison exacte.
Ses yeux dissimulés derrière les verres fumés rendaient son expression illisible. Shen Ningxin ne parvint pas à savoir ce qu’elle voulait réellement insinuer.
Alors elle se contenta de sourire, sans rien ajouter.
Mais au fond d’elle, une pensée monta malgré elle : Qui a dit que je ne fréquentais pas de bars ?
Ce n’est juste pas le même genre, c’est tout.
Après un trajet en bus, elle rentra chez elle, ôta son manteau pâle et détacha ses cheveux.
Puis elle s’installa devant sa coiffeuse, traça un trait d’eyeliner au ras de ses paupières, appliqua un fard à paupières nacré et termina avec un rouge à lèvres couleur cerise.
Elle prit ensuite son fer à boucler pour se faire des ondulations à la fois sophistiquées et pleines de vie.
En quelques gestes, la petite fille sage et discrète avait laissé place à une petite fée pleine de malice.
Cette fois, plus personne n’oserait la prendre pour une mineure.
Shen Ningxin poussa un soupir en repensant soudain à cette scène gênante, la toute première fois qu’elle était allée au Night Talk avec sa cousine. À l’époque, tout le monde l’avait prise pour une collégienne. Avec le recul, elle ne put s’empêcher de sourire, mi-amusée, mi-résignée.
Heureusement, elle avait rencontré Meng Yao et les autres. Après un bon relooking orchestré par leurs soins, les malentendus avaient enfin cessé.
Ses pensées furent interrompues par une sonnerie. Shen Ningxin attrapa rapidement son téléphone, et la voix de Meng Yao résonna à l’autre bout du fil.
« Tu es prête ? » demanda-t-elle. « Jiang Yue et Li Shan sont déjà là. Je passe te prendre, on y va ensemble. »
« Oui, j’arrive ! » répondit Shen Ningxin en hochant la tête, attrapant son petit sac avant de dévaler les escaliers à toute vitesse, pareille à un petit oiseau qui s’envole pour atterrir dans la voiture de Meng Yao.
« Alors, ces derniers jours, comment tu vas ? Il s’est passé quelque chose ? Allez, raconte-moi tout », lança Meng Yao en démarrant.
À peine avait-elle fini sa phrase que Shen Ningxin tira une moue désespérée digne d’une tragédie grecque.
« Tu ne comprends pas ! » Dans le bar bruyant, Shen Ningxin tenait un verre de vin, qu’elle sirotait à petites gorgées tout en se plaignant auprès de Meng Yao et des autres. « À chaque fois qu’elle me voit, elle change complètement d’attitude. Elle me sourit comme un ange une seconde, puis elle devient exécrable la suivante. »
« Elle m’a même réprimandée cet après-midi, » ajouta-t-elle à voix basse, les joues rosies, les lèvres naturellement retroussées dans une moue contrariée. « Elle a dit que mon badge n’était pas conforme aux normes. »
« Ah ouais, là elle abuse ! » répondit Li Shan avec un sourire. « C’est vraiment bizarre, quand même. »
« Mais Shen Ningxin, toi non plus, t’as pas l’air dans ton état normal. »
À peine avait-elle terminé sa phrase que Shen Ningxin tourna brusquement la tête : « Qu’est-ce que tu veux dire ? »
« Un peu comme… » Li Shan toussota légèrement, « une petite amie qui se plaint que sa copine ne la comprend pas ? »
« … »
Shen Ningxin faillit bondir pour la frapper.
Après un moment à papoter, les lumières du bar se mirent soudain à clignoter, signe que le spectacle allait commencer.
« Venez ! » s’exclama Meng Yao en regardant vers la scène. « Il y a une chanteuse super talentueuse ce soir ! Faut qu’on aille voir ça ! »
« Allez-y sans moi, » refusa Shen Ningxin en secouant la tête. « Je reste ici et je vous garde vos affaires. »
Elle n’avait pas vraiment la tête à faire la fête.
Comme elle insistait, Meng Yao et les autres ne dirent rien de plus et partirent après lui avoir laissé quelques consignes.
Shen Ningxin suivit du regard leurs silhouettes qui s’éloignaient, puis détourna les yeux et reporta son attention sur son verre, qu’elle porta de nouveau à ses lèvres.
Mais elle n’eut pas le temps de finir sa gorgée : quelqu’un lui tapota doucement l’épaule, deux fois.
« Tu veux boire un verre avec moi ? »
C’était évident : une tentative de drague.
Ce genre de situations, Shen Ningxin y avait déjà été confrontée plus d’une fois.
Mais elle n’y avait jamais trouvé d’intérêt. Un qui vient, elle le repousse. Deux, elle les éconduit tous les deux.
Et ce soir, avec son humeur massacrante, elle n’avait même pas la patience de répondre.
La femme derrière elle sembla remarquer son manque d’enthousiasme. Gênée, certes, mais pas découragée, elle persista :
« Je suis vraiment douée, tu sais. » Elle tira une chaise et s’installa juste à côté d’elle. Sa voix naturellement froide était teintée d’un charme trouble. « Tu veux essayer avec moi ? Je peux être au-dessus ou en dessous, comme tu préfères. »
« Non merci, » soupira Shen Ningxin, se tournant vers elle pour refuser plus fermement. « Je ne… »
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase. Les deux femmes se figèrent, stupéfaites.
« Shen Ningxin ? ! »
« Assistante Han ? ! »
Quelle soirée animée…
Shen Ningxin était à deux doigts de fondre en larmes.
L’atmosphère resta tendue quelques secondes, jusqu’à ce que l’assistante Han rompe enfin le silence, la panique perceptible dans sa voix :
« Ce qui vient de se passer… Promets-moi de n’en parler à personne. »
« Il s’est passé quelque chose ? » répondit rapidement Shen Ningxin, restant assise bien droite, les yeux grands ouverts, feignant l’innocence.
« Est-ce qu’il s’est passé quelque chose entre nous, avant ça ? »
« … »
L’assistante Han hocha doucement la tête, puis lui donna une petite tape sur l’épaule.
Le vin dans leurs verres n’était toujours pas fini, et aucune des deux n’osait se lever la première. Après un moment de silence, elles se mirent soudain à discuter.
« Tu t’habitues bien au travail ? » demanda-t-elle, le ton enfin redevenu normal. « Si jamais tu as un souci, tu peux venir me voir à tout moment. »
« D’accord, merci. » Shen Ningxin hocha la tête sans attendre.
En réalité, elle avait déjà pas mal de soucis.
Elle poussa un soupir, hésita un instant, puis se décida finalement à poser la question qui lui trottait dans la tête depuis un moment.
Quelque chose comme…
« En fait, il y a un truc que je me demande depuis longtemps. » commença-t-elle prudemment, pesant chacun de ses mots. « Je voulais savoir… Est-ce que la présidente Qiu aurait, par hasard, une sœur jumelle ? »
On en est à devoir demander ce genre de choses, sérieusement…
L’assistante Han resta un moment interdite, puis secoua doucement la tête.
« Non, pas du tout. Pourquoi tu demandes ça tout à coup ? »
Shen Ningxin poussa un soupir et expliqua la situation en détail.
À la fin de son récit, l’assistante Han était à deux doigts d’éclater de rire.
« Aïe aïe aïe ! » dit-elle en tapotant l’épaule de Shen Ningxin pour la calmer. Elle se pencha ensuite vers son oreille pour lui confier un secret à voix basse :
« Ne t’en fais pas, hein. Elle n’a rien contre toi. »
En disant cela, elle haussa légèrement un sourcil avec un regard entendu, comme pour dire tu vois ce que je veux dire, pas vrai ?
« La présidente Qiu, en fait… C’est juste une pauvre âme atteinte de prosopagnosie*. »
(N/T : La prosopagnosie, aussi appelée « cécité des visages », est un trouble neurologique qui empêche une personne de reconnaître les visages, même ceux de ses proches ou le sien. Elle peut être congénitale (présente dès la naissance) ou acquise à la suite d’une lésion cérébrale.)
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
L’auteur a quelque chose à dire :
Assistant Han :

Huhuhu~
Li QiuLang
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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