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    L’atmosphère dans le bureau était tendue à l’extrême.

    Derrière son écran, Shen Ningxin leva discrètement la tête pour jeter un coup d’œil, puis se replia aussitôt, se remettant à taper sur son clavier avec application, tout comme ses collègues.

    Mais intérieurement, elle était en état de choc.

    KeRui était une entreprise spécialisée dans la production et la vente de billes de verre réfléchissantes utilisées pour le marquage routier*. Fondée de longue date, elle jouissait d’un emplacement idéal, offrait d’excellentes perspectives de développement et proposait des conditions de travail très avantageuses.

    C’était une grande société où nombre de jeunes diplômés rêvaient d’entrer, quitte à se battre pour y parvenir. Sans la recommandation de sa cousine Dong Shu, qui travaillait au service des ressources humaines, Shen Ningxin — issue d’une université ordinaire — n’aurait probablement jamais eu cette chance.

    Cela dit, ses qualifications restaient insuffisantes pour prétendre à un poste au département du commerce intérieur*. Après mûre réflexion, Dong Shu l’avait finalement placée dans le département du commerce extérieur, fraîchement créé depuis moins de deux ans.

    « KeRui n’a commencé à développer le marché international que depuis deux ans. Tout est encore en phase d’exploration, et les clients sont bien moins nombreux qu’en commerce intérieur. Dans l’ensemble, c’est plus tranquille — idéal pour une débutante comme toi, fraîchement diplômée, qui a besoin de faire ses armes. »
    Dans un café joliment décoré, Dong Shu tapota doucement l’épaule de Shen Ningxin.

    « Fais de ton mieux. »

    Shen Ningxin acquiesça sagement, promettant sur-le-champ de travailler dur, de considérer l’entreprise comme sa propre maison, et de se battre en première ligne.

    « Pas besoin d’en faire autant », lui dit Dong Shu en éclatant de rire.

    « Ce n’est pas aussi intense que tu l’imagines. Même si tu veux t’investir à fond, encore faut-il qu’il y ait assez de travail pour ça. »

    Elle visait juste — c’était la stricte vérité.

    Le département du commerce extérieur comptait pas mal de personnel, mais comme il était encore en phase de lancement, les clients restaient peu nombreux. Même les anciens n’avaient pas grand-chose à faire.

    Alors Shen Ningxin, simple stagiaire fraîchement arrivée, passait la majeure partie de son temps à ne rien faire, hormis quelques impressions ou un peu de classement.

    C’était donc la toute première fois qu’elle voyait une atmosphère aussi tendue.

    La rumeur disait que Qiu Yibai, la présidente partie en déplacement depuis près d’une semaine, devait rentrer aujourd’hui.

    Shen Ningxin prit une profonde inspiration et, tout en rangeant ses dossiers, écouta en silence les chuchotements de ses collègues autour d’elle.

    « Elle n’était pas censée partir pour deux semaines ? Pourquoi est-ce qu’elle revient si tôt ? Je n’ai même pas encore fini de préparer les papiers pour la douane ! »

    « Qui sait ? ! Je n’ai même pas encore commencé… On est fichues, fichues ! Je vais me faire engueuler, c’est sûr ! »

    « … »

    Quelle tragédie.

    Shen Ningxin écouta en silence pendant un moment, puis se retourna avec un sourire doux :
    « Est-ce que je peux aider ? »

    Ses grands yeux en amande, son teint de porcelaine, et les deux petites fossettes qui creusaient ses joues quand elle souriait lui donnaient une allure douce, inoffensive, presque irrésistible. On ne pouvait que l’apprécier au premier regard.

    Sa collègue, d’abord surprise, vit soudain son regard s’illuminer. Joignant les mains dans un geste de supplication, elle supplia : « Tu pourrais me photocopier ces dossiers ? C’est une urgence ! Si tu me sauves, je t’invite à déjeuner ! »

    « Aucun problème. » répondit Shen Ningxin en souriant. Elle attrapa les documents et se dirigea vers l’imprimante.

    Mais en chemin, son regard fut attiré malgré elle par le bureau vitré situé juste à côté.

    Le bureau de la présidente.

    Elle n’était là que depuis deux jours, mais elle avait déjà entendu bon nombre de rumeurs à son sujet.

    Une jeune prodige revenue de l’étranger, un style de management direct, presque impitoyable, et surtout—

    Une beauté à couper le souffle.

    En tant qu’esthète assumée*, Shen Ningxin mourait d’envie de vérifier si cette légende disait vrai.

    Était-elle aussi superbe que… Cette femme qu’elle avait croisée dans le bus ce matin ?

    À ce souvenir, ses doigts suspendirent leur mouvement au-dessus du panneau de commande de la photocopieuse. Un soupçon de rouge lui monta aux joues.


    Toute la matinée s’écoula ainsi, dans une tension électrique.

    À midi pile, ses collègues dégainèrent leurs téléphones pour pointer, puis s’effondrèrent dans leurs fauteuils, comme vidés de toute énergie.

    Shen Ningxin classa les documents qu’elle venait de photocopier et les remit à sa collègue. À peine avait-elle repris place que Wang Xi s’approcha d’elle :

    « Tu viens déjeuner ? »

    Wang Xi était leur cheffe d’équipe, une employée de longue date qui semblait sur le point d’être promue. Depuis que leur responsable était partie en déplacement avec la PDG, c’était elle qui gérait les affaires du bureau. Une grande sœur attentionnée, c’est elle qui avait aidé Shen Ningxin à faire toutes ses démarches lors de son arrivée.

    En la voyant, Shen Ningxin afficha aussitôt un sourire sage et respectueux :

    « Merci, Wang Jie*, mais j’ai apporté mon déjeuner. Je vais juste le réchauffer au micro-ondes. »

    « D’accord alors. » Wang Xi hocha la tête, puis s’éloigna.

    Shen Ningxin lui fit un petit signe d’au revoir, salua les collègues qui partaient à la cantine, puis sortit de son sac son bento joliment préparé qu’elle posa sur son bureau.

    Elle déverrouilla ensuite son téléphone et ouvrit une discussion de groupe.

    [Nom du groupe : La Grotte des Nymphes.]

    Un sourire se dessina sur ses lèvres tandis que ses doigts pianotaient rapidement :

    [ Les filles, je suis en pause ! ]

    Il ne fallut que quelques secondes pour que le groupe s’anime et que les réponses fusent de toutes parts.

    Beauté Mondiale Meng YaoYao : [ Déjà en pause ? Je viens tout juste de me réveiller. ]

    Rose du Cœur Jiang YueYue : [ Moi aussi, réveil express ! ]

    Li ShanShan, la Shi Yuan Li Mei locale : [ Pas comme vous, moi je rentre tout juste du Night Talk et je N’AI TOUJOURS PAS DORMI ! ]

    Le Night Talk dont parlait Li Shan était un bar lesbien bien connu du quartier, ouvert 24h/24. La nuit, l’ambiance y devenait électrique, avec parfois même des spectacles de chant et de danse.

    C’est d’ailleurs là que Shen NingXin avait rencontré Li Shan et les autres. À force de se croiser, partageant la même orientation sexuelle et une belle complicité, elles étaient rapidement devenues amies.

    Après quelques échanges animés, la conversation dériva naturellement vers Shen NingXin.

    Rose du Cœur Jiang YueYue : [ À propos, je voulais justement te demander depuis plusieurs jours : XinXin, y a-t-il de jolies filles à ton bureau ? ]

    [ Techniquement, oui. ]

    Shen NingXin baissa les yeux pour taper sa réponse.

    [ Mais aucune ne correspond à mon type. ]

    Elle pencha la tête, réfléchit un instant, puis raconta son aventure matinale à ses amies —

    [ Par contre, j’ai croisé quelqu’un d’incroyablement belle dans le bus ce matin. ]

    Le souvenir de cette femme restait gravé dans son esprit :

    Une veste blanche immaculée, une chevelure d’ébène longue et soyeuse, des cils recourbés à faire pâlir les poupées, un teint de porcelaine sublimé par des lèvres rose pâle… Une beauté à couper le souffle.

    Même ses mains agrippant la barre du bus — doigts fuselés, articulations délicatement saillantes — étaient les plus élégantes que Shen NingXin ait jamais vues.

    Quand Shen NingXin avait cédé sa place à des personnes âgées dans le bus bondé, son regard avait croisé celui de cette inconnue en se relevant. Depuis, il lui avait été impossible de détourner les yeux.

    En pleine heure de pointe, le bus brinquebalait au rythme des arrêts. Un homme l’avait heurtée par inadvertance, et elle avait perdu l’équilibre…

    Pour atterrir dans les bras de cette femme, enveloppée d’un parfum subtil.

    Le visage de Shen NingXin s’empourpra aussitôt.

    « Désolée… » Elle se redressa en balbutiant, gênée. « Je n’ai pas réussi à rester stable, je vous ai heurtée sans faire exprès. Vous allez bien ? »

    L’inconnue sourit.

    « Tout va bien. » Sa voix, douce et mélodieuse, résonnait agréablement. « Et vous ? »

    « Moi aussi. » Shen NingXin lui rendit son sourire, le cœur battant à tout rompre.

    Elle, qui se considérait comme une esthète invétérée, avait croisé tant de visages magnifiques au fil des années… Mais jamais aucun qui fasse vibrer chaque fibre de son être au premier regard.

    Cette femme incarnait son idéal absolu.

    Les doigts filant sur son clavier, Shen NingXin décrivait l’inconnue avec une admiration sans limites.

    Li Shan coupa son flot d’éloges : [ Tu l’idolâtres à ce point, mais tu lui as demandé son numéro au moins ? ]

    [ Pas encore. ]

    Shen NingXin répondit franchement.

    [ C’était notre première rencontre… Comment aurais-je pu lui demander ça aussi directement ? ]

    Un emoji de déception ne tarda pas à s’afficher.

    Un sourire en coin, Shen NingXin ajouta avec assurance : [ Mais je suis certaine qu’on se reverra ~ ]


    La pause déjeuner s’acheva rapidement. Après avoir badgé à l’entrée, l’atmosphère tendue reprit aussitôt ses droits dans l’open space.

    La fameuse présidente, redoutée de tous, n’était toujours pas arrivée, ce qui plongea les employés dans une fébrilité nerveuse : les claviers crépitaient, les souris s’agitaient.

    Seule Shen NingXin demeurait inoccupée.

    Le département du commerce extérieur, bien que plus calme que celui du commerce intérieur, impliquait une chaîne complexe : douanes, transitaires, usines, transporteurs… Chaque transaction nécessitait une montagne de documents — la plupart en anglais.

    Un vrai casse-tête pour les nouveaux venus.

    Durant l’heure suivante, Shen NingXin s’appliqua donc à répéter les procédures, s’imprégnant des formulaires standards et de leur vocabulaire.

    Le temps fila sans qu’elle s’en rende compte.

    Soudain, une toux discrète mais intentionnelle rompit le silence.

    En un éclair, les collègues jusque-là affalés se redressèrent, droits comme des piquets.

    Shen NingXin comprit immédiatement : la présidente est arrivé.

    Elle leva discrètement les yeux.

    Une petite femme vêtue de noir entra la première.

    « Bonjour, Manager Liu », saluèrent les employés à l’unisson.

    Shen NingXin se joignit au chœur : « Bonjour, Manager Liu. »

    Une silhouette plus grande, en bleu marine, suivit de près.

    « Bonjour, Assistante Han. »

    « Bonjour, Assistante Han », répéta Shen NingXin à l’unisson.

    L’assistante hocha brièvement la tête, l’air pressée, et s’éloigna vers son bureau.

    Puis, environ une minute plus tard, une femme en blanc franchit à son tour le seuil du bureau.

    Cette fois, les salutations furent nettement plus solennelles : « BONJOUR MADAME LA PRÉSIDENTE ! »

    Shen NingXin ouvrit la bouche pour suivre…

    Mais resta figée, sans voix.

    Devant elle se tenait la femme gracieuse et magnifique qu’elle avait croisée dans le bus ce matin.

    Elle… Elle est la présidente ? Qiu YiBai ? !

    Shen NingXin était stupéfaite, incapable de détourner les yeux de la présidente.

    Elle vit Qiu YiBai hocher légèrement la tête, avancer d’un pas calme jusqu’au bureau de Xiao Yang… Et s’y arrêter longuement.

    Xiao Yang tremblait littéralement. Sa main, posée sur la souris, frémissait d’appréhension.

    « Présidente Qiu… » balbutia-t-il en ouvrant un dossier sur son ordinateur. « Voici le travail que vous m’avez demandé par mail hier soir. Pourriez-vous vérifier si… »

    « Qu’en pensez-vous vous-même ? » répliqua Qiu YiBai en faisant défiler le document d’un œil froid.

    Ses sourcils s’étaient froncés, effaçant toute trace du sourire doux qu’elle arborait ce matin-là.

    « Cela ne… Ne semble pas convenir », murmura Xiao Yang, avant de s’incliner légèrement. « Je vais le corriger tout de suite. »

    « Faites-le. » Qiu YiBai se redressa. « Les ressources que je vous ai fournies sont amplement suffisantes. Étudiez bien les données. Les archives de l’année dernière sont toujours sur l’ordinateur. Vous pouvez vous y référer. »

    Puis sa voix devint tranchante : « Si ce n’est toujours pas correct ce soir… Ne prévoyez pas de rentrer. »

    Elle n’avait plus rien de la femme douce et gracieuse que j’avais croisée dans le bus…

    Shen NingXin en resta bouche bée.


    Pourquoi la présidente prend-elle le bus ? Tout simplement parce que sa voiture est en réparation. Ce n’est pas mentionné dans le texte, alors je préfère le préciser ici ♡
    Avec la rentrée après les vacances du 1er mai, je craignais que certain·e·s ne puissent plus suivre facilement les sorties. Du coup… J’ai publié en avance ~~
    Un immense merci à toutes celles et ceux qui ont ajouté cette histoire à leurs favoris, qui m’ont envoyé des dons. Votre soutien me va droit au cœur. Je vous donne tout mon amour, hihi QwQ

    Li QiuLang

    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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