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    Ces jeunes Lan n’étaient que des oisillons. Pourtant, même à peine sortis du nid et blêmes d’inquiétude, ils ne dévièrent pas de leur ligne de conduite et apposèrent des talismans sur les murs pour protéger la résidence de la famille Mo. Tandis que la majorité s’affairait à couvrir les murs intérieurs et extérieurs de la salle de réception de ces précieux parchemins, Lan SiZhui s’occupait de mettre les civils à l’abri.

    Le disciple rejoignit A-Tong dans la bâtisse et, tout en soutenant Madame Mo de sa main droite, il vérifia le pouls du serviteur de sa main gauche. Ne pouvant secourir les deux en même temps, il hésitait encore sur la marche à suivre lorsque le corps d’A-Tong se redressa soudain entre ses bras.

    «  A-Tong, tu es réveillé  !  » s’écria A-Ding, un sourire naissant sur ses lèvres.

    Mais avant que cette dernière ait le temps de se réjouir, A-Tong leva son bras gauche et empoigna violemment sa propre gorge.

    Voyant cela, Lan SiZhui réagit instantanément. Il frappa trois fois sur plusieurs points d’acupuncture, espérant ainsi l’immobiliser. Wei WuXian savait bien que, sous leur apparente douceur, les membres du clan Lan possédaient une force considérable dans les bras. Un tel coup aurait suffi à neutraliser n’importe qui.

    Pourtant, A-Tong resta insensible à cette démonstration. Son visage, tordu de douleur, trahissait l’intensité de sa lutte, mais sa main continuait de resserrer son emprise autour de son cou. Lan JingYi accourut à sa rescousse, tentant de desserrer ses doigts comme on tenterait de ployer une barre d’acier à mains nues, mais en vain.

    Un craquement sinistre résonna dans la pièce. Les doigts d’A-Tong se relâchèrent, et sa tête retomba mollement sur le côté. Sa nuque était brisée. Aussi simplement que cela, sous les yeux de tous, A-Tong venait de se donner la mort.

    «  … Un fantôme  !  » gémit A-Ding d’une voix perçante et tremblante. «  Il y a un fantôme invisible ici. Il a forcé A-Tong à s’étrangler  !  »

    Ses paroles, à la fois dramatiques et glaçantes, suffirent à terrifier l’assemblée. Mais Wei WuXian, qui observait la scène en silence, était désormais convaincu  : ce n’était pas l’œuvre d’un esprit féroce.

    Les jeunes Lan avaient couvert la Salle de l’Est de talismans conçus pour repousser les esprits. Les murs en étaient tellement saturés qu’aucun souffle d’air n’aurait pu traverser cette barrière. Si une entité maléfique s’était réellement infiltrée dans la pièce, les talismans se seraient embrasés d’une flamme verdâtre, révélant sa présence. Or, depuis leur arrivée, rien n’avait bougé.

    Le silence qui régnait dans la salle était si profond qu’on aurait pu entendre une mouche voler.

    Les adolescents n’étaient pas en faute  : ils avaient peut-être réagi trop lentement, mais la créature qu’ils affrontaient était d’une cruauté effroyable. Les cultivateurs avaient des critères bien précis pour qualifier un fantôme de «  féroce  ». Selon Wei WuXian lui-même, un esprit entrait dans cette catégorie s’il tuait au moins une personne par mois pendant trois mois consécutifs. C’était une norme qu’il avait établie en son temps et qui semblait toujours d’actualité.

    À ses yeux, un fantôme qui faisait déjà une victime par semaine pouvait être considéré comme extrêmement actif. Mais cette créature-là avait tué trois fois en une seule nuit, et en un laps de temps si court qu’un cultivateur expérimenté aurait peiné à réagir efficacement. Que pouvaient donc faire de simples disciples, encore au début de leur formation, face à une telle menace  ?

    Alors que ces réflexions traversaient l’esprit de Wei WuXian, il remarqua que la lumière vacillait autour de lui. Une seconde plus tard, une bourrasque glaciale chargée de yin balaya la salle, éteignant toutes les lanternes et bougies, à l’intérieur comme à l’extérieur.

    La pièce fut soudain plongée dans une obscurité totale, et des cris retentirent de toutes parts. Pris de panique, les gens se bousculèrent, trébuchèrent et s’effondrèrent dans leur précipitation à fuir.

    «  Restez où vous êtes, ne courez pas  !  » aboya Lan JingYi, sa voix forte résonnant dans l’obscurité. «  J’attraperai tous ceux qui courent !  »

    Son intention n’était pas de les effrayer davantage, mais de les protéger. Les esprits malveillants profitaient toujours du chaos pour semer la terreur, ciblant les âmes isolées ou vulnérables dans les ténèbres. Plus les gens cédaient à la panique, plus ils risquaient d’attirer l’attention de la créature. Pourtant, sa mise en garde resta vaine  : la peur avait déjà pris le contrôle, et personne ne l’écoutait.

    Après un moment de confusion chaotique, le tumulte finit par s’apaiser. Le vacarme s’effaça, laissant place à un silence pesant, troublé uniquement par quelques respirations saccadées et des sanglots étouffés. La Salle de l’Est semblait presque vide.

    Soudain, une faible lueur vacillante fendit l’obscurité. Lan SiZhui, tenant un talisman Flamme, fit jaillir une flamme résistante au yin. À la lumière tremblante, il ralluma quelques bougies, tandis que ses compagnons tentaient de calmer les survivants encore terrifiés.

    À la lumière vacillante des bougies, Wei WuXian baissa les yeux vers ses poignets. Une sensation étrange l’envahissait, inexplicable mais persistante. Intrigué, il fixa sa peau un instant avant de comprendre.

    À l’origine, chaque poignet portait deux entailles profondes, vestiges du rituel sacrificiel. Lors de la mort de Mo ZiYuan, l’une d’elles s’était effacée. Une autre s’était refermée après la mort de son père, Mo-xiangsheng, et une troisième après celle d’A-Tong. Il aurait dû en rester une seule, la plus profonde, empreinte d’une haine viscérale. Pourtant, ses poignets étaient désormais lisses, sans la moindre cicatrice.

    Une réalisation soudaine traversa son esprit.

    Madame Mo faisait partie des cibles de vengeance de Mo XuanYu. Cette dernière entaille, si profonde, devait lui être destinée. Wei WuXian fronça les sourcils et réfléchit  : «  Mo XuanYu aurait-il soudainement renoncé à sa haine  ?  »

    Cela semblait improbable, voire impossible. L’âme de Mo XuanYu avait été sacrifiée pour accomplir le rituel, et seule la mort de Madame Mo aurait pu effacer cette ultime marque de rancune.

    Il tourna lentement son regard vers Madame Mo, encore assise, hébétée, entourée de quelques serviteurs. Son teint blême, presque translucide, évoquait celui d’un cadavre.

    Wei WuXian plissa les yeux, la certitude s’imposant à lui. Quelque chose s’était emparé d’elle. Mais si ce n’était pas un esprit, alors quoi  ?

    Soudain, un cri perça l’air : « Sa main… La main d’A-Tong ! » s’écria A-Ding avec horreur.

    Lan SiZhui, toujours prompt, leva un talisman Flamme au-dessus du corps inerte d’A-Tong, révélant l’évidence : son bras gauche manquait bel et bien.

    Main gauche.

    À cet instant, Wei WuXian eut un déclic. Tout s’imbriquait parfaitement : la créature qui causait le chaos, les bras gauches disparus… Tout s’éclairait enfin. Incapable de contenir sa réaction, il éclata de rire.

    « Imbécile ! Comment peux-tu rire dans une situation pareille ? ! » s’écria Lan JingYi, furieux.

    Mais face à l’incongruité de la scène, il préféra se murer dans le silence, jugeant futile toute tentative de raisonner un fou.

    « Non, non ! » protesta Wei WuXian en attrapant sa manche.

    Agacé, Lan JingYi la reprit d’un geste brusque.

    « Non quoi ? Tu veux dire que tu n’es pas idiot ? Arrête de jouer les perturbateurs ! On n’a pas le temps pour tes absurdités ! »

    Wei WuXian ignora l’irritation manifeste du jeune disciple et, le visage soudain grave, désigna les cadavres de Mo-xiangsheng et d’A-Tong.

    « Ce ne sont pas eux,  » déclara-t-il avec une solennité inattendue.

    Lan SiZhui, devinant que quelque chose d’important se cachait derrière ces paroles, intervint avant que Lan JingYi ne perde patience.

    « Que voulez-vous dire ? » demanda-t-il calmement.

    « Ce ne sont pas le père de Mo ZiYuan et A-Tong,  » répéta Wei WuXian avec assurance.

    À cause de son maquillage grotesque, son sérieux frôlait le ridicule. Pourtant, dans la pénombre vacillante, ses mots suffirent à faire frissonner l’assistance.

    Lan SiZhui, incapable de s’arrêter là, posa la question qui brûlait les lèvres de tous : « Pourquoi ? »

    Wei WuXian esquissa un sourire triomphant et répondit fièrement : « Leurs mains. Aucun d’eux n’était gaucher. J’en suis certain, parce qu’ils me frappaient toujours avec la droite. »

    Lan JingYi éclata, hors de lui : « Et tu en es fier ? ! Tu trouves ça réjouissant ? ! »

    Cependant, Lan SiZhui, bien que plus réservé, sentit une sueur froide perler sur sa peau. En y réfléchissant, Mo-xiangsheng avait repoussé sa femme avec son bras gauche, et A-Tong s’était étranglé avec sa main gauche. Pourtant, lorsqu’ils avaient tenté de chasser Mo XuanYu plus tôt, ils s’étaient servis de leurs bras droits.

    Que signifiait ce changement soudain ?

    Il comprit instinctivement que la clé de l’énigme résidait dans ces « mains gauches ». Un détail qui, une fois éclairci, permettrait de percer à jour la nature de la créature. Les yeux emplis de surprise, il releva la tête et fixa Wei WuXian.

    Dire ça maintenant ? Ce n’est pas une coïncidence, murmura-t-il intérieurement.

    Wei WuXian, satisfait, répondit à son regard par un sourire espiègle. Ses intentions restaient floues, mais une chose était certaine : si Mo-gongzi leur voulait vraiment du mal, il ne leur aurait pas offert un tel indice.

    Lan SiZhui détourna enfin les yeux, plongé dans ses réflexions. Cette main… Quel mystère dissimule-t-elle ?

    Wei WuXian se contenta de sourire. Il savait que sa remarque avait quelque chose de trop intelligent, mais il n’avait pas pu se retenir. Heureusement, Lan SiZhui n’y prêta pas vraiment attention et se dit : « De toute façon, le jeune maître Mo ne m’a sûrement pas rappelé ces détails dans une mauvaise intention. »

    Son regard passa de Wei WuXian à A-Ding, qui s’était évanouie d’avoir trop pleuré, et s’arrêta sur madame Mo.

    Ses yeux descendirent de son visage à ses mains. Ses bras pendaient et ses doigts sortaient à moitié de ses manches. Ceux de sa main droite étaient jolis et fins, comme ceux d’une femme qui avait toujours vécu confortablement sans jamais travailler. Mais ceux de sa main gauche étaient beaucoup plus longs et plus épais. Les articulations pliées dégageaient une grande puissance. C’était une main d’homme !

    Lan SiZhui ordonna : « Attrapez-la ! »

    Plusieurs de ses compagnons se saisirent de madame Mo. Lan SiZhui s’excusa intérieurement et allait apposer un talisman sur elle quand, tout à coup, le bras gauche de la femme effectua une torsion improbable et la main se dirigea vers sa gorge.

    Sauf à avoir les os brisés, il était impossible pour un être vivant de tordre le bras de cette manière. Madame Mo attaqua rapidement et parvint presque à agripper son cou, quand Lan JingYi poussa un cri et se jeta devant Lan SiZhui pour la bloquer.

    Il y eut un éclair. Dès que la main eut attrapé l’épaule de Lan JingYi, des flammes vertes apparurent sur son bras et elle lâcha prise. Lan SiZhui venait d’échapper à la mort et allait remercier Lan JingYi quand il vit que la moitié de l’uniforme de son condisciple avait été réduite en cendres. Lan JingYi retira le vêtement brûlé et gronda avec fureur :

    « Pourquoi m’avez-vous donné un coup de pied, espèce de fou ? Vous vouliez me tuer ? »

    Wei WuXian détala comme un rat effrayé : « Ce n’est pas moi ! »

    C’était pourtant bien son œuvre. À l’intérieur de la robe de l’uniforme de la secte GusuLan, des incantations étaient brodées en rangs serrés à l’aide de fils très fins de la même couleur, notamment dans un but de protection. Mais contre des créatures aussi puissantes que celle-là, elles ne pouvaient servir qu’une fois. Compte tenu de l’urgence, il n’avait pas eu d’autre choix que de pousser Lan JingYi et de protéger Lan SiZhui de son propre corps.

    Lan JingYi allait recommencer à l’invectiver quand madame Mo s’écroula sur le sol. Le sang et la chair de son visage furent aspirés jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une fine couche de peau sur son crâne. Le bras masculin qui ne lui appartenait pas s’était détaché de son épaule. Les doigts de sa main se pliaient et se dépliaient tout seuls comme s’ils faisaient des étirements ou des assouplissements, et ses veines battaient de façon clairement visible.

    Il s’agissait de la créature maléfique que le drapeau attracteur de fantômes avait attirée.

    Le démembrement est un exemple classique de mort pénible, à peine plus digne que celle à laquelle Wei WuXian avait succombé. Contrairement à ce qui se passe lorsque le corps est broyé en poudre, les membres et les autres parties du corps demeurent souillés par le ressentiment* de la personne décédée, et le corps veut retrouver toutes ses parties manquantes afin de se reconstituer et de mourir entier. Par conséquent, il élabore des stratégies pour les retrouver. Quand il y parvient, il est satisfait et peut reposer en paix. Dans le cas contraire, il poursuit sa quête. S’il échoue, il doit se rabattre sur la meilleure alternative possible.

    Quelle est la meilleure alternative possible ? Utiliser le corps des vivants.

    Comme pour ce bras gauche : dévorer le bras gauche d’un vivant et s’y substituer. Après avoir vidé la personne de son sang et de son énergie, il abandonne le corps et part à la recherche d’un autre jusqu’à ce qu’il ait retrouvé tous les morceaux manquants.

    La victime mourait dès que le bras en prenait possession. Mais avant que toute sa chair soit consommée, elle demeurait capable de se déplacer, sous le contrôle du bras, comme si elle était encore vivante.

    Attiré par la bannière Zhaoyin, le bras avait d’abord trouvé Mo ZiYuan, puis son père. Lorsque madame Mo avait ordonné à son mari de sortir, celui-ci, à la surprise générale, l’avait violemment repoussée. Au départ, Wei WuXian avait cru que cette réaction était due au chagrin provoqué par la mort de leur fils, un mélange de désespoir et de lassitude face à l’arrogance de son épouse. Mais avec du recul, il réalisa qu’aucun père endeuillé ne se serait comporté de cette manière. L’attitude de l’homme n’avait rien d’humain, et son indifférence glaciale n’était pas un signe de désarroi : elle émanait d’un être qui n’appartenait déjà plus au monde des vivants.

    Après lui, il y avait eu A-Tong, et enfin Madame Mo. Lors de la panique causée par l’extinction soudaine des bougies, le bras fantôme avait profité du chaos pour se greffer sur son corps. Wei WuXian avait remarqué que, juste après sa mort, la dernière entaille qui marquait ses poignets s’était estompée.

    Les disciples de la secte GusuLan, ayant constaté que leurs vêtements semblaient plus efficaces que leurs talismans, retirèrent leurs sur-robes et enveloppèrent la main maudite dans un cocon immaculé. En quelques instants, le tas de tissu s’enflamma, libérant un brasier d’un vert surnaturel. Bien que cette solution puisse contenir temporairement la créature, les flammes finiraient par réduire les uniformes en cendres, et la main émergerait à nouveau.

    Profitant de la distraction générale, Wei WuXian disparut en direction de la cour Ouest. Là, une dizaine de cadavres étaient immobilisés dans un sceau dessiné au sol. Sans perdre de temps, il donna un coup de pied sur l’un des symboles, brisant la formation, et frappa deux fois dans ses mains.

    « Réveillez-vous ! Au travail ! » lança-t-il d’un ton autoritaire.

    Wei WuXian n’avait pas besoin de réciter de longues incantations pour contrôler des zombies. Un simple ordre clair suffisait. Les rôdeurs vacillèrent, leurs yeux se révulsant dans leurs orbites tandis qu’ils titubaient en avant. Mais à mesure qu’ils s’approchaient de lui, leurs jambes devinrent flageolantes. Ils tombèrent à genoux, leurs corps s’écrasant au sol comme s’ils se prosternaient.

    Wei WuXian observa la scène, partagé entre amusement et exaspération. Il comprit rapidement que ces cadavres, probablement nés et morts dans le village Mo, n’avaient pas l’expérience de la soumission à un maître inconnu. Bien qu’ils obéissent à son invocation, leur crainte envers un Mo les paralysait littéralement. Ils s’effondraient sous le poids de leur terreur, incapables de se relever.

    Frappant doucement dans ses mains cette fois, il reprit calmement : « Allez, debout. Montrez-moi de quoi vous êtes capables. »

    Plus une créature était cruelle et remplie de ressentiment, plus Wei WuXian trouvait aisé de la contrôler. Cependant, ces zombies, dépourvus d’entraînement et de force, ne pouvaient supporter ses manipulations directes. De plus, il n’avait aucun moyen à disposition pour fabriquer ou improviser un outil qui les apaiserait.

    Alors qu’il balayait la cour du regard, cherchant désespérément une solution, il remarqua que les flammes vertes dans la cour Est faiblissaient peu à peu. Une idée lumineuse traversa son esprit : pourquoi chercher ailleurs un cadavre féroce chargé de haine, alors qu’il en avait déjà plusieurs à portée de main dans la salle d’apparat ? Sans attendre, il s’élança vers la cour Est.

    Lan SiZhui, voyant que le cocon de vêtements avait échoué, avait mis en place une nouvelle stratégie. Les disciples avaient planté leurs épées dans le sol, formant une barrière circulaire. Le bras s’écrasait violemment contre cette muraille improvisée, chaque impact provoquant des étincelles menaçantes. Leur concentration sur leurs pommeaux était telle qu’ils ne remarquèrent même pas Wei WuXian passer à toute vitesse et entrer dans la grande salle.

    D’un geste précis, il saisit le cadavre de Madame Mo dans une main, et celui de Mo ZiYuan dans l’autre. Il se pencha vers eux et murmura doucement : « Réveillez-vous. »

    En une fraction de seconde, leurs pupilles se révulsèrent, laissant place à un blanc laiteux, et un hurlement déchirant s’échappa de leurs gorges. Le cri strident, propre aux cadavres féroces fraîchement éveillés, retentit dans toute la salle. À sa grande surprise, un troisième cadavre frémit et se redressa. Le mari de Madame Mo, tremblant et hésitant, joignit ses cris au concert macabre, bien que le sien fût bien plus discret.

    Un sourire satisfait aux lèvres, Wei WuXian déclara : « Vous reconnaissez la main dehors ? Détruisez-la. »

    Sans un mot de plus, les trois membres de la famille Mo foncèrent à toute allure vers la cour, leurs silhouettes semblables à des ombres sinistres. Juste au moment où le bras brisait une des épées plantées, les trois cadavres se jetèrent sur lui avec une rage inouïe.

    Poussés à la fois par leur haine envers l’assassin qui les avait fauchés et par l’ordre irrésistible de Wei WuXian, ils déversèrent toute leur colère dans cet affrontement. Madame Mo, en tête, se montra particulièrement redoutable. Ses cheveux en bataille volaient autour de son visage déformé par la haine, ses ongles, désormais longs et acérés, lacéraient l’air comme des griffes de fer. Ses hurlements stridents semblaient faire trembler les murs, tandis que de la bave bouillonnait aux coins de ses lèvres. Derrière elle, Mo ZiYuan se montrait tout aussi sauvage, mordant et griffant avec férocité. Mo-xiangsheng, plus lent, comblait les ouvertures laissées par les deux autres.

    Les disciples de la secte GusuLan, hypnotisés par le spectacle, restaient figés, leurs regards rivés sur la scène. Ils n’avaient jamais vu un tel combat de cadavres féroces, et la violence viscérale du duel dépassait tout ce qu’ils avaient pu lire ou entendre. Leur stupéfaction ne laissait place qu’à une pensée : c’était terrifiant, mais incroyablement fascinant.

    Cependant, l’équilibre du combat bascula rapidement. Mo ZiYuan poussa un hurlement déchirant et recula brusquement, une large plaie ouverte à son abdomen laissant s’échapper ses viscères. À cette vue, Madame Mo hurla de rage et se précipita devant son fils pour le protéger. Ses attaques se firent plus désespérées, ses ongles semblables à des lames tranchantes lacérant sans relâche le bras fantôme. Mais Wei WuXian le sentait : la bataille touchait à sa fin, et la défaite des Mo était inévitable.

    Même trois cadavres féroces ne pouvaient rivaliser avec cette main maudite !

    Wei WuXian serra les dents, prêt à intervenir. Sa langue recourbée pressait doucement le sifflet caché dans sa bouche. Un son bien placé aurait suffi à enflammer davantage la rage des Mo et peut-être renverser la situation. Mais agir ainsi risquait de révéler sa main dans cette affaire.

    Avant qu’il ne puisse se décider, le bras se mouvait avec une rapidité foudroyante et frappa. D’un coup sec, il brisa la nuque de Madame Mo, faisant taire ses hurlements pour de bon.

    Un à un, les Mo furent mis en déroute. Wei WuXian inspira, prêt à siffler, lorsqu’un écho de guqin* retentit à travers les cieux. Claires et éthérées, ces notes portaient en elles le souffle des pins balayés par un vent glacial au cœur d’une nuit d’automne*.

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    Dans la cour, les créatures se figèrent tandis que les visages des disciples s’illuminaient d’un éclat de vie.

    Wei WuXian, quant à lui, s’éclipsa sans attendre.

    « HanGuang-Jun* ! » s’écria Lan SiZhui, rayonnant de joie, en essuyant d’un revers de main le sang maculant son visage.

    Une autre corde vibra alors plus fort, émettant une note grave et austère qui fendit l’air comme une lame. Les cadavres se recroquevillèrent, leur unique bras plaqué contre leur oreille droite, tandis que de légers craquements résonnaient dans leurs crânes. Même s’ils avaient pu couvrir leurs deux oreilles, cela n’aurait servi à rien : le Pozhang Yin* de la secte GusuLan n’était pas une mélodie que l’on pouvait contrer si facilement.

    Épuisé par la lutte, le bras tomba lourdement au sol dès que la note atteignit son apogée. Ses doigts convulsèrent encore quelques instants avant de s’immobiliser définitivement.

    Un court instant de silence précéda l’explosion de joie des disciples, extatiques d’avoir survécu à cette nuit infernale. Après des heures d’angoisse, l’arrivée des renforts de leur secte les emplit d’un immense soulagement, bien plus fort que la crainte de recevoir une punition pour leurs erreurs.

    Lan SiZhui, agitant la main en direction de la lune, réalisa soudain qu’une présence manquait. Tirant sur la manche de Lan JingYi, il demanda : « Où est-il ? »

    « Hein ? Qui ça ? » répondit Lan JingYi, encore euphorique.

    « Le jeune maître Mo », précisa Lan SiZhui.

    Lan JingYi haussa les épaules, indifférent : « Pourquoi tu le cherches, ce cinglé ? Il a sûrement filé, de peur que je le cogne. »

    Lan SiZhui soupira intérieurement. Bien qu’il sache que son ami était souvent impulsif et irréfléchi, il jugea préférable d’attendre HanGuang-Jun pour lui rapporter les événements, disparition incluse.

    De l’autre côté de la résidence, tout semblait paisible. Wei WuXian, en traversant les lieux, remarqua que les ailes Est et Ouest baignaient dans le sang et les viscères, un spectacle peu engageant même pour les plus curieux. Ceux qui avaient entendu les hurlements avaient sans doute préféré rester bien au chaud sous leurs couvertures.

    Revenu dans la chambre de Mo XuanYu, Wei WuXian s’empressa d’effacer toutes les traces du rituel sacrificiel. Il n’avait pas une seconde à perdre. Il n’aurait jamais pensé que les renforts viendraient directement du clan Lan, encore moins que ce serait Lan WangJi lui-même ! De toutes ses anciennes relations tumultueuses, Lan WangJi détenait la palme des conflits — un adversaire qu’il valait mieux éviter à tout prix.

    Mais pour partir, il avait besoin d’une monture. Traversant une cour, il aperçut une mule attachée à une meule à grains, mâchonnant paresseusement. L’animal, voyant Wei WuXian approcher, recula instinctivement et lui lança un regard empreint de méfiance. Une pointe de mépris dans ce regard faillit lui arracher un sourire.

    « Toi, tu me plais », murmura-t-il en attrapant la longe.

    La mule, en guise de réponse, chargea immédiatement en brayant de mécontentement. Ce ne fut qu’au prix de maints efforts et d’un mélange de ruses et de persuasion qu’il parvint enfin à la mettre en mouvement.

    Sous le ciel grisâtre de l’aube, Wei WuXian, accompagné de sa nouvelle monture récalcitrante, s’éloigna clopin-clopant, prêt à disparaître.


    ・.ʚ Voilà la dernière partie du chapitre 2 ɞ .・

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