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L’intraitable ⋄ Partie 01
par RuyiCe chapitre vous est présenté par la Dragonfly S. :
• Traductrice : Ruyi
• Correctrice : Ruyi
Wei WuXian voulait se nettoyer le visage pour découvrir les traits de son hôte, mais il n’y avait pas une goutte d’eau dans la pièce, ni pour boire ni pour se laver. Le seul objet qui ressemblait à une bassine devait plutôt servir de pot de chambre. Il balaya la cabane du regard avant de se tourner vers la porte, qu’il essaya de pousser… Mais elle était verrouillée de l’extérieur, probablement pour l’empêcher de sortir. Où était la joie de la réincarnation dans tout ça ?
Puisqu’il n’avait pas vraiment le choix, il s’assit en tailleur dans la position du lotus pour s’habituer à ce nouveau corps. Les heures défilèrent, et il perdit toute notion du temps. Lorsqu’il ouvrit les yeux, une journée entière avait passé. Les premiers rayons de l’aube filtraient déjà à travers les fenêtres et les interstices des murs et de la porte. Il aurait pu se lever et marcher, mais il se sentait toujours au bord de l’évanouissement.
Il se releva et se surprit à ressentir une faiblesse similaire à la veille. Malgré sa méditation, sa vue s’emplissait encore d’étoiles… Quelque chose clochait.
La quantité de Qi* de Mo XuanYu est si faible qu’elle en est négligeable, je ne devrais avoir aucun problème pour contrôler ce corps, alors pourquoi je n’y arrive pas ?
(N/T : Qi (Líng Qì – 灵气 ) : Le Qi est l’énergie à l’origine de l’univers et relie les êtres et les choses entre eux. Il circule à l’intérieur du corps par des méridiens qui se recoupent tous dans le Dantian* et est présent dans toutes les manifestations de la nature. Les cultivateurs le stockent dans leur Jindan et l’utilise comme source de pouvoir.)
(N/T : Dantian (Dāntián – 丹田) : Le Dantian, littéralement « champs (rouge) vermillon » ou « champ de cinabre », est un centre énergétique situé dans le corps humain. Il existe trois principaux Dantian : le Dantian inférieur, situé dans le bas-ventre, est le plus couramment mentionné en cultivation. C’est le point où convergent les méridiens et où l’énergie vitale, ou Qi, est stockée, raffinée et transformée. Les cultivateurs y concentrent leur pouvoir pour renforcer leur corps, prolonger leur vie et atteindre des niveaux spirituels supérieurs.)
Son estomac gronda en réponse. Oh. Cela n’avait rien à voir avec son Qi — il avait tout simplement faim. Évidemment, son hôte n’avait probablement jamais pratiqué l’inédie*, ce qui expliquait son état affamé. Cela inversait immédiatement ses priorités : manger devenait la tâche la plus urgente.
(N/T : Inédie – L’inédie désigne la capacité à vivre sans manger, voire sans boire, sans en subir les effets négatifs. Chez les cultivateurs, il ne s’agit généralement pas d’une pratique permanente, mais plutôt d’une technique leur permettant de survivre sans nourriture en cas de nécessité. À ne pas reproduire — ceci est une fiction !)
Il serait quand même dommage d’être le premier esprit à mourir de faim tout juste après avoir été ramené à la vie…
Bien décidé à envoyer valser la porte, Wei WuXian arma son pied pour un coup décisif, mais il s’interrompit en entendant quelqu’un approcher et frapper doucement contre le battant.
« C’est l’heure de manger ! »
Wei WuXian attendit patiemment que la porte s’ouvre, mais lorsqu’elle demeura obstinément fermée, il baissa les yeux et remarqua une petite trappe au bas du panneau.
« Allez, plus vite que ça ! Qu’est-ce que tu attends ? Et remets le bol dehors quand t’auras fini ! » grogna le serviteur derrière la porte.
La trappe, bien trop étroite pour laisser passer un être humain, était cependant parfaite pour les deux bols et l’assiette qui y glissèrent rapidement. Wei WuXian y découvrit un bol de riz accompagné de légumes à l’allure peu appétissante.
Plein d’amertume, il attrapa les baguettes plantées dans la mixture et se mit à remuer le tout distraitement. Ainsi, le terrible Patriarche de YiLing, de retour dans le monde des vivants, était accueilli par des coups de pied, des paroles acerbes, et des restes visqueux pour son banquet de bienvenue. Où étaient passés le sang et les tripes ? Les massacres sans merci ? La destruction absolue ?
« Franchement ! » marmonna-t-il en soupirant. Ce retour à la vie était bien loin de ses attentes. Il se sentait comme un tigre captif humilié par un chien errant, un dragon échoué dans une flaque d’eau, ou pire encore, un phénix dépouillé de ses plumes, réduit à l’état d’un vulgaire poulet.
« A-Ding* ! Par ici ! » s’exclama le serviteur de l’autre côté de la porte.
(N/T : A + Nom de famille : Est utilisé pour désigner une personne dont on est proche ou un serviteur.)
« Tu nourris encore ce fou, A-Tong ? » répliqua une voix féminine, douce mais agacée, au loin.
« Tsss, pourquoi je serais dans cette fichue cour sinon ? » grogna A-Tong en claquant la langue.
« Et tu oses te plaindre en plus ? ! Tu n’as qu’un repas à livrer par jour et tu passes le reste de ton temps à te tourner les pouces ! Regarde-moi : je suis tellement occupée que je n’ai même pas le temps de mettre un pied hors de la résidence. »
La voix féminine se rapprocha à mesure qu’elle parlait.
« Je n’ai pas que ça à faire ! Et comment peux-tu vouloir sortir ? Avec ces rôdeurs* dehors, tout le monde reste enfermé chez soi ! »
(N/T : Ce sonts des zombies/cadavres errants.)
Assis contre la porte, Wei WuXian dressa l’oreille tout en mâchonnant du riz coincé entre des baguettes dépareillées. À en croire leur conversation, la tranquillité du village de Mo avait été troublée.
Les rôdeurs… Une sorte de cadavres ambulants, dépourvus de véritable intelligence. Leurs mouvements étaient souvent lents, à moins qu’ils ne soient alimentés par un ressentiment particulièrement puissant. Pour les mortels, ils étaient aussi effrayants par leur apparence que répugnants à cause de l’odeur nauséabonde qui les accompagnait.
Pour Wei WuXian, cependant, ces créatures n’étaient que des marionnettes dociles, faciles à commander. Rien qu’à leur évocation, il ressentit une curieuse pointe de nostalgie.
« Si tu veux sortir, fais-le avec moi. Je te protègerai. » La voix d’A-Tong cherchait visiblement à séduire.
« Toi ? Me protéger ? Arrête, tu te crois vraiment capable de vaincre ces choses ? » railla A-Ding.
« Si je ne peux pas les vaincre, personne ne le peut. »
« Et qu’est-ce que t’en sais ? » répliqua-t-elle, moqueuse.
« Oh, mais j’y pense ! Des cultivateurs sont arrivés aujourd’hui ! J’ai entendu dire qu’ils venaient d’un clan célèbre. Mo-furen est en train de discuter avec eux dans la grande salle. Tout le village est là. Tu n’entends pas ce vacarme ? D’ailleurs, je n’ai pas le temps de bavarder avec toi, ils risquent de me donner encore plus de travail. »
Wei WuXian tendit l’oreille. Effectivement, des bruits de foule venaient de l’Est. Après une courte réflexion, il se leva et, d’un coup de pied, fit voler la porte en éclats. Le fracas fit sursauter les deux serviteurs qui poussèrent un cri d’effroi. Sans un regard pour eux, il jeta son bol derrière lui et franchit le seuil.
La lumière crue du soleil l’éblouit instantanément, l’obligeant à porter une main en visière sur son front. A-Tong, profitant de la surprise, tenta de reprendre contenance. Même s’il avait crié plus fort qu’A-Ding, il voulait sauver la face. Après tout, ce n’était que Mo XuanYu, cet homme que tout le monde rabaissait.
D’un geste théâtral de la main, il le chassa comme un vulgaire animal. « Allez, ouste ! Va-t’en ! Qu’est-ce que tu fais dehors ? »
A-Tong traitait Wei WuXian comme un mendiant, ou pire, comme une mouche à écraser. Si ce dernier le traitait de la sorte, tout portait à croire que les autres serviteurs des Mo n’étaient guère plus respectueux. Mo XuanYu n’opposait à l’évidence que peu de résistance… Mais cette fois-ci, il en serait autrement. Wei WuXian, amusé, esquiva A-Tong et lui donna un léger coup de pied qui l’envoya sur ses fesses.
« Quel culot de la part d’un simple garçon de course de traiter les autres comme ça ! » lança-t-il en riant, avant de tourner les talons.
Sans plus de cérémonie, il laissa A-Tong sur le sol et se dirigea vers la cour Est où une agitation semblait avoir gagné tout le monde. En arrivant, il remarqua un attroupement dense devant la salle de réception.
Une voix féminine s’éleva au-dessus du brouhaha : « Un des enfants de notre famille a également été cultivateur… »
C’était Madame Mo, essayant visiblement de bien se faire voir auprès des invités. Wei WuXian plissa les yeux. Sans attendre la fin de ces palabres, il fendit la foule avec une aisance nonchalante et pénétra dans la pièce en lançant avec un large sourire : « J’arrive, j’arrive ! Me voilà ! »
Madame Mo, assise sur une estrade dans une tenue richement ornée, semblait être au centre de l’attention. Belle malgré les années, elle présidait l’entretien, flanquée de son époux et de son fils. Ce dernier, visiblement intimidé, paraissait mal à l’aise devant leurs invités : un groupe de jeunes hommes vêtus de robes blanches impeccables.
Un silence gênant tomba sur la salle à l’entrée de Wei WuXian, dont le maquillage épais et exubérant ajoutait à son allure clownesque. Loin de se démonter, il poursuivit joyeusement : « On m’a appelé ? Je suis le seul à avoir été cultivateur ! »
Il sourit largement, et un peu de poudre s’échappa de son visage, tombant en une fine pluie autour de lui. Un des disciples ne put retenir un rire discret, rapidement réprimé par une œillade sévère de l’un de ses compagnons, visiblement leur chef.
Wei WuXian observa attentivement la petite troupe. Tout bien considéré, les serviteurs n’avaient pas exagéré : il s’agissait effectivement de disciples d’un clan influent. Il n’y avait que la secte Gusu Lan pour arborer de telles robes : immaculées comme du givre, fluides comme la brise, avec leurs larges manches et leurs ceintures élégantes.
Les jeunes hommes portaient aussi, sur le front, de longs bandeaux blancs ornés de motifs en forme de nuages. Ce détail marquait leur appartenance à la secte Gusu Lan et, par extension, à la jeune génération du clan Lan. La secte, dont la devise était « Vertu », attachait une grande importance à la droiture et à la discipline.
Ces bandeaux symbolisaient tout ce qui irritait profondément Wei WuXian. Dans son existence précédente, il qualifiait souvent leurs robes de « vêtements de deuil ». Avec leur austérité et leur perfection soignée, il les aurait reconnus entre mille.
Madame Mo*, qui n’avait pas vu son neveu depuis un certain temps, resta un instant figée avant de se pencher vers son mari, le visage crispé, et de murmurer : « Qui l’a laissé sortir ? Ramène-le d’où il vient ! »
(N/T : Furen (夫人) – C’est un terme honorifique qui signifie « dame » ou « madame ». Il est utilisé pour désigner une femme mariée, particulièrement une femme d’un certain statut ou d’une certaine position sociale.)
Son époux lui adressa un sourire conciliant, mais lorsqu’il tourna vers Wei WuXian un regard sombre, ce dernier se laissa brusquement tomber au sol, s’agrippant fermement au sol. Mo-Xiangsheng*, furieux, tenta d’abord de le déloger seul, puis, après plusieurs échecs, appela quelques serviteurs en renfort. En d’autres circonstances, il ne fait aucun doute qu’il l’aurait déjà roué de coups, mais sous le regard attentif des spectateurs, il se résigna à se contenir. Ses efforts infructueux lui arrachèrent un soupir de désespoir tandis qu’il lançait un regard implorant à son épouse. Malheureusement, Madame Mo, le visage plus sombre que jamais, ne lui offrit aucun soutien, ce qui ne fit qu’accentuer la sueur froide qui perlait déjà à son front.
(N/T : Xiānshēng (先生) – C’est un terme chinois respectueux utilisé pour s’adresser à un homme, quel que soit son statut ou sa position sociale, lorsqu’il n’est pas nécessaire de spécifier un titre plus précis. Il est souvent traduit par « Monsieur » en français, bien que son usage puisse varier selon le contexte.)
« … Espèce de dégénéré ! Si tu ne retournes pas chez toi immédiatement, tu vas voir de quel bois je me chauffe ! » hurla-t-il, à bout de nerfs.
Cela faisait des années que Mo XuanYu, reclus dans sa bicoque*, n’avait pas été vu par qui que ce soit. Aussi, son apparition soudaine provoqua un émoi général parmi les spectateurs. Des murmures excités traversaient la foule. Pour eux, cet homme étrange et imprévisible promettait un spectacle bien plus divertissant que les cultivateurs rassemblés dans la salle.
(N/T : Une bicoque désigne une petite maison souvent modeste, délabrée ou en mauvais état.)
« Très bien, je veux bien rentrer chez moi, mais pas avant qu’il m’ait rendu ce qu’il m’a volé », s’exclama Wei WuXian en désignant Mo ZiYuan d’un doigt accusateur.
Mo ZiYuan, qui ne s’attendait pas à ce que son cousin ose faire des vagues après la correction qu’il lui avait infligée la veille, perdit toute couleur.
« C’est ridicule ! Depuis quand t’aurais-je volé quoi que ce soit ? Pourquoi aurais-je eu besoin de tes affaires ? ! »
« Exactement, tu ne m’as pas volé, tu m’as carrément pillé ! » rétorqua Wei WuXian, avec un aplomb désarmant.
Madame Mo, qui avait jusque-là observé la scène en silence, comprit enfin que son neveu n’était ni fou ni confus, mais qu’il avait planifié cette humiliation publique avec une lucidité effrayante. Bouillonnante de rage, elle finit par éclater : « Tu fais une scène exprès, c’est ça ? ! »
Wei WuXian lui lança un regard innocent et répondit calmement : « Il m’a volé mes affaires, et je suis ici pour récupérer ce qui m’appartient. Est-ce que cela aussi, c’est faire une scène ? »
Avant qu’elle ne puisse répondre, Mo ZiYuan, hors de lui, tenta de frapper Wei WuXian. Il leva un pied pour l’écraser sur lui, mais au même moment, un des disciples en robe blanche bougea discrètement un doigt. La jambe de Mo ZiYuan dérapa, et il s’écroula lourdement par terre.
Cependant, Wei WuXian ne comptait pas en rester là. Il se roula au sol en gémissant de douleur, comme s’il avait effectivement été frappé, et dénuda son torse pour exhiber l’ecchymose en forme de pied qu’il portait depuis la veille.
Les spectateurs n’eurent aucun mal à tirer leurs propres conclusions. Mo XuanYu ne pouvait s’être blessé lui-même, et avec l’arrogance bien connue de Mo ZiYuan, il était évident qu’il était responsable. Ils murmurèrent entre eux que les Mo étaient bien trop durs envers leur propre famille. Mo XuanYu n’avait clairement pas été aussi dérangé en revenant au village, mais les mauvais traitements des Mo avaient probablement aggravé son état. Cela dit, l’intérêt principal restait le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux.
Madame Mo, consciente des regards posés sur elle, comprit qu’elle ne pouvait ni frapper ni jeter dehors son neveu sans ternir davantage leur réputation. Serrant les poings pour contenir sa colère, elle se mit à arpenter la pièce avant de prendre une grande inspiration et de déclarer d’une voix faussement apaisante : « Voler est un terme bien trop exagéré. Après tout, nous sommes de la même famille. Je suis sûre qu’il voulait simplement voir de quoi il s’agissait. A-Yuan est comme ton petit frère. Qu’y a-t-il de mal à ce qu’il prenne quelques-unes de tes affaires ? En tant que grand frère, tu devrais montrer l’exemple et lui prêter volontiers ce dont il a besoin. Tu te ridiculises à faire toute une scène pour quelque chose d’aussi insignifiant. Ce n’est pas comme s’il ne comptait pas te les rendre. »
Aux premières loges, les jeunes disciples du clan Lan échangèrent un regard effaré, l’un d’eux manquant de s’étrangler avec son thé. Ayant grandi dans une secte de Cultivation, ces adolescents n’avaient connu que des montagnes enneigées et venteuses, la lune et les fleurs. Avec leur discipline rigoureuse, ils n’avaient probablement jamais été témoins d’une scène pareille, encore moins d’une farce aussi absurde.
« Dans ce cas, rends-moi mes affaires, répondit Wei WuXian en ravalant son fou rire, tendant une main vers Mo ZiYuan. »
Bien sûr, il savait que c’était impossible, car tous les objets en question avaient été jetés ou détruits. Et même si son cousin avait pu les lui rendre, sa fierté l’en aurait empêché.
« … Maman ! » s’écria Mo ZiYuan, le visage oscillant entre le gris et le vert, ses yeux hurlant silencieusement : « Tu vas vraiment le laisser me traiter ainsi ? »
Madame Mo lui jeta aussitôt un regard noir, lui ordonnant en silence de ne pas en rajouter. Mais elle n’avait pas prévu ce que Wei WuXian réservait encore :
« Non seulement il n’aurait pas dû me voler mes affaires, mais il aurait encore moins dû le faire en pleine nuit. Tout le monde sait que j’aime les hommes. Peut-être que cela ne le dérange pas de rôder autour de moi, mais moi, j’essaie de rester discret… »
« Quelles absurdités débites-tu devant tout le monde ? ! » suffoqua d’indignation Madame Mo. « N’as-tu pas honte ? A-Yuan est ton cousin ! »
Wei WuXian, passé maître dans l’art de provoquer, continua sans se démonter. Autrefois, il avait dû tenir compte de son statut et de sa réputation, mais aujourd’hui, il était fou ! Rien ne l’empêchait de dire ou faire tout ce qu’il voulait.
« Justement ! Et pourtant, il ne fait rien pour m’éviter ! » répliqua-t-il en relevant fièrement le menton. « Qui est immoral ici ? Je me fiche de votre réputation, mais ne salissez pas ma vertu ! Je veux encore me trouver un bon parti, moi ! »
Dans un accès de rage, Mo ZiYuan saisit une chaise et la lança sur lui. Wei WuXian esquiva habilement, et tandis que la foule assoiffée de drame se dispersait dans tous les sens, il se rua vers les disciples Lan, toujours figés :
« Vous avez vu ça ? Vous avez vu ? ! » hurla-t-il. « Non content de me voler, il veut maintenant me frapper ! Quel monstre ! »
Mo ZiYuan, prêt à bondir sur lui, fut arrêté in extremis par le chef des disciples Lan.
« Gongzi*, calmez-vous. Vous pouvez régler cela par la parole, » dit-il d’une voix posée.
(N/T : gonzi (公子) est un terme formel utilisé pour désigner un jeune homme de statut noble ou élevé, souvent traduit par « jeune maître » ou « fils de noble ».)
Madame Mo esquissa un sourire forcé en voyant ce jeune homme protéger son neveu qu’elle considérait comme dérangé.
« C’est le fils de ma sœur cadette, » expliqua-t-elle avec un mélange d’embarras et de prudence. « Il n’est pas dans son bon état d’esprit. Tout le village sait qu’il est fou et ne prend pas au sérieux ses absurdités. Cultivateurs, je vous en prie… »
Avant qu’elle n’ait terminé, Wei WuXian pointa la tête derrière le disciple Lan et lança froidement :
« Qui a dit qu’on ne doit pas me prendre au sérieux ? La prochaine fois qu’il essaie de me voler, je lui coupe la main ! »
Mo ZiYuan, retenu par son père, rugit de frustration. Wei WuXian, quant à lui, s’éclipsa de la salle. Le chef des disciples se redressa à l’entrée et reprit d’un ton grave :
« Nous emprunterons la cour ouest pour la nuit. Souvenez-vous : après le crépuscule, fermez toutes les fenêtres, ne sortez pas, et surtout, ne vous aventurez pas dans cette cour. C’est pour votre sécurité. »
« Oui, oui, d’accord…, » répondit Madame* Mo d’une voix tremblante, au bord de l’apoplexie.
« Maman ! » s’indigna Mo ZiYuan. « Ce fou m’a insulté devant tout le monde, et c’est tout ce que tu fais ? Tu avais pourtant dit qu’il n’était qu’un… »
« Tais-toi ! » ordonna Madame Mo sèchement. « Tu ne peux pas attendre qu’on soit seuls ? »
Furieux, Mo ZiYuan bouillonnait intérieurement : Ce fou me le paiera ce soir !
De son côté, Wei WuXian, après son esclandre, déambula tranquillement dans le village. Jouer le dément lui procurait un certain plaisir, surtout en voyant les visages médusés des badauds qu’il croisait. Il commençait même à regretter l’idée de retirer son maquillage de pendu. Après tout, si je n’ai pas d’eau pour me laver… , se dit-il avec un sourire malicieux.
En levant les mains pour recoiffer ses cheveux, son regard tomba sur les entailles qui barraient encore ses poignets. Ces blessures, encore ouvertes, lui rappelaient que sa vengeance n’était pas complète. La technique interdite exigeait plus qu’une petite farce ; il devait aller jusqu’au bout.
Alors, je dois vraiment tuer les Mo ? pensa-t-il. Honnêtement, ce ne serait pas bien compliqué…
Sans se presser, il retourna vers la cour ouest de la résidence. Sur place, il trouva les disciples Lan perchés sur les toits, l’air grave, en pleine discussion.
À l’époque du siège, leur secte avait pris part à sa chute, mais ces cadets n’étaient alors que des enfants, voire pas encore nés. Il n’avait donc aucune raison de leur en vouloir. Il se contenta de les observer.
Puis, il remarqua quelque chose d’étrange. Les disciples avaient planté de petits drapeaux noirs que le vent agitait doucement. Pourquoi lui semblaient-ils si familiers ?
C’étaient des bannières Zhaoyin*. Portées par une personne, ces drapeaux poussaient tous les mauvais esprits, rôdeurs et démons alentour à l’attaquer. Raison pour laquelle on les surnommait « bannières cibles ». Elles pouvaient aussi être placées sur une habitation si celle-ci contenait des êtres vivants — leur champ d’attraction s’étendait alors à toute personne présente dans la bâtisse. On les appelait également « bannières des vents noirs » à cause du tourbillon de yin qui entourait systématiquement l’endroit où ces étendards étaient érigés.
(N/T : Les Bannières Zhaoyin (招阴幡 – zhāo yīn fān) – Si on le traduit littéralement, cela donne : « Bannière d’attraction spirituelle ». Ces objets mystiques, souvent utilisés dans les récits de cultivation, servent principalement à attirer les esprits ou à manipuler les forces surnaturelles.)
Disposer une formation de ces bannières dans la cour ouest et en interdire l’accès signifiait donc que les disciples avaient prévu d’attirer les rôdeurs pour les capturer d’un seul coup. Quant au fait qu’elles lui étaient familières… Comment aurait-il pu en être autrement ? Il en était l’inventeur ! En dépit de la haine que lui vouait le monde de la Cultivation, ironiquement, l’exploitation de ses inventions ne semblait pas poser problème.
« Rentrez chez vous, s’il vous plaît. Quelqu’un comme vous ne devrait pas être ici », l’interpella un disciple en le remarquant flâner.
Son but était manifestement de le chasser, mais son ton n’avait vraiment rien à voir avec celui que lui réservaient les serviteurs des Mo. Wei WuXian l’ignora donc cordialement et, à la grande surprise du jeune homme, bondit avec légèreté sur un toit pour s’emparer d’une bannière. Ce n’est qu’au moment où il redescendit que le disciple sortit de sa stupeur.
« Hé, arrêtez ! Vous ne devez pas prendre ça ! » s’écria-t-il en se jetant à sa poursuite.
Avec son visage plâtré, ses cheveux ébouriffés, ses mains et ses pieds s’agitant en tous sens, Wei WuXian avait l’air complètement fou, bien entendu. Aussi se devait-il de parfaire le tableau :
« Non ! Je ne te le rendrai pas ! Je veux ce truc ! J’le veux ! ! ! » répondit-il en criant.
« Si vous ne me la rendez pas, je vais… Je vais vous cogner ! » menaça le garçon en le saisissant enfin par le bras alors qu’il s’accrochait à la bannière comme si sa vie en dépendait.
Alerté par leur raffut, le responsable des disciples descendit prestement du toit duquel il supervisait la formation.
« JingYi, arrête. N’en fais pas toute une histoire. Récupère simplement la bannière. »
« Ce n’était qu’une menace en l’air, SiZhui, répondit Lan JingYi. Regarde, il ruine notre travail ! »
Profitant du temps que lui fournissait leur échange, Wei WuXian inspecta rapidement la bannière : les incantations étaient complètes et tracées correctement. Elles fonctionneraient sans problème. Cependant, celui qui les avait peintes manquait d’expérience, et la bannière ne pouvait attirer les créatures alentour que dans un rayon de deux kilomètres et demi. Ce qui, somme toute, était bien assez. Il ne devait pas y avoir une quantité astronomique de mauvais esprits ou de rôdeurs dans un village aussi petit que Mo.
« Mo-gongzi, le ciel s’assombrit et nous allons bientôt commencer la capture des rôdeurs, » dit Lan SiZhui, un léger sourire aux lèvres. « Une fois la nuit tombée, cet endroit sera dangereux. Vous devriez rentrer vous mettre à l’abri. »
Avec son sourire affable, ce jeune homme était beau, élégant et possédait une aura de dignité. Il avait bien arrangé sa formation et le gratifiait de manières respectueuses. Il lui faisait très bonne impression ! Ce disciple semblait très prometteur ! Cela étant dit, qui pouvait bien avoir éduqué un tel cadet dans une secte aussi rabat-joie que celle des Lan…
« La bannière… » reprit Lan SiZhui.
« Quoi ? C’est juste un stupide drapeau ! Je peux en dessiner de bien mieux ! » le coupa Wei WuXian en jetant l’objet par terre avant de prendre la tangente.
Les disciples éclatèrent si fort de rire que quelques-uns manquèrent de tomber de leurs perchoirs.
« Quel malade ! » grommela Lan JingYi en époussetant l’étendard qu’il venait de ramasser.
Après avoir quitté les disciples, Wei WuXian continua sa balade autour de la résidence et ne retourna à la cabane de Mo XuanYu qu’au coucher du soleil. Malgré son absence, personne ne s’était donné la peine de remettre de l’ordre dans la bicoque ou d’en réparer la porte. Il laissa donc tout ça de côté, se dégagea un coin, s’assit et ferma les yeux pour reprendre sa méditation.
Seulement, voilà : qui aurait deviné qu’en plein milieu de la nuit, on viendrait le tirer de sa rêverie ?
« … Foncez à l’intérieur et sortez-le de là !… »
« Prévenez les autorités ! »
« Les autorités ? Et puis quoi encore ? ! Battez-le à mort ! »
Au moment où il ouvrit les yeux, des serviteurs surgirent dans la cabane. Derrière eux, la cour était illuminée de torches.
« Emmenez cet assassin à la grande salle et faites-le payer de sa vie ! » vociféra-t-on.
・.ʚ Voilà la fin de cette première partie du chapitre 2 ɞ .・
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