Warning: Scène de crime explicite! — Some content might be marked as sensitive. You can hide marked sensitive content or with the toggle in the formatting menu. If provided, alternative content will be displayed instead.
Chapitre 04
by Ruyi ♡Zhao Yunlan hésita, mais malgré le vent violent qui soufflait au sommet de l’immeuble, il croisa le regard de Shen Wei — et s’y vit, lui-même, mêlé d’une manière inexplicable à l’immensité du ciel nocturne. Sans vraiment savoir pourquoi, en levant les yeux vers ces prunelles, Zhao Yunlan relâcha instinctivement sa prise et confia tout à Shen Wei, y compris sa petite vie sans importance.
Il le regretta aussitôt. Est-ce que mon cerveau est en train de pourrir à cause du désir ?
La seconde suivante, Shen Wei le hissa d’un coup sec. Son allure de professeur discret ne laissait rien paraître de la poigne qu’il avait — le poignet de Zhao Yunlan s’engourdissait déjà, ses doigts avaient pris une teinte violette. Le frottement fit remonter sa manche jusqu’au coude et lui arracha un bout de peau sur l’avant-bras.
Puis il se retrouva serré dans les bras de Shen Wei, tous deux effondrés sur le toit — une étreinte si forte que ses os en grinçaient, comme si Shen Wei avait retrouvé quelque chose qu’il avait perdu depuis longtemps. Un sentiment étrange s’éveilla en Zhao Yunlan quand il aperçut les marques sur son poignet, laissées par la pression des doigts de Shen Wei.
Zhao Yunlan remua légèrement, et Shen Wei sembla reprendre ses esprits. Il le relâcha et rajusta ses lunettes, comme pour se réfugier derrière un masque.
Homme du monde et aguerri, Zhao Yunlan avait un don exceptionnel pour capter la moindre nuance dans les expressions d’autrui. Ses yeux brillèrent. La réaction maladroite de Shen Wei trahissait, elle aussi, une certaine… Attirance.
Une certaine tension…
Ah. Donc Shen Wei n’avait pas eu peur de lui lors de leur première rencontre. Cette raideur corporelle, ce refus de croiser son regard… Tout ça ressemblait plutôt à de la gêne, de la timidité.
« Vous êtes arrivé juste à temps. Grâce à vous, je ne suis pas suspendu à la tour de l’horloge comme un pendule. » Zhao Yunlan sortit un paquet de lingettes humides de sa poche et en tendit une à Shen Wei avant de nettoyer le sang et la saleté sur son propre bras. « Tenez — pour vos mains. »
Le frôlement de ses doigts contre ceux de Shen Wei aurait pu passer pour un accident. Mais ceux de Shen Wei se rétractèrent aussitôt, comme une sensitive* au moindre contact.
(N/T : La Sensitive (Mimosa pudica) est une petite plante rampante dont les feuilles se replient au moindre contact.)
Le désir naissant que Zhao Yunlan ressentait devint une mèche enflammée. Elle explosa avec éclat, ne laissant derrière elle qu’un tapis de papier rouge où l’on pouvait lire « liaison amoureuse ». Chaque nerf de son corps s’éveilla. Mais la danse de la séduction, il la connaissait par cœur ; c’était tout un art, un jeu de rapprochement et d’éloignement. Après cette subtile entrée en matière, il fit mine de n’avoir rien remarqué.
Il se tourna vers la fille au sol :
« Alors, qu’est-ce qui se passe, mademoiselle ? Une rupture ? Un prof qui t’a engueulée ? Une soutenance ou un partiel raté ? Regardez-moi ça — vos familles vous offrent tout, et vous vous ennuyez tellement que… »
Il fut interrompu par les sanglots de la fille, qui éclata soudainement en larmes.
Shen Wei revint enfin à lui. Il dit d’une voix très basse :
« C’était très dangereux. »
Zhao Yunlan reprit aussitôt :
« Exactement ! Tu as entendu ton prof ? Tu te rends compte du danger ? Mais allez, arrête de pleurer. On en parlera une fois en bas. On passera par l’infirmerie pour s’assurer que tout va bien, et ensuite faudra sérieusement discuter avec tes parents. »
Shen Wei se releva et lança un regard noir à Zhao Yunlan, puis se tourna vers la fille, le visage assombri. Pendant de longues secondes, il ne dit rien, se contentant de la fixer sévèrement jusqu’à ce que ses pleurs s’éteignent, étouffés par la peur. Elle se mit à renifler et hoqueter doucement.
Ça rappela à Zhao Yunlan son grand-père, mort depuis longtemps. Lui aussi était un homme traditionnel, instruit, aimable avec les autres, toujours accommodant. Il n’aurait jamais hurlé, ni juré, encore moins levé la main sur quelqu’un. Mais quand il se mettait vraiment en colère, ce seul regard noir suffisait à remettre tous les gosses de la famille dans le droit chemin.
« Et si quelqu’un d’autre s’était blessé à cause de toi, aurai tu pu vivre avec cette culpabilité toute ta vie ? » insista Shen Wei.
D’une voix hésitante, elle répondit :
« J… Je suis désolée… »
Zhao Yunlan se frotta le nez, un peu gêné.
« Bon, il y a eu plus de peur que de mal, mais tu devrais vraiment réfléchir à ce que tu as fait, jeune fille. Pense à toi. Pense à tes parents. À ton âge, qu’est-ce qui pourrait être si insurmontable ? Allez, arrête de pleurer et lève-toi maintenant. Je vais t’emmener à l’infirmerie. »
Il jeta un coup d’œil à Shen Wei pour voir s’il avait quelque chose à ajouter, mais celui-ci ne réagit pas. Zhao Yunlan s’approcha de la fille et se pencha pour l’aider à se relever. Elle tenait à peine debout, alors il la soutint pendant qu’ils redescendaient.
De retour à l’intérieur, à l’étage supérieur, il vit Guo Changcheng toujours allongé exactement là où ils l’avaient laissé. Mais avant que le chef ait pu dire quoi que ce soit, Daqing se précipita et lança une rafale de « Patte Météore Miaouvenante » sur le visage de Guo Changcheng.
La tentative de suicide de la jeune fille avait semé l’alerte. Les couloirs auparavant déserts semblaient soudainement reprendre vie, et de nombreux membres du corps enseignant pointèrent le bout de leur nez pour demander ce qui se passait.
Sous tous ces regards curieux, Guo Changcheng reprit lentement connaissance, avant de pousser un gémissement inhumain. Le visage couvert de sang, il ouvrit les yeux et vit son chef juste à côté, soutenant une jeune fille. Tous deux étaient visiblement en piteux état.
Zhao Yunlan lança, d’un ton significatif :
« Vous les jeunes, vous devriez faire plus d’exercice. Ce n’est pas normal de tomber dans les pommes dès que votre taux de sucre baisse, surtout dans notre profession. »
Sous les regards insistants de la foule, Guo Changcheng n’osa pas émettre un son. Il baissa la tête, honteux.
Après un court moment de réflexion, Zhao Yunlan dit :
« Voilà ce qu’on va faire. J’ai encore du boulot qui m’attend, alors emmène Daqing et creuse un peu le passé de la victime. Tu penses pouvoir gérer si je t’envoie seul ? »
Il insista sur le mot « seul », tandis que Daqing, plus loin, léchait sa patte avec un air satisfait. Le chat miaula bruyamment, ce qui fit frissonner Guo Changcheng. Zhao Yunlan lui donna une tape bienveillante sur la tête avant de se détourner.
Le visage de Shen Wei restait sombre, mais il ne dit rien. Quelqu’un essaya de lui demander à voix basse ce qui s’était passé, mais il se contenta de secouer la tête, l’air distrait. Ce n’est qu’une fois hors de vue de tous qu’il porta inconsciemment les doigts à ses clavicules. Sous sa chemise fine, on distinguait vaguement le contour d’un pendentif. Il ferma les yeux, inspira profondément, puis se hâta de rattraper les autres.
En descendant, Zhao Yunlan demanda :
« Comment tu t’appelles ? »
« … Li Qian. »
« Tu es dans quel département ? Et en quelle année ? »
« Département de langues étrangères… Première année de master. »
« Tu es d’ici ? »
Li Qian hésita un instant avant de hocher la tête, avec un léger temps de retard.
« Et ce qui vient de se passer, c’était quoi, exactement ? »
Cette fois, Li Qian ne répondit pas.
Zhao Yunlan la regarda, pensif. Cette fille, Li Qian, avait des cernes sombres et bien visibles sous les yeux. Son regard était vide, ses yeux injectés de sang, et son front d’une pâleur presque grisâtre, comme si elle n’avait plus qu’un pied dans la tombe. Tout son être transpirait la malchance.
Shen Wei repris soudainement :
« Le programme de langues étrangères impose des notes élevées pour ceux qui veulent suivre des cours d’option en sciences humaines. Tu as déjà suivi un de mes cours ? »
Après un regard prudent dans sa direction, Li Qian hocha la tête.
Shen Wei avait la voix d’un vrai enseignant. Grave, posée, agréable à l’oreille. Il parlait calmement, avec régularité. Il poussa un léger soupir et dit d’un ton sérieux :
« La vie et la mort ont une importance capitale. Dans tous mes cours, je dis à mes étudiants qu’il n’existe que deux raisons acceptables de donner sa vie. La première, c’est de mourir pour son pays, c’est un devoir. La seconde, c’est de mourir pour quelqu’un qui te connaît vraiment. Là, c’est un accomplissement. En dehors de ça, traiter sa vie à la légère, c’est faire preuve de lâcheté. Tu comprends ? »
« Je… » La voix de Li Qian tremblait, mais elle se reprit et serra les lèvres. « Je suis désolée, Shen-laoshi. J’ai… J’ai agi sur un coup de tête. Je n’étais pas lucide. J’ai eu un moment de panique, j’ai foncé dehors et j’ai failli entraîner… »
Elle regarda Zhao Yunlan, puis baissa de nouveau la tête. Le directeur Zhao était incroyablement séduisant, et son expression semblait bienveillante, mais Li Qian en avait malgré tout un peu peur. Quand leurs regards se croisèrent, elle se tassa instinctivement contre Shen Wei.
Zhao Yunlan sortit une cigarette et l’alluma, puis lui adressa un vague sourire.
« Tu ne sais pas ce qui t’a pris ? Mademoiselle, j’ai entendu parler de gens qui tuent des gens sur un coup de tête, mais se tuer soi-même sur un coup de tête, ça, c’est assez rare. Étais-tu possédée ou quoi ? »
Au mot « possédée », Li Qian pâlit aussitôt.
Zhao Yunlan n’eut aucune pitié.
« Tu avais peur de quoi ? Dis-nous la vérité. Qu’est-ce que tu as vu exactement sur le toit ? »
Li Qian lâcha un rire sec.
« Juste… Juste le toit. Qu’est-ce que vous voulez qu’on voie d’autre ? »
« Eh bien, ce que j’ai vu… » fit Zhao Yunlan en regardant droit devant lui, expirant une bouffée de fumée paresseuse. « Quand tu as sauté, j’ai vu plein de monde là-haut. Ils te regardaient tous et rigolaient. »
Li Qian se serra dans ses bras, secouée de tremblements. Elle serrait les dents si fort qu’on pouvait entendre grincer sa mâchoire de près. Zhao Yunlan l’observa un instant, tapota sa cigarette, puis tendit la main pour lui pousser l’épaule.
« Allez, vas-y. On est arrivés. »
Après avoir salué l’enseignant de garde à l’entrée de l’infirmerie, Zhao Yunlan confia Li Qian à Shen Wei, puis alla se poster près de l’entrée, la cigarette encore entre les lèvres.
Juste devant, un petit ruisseau artificiel passait sous un pont. Zhao Yunlan s’adossa nonchalamment à la rambarde en bois. Lentement, il souffla une bouffée de fumée au-dessus de sa montre. La fumée blanche se dissipa rapidement, laissant une fine brume dans le cadran. Le visage d’une vieille femme apparut, flou, comme si elle le regardait à travers le verre.
« Ce vieux chat avait raison. Un fantôme fraîchement formé, mort dans les sept derniers jours, qui se montre en plein jour à Clarté ? Même un chef de comité de quartier de son vivant n’aurait pas eu une telle poigne. » Zhao Yunlan haussa un sourcil, murmurant pour lui-même. « Alors, grand-mère… D’où tu sors ? »
Au bruit de pas derrière lui, il essuya doucement le cadran. La silhouette disparut. Il souffla quelques ronds de fumée, sans se presser, puis se retourna et vit Shen Wei s’approcher avec un petit plateau de premiers secours. Sans dire un mot, Shen Wei posa le plateau. Il attrapa aussitôt le bras écorché de Zhao Yunlan, ne lui laissant aucune chance de protester, puis retroussa délicatement sa manche et saisit une bouteille d’eau distillée.
« Je peux faire ça moi-même, » dit Zhao Yunlan.
« Et vous comptez vous prendre comment ? » répondit Shen Wei sans relever la tête. Après avoir rincé l’éraflure avec l’eau distillée, il la nettoya au coton, doucement, petit à petit. Pendant tout ce temps, il tenait le bras comme s’il manipulait un trésor fragile.
« Dites-moi si je suis trop brusque. »
« Un coup d’eau du robinet aurait suffi. »
Toujours sans lever les yeux, Shen Wei répondit :
« Avec cette chaleur, si c’est mal nettoyé, ça risque de s’infecter. »
Les cils de Shen Wei étaient très longs. Tête baissée, ses traits paraissaient délicats. La forme de ses paupières était si parfaite qu’on aurait dit qu’elle avait été dessinée. À chaque battement de cils, ses longs cils frémissaient doucement, et le cœur de Zhao Yunlan frémissait avec eux.
Zhao Yunlan avait une grande confiance en lui, mais pas au point de croire qu’il pouvait faire tomber quelqu’un amoureux de lui au premier regard. En plus, Shen Wei avait l’air vertueux, calme, presque austère—pas le genre de personne qu’on impressionne par le physique.
Alors pourquoi…
Shen Wei termina de nettoyer l’éraflure et appliqua un peu de pommade, mais quand il voulut poser un bandage, Zhao Yunlan l’arrêta.
« C’est juste une égratignure. Qui banderait un truc pareil par ce temps ? Les gens me verraient comme un malade. » Zhao Yunlan écrasa sa cigarette, puis passa un bras autour des épaules de Shen Wei avec naturel.
« Je vais aller voir comment va la fille. Vous venez avec moi ? »
Le geste raidit Shen Wei comme une planche. Il trébucha sur quelques pas pendant que Zhao Yunlan le guidait, tandis que le rouge lui montait du cou jusqu’aux oreilles. Il se dégagea aussitôt, lissa sa chemise pour retrouver contenance.
« Vous êtes toujours aussi sensible ? » plaisanta Zhao Yunlan avec désinvolture, mais il enchaîna avant que Shen Wei puisse répondre.
« Shen-laoshi, vous m’aviez déjà vu avant aujourd’hui ? »
Pris de court, Shen Wei croisa son regard, l’esprit vide. Pendant deux longues secondes, il ne put que le fixer sans détourner les yeux. Finalement, la gorge un peu sèche, il répondit :
« Je… Oui. Je vous ai déjà vu. »
Zhao Yunlan haussa un sourcil et attendit la suite.
« Je… » Une expression hésitante traversa brièvement le visage de Shen Wei. Juste au moment où Zhao Yunlan croyait qu’il allait raconter une histoire incroyable où leurs destins étaient liés, Shen Wei adopta un ton plus léger :
« En fait, j’ai vu votre équipe bosser sur une enquête. »
Zhao Yunlan ressentit un pincement au cœur, comme si on lui avait fait entrevoir quelque chose de beau pour finalement le lui reprendre doucement.
« Oh ? Et c’était quand, ça ? »
« Il y a cinq ou six ans, pendant cette série de douze suicides dans les tours jumelles près du pont Wanqing. C’était à la fin de mes études. Je venais de quitter le campus et je cherchais un appart dans le coin. À cause des morts, l’immeuble se vidait, alors le loyer était pas cher. J’étais l’une des rares personnes à avoir assez de cran pour y vivre. »
Zhao Yunlan essaya de se souvenir.
« J’y étais, mais je me serais certainement rappelé vous avoir vu. »
« Vous, vous ne m’avez pas vu, mais moi, j’habitais au dernier étage. Je vous ai vu, et j’ai aussi vu… » Shen Wei s’interrompit un instant, puis arbora une expression de scepticisme parfaitement dosée.
« Je vous ai vu capturer une ombre noire qui sortait d’une des pièces qui se trouvait en haut. Vous l’avez enfermée dans une bouteille, puis vous vous êtes retourné vers quelqu’un et vous avez dit : « J’ai attrapé le suspect. On peut plier. » Sauf que… Vous étiez clairement tout seul. »
Étonné, Zhao Yunlan lui demanda :
« Non seulement vous avez osé y vivre, mais en plus au dernier étage ? Il fallait avoir du cran. »
« À l’époque, je ne croyais pas à ce genre de trucs. J’étais juste un étudiant fauché. » Shen Wei baissa la tête. Puis, d’un ton pas moins louche, il ajouta :
« Vous pouvez vérifier les archives. Je dis la vérité. »
Au regard que Zhao Yunlan lui lança, il était difficile de dire s’il le croyait ou pas.
« C’est une négligence de ma part, » plaisanta-t-il. « Le règlement dit qu’on doit effacer les souvenirs des témoins, mais j’ai dû être trop content de moi et je ne vous ai pas remarqué. Toutes mes excuses. Votre vision athée du monde s’est-elle écroulée ce jour-là ? »
Shen Wei esquissa un sourire crispé, réservé, mais répondit pas.
Quand ils entrèrent à l’infirmerie, ils trouvèrent Li Qian assise dans son lit, dans la pièce où elle avait été installée, tenant un verre d’eau chaude sucrée que le médecin lui avait donné. Son dos était face à la lumière, ce qui rendait son expression encore plus morose.
Zhao Yunlan leva la main et frappa doucement à la porte. Li Qian leva la tête, alarmée. En le reconnaissant, elle poussa lentement un soupir de soulagement.
Il regarda sa montre. Elle reflétait toujours l’ombre de la vieille femme, mais les aiguilles n’étaient pas devenues rouges. Étrangement, la vitalité de ce nouveau fantôme semblait augmenter.
Si des signes de mort apparaissent sur une personne vivante, c’est qu’elle est sur le point de mourir comme une bougie qu’on souffle. Mais alors, que voulait dire le fait de voir la vie refleurir chez quelqu’un de déjà mort ?
Elle allait se réincarner ?
Perdu dans ses pensées, Zhao Yunlan s’assit sans gêne sur le lit d’en face et sortit un carnet.
« Bon, Tongxue, je vais encore devoir te poser quelques questions. » Li Qian le regarda, le visage pâle.
Vu que Shen-laoshi avait déjà laissé entendre qu’il savait quel genre de boulot Zhao Yunlan faisait, il était inutile de tourner autour du pot.
Zhao Yunlan demanda franchement : « As-tu vu des choses récemment que tu n’étais pas censée voir ? »
Le regard de terreur absolue de Li Qian lui suffit comme réponse.
« Je vois. » Zhao Yunlan fixa l’endroit entre ses sourcils. Il se pencha un peu, la main posée sur le genou.
« Mais je vois que ton troisième œil n’est pas ouvert. En théorie, tu n’es pas censée voir quoi que ce soit. Soit ton thème astral* est vraiment trop chargé, soit tu as touché à un truc qu’il fallait pas. »
(N/T : Le thème astral chinois (shēngchén bāzì, 生辰八字) repose sur huit caractères dérivés du calendrier sexagésimal, établis selon l’année, le mois, le jour et l’heure de naissance (deux caractères par élément). On pense que ce schéma permet de prédire le destin d’une personne.)
Li Qian mordit sa lèvre. Ses doigts se tordaient entre eux, jusqu’à ce que ses jointures blanchissent.
« Oh ? Je dirais plutôt que c’est la deuxième option. Alors, dis-moi, qu’as-tu touché ? » Zhao Yunlan baissa la voix.
Devant son silence, il lâcha un rire froid.
« Si tu ne me dis rien, ce truc te hantera toute ta vie. Tu n’as jamais entendu que la curiosité est un vilain défaut ? Il y a des trucs avec lesquels, il ne faut pas jouer. »
« Un cadran solaire, » finit par dire Li Qian, rompant le silence.
« C’est un héritage familial. Il était déjà noirci à force d’être resté là trop longtemps. Derrière, y a une plaque ronde incrustée de pierres qui ressemblent à des écailles de poisson. C’est du cristal noir — un peu comme la pierre de wujing, d’après les anciens. »
Le stylo de Zhao Yunlan s’arrêta.
« Un cadran solaire ? »
Li Qian acquiesça.
« Le cadran solaire tourne une fois par jour ; le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest, encore et encore, symbolisant le cycle sans fin de la réincarnation. » Zhao Yunlan resta silencieux un moment, pensif, avant de reprendre :
« Mais y a une autre manière de voir les choses. Certains pensent que la réincarnation, c’est un cycle éternel de meurtres, où le vieux est remplacé par le neuf. Ce qui est perdu l’est à jamais, et ce qui est passé ne reviendra plus. Quand l’aiguille tourne, on peut jeter un œil en arrière, mais pas revenir. Quand la roue de la réincarnation tourne, même en voulant regarder en arrière, on saurait même plus dans quelle direction regarder. »
Derrière lui, invisible, un frisson parcourut Shen Wei.
« Et tu t’en es servie pour quoi ? » demanda Zhao Yunlan.
Li Qian mordit encore sa lèvre.
« Bon, je vais reformuler : tu as fait un truc pas net avec ? »
Ses yeux s’écarquillèrent.
« Je n’ai rien fait ! »
Zhao Yunlan la fixa en silence.
« Je n’ai vraiment rien fait ! » Li Qian se recroquevilla, cherchant instinctivement à se protéger.
« Comment aurais-je pu utiliser quelque chose qui a été transmis dans ma famille pour faire le mal ? Vous dîtes n’importe quoi ! Vous… » Elle s’étrangla dans une toux brutale.
Le front de Shen Wei se plissa. Il s’approcha et se plaça entre elle et le regard perçant de Zhao Yunlan, lui tapotant doucement le dos.
« Prends ton temps. Il n’y a pas le feu. »
Puis, à Zhao Yunlan :
« Elle vient de vivre un choc important. Quoi que vous veuillez savoir, inspecteur Zhao, vous pourriez éviter de trop la brusquer ? »
Zhao Yunlan haussa un sourcil.
« Très bien, je vais m’en tenir à l’essentiel. Une dernière question. Après ça, je m’en irais. »
Il sortit une photo de la fille morte de sa poche.
« Tu as vu cette étudiante récemment ? »
Le regard de Li Qian glissa sur la photo. D’abord, elle secoua la tête. Puis, comme si un souvenir lui revenait soudain, elle attrapa la photo et l’examina attentivement.
« Je crois… Je crois que j’ai vu quelqu’un qui lui ressemblait un peu, hier… »
Le visage de Zhao Yunlan s’assombrit.
« Hier quand ? Tu te souviens de ce qu’elle portait ? »
« Dans la soirée. » Li Qian réfléchit.
« Hier soir, je revenais de la bibliothèque qui venait de fermer. Il devait être plus de 22h. Je suis sortie du campus pour acheter des trucs. À l’entrée, je crois que j’ai vu quelqu’un qui lui ressemblait, mais j’me rappelle plus trop de ses vêtements … Ah ! Si, j’me souviens. Elle portait un T-shirt de la semaine d’intégration. Ça m’a marquée parce que j’ai le même. »
« Il y avait beaucoup de gens qui portaient ce T-shirt hier ? »
« À part les étudiants de notre fac, pas vraiment, » répondit Li Qian.
« Je ne dirais pas qu’il y avait beaucoup de monde. La plupart des étudiants sont sur le nouveau campus. Ici, sur l’ancien, il n’y a jamais du monde. »
« Tu portais aussi le tien ? »
« Il n’était pas lavé, alors je ne voulais pas l’avoir à même la peau. Au début, je l’ai mis par-dessus un autre T-shirt. Puis comme il faisait chaud, je l’ai enlevé et fourré dans mon sac.. »
Zhao Yunlan hocha lentement la tête.
« Quand tu l’as vue, y avait d’autres gens dans le coin ? »
« Ouais, pas mal de monde passait, y avait aussi des voitures. » Li Qian, comprenant qu’il cherchait quelque chose, demanda :
« Pourquoi ? »
« Je ne te parle pas de la route principale. Je parle de la petite ruelle juste à côté de l’entrée latérale de ta fac. C’est par là qu’elle marchait, non ? Est-ce que quelqu’un d’autre était dans cette ruelle à ce moment-là ? »
Li Qian se tendit. Son regard se perdit sur le côté. Elle hocha la tête, puis la secoua, incertaine.
« J… Je ne sais plus. Peut-être… ? Je crois qu’elle est partie dans cette direction, mais je ne l’ai pas suivie. Cette ruelle mène nulle part. À part les étudiants qui vivent dans les dortoirs de l’est du campus, personne passe par là. C’est plutôt calme d’habitude… »
« Tu n’y es pas allée ? » coupa Zhao Yunlan.
« Hein ? Ah… Non, j’y suis pas allée… »
« Pourquoi ? Tu vis pas toi aussi à l’est du campus ? »
« Je… » Li Qian était perdue. Elle balbutia un instant, puis, paniquée, dit :
« J’ai pris le long chemin pour acheter un truc… »
« Tu viens pas de dire que tu avais déjà fait tes courses et que tu revenais à peine ? » coupa de nouveau Zhao Yunlan, sur un ton sec.
« Tongxue, je ne demande qu’à jouer les gentils flics de quartier. Je ne veux pas t’effrayer. Mais tu dois aussi faire ta part dans l’enquête. Alors, dis-moi la vérité, d’accord ? »
Anxieuse, Li Qian s’agrippa à l’ourlet de son T-shirt.
« J… Je dis la vérité. »
« Elle s’appelait Lu Ruomei. Elle était aussi étudiante à l’université de la cité des Dragons. Tu veux savoir ce qui s’est passé hier ? Je vais te le dire : ta camarade a été assassinée cette nuit-là. » Il marqua une pause entre chaque mot, observant attentivement son visage.
« L’heure estimée de la mort est 22h. Ça veut dire que tu es peut-être la dernière personne à l’avoir vue vivante. »
Les pupilles de Li Qian se contractèrent. Le verre qu’elle tenait tomba et se brisa sur le sol. Elle semblait en transe : le coin de ses yeux tressaillait nerveusement et ses doigts tremblaient. Ses lèvres devinrent livides.
Zhao Yunlan se renversa contre le dossier de la chaise et croisa les jambes. Mains jointes sur le genou, il la fixa.
« Pourquoi es-tu aussi bouleversée ? Si tu as rien à voir avec sa mort, si tu la connaissais même pas, pourquoi as-tu si effrayé maintenant ? Pourquoi tu as évité la ruelle hier soir ? »
Un cri court lui échappa. Li Qian s’effondra, enfouissant sa tête entre ses mains.
Zhao Yunlan lui attrapa le poignet pour lui retirer les mains du visage.
« T’échapper servira à rien. Regarde-moi et dis-moi exactement ce que tu as vu. »
Li Qian repoussa violemment sa main. Le lit d’hôpital grinça alors que ses pieds raclèrent le sol.
« Je ne sais pas ! » cria-t-elle, hystérique.
« Je ne sais pas ! Je ne sais pas ! Ne me posez pas de questions ! Je ne sais pas ! »
« Le campus n’est pas très grand. » La voix de Zhao Yunlan s’était faite plus calme.
« Peut-être que tu es déjà passée à côté d’elle au petit déjeuner. Peut-être que vous avez utilisé la même salle d’étude ou même emprunté le même livre. Tu veux savoir comment elle est morte ? Quand on l’a retrouvée, son cadavre était tout seul dans la ruelle. Quelque chose de tranchant l’avait éventrée, la moitié de ses organes arrachée. On ne sait pas encore ce qu’il en est advenu, mais un morceau d’intestin avait des marques de dents. Alors on suppose que le tueur les a mangés. Et tout ce sang… Tck, il y en avait partout par terre. Les taches sont encore visibles. Et tu sais quoi— »
Li Qian se mit à hurler sans mot.
Zhao Yunlan ne bougea pas, comme s’il avait le cœur en pierre. Il continua :
« Elle était encore en vie quand on lui a ouvert le ventre. Elle a vu son foie, ses reins, son estomac sortir de son propre corps. Elle a entendu les bruits de mastication pendant qu’on les dévorait. Tu imagines ça ? »
La voix déjà brisée, Li Qian tomba à genoux, recroquevillée, les bras autour de la tête.
Le médecin de garde arriva en courant, alerté par le vacarme.
« Qu’est-ce qui se passe ici ? »
Zhao Yunlan lui colla son badge sous le nez, puis referma la porte.
« Désolé, interrogatoire en cours. Donnez-moi encore cinq minutes. Merci. »
Il croisa les bras en s’adossant à la porte. Puis il reposa les yeux sur Li Qian.
« Dis-moi. Qu’est-ce que tu as vu ? »
Cette fois, elle lui répondit.
« Une… Une ombre. »
Son expression devint grave. Il revint rapidement vers elle et s’accroupit.
« Quel genre d’ombre ? »
Shen Wei intervint.
« Faites gaffe aux morceaux de verre. » Il attrapa un balai dans le coin de la pièce et repoussa les débris sur le côté.
Après une hésitation, il demanda :
« Je devrais peut-être sortir ? » Puis, à son étudiante : « Tu veux que je te ramène un peu d’eau ? »
Zhao Yunlan fit non de la tête.
« Non, restez. C’est mieux que vous soyez là. Je n’ai pas de collègue femme avec moi, et je n’ai pas le droit de l’interroger seule. » Tout en parlant, il aida Li Qian à se redresser et lui tendit un paquet de mouchoirs. « Alors, cette ombre… Prends ton temps. »
« Quand elle est passée près de moi, j’ai vu son T-shirt et j’ai compris que c’était une étudiante de cet fac. Je lui ai dit bonjour, même si on se connaissait pas. Elle a juste dit « Pardon » et elle a filé. C’est là que… » Li Qian leva les yeux, frissonnant violemment. Ses yeux étaient injectés de sang.
« C’est là que j’ai vu son ombre—ses ombres. Elle en avait plusieurs. »
Doucement, Shen Wei dit :
« Plusieurs sources de lumière peuvent créer plusieurs ombres. Peut-être que… »
« Non ! Ce n’était pas ça ! » coupa Li Qian, la voix tremblante. « Ce n’était pas ce genre d’ombres. Celle-là est apparue de nulle part, dans un endroit sans lumière. Elle était beaucoup plus sombre que les autres… Et surtout… Elle bougeait pas avec elle ! »
Un silence pesant tomba sur la pièce. Li Qian tremblait comme si elle allait se disloquer. Shen Wei se pencha pour lui caresser doucement la tête.
« Tongxue, essaie de rester calme. »
« Je l’ai vue, Shen-laoshi. Je vous le jure que je l’ai vue. » Elle s’agrippa à l’ourlet de sa chemise, en pleurs.
« Elle la suivait. Je l’ai vue. Dès qu’elle a mis un pied dans cette ruelle, elle… Elle s’est redressée d’un coup, comme une vraie personne. J’ai eu trop peur. Je me suis barrée en courant.
Je pensais avoir rêvé ou halluciné, vous comprenez ? Mais ensuite vous… Vous avez insisté. Vous m’avez dit qu’elle… Qu’elle est déjà… »
En entendant ça, elle sembla se rappeler les descriptions de Zhao Yunlan. Elle se leva d’un bond, repoussa Shen Wei et se précipita dans un coin pour vomir.
Shen Wei lança un regard de reproche à Zhao Yunlan.
« Euh… Ne vosu en faites pas, » dit Zhao Yunlan.
« Franchement, c’est une réaction plutôt soft. Vous n’étiez pas là ce matin. Un de nos bleus a tellement vomi qu’on aurait dit une holothurie*. »
(N/T : Ou concombre de mer.)
Shen Wei soupira et sortit dans le couloir pour aller chercher une bouteille d’eau auprès du médecin, qui n’avait pas cessé de leur jeter des coups œil. Puis il aida Li Qian à se rincer la bouche et à se relever. Elle tituba jusqu’au lit en s’appuyant lui. Le regard vide, elle fixa Zhao Yunlan.
« Ça a tué quelqu’un, et ça va me tuer moi aussi. Je l’ai vu. Il ne va pas me laisser tranquille, hein ? »
Zhao Yunlan répondit pas.
« Tu peux me le décrire ? »
« Je ne l’ai pas vu clairement, mais… C’était une forme humaine. Quand il s’est redressé, il devait faire à peu près cette taille. » Elle montra avec ses mains.« Tout noir et un peu petit, du coup il avait l’air un peu gros. »
Zhao Yunlan arrêta d’écrire. Les sourcils froncés, il répéta :
« Un peu petit et un peu gros ? »
Elle acquiesça.
« Est-ce que c’est possible qu’il soit pas si petit que ça ? Qu’il se soit enfui dès que tu l’as vu, avant même d’avoir eu le temps de se redresser complètement ? »
Li Qian se figea, sa réaction encore plus lente qu’avant. Puis elle baissa les yeux, fuyant le regard de Zhao Yunlan, et hocha de nouveau la tête.
« C’est… C’est possible. »
Un éclat étrange passa dans le regard qu’il lui lançait.
« Et ensuite ? »
« Eh bien, ensuite j’ai couru. » Elle garda la tête baissée, et Zhao Yunlan l’observa en silence. Elle se triturait les doigts jusqu’à en blanchir les phalanges.
Finalement, Zhao Yunlan laissa tomber. Il arracha une page de son carnet et y écrivit une série de chiffres.
« Si tu trouves le moindre indice, ou si tu te rappelles de quelque chose, contacte-moi immédiatement. Mon téléphone est joignable 24h/24. Merci pour ton aide. »
Il tendit le mot à Li Qian et se leva.
« Je vais vous raccompagner, » dit Shen Wei.
« Pas besoin, » répondit Zhao Yunlan. « Je vais d’abord aller fumer dehors. Parlez-lui un peu. J’ai peut-être été un peu dur tout à l’heure, j’ai dû lui faire peur. Désolé. »
Shen Wei regarda Li Qian. Il lui était impossible de deviner ce qu’elle pensait ; elle ne réagit pas aux mots de Zhao Yunlan.
Une fois que Zhao Yunlan fut parti, une cigarette déjà coincée entre ses lèvres, Shen Wei demanda doucement à Li Qian :
« Tu as faim ? Je peux aller te chercher quelque chose à la cafétéria après. »
Il lui parlait le plus doucement possible.
Avec le départ de Zhao Yunlan, la pression qu’il avait apportée avec lui disparut aussi. Li Qian respirait un peu mieux, et la fatigue la rattrapa enfin. Elle secoua faiblement la tête.
Shen Wei dit :
« Dans ce cas, je vais demander au médecin de rester un moment avec toi. Repose-toi ici un peu. Quand tu te sentiras mieux, tu pourras rentrer, d’accord ? »
Li Qian acquiesça.
Il fit quelques pas pour partir, mais s’arrêta, frappé par une idée, avant de revenir sur ses pas.
« Tu as de l’argent sur toi ? Sinon, je peux te dépanner un peu, pour le moment. »
Il était évident qu’il disait ça avec bienveillance. Li Qian réussit, avec peine, à esquisser un sourire.
« Merci, mais vraiment, ce n’est pas nécessaire. »
Shen Wei soupira, comme s’il avait quelque chose sur le cœur. Puis il dit :
« Certains mensonges sont dits volontairement, Tongxue, et d’autres pas. Les premiers servent à tromper les autres, les seconds, à se tromper soi-même. Dans les deux cas, c’est triste. »
Ses mots étaient assez généraux, mais Li Qian se figea. Shen Wei baissa les yeux.
« Laisse tomber. Je te souhaite le meilleur. »
Sur ces mots, il alla chercher une petite pommade à la pharmacie qui se trouvait non loin de là, puis se hâta vers l’extérieur.
Zhao Yunlan était encore dans le couloir, en pleine conversation téléphonique.
« J’ai vérifié. Cette fois, le problème vient de l’autre côté, pas de nous. »
C’était une voix de femme au bout du fil — mais ce n’était pas celle de Wang Zheng. La voix de la femme, légèrement sifflante, allongeait ses syllabes finales d’une manière presque aguicheuse.
« Hier soir, dès que les Portes du Monde Souterrain se sont ouvertes, une douzaine d’âmes enregistrées du Monde des Morts ont disparu. La plupart étaient fraîchement décédées, depuis moins de sept jours. Primo, elles avaient encore de l’attachement au monde des vivants, et secundo, elles ne connaissaient pas les règles. Mais ça va — elles ne pourront pas faire grand-chose. Par contre, le vrai problème, c’est qu’un Fantôme Affamé se serait échappé dans le chaos. »
« Pardon, un quoi s’est échappé ? » Zhao Yunlan pensait avoir mal entendu.
« Un Fantôme Affamé. »
« Comment ont-ils pu laisser un Fantôme Affamé passer dans le Monde des Vivants ? Ils veulent perdre leur job ou quoi ? »
Si la colère pouvait brûler, Zhao Yunlan serait classé comme un risque d’incendie.
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
0 Commentaire