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Chapitre 05 – Pression
par Ruyi ♡[PDV De Porsche]
Je roulais sur ma fidèle moto, cette fois avec un passager à l’arrière. Il avait l’air si abattu qu’on aurait dit que la fin du monde approchait.
J’ai été surprise de recevoir un appel de la part d’Oncle Thee, complètement à l’improviste. Il n’a répondu à aucune de mes questions. Il s’est contenté de me demander de venir le chercher, et m’a suppliée de le ramener chez moi.
« Descends de la moto », lui dis-je. Il obéit sans broncher, mais fronça les sourcils en me voyant couper le moteur et pousser lentement la moto dans un buisson derrière la maison. Il fronça encore plus les sourcils quand je me hissai sans hésiter par-dessus le mur de la cour.
« Qu’est-ce que tu fous ? » demanda-t-il, visiblement paumé.
Je lui tendis la main pour l’aider à grimper. « Chut ! Pas un bruit ! » le pressai-je. « Et grouille-toi ! »
Oncle Thee attrapa ma main, et je le tirai jusqu’en haut du mur. Puis je descendis de l’autre côté aussi silencieusement que possible.
« Pourquoi tu te faufiles dans ta propre maison ? » marmonna-t-il en chuchotant. Il me suivit quand même après que je lui fis signe. Jetant un œil de chaque côté, j’ouvris la porte arrière sans faire un bruit et nous entrâmes discrètement.
Un soupir de soulagement m’échappa. « Ouf ! C’était moins une ! »
Mon oncle me suivit de près… Et se dirigea aussitôt vers l’interrupteur.
« Hé ! N’allume pas la lumière ! » le prévins-je à voix basse.
« Quoi ? ! » Il me lança un regard perplexe.
Je sortis mon briquet et allumai une bougie à moitié consumée, vestige de la veille.
« Ne pose pas de questions », le rabrouai-je en ouvrant un tiroir pour lui tendre un éventail en osier.
« Si tu as trop chaud, utilise ça. Mais n’allume surtout pas la clim. »
« Tu n’as pas payé ta facture d’électricité ou quoi ? » demanda-t-il en acceptant l’éventail, toujours aussi paumé.
Je ne répondis pas. Je me dirigeai vers la fenêtre, soulevai légèrement le rideau… Et vis deux types en noir postés sur leurs motos, juste en face, les yeux braqués sur la maison.
Ils comptent me coller au cul encore combien de temps ?
Ça fait déjà deux jours qu’ils rôdent, au bar comme chez moi. Ça commence sérieusement à me taper sur les nerfs.
J’avais prévenu Madame Yok que je ne viendrais pas bosser pendant quelques jours. Elle m’avait alors dit que quelqu’un venait chaque soir demander après Jom. Et puis elle avait insisté, comme si ma vie en dépendait :
« Dis à Jom de s’excuser tout de suite auprès de Monsieur Kinn ! Ce type n’est pas un rigolo, crois-moi ! »
J’avais jamais flippé à ce point. Ces gars me cherchaient en pensant que j’étais Jom… Et plus le temps passait, plus je comprenais que ce Kinn ne lâcherait pas l’affaire si facilement.
« Tu t’es mis la mafia à dos ou quoi ? » demanda mon oncle, qui venait de se glisser à mes côtés pour regarder à travers le rideau.
« Et toi ? Qu’est-ce que tu as encore fait ? » lançai-je sèchement pour détourner la conversation. J’allais pas lui dire que j’avais piqué une montre hors de prix à un mafieux. Forcément que le mec me traquait. J’avais volé un truc précieux… Et maintenant, c’est ma tête qu’il voulait.
Je ne pouvais pas lui avouer que j’avais extorqué de l’argent à Kinn et que ce dernier avait envoyé ses hommes à mes trousses — probablement pour récupérer ce que je lui devais. Si mon oncle Thee apprenait l’existence de cette somme, il ne manquerait pas de me demander d’en partager une partie avec lui.
Mon oncle s’affala sur le vieux canapé et poussa un profond soupir, comme si toute l’énergie avait quitté son corps.
« Tu es là, hia ? » demanda Chay en descendant les escaliers, torse nu sous un simple débardeur, en short, armé d’un éventail en osier qu’il agitait frénétiquement pour chasser la chaleur. Il ruisselait de sueur.
Oncle Thee hocha la tête quand il le salua.
« Toi aussi, tu es là, Chay ? »
« Ouais… » répondit mon frère avant de se tourner vers moi avec une moue agacée.
« Hia, ce soir je vais dormir chez un pote. »
« Quoi ? Pourquoi ? »
« Parce que j’en ai marre de devoir me faufiler chez moi comme un voleur ! Je peux pas allumer la clim, je peux rien faire ! Même pas la foutue lumière ! La seule chose que je peux faire, c’est recharger mon téléphone. C’est complètement dingue ! Qu’est-ce que t’as encore fait, hia ? »
Je posai rapidement la main sur sa bouche.
« Chut ! »
Il fronça les sourcils, tenta de m’écarter, mais je ne cédai pas.
« D’accord, d’accord ! Va chez ton pote si tu veux. Mais appelle-moi une fois que t’y seras, compris ? Et surtout, passe par la porte de derrière ! »
Chay leva les yeux au ciel, puis remonta à l’étage sans un mot pour préparer ses affaires.
« Porsche… Ne me dis pas que tu as des dettes ? Tu dois de l’argent à quelqu’un, c’est ça ? » me demanda soudain Oncle Thee, l’air soucieux.
« Non ! Rien de tout ça. Et toi ? Qu’est-ce qui t’amène, hein ? Qu’est-ce que tu as encore fait cette fois-ci ? » lançai-je, les bras croisés, sur un ton plus sec que prévu.
Il hésita, baissa les yeux vers ses mains comme s’il espérait y trouver une réponse, puis murmura :
« J’ai besoin d’argent… »
Je soupirai en secouant la tête. Encore ? C’était loin d’être la première fois. L’année dernière, il m’avait fait le coup au moins dix fois. Et à chaque fois, c’était une nouvelle histoire, plus catastrophique que la précédente.
« Tu sais très bien que j’ai plus un rond. La dernière fois, j’ai même dû mettre en gage les bijoux de maman pour t’aider à rembourser ta dette. Qu’est-ce que tu veux que je fasse de plus ? »
Je me dirigeai vers la cuisine, attrapai une bouteille d’eau et l’ouvris d’un geste agacé.
« Mais cette fois, c’est différent ! Tu dois m’aider, Porsche ! J’en peux plus, je suis à bout ! » gémit-il en se prenant la tête à deux mains, comme un type à la limite de péter un câble.
« Combien ? » demandai-je en buvant à même la bouteille.
Il pinça les lèvres, lança un regard inquiet dans ma direction, puis murmura presque :
« Cinq millions… * »
(N/T : 5 millions de bahts – 138922.75 €)
Je m’étranglai avec l’eau que j’étais en train de boire à même la bouteille. Je mis à tousser violemment.
« Quoi ? ! »
« C’est différent cette fois. Il va me tuer, c’est sûr. Tu dois m’aider, Porsche ! » supplia-t-il, au bord de la panique.
« Tu es dingue ? ! Je suis censé trouver où, moi, ces cinq millions ? ! »
Je ne mentais pas. Ses anciennes dettes n’atteignaient jamais plus que quelques centaines de milliers, et encore, on s’en sortait en vendant nos dernières affaires. Je croyais que la dernière fois serait vraiment la dernière… Mais j’avais eu tort. Là, j’étais totalement dépassé.
« Je n’en sais rien, mais tu dois m’aider ! » Il fit les cent pas, marmonnant des phrases incohérentes, jusqu’à lâcher quelque chose qui me glaça le sang : « Putain ! J’ai hypothéqué la maison… Qu’est-ce que je vais faire maintenant ? ! »
« Attends ! Quelle maison ? » demandai-je, me souvenant que sa propre maison avait déjà été saisie pour d’autres dettes. Il passait son temps au casino ces temps-ci, et ne venait ici qu’occasionnellement. « Tu parles bien de ta maison, hein ? »
Mais à la vue de son air coupable, je sentis mon estomac se nouer.
« Euh… Ben… Je suis désolé. Je savais pas quoi faire… » bafouilla-t-il.
Je le fixai, choqué, incapable de croire ce que je venais d’entendre. Je me précipitai vers lui, espérant de tout cœur avoir mal compris. « Me dis pas que tu as hypothéqué cette maison… ! »
« Oui… J’ai hypothéqué cette maison. » Il finit par l’avouer. « Si je ne rembourse pas dans trois jours, elle sera saisie. »
Il plaqua ses doigts contre ses tempes, comme pour empêcher son monde de s’effondrer.
Mes jambes faillirent céder. Cette maison est à moi… Ce seul bien que mes parents m’aient laissé. Comment mon oncle avait-il pu me faire ça ?
Je serrai les poings, ravalai ma colère et marchai droit vers le tiroir où je gardais les papiers de propriété. Mais le dossier était vide.
Je me retournai lentement et le fusillai du regard. J’étais trop furieux pour dire quoi que ce soit.
J’avais tout juste vingt ans, et cette maison allait légalement me revenir. En attendant, oncle Thee avait été notre tuteur légal. Il avait géré notre héritage, vendu une bonne partie de nos affaires, mais il m’avait juré de ne jamais toucher à cette maison.
Elle appartenait à Chay et à moi. Mais aujourd’hui…
Comment as-tu pu me faire ça… Toi, mon propre oncle…
« Je suis désolé », souffla-t-il.
J’avais envie de le frapper. C’était notre seul parent vivant, celui qui aurait dû être notre pilier… Mais il n’était qu’un fardeau.
« Trois jours… » répétai-je, comme pour graver ses mots dans ma mémoire.
Trois jours. C’est tout ce qu’il me reste avant de perdre ma maison.
« Je dois trouver l’argent pour rembourser la dette et récupérer cette maison… Environ cinq millions… » dit-il d’une voix rauque, les yeux baissés.
Bang ! Crash !
Un bruit sourd retentit à la porte, brisant le silence pesant. Je me retournai brusquement, les yeux écarquillés.
« Putain ! »
Des hommes en costume noir envahirent ma maison. À leur tête se tenait une silhouette familière, grande et imposante, dégageant une aura de puissance absolue.
« M. Anakinn ! » s’écria mon oncle en bondissant du canapé. Lui aussi semblait choqué de le voir.
Je restai figé, incapable de bouger. Cet homme, que j’avais tout fait pour éviter, se tenait là, dans mon salon. Et avec tout ce qui m’arrivait… Je ne savais plus comment réagir.
Je le fixai, tendu, les mâchoires crispées. « Comment… Comment êtes-vous entré chez moi ? ! »
Il esquissa un sourire. « Hmm… Ce sera ma maison dans trois jours, non ? »
Je me tournai vers mon oncle pour avoir confirmation. Il hocha simplement la tête.
Putain. C’est à lui qu’il doit de l’argent…
« Hia, qu’est-ce que c’est que tout ce vacarme ? » demanda Chay en descendant les escaliers. Il fronça les sourcils en découvrant les inconnus. « C’est qui, ces types ? ! »
« Retourne dans ta chambre », ordonnai-je sèchement.
Mais il refusa de bouger. Il s’approcha, visiblement inquiet. « Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? »
Je gardai les yeux fixés sur Kinn. Il se tenait là, les mains dans les poches, spectateur amusé de notre misère.
« Remonte tout de suite ! » rugis-je.
Chay recula, les lèvres tremblantes. « Tu… Tu vas bien, hia ? »
Je pris une grande inspiration. « Tout va bien. Reste juste dans ta chambre. »
Il obéit à contrecœur, montant lentement les marches. J’attendis d’entendre la porte de sa chambre se refermer avant de me tourner de nouveau vers Kinn.
Je n’arrivais pas à croire ce qui se passait. Tout s’enchaînait trop vite.
« Eh bien… Hum… » Oncle Thee toussota, nerveux. « Pourquoi êtes-vous venu ici, Khun Anakinn ? »
« Pourquoi je n’aurais pas le droit de venir ? La moitié de cet endroit m’appartient, non ? » lança-t-il, moqueur.
Son attitude désinvolte me fit serrer les poings de rage.
« Eh bien… Est-ce que je pourrais avoir un peu plus de temps ? » tenta de marchander mon oncle.
Kinn ricana. « Trois jours. Cinq millions de bahts. Et si tu veux aussi récupérer l’acte de propriété de ta maison, ça fera six millions deux cent mille en tout. »
Mon cœur se serra à l’écoute de ces chiffres. Il parlait de notre maison comme si elle ne valait rien, et j’avais une envie irrépressible de lui coller mon poing dans la figure. Son arrogance me mettait hors de moi au point de m’en laisser sans voix.
« Mais, Monsieur Kinn… » implora mon oncle, désemparé.
Kinn leva une main large pour l’interrompre d’un geste sec.
« J’ai une autre proposition », annonça-t-il.
Les yeux de mon oncle s’illuminèrent aussitôt. Il le fixa avec espoir. « Laquelle ? Dites-moi ! Je ferai n’importe quoi si vous nous laissez une chance ! »
J’étais stupéfait quand Kinn pointa soudain son doigt dans ma direction.
« Toi ! Viens travailler pour moi ! »
Travailler ? Pour lui ?
« Si tu travailles pour moi, je prolonge le délai de remboursement à deux ans », ajouta-t-il.
Je restai planté là à le fixer, incapable de deviner ses véritables intentions.
« Travailler ? » répéta mon oncle, interloqué.
« Je veux qu’il devienne mon garde du corps. S’il accepte, je parlerai à mon père pour revoir les conditions de ta dette », déclara Kinn d’un ton calme mais ferme.
Je pris une profonde inspiration, tentant de digérer ce que je venais d’entendre, puis je laissai échapper un ricanement amer.
« Tu te prends pour qui ? Tu crois vraiment être assez important pour avoir besoin d’un garde du corps ? » lançai-je d’un ton moqueur.
Je faillis éclater de rire. Il était sérieux ? Il se prenait pour une star de film de mafia ou quoi ?
« Tais-toi ! » siffla mon oncle.
« Quoi ? ! C’est ton problème, pas le mien ! Pourquoi est-ce que je devrais être mêlé à tout ça ? ! » explosai-je.
J’en avais assez. Je ne voulais plus rien avoir à faire avec mon oncle. Comment avais-je pu me retrouver dans un tel merdier ? Non seulement Kinn exigeait que je travaille pour lui, mais en plus, il voulait s’emparer de notre maison. Putain, c’est quoi ce délire ? !
« Alors dis adieu à ta maison », lança Kinn.
« C’est la maison de mes parents ! » crachai-je entre mes dents, le corps secoué de colère. Les poings serrés, je me jetai sur lui.
Mais deux de ses gardes du corps me bloquèrent aussitôt. Je n’eus même pas le temps de l’atteindre.
« Elle appartiendra bientôt à mon père », ajouta Kinn avec un sourire narquois.
Ce connard savait exactement comment me foutre en rogne.
« Va te faire foutre ! » hurlai-je.
« Arrête ! Si tu veux garder cette maison, fais ce qu’il dit ! » tenta de me raisonner mon oncle.
« Mais ce n’est pas MON problème ! Pourquoi ce serait à moi de bosser pour lui ? ! »
« Hmm ? Qu’est-ce qui te fait peur ? » demanda Kinn d’un ton provocateur.
« De quoi j’aurais peur ? ! Tu veux vraiment savoir ? ! Tu crois que quelqu’un de censé voudrait risquer sa peau pour toi ? Ce que tu veux, c’est juste un larbin pour faire ton sale boulot, c’est ça ? Et quand tu dis « garde du corps », tu veux dire quoi ? Quelqu’un qui se prend les coups à ta place ? Quelqu’un qui va menacer les gens qui te doivent de l’argent, comme tu es en train de le faire avec nous en ce moment ? ! Qu’est-ce que mon frère deviendra si jamais il m’arrive quelque chose ? ! »
C’était sans doute les phrases les plus longues que j’aie prononcées depuis des années. Je n’avais jamais voulu m’impliquer dans ce genre de merde — ça n’en valait pas la peine. Je savais que ce choix mettrait ma vie en danger. Et j’avais mon petit frère à protéger.
« Tu as trois jours. Si tu ne peux pas payer, tu dégages », rappela froidement Kinn.
« Aaarrgh ! » rugis-je en me jetant à nouveau sur lui, malgré la présence des gardes. Ils m’encerclèrent instantanément.
« Je récupérerai cette maison, tu m’entends ? ! » criai-je, fou de rage.
« Arrête ! Ne fais pas l’idiot ! » hurla mon oncle en se plaçant entre nous.
Il me repoussa violemment, me projetant contre le mur. Un bruit sourd résonna quand mon dos frappa la cloison. Je lui lançai un regard noir, le maudissant en silence pour m’avoir entraîné là-dedans. Je hurlai de frustration, tirant sur mes cheveux en me demandant comment j’allais bien pouvoir récupérer notre maison.
Le silence retomba. Tous me fixaient sans dire un mot. Je leur rendis leur regard, puis finis par demander :
« Si je veux seulement récupérer la maison… Combien je dois payer ? »
Kinn se tourna vers l’un de ses hommes. « Combien ? »
« Un million deux cent mille bahts, monsieur. »
« Hé ! » cria mon oncle. « Ne me fais pas ça ! Si je ne le rembourse pas dans trois jours, je suis mort ! Je t’en supplie, va travailler pour M. Kinn ! »
« Hors de question ! » répondis-je. « Je veux seulement récupérer la maison ! »
« Et où comptes-tu trouver tout cet argent ? »
« J’ai un boulot », répondis-je à mon oncle. Puis je me tournai vers Kinn. « Donne-moi un peu de temps, je trouverai l’argent. »
« Très bien », acquiesça-t-il.
« Et moi, alors ? Et mes dettes ? ! » hurla mon oncle. Il agrippa mon bras, désespéré. « Réfléchis un peu ! Tu ne pourras jamais réunir autant en si peu de temps. Au moins, en travaillant pour lui, tu serais payé, et tu récupèrerais la maison. »
Je me dégageai brutalement.
« Je veux pas être mêlé à ça ! » criai-je. « J’en ai marre ! Je pense à mon frère, moi ! »
J’expirai bruyamment. Ignorant mon oncle, j’essayai de m’approcher de Kinn à nouveau, mais ses gardes ne me laissèrent pas passer.
« Donne-moi un an », dis-je. « Je trouverai l’argent et je rachèterai la maison. »
« Et toi et ton frère, vous vivrez où d’ici là ? » lança mon oncle.
« Ça ne te regarde pas ! » lui hurlai-je dessus. Il avait l’air d’avoir complètement perdu la tête. Je pouvais louer un appartement, juste pour Chay et moi, bosser dur, économiser, et au bout du compte, on aurait de quoi récupérer notre maison.
« Comme tu veux. Mais les cinq millions doivent toujours être remboursés dans trois jours », répliqua Kinn en haussant les épaules, puis il partit avec un sourire sinistre.
Une fois Kinn et ses hommes partis, mon oncle craqua complètement. Il se mit à tout saccager autour de lui en criant :
« Putain, mais qu’est-ce que tu as fait ? ! Tu te rends pas compte qu’ils vont me tuer si je les rembourse pas ? ! Ils vont me tuer ! »
« C’est ton problème ! » répliquai-je. « Démerde-toi tout seul, et ne m’entraîne pas dans ta merde ! J’ai aussi une foutue vie à protéger, OK ? ! »
Mon oncle hurla de rage. « Si je meurs, ce sera de ta faute ! »
« Et ma vie à moi, tu y as pensé ? Est-ce que tu te rends compte de ce que tu m’as fait ? ! » criai-je, la gorge nouée.
« Tu as vendu l’héritage de mes parents pour éponger tes dettes. Et maintenant, tu veux que je me sacrifie pour payer les conséquences de tes conneries ? ! Tu te sers de moi comme d’une monnaie d’échange ? Tu me prends pour quoi, hein ? Je ne suis pas ton bouclier ! »
(Note de Ruyi : Vas-y dis lui ! ! ! ヾ(`ヘ´) ノ゙)
Oncle Thee me dévisageait avec une haine mêlée de panique. Mais je n’allais plus reculer. Pas cette fois.
Je n’avais jamais protesté lorsqu’il avait tout vendu, pas même une fois. J’avais tout accepté, même si ça me faisait mal. Mais là, c’était différent. Cette maison… C’était la dernière chose qu’il me restait de mes parents. Leur dernier souvenir. Et en un claquement de doigts, on me l’avait arrachée.
Comment avait-il pu avoir le cœur de mettre en gage le dernier trésor de ma famille ? Cette maison, mon refuge, ma fierté, allait disparaître en un clin d’œil à cause de lui.
« Très bien ! Tu peux me traiter d’égoïste ! Vas-y, hurle autant que tu veux ! Mais as-tu déjà pensé à ma sécurité ? C’est moi, ton oncle, qui ai pris soin de toi et de l’héritage de tes parents ! Te souviens-tu de tout ce que j’ai fait pour toi, hein ? Qui s’occupait de toi quand tu étais au collège ? C’était moi ! »
(Note de Ruyi : Qui a besoin d’ennemi quand a un tel oncle… (-‸ლ) )
Je serrai les poings, les jointures blanchies par la tension, tremblant de rage en l’entendant énumérer toutes les choses qu’il avait faites pour moi. C’était vrai qu’il m’avait aidé au début… Mais à l’époque, il n’était pas encore rongé par son addiction au jeu. Depuis, ses problèmes n’avaient apporté que misère et danger à mon frère et moi — et cette fois, c’était pire que tout ce que nous avions connu.
Je pris un instant pour réfléchir. Est-ce que ça valait vraiment le coup de risquer ma vie en travaillant pour Kinn juste pour éponger ses dettes et éviter que mon frère et mon oncle ne soient blessés ?
Devrais-je… ?
« S’il te plaît… hic… Ne fais pas ça, hia ! »
Je levai les yeux, surpris, au son d’un sanglot étranglé. Mon petit frère descendait précipitamment les escaliers, les larmes aux yeux. Chay se jeta sur moi et m’enlaça avec force, enfouissant son visage contre ma poitrine. Mon cœur se serra en le voyant si vulnérable.
Je luttai de toutes mes forces pour ne pas montrer ma propre faiblesse. Je refoulai mes émotions, les poussant dans les recoins les plus sombres de mon être, et levai la main pour lui caresser doucement les cheveux. Il avait sans doute tout entendu… Et tout compris.
Je restai silencieux, incapable de lui répondre. Sa voix tremblante brisa le silence.
« S’il te plaît, n’accepte pas ce boulot… C’est trop dangereux ! Je ne veux pas te perdre, hia… »
C’était la seule et unique raison pour laquelle je ne pouvais pas risquer ma vie. Je ne pouvais pas mourir. Je ne pouvais pas laisser Chay seul dans ce monde. Il avait déjà trop souffert. Tout ce que je faisais, je le faisais pour lui — pour le protéger, pour le garder en sécurité. Je l’aimais plus que tout, plus que ma propre vie.
« Même si on perd cette maison, ce n’est pas grave… On peut vivre n’importe où. Mais je t’en prie… Ne m’abandonne pas… »
Il resserra encore son étreinte, comme s’il avait peur que je disparaisse. Je posai ma main sur son dos avec douceur.
« D’accord… » murmurai-je finalement, la gorge nouée.
« Tch ! Écoute-moi bien, morveux ! » intervint Oncle Thee d’une voix acerbe. « Ton grand frère ne va pas crever aussi facilement, tu sais. Il passait son temps à se battre au lycée, et pourtant, il est encore là aujourd’hui. Ne me dis pas que tu devenu une mauviette maintenant, Porsche ! »
Je contractai la mâchoire et lançai un regard noir à celui que je peinais à appeler mon oncle. Comment cet homme, qui prétendait nous aimer comme ses propres enfants, pouvait-il me pousser à risquer ma vie pour un type comme Kinn ?
Je repensai aux deux derniers jours, au chaos provoqué par ma rencontre avec Kinn. Les hommes qui le traquaient n’avaient aucun scrupule à sortir couteaux et flingues. Ce n’était pas une simple bagarre d’adolescents. C’était réel, brutal… Et dangereux. Je ne pouvais pas mettre ma vie en jeu. Pas pour lui. Et encore moins au prix de la douleur de Chay.
Non. Je ne le ferai pas.
On rassembla en vitesse quelques affaires essentielles, et je l’emmenai directement chez Tem. Je ne pouvais plus rester une minute de plus sous le même toit que cet homme. Et je ne pouvais plus le respecter non plus.
Même alors qu’on franchissait la porte, Oncle Thee continuait de hurler, oscillant entre les reproches et les supplications pour que j’accepte ce boulot de garde du corps. Il ne réalisait même pas que chaque mot qu’il prononçait ne faisait que creuser un peu plus l’abîme entre nous.
Je dus me faire violence pour ne pas retourner sur mes pas et lui exploser la figure.
« Entrez, les gars. Je vous sers un verre, » dit Tem en nous accueillant dans son appartement, avant de tendre un verre d’eau à chacun.
« Merci, » murmura Chay, la voix éteinte.
Tem se tourna vers moi, le visage marqué par l’inquiétude.
« Qu’est-ce qui s’est passé ? »
Je fixai le vide depuis le balcon, incapable de prononcer un mot.
« Désolé de te déranger… » soufflai-je finalement.
« Me déranger ? Arrête tes conneries ! Tu es mon pote, merde. Tu sais que tu es toujours le bienvenu ici. » Il marqua une pause, puis ajouta doucement : « Alors, c’est quoi le problème ? Je peux faire quelque chose ? »
Je sentis sa main presser doucement mon épaule et tournai la tête vers son visage. Il me regardait avec une inquiétude sincère, son expression empreinte de douceur.
Je pris une grande inspiration. Il fallait que je dise la vérité. Même si ma voix tremblait.
« Ma maison… A été saisie. »
Ma voix s’étrangla à peine les mots prononcés.
« Quoi ? ! » siffla Tem, stupéfait. « Qu’est-ce qui s’est passé ? »
« Oncle Thee l’a mise en garantie pour ses dettes de jeu… » Rien que de prononcer son nom me nouait l’estomac.
Même y penser me faisait mal.
« Merde… » jura Tem. Lui et Jom connaissaient déjà bien le personnage — je n’avais pas besoin d’en dire plus. Ils pouvaient deviner le reste.
Le silence s’installa un instant, lourd et pesant, avant que Tem ne demande à voix basse :
« Et maintenant, tu comptes faire quoi ? »
Je secouai la tête. Tout s’était enchaîné trop vite. Je n’avais encore aucun plan.
Brisant le silence, Chay déclara doucement :
« Je ne t’embêterai que pour cette nuit. Demain, j’irai chez un ami. »
« Tu peux rester ici, Chay. Toi et ton frère aussi, » répondit Tem d’un ton sérieux. « Ce sera peut-être un peu serré, mais vous êtes les bienvenus aussi longtemps que vous le souhaitez. »
« Merci, mais ça ira, » dit Chay, refusant poliment. « Je dormirai chez un ami demain. Mon frère peut rester ici. »
« J’ai promis à Chay qu’on trouverait une chambre à louer. On ne vous dérangera pas longtemps. Mais pour ce soir… »
« Oh, arrête un peu, » me coupa Tem en roulant des yeux. « Fais pas comme si on était des étrangers. Reste ici. Je veux t’aider, Porsche. »
Malgré tout ce que je venais de perdre, j’avais encore des amis sur qui compter. C’était un petit réconfort au milieu du chaos.
« Merci, mec… Vraiment, » murmurai-je sincèrement.
Tem hocha la tête avant de demander :
« Au fait, tu as réussi à joindre Jom ? Il est au courant ? »
« Je comptais aller chez lui au départ, mais il ne répond pas à mes appels. Il dort sûrement. »
« Ouais, moi aussi j’ai essayé de le joindre plus tôt ce soir. Aucun message, rien… Peut-être qu’il s’est trouvé quelqu’un ce soir, » plaisanta Tem pour détendre un peu l’atmosphère.
Toujours aussi prévenant, il alluma la télé et nous apporta des snacks et des boissons. L’ambiance se fit un peu plus légère.
« Mettez-vous à l’aise, d’accord ? Vous voulez prendre une douche ? Vous pouvez dormir dans mon lit ce soir, je prends le canapé. »
« Non, je veux pas abuser. Chay peut dormir avec toi. Je prendrai le canapé, » insistai-je.
Tem et Chay acceptèrent sans discuter.
Cette journée avait été interminable. J’étais épuisé. Plus de boulot, plus de maison… Ma vie entière s’était écroulée en une nuit.
Mais dès demain, je devais repartir de zéro. Travailler. Économiser. Et, si possible, récupérer cette foutue maison des mains de Kinn.
— Le lendemain… —
« Mais qu’est-ce qu’il fout, Jom, bordel ? ! » jura Tem, furieux. Il venait d’essayer de l’appeler pour la énième fois, sans succès.
Les cours de l’après-midi étaient terminés, et Jom ne s’était toujours pas montré. Depuis la veille, plus personne n’avait eu de nouvelles de lui. C’était pas son genre de disparaître sans prévenir. Habituellement, s’il était malade ou absent, il laissait au moins un message dans le groupe. Mais là… C’était comme s’il s’était fait kidnapper.
Tem et moi avons fini par arrêter d’essayer de le joindre, en espérant qu’il finirait par nous rappeler.
De retour dans l’appartement de Tem, je me mis à fouiller les annonces en ligne à la recherche d’une chambre pas trop chère dans le coin. J’en notai quelques-unes qui entraient dans mon budget. Faudrait que j’aille les visiter bientôt.
Mais l’heure tournait, et il était temps pour moi de me préparer pour aller bosser chez Madam Yok.
« Nonnn ! Pas encore… ! »
Dès que je garai ma moto près du club, un cri hystérique m’interpella.
Alarmé, je tournai brusquement la tête en direction de cette voix familière. Une foule paniquée s’agglutinait à l’entrée du club, et un mauvais pressentiment me noua l’estomac.
Je me frayai un chemin à travers les gens. « Qu’est-ce qui se passe ? ! » criai-je en entrant dans le club.
Le chaos m’assaillit immédiatement : des meubles renversés, du verre brisé partout… On aurait dit qu’une guerre avait éclaté ici.
Je reconnus une silhouette familière, effondrée au sol dans un qipao, en train de pleurer.
« Porsche ! Nous devons parler ! »
Je sursautai. La voix de Madam Yok avait complètement changé : grave, rauque, presque masculine, loin de son ton aigu habituel. Avec cette voix et cette robe, elle avait l’air d’un homme déguisé en femme. Elle se releva brusquement et me traîna de force jusqu’à son bureau.
Merde, qu’est-ce que j’ai encore fait ? !
« Aaaah ! Ça me rend folle ! » hurla-t-elle en se cognant le front contre le mur, encore et encore.
« Q-qu’est-ce qui s’est passé ? » balbutiai-je.
« Avec qui tu t’es enore embrouillé, hein ? ! »
Je grimaçai. Jamais elle ne m’avait parlé aussi violemment.
« Je… Je ne comprends pas. Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Je fouillai dans mes souvenirs. À part l’histoire de ma maison, je ne voyais pas de quoi elle parlait.
Elle me fixa un moment, puis éclata en sanglots.
« Je t’avais dit de ne pas t’attirer d’ennuis, non ? ! » pleurnicha-t-elle, sa voix redevenue plus aiguë. Tout en se mouchant dans un mouchoir en soie chinoise, elle me tapota l’épaule comme pour me consoler.
« Je n’ai rien fait… »
« Chut ! Qu’est-ce que tu as fait pour mettre Khun Kinn en rogne ? ! »
Je la regardai, incrédule. Kinn ? Encore lui ? J’étais déjà au fond du trou. Il avait pris ma maison, et la dette — cinq millions de bahts — ne me concernait même pas directement, c’était celle de mon oncle. On s’était pourtant quittés sur une sorte d’accord, non ? Il ne m’avait même pas demandé de lui rendre sa montre. Alors pourquoi… Pourquoi maintenant ?
« Je suis venue ouvrir le bar cet après-midi, et y’avait un de ses hommes qui m’attendait, » raconta Madam Yok, la voix tremblante. « Il m’a demandé si un certain Porsche bossait toujours ici. Quand j’ai dit oui… Il m’a frappée avec une matraque et m’a laissée inconsciente. Quand j’ai repris connaissance, mon bar était en ruines ! Porsche, qu’est-ce que tu as foutu, hein ? ! »
Sa voix redevint grave, rauque, incontrôlable.
« J’ai rien fait ! » protestai-je, le cœur battant.
« Arrête ton baratin, Porsche ! Ce mec a dit à tout le monde qu’ils reviendraient foutre le bordel jusqu’à ce que je te vire ! »
Quoi ? ! C’est une blague ou quoi ? !
« Attends… Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? ! » Ma voix tremblait de colère et d’incompréhension. D’habitude, je restais calme, mais là, je n’arrivais plus à suivre.
« C’est à moi de te poser la question, Porsche, » dit-elle, plus doucement cette fois. Puis, après un long soupir : « Je suis désolée… Mais il faut que tu arrêtes de travailler ici. »
Elle ne semblait plus en colère. Plutôt… Piégée.
Je la fixai, la gorge nouée. Je suis viré…
« Non… Tu ne peux pas me virer ! » la suppliai-je. Comment vais-je faire pour économiser et racheter ma maison à Kinn si je perds mon travail ?
Kinn, putain, qu’est-ce que tu as fait ? !
« Je peux pas continuer à réparer le club tous les jours… » sanglota Madam Yok.
« Mais tu peux pas me mettre à la porte comme ça ! J’ai besoin d’argent, » répondis-je, sincère.
« Et moi, j’ai besoin d’argent pour retaper ce club, figure-toi. Et cette fois, je ne sais même pas où je vais le trouver, » dit-elle d’un ton las.
À travers la vitre teintée de son bureau, je jetai un œil au bar. C’était un champ de ruines. Certains de mes collègues avaient été salement amochés. Un poids de culpabilité s’abattit sur moi.
« Je comprends même pas pourquoi il est si en colère contre moi, » soupirai-je. Je suis presque sûr de ne rien avoir fait pour provoquer ça. Mais bon sang… Tout ce désastre, c’est moi qui l’ai apporté ici, non ?
« Je t’en supplie, Porsche. Quitte le club, » dit-elle d’une voix brisée.
Je la fixai sans rien dire. Ces deux derniers jours avaient été un cauchemar. Je ne sais plus quoi faire. Je ne sais même plus ce que je ressens.
« Ne me regarde pas comme ça, mon chéri. Tu sais que je t’aime. Mais… Je dois penser à ma vie, aussi… »
Je comprenais. J’avais attiré des ennuis ici deux jours de suite. Comment lui en vouloir ?
« Tu pourras toujours revenir me voir. Je t’aiderai autant que possible… Sauf pour l’argent. Du moins, pour l’instant… »
Je baissai les yeux. « D’accord… Tu pourrais mettre un mot pour moi auprès de P’Q ? »
Elle releva un sourcil. « P’Q, celui qui tient le bar dans la ruelle d’à côté ? »
« Oui, lui. Est-ce que tu peux lui demander si je peux commencer à bosser là-bas ce soir ? J’ai vraiment besoin de thunes. »
Elle me fixa un instant. « Et si Kinn envoie ses hommes là-bas aussi ? S’ils bousillent son bar ? »
Je haussai les épaules, impuissant. « J’en sais rien. J’arrive pas à comprendre ce qu’il me reproche, mais je peux pas rester là sans rien faire. »
« Très bien, » dit-elle en soupirant. Elle sortit son téléphone et quitta le bureau pour appeler P’Q.
Même si elle est furieuse contre moi, elle cherche quand même à m’aider… Elle tient vraiment à moi.
Elle revint quelques minutes plus tard. « C’est bon. Tu peux commencer ce soir. »
Elle expliqua à P’Q qu’elle allait devoir fermer son club pour une durée indéterminée à cause des récents incidents, et qu’elle cherchait une place temporaire pour certains membres de son personnel. Il n’avait pas posé de questions.
« Hum… Merci. Tu veux que je t’aide à nettoyer avant de partir ? »
« Non… File. Q t’attend déjà. » Elle fit un geste de la main pour me chasser.
J’acquiesçai silencieusement, puis quittai le club pour me rendre chez P’Q, mon nouveau lieu de travail.
« Bonne chance, Q… » murmura Madam Yok dans son coin.
Je devais absolument trouver un boulot et gagner de l’argent—je n’avais pas le luxe de perdre du temps. J’étais complètement dépassé, et je ne pouvais plus me permettre de me demander pourquoi tout s’était effondré comme ça. C’était peut-être juste un énorme malentendu. Après tout, ceux qui avaient saccagé le club de Madam Yok n’étaient peut-être pas les hommes de Kinn, mais les types que j’avais provoqués la première nuit.
Ma première nuit au bar de P’Q s’était passée sans incident. Il y avait beaucoup plus de clients que dans le club de Madam Yok, ce qui rendait le travail éreintant. En plus, il me fallait apprendre une toute nouvelle organisation et m’adapter à une équipe totalement différente.
Être le petit nouveau n’avait jamais été facile pour moi. Et rien n’était simple en ce moment. J’étais au bout du rouleau. Je passais mon temps à me blâmer, à blâmer le destin, les dieux, ou le karma pour toute cette merde qui m’était tombée dessus. Rien ne semblait tourner en ma faveur.
Sur le chemin du retour, je fus distrait par un couple qui se pelotait sans gêne près de l’entrée de l’appartement de Tem. La scène me fit entrer le mauvais code à la porte.
L’homme me lança un regard noir avant de m’aboyer dessus :
« Qu’est-ce que tu regardes, connard ? ! »
« Putain… » grognai-je entre mes dents. J’ai pas envie de te regarder, enfoiré. C’est toi qui t’enfiles ta meuf en public ! Je suis juste là, c’est tout !
Je le fixai à mon tour, bien décidé à ne pas baisser les yeux. Mais avant que ça ne dégénère, la fille l’attira à l’intérieur de leur appart.
Sérieusement, ma vie est un enfer. J’essayais juste de rentrer chez mon pote, et voilà qu’un inconnu cherchait à se battre avec moi. Demain, je devrais peut-être traîner Tem jusqu’au temple et faire une offrande à un moine. Peut-être que ça chasserait un peu la poisse.
Une fois dans l’appartement, j’essayai de me faufiler discrètement. Tem devait déjà dormir. J’allai directement à la douche, espérant me détendre un peu. Mais en sortant de la salle de bain, je le trouvai bien éveillé, planté au milieu de la pièce, les yeux rivés sur le mur, l’air furibond.
« Je t’ai réveillé ? » demandai-je, surpris.
« Non, c’est mon putain de voisin, encore ! » grogna Tem en désignant la cloison blanche.
Je tendis l’oreille. Des bruits sourds et des gémissements étouffés s’en échappaient, de plus en plus rythmés. Évidemment. C’était le même couple que j’avais croisé dehors.
« Earth ! Tu peux baiser en silence, merde ? ! J’essaie de dormir ! » hurla Tem.
Il cogna violemment contre le mur, me faisant sursauter. En réponse, les gémissements s’intensifièrent.
Exaspéré, Tem se rua vers le balcon, fit coulisser la porte vitrée avec tant de force qu’elle heurta le mur dans un fracas sec. Puis il se pencha dehors et beugla en direction de la pièce d’à côté :
« Si vous devez niquer, faites-le au moins en silence, bordel ! »
« Désolé, mec ! » lança une voix masculine depuis l’appartement voisin.
Je restai figé, abasourdi. Je ne m’attendais pas à ce qu’il réponde, ce Earth. Je me tournai vers Tem, qui referma la porte d’un geste rageur. Je me souvenais maintenant qu’il m’avait déjà parlé de lui.
« C’est le type qui baise bruyamment tout le temps et t’empêche de dormir ? » demandai-je, en me rappelant qu’il avait évoqué vouloir déménager à cause d’un voisin insupportable.
Tem alla se servir un verre d’eau dans la cuisine. « Ouais, c’est lui. Et il ne se tape pas que des filles. Parfois, c’est des mecs aussi. J’en peux plus. Je le déteste, ce gars-là. Earth, va te faire foutre ! » cria-t-il en brandissant son majeur vers le mur.
Mais ses cris furent engloutis par une nouvelle vague de gémissements étouffés. Le couple semblait plus énergique que jamais.
Je soupirai. Visiblement, la poisse ne s’acharne pas que sur moi. Tem aussi est maudit en ce moment. Peut-être que faire un tour au temple pour prier ensemble n’était pas une si mauvaise idée. On avait vraiment besoin d’un peu de chance.
— Dans la voiture —
Un silence pesant s’était installé dans la voiture.
« Je devrais emménager avec toi, tu crois ? » demanda Tem sur le chemin vers le temple. « J’en ai ras-le-bol de cette foutue Terre. »
Je n’étais ni spirituel ni croyant en quoi que ce soit comme le karma. Pourtant, avec toutes les merdes qui m’étaient tombées dessus récemment, je commençais à remettre mes convictions en question. Peut-être que devenir moine serait ma dernière option pour fuir tout ça…
« Pourquoi tu ne mets pas un peu de musique, histoire de couvrir ce bruit ? » proposai-je.
« Je suis un dormeur léger. Le moindre son me réveille, » répondit Tem avec lassitude.
On continua à discuter de tout et de rien pendant qu’il contournait l’université pour rejoindre une entrée de l’autre côté. On se souvenait vaguement qu’il y avait un temple dans les parages. On arrivait presque à l’entrée quand le téléphone de Tem se mit à sonner.
Rrrrring
« Oh, tiens ! Ton daron t’appelle, » lança Tem en me montrant l’écran. Le nom de Jom s’affichait sur l’identifiant de l’appel.
Tem mit l’appel sur haut-parleur. « Quoi de neuf, mec ? Je commençais à croire que tu nous avais oubliés ! »
« Ai… Aidez-moi… Aidez-moi… » répondit une voix faible, à peine audible.
Tem pila net. La voiture s’immobilisa dans un crissement de pneus, et il me jeta un regard paniqué. On était aussi choqués l’un que l’autre — la voix de Jom était brisée, pleine de douleur.
« Tu es où ? ! Tu es blessé ? ! » s’écria Tem en urgence.
« Aide… Je suis derrière la fac… » gémit Jom avant d’être pris d’une quinte de toux.
Tem fit un demi-tour précipité et fonça dans la direction indiquée. Une horrible angoisse me submergea. Mon estomac se nouait. Putain, j’espère que c’est pas ce à quoi je pense…
« Raccroche pas ! Dis-nous où exactement tu es ! » cria Tem dans le téléphone, tout en scrutant les alentours.
On finit par apercevoir un attroupement autour d’un homme allongé sur le trottoir, inerte. Tem mit les feux de détresse et arrêta la voiture en plein milieu de la rue. On sauta hors du véhicule.
« On le connaît, laissez-nous passer ! » criai-je.
Les gens s’écartèrent pour nous laisser approcher, et ce qu’on vit nous coupa le souffle.
« Merde… Jom ! »
Il était affalé sur le sol, la tête maladroitement posée contre un poteau électrique. Des bleus couvraient sa peau, et sa chemise blanche était tachée de terre, avec des traces de pas imprimées dessus.
« Salut, les gars, » souffla Jom en esquissant un sourire malgré ses lèvres ensanglantées et un œil complètement fermé par l’enflure. Il tendit faiblement la main vers nous pendant qu’on s’agenouillait à ses côtés.
« Qu’est-ce qui t’est arrivé ? ! » demandai-je, à la fois paniqué et furieux.
« J’sais pas trop… J’achetais des boulettes de viande grillées à un stand quand un mec est venu me voir. Il m’a demandé si j’étais Jom, en deuxième année de Sciences du sport. J’ai dit oui, et là il m’a sorti que ‘M. Kinn te passe le bonjour’. Ensuite il m’a frappé et balancé dans un van. Ils m’ont tabassé jusqu’à ce que je perde connaissance. Et quand je me suis réveillé… Ils ont recommencé… »
Sa voix était rauque, à peine audible. Chaque mot lui coûtait. Sa respiration était sifflante, douloureuse.
Je serrai les poings, la mâchoire crispée. Putain… Même s’il n’avait pas l’air de souffrir de blessures vitales, j’étais furieux. Kinn avait blessé mon ami. Il avait aussi fait du mal à Madame Yok. C’était clair maintenant : il utilisait mes proches pour me faire pression. Pour me forcer à accepter son offre.
Sans attendre, je sortis mon portable et parcourus l’historique des appels. Je me souvenais des deux derniers chiffres de son numéro — ça ne me prit qu’une seconde pour le retrouver. Je composai.
Bip… Bip…
Il décrocha au bout de deux sonneries. Un petit rire glacé résonna à l’autre bout du fil.
« Hmm ? »
« Qu’est-ce que tu as foutu à mon pote, enflure ? ! » hurlai-je, hors de moi.
« Hein ? J’ai rien fait à ton ami, » répondit-il, faussement innocent.
« Me sors pas tes conneries ! Tu as fait tabasser mon pote, espèce d’enfoiré ! », incapable de contenir ma colère.
« Oh ? Alors c’est moi qui me suis trompé. Je voulais simplement que mes hommes te saluent, Jom. Je ne comprends pas pourquoi ils s’en sont pris à ton ami, » répondit Kinn, la voix exagérément amusée.
« Va te faire foutre ! Je m’appelle Porsche ! » hurlai-je. « Qu’est-ce que tu me veux, au juste ? »
« Oh… Donc tu t’appelles Porsche. Je comprends mieux maintenant. Mes gars se sont juste trompés de cible. »
Je tremblais de rage. Kinn riait, comme si ça l’amusait de me provoquer. Comment pouvait-il ignorer mon vrai nom, alors qu’il avait envoyé ses hommes me traquer jusqu’au club de Madame Yok ?
« Arrête de te foutre de ma gueule et dis-moi ce que tu veux, » grognai-je.
« Viens travailler pour moi, » dit-il simplement.
« J’en ai rien à foutre. Jamais ! » articulai-je sèchement, en détachant bien chaque mot.
Kinn resta silencieux un instant, avant de reprendre d’un ton nonchalant :
« Au fait… Ton petit frère s’appelle bien Porchay, non ? Je n’aimerais pas qu’il y ait un nouveau malheureux malentendu. »
Je craquai à l’instant où il prononça le nom de Chay.
« Ne t’avise jamais de toucher à mon frère ! »

« Eh bien… J’en serais ravi. Mais juste pour que tu le saches : le lycée de ton frère est vraiment tout près de chez moi… »
« Putain, Kinn ! Dis-moi ce que tu veux, bordel ! »
« Viens me voir. »
Je raccrochai immédiatement, les mâchoires serrées, le souffle court. Quelques secondes plus tard, un message apparut sur mon téléphone avec une adresse précise.
J’étais hors de moi. Ce type me rendait fou. Il avait menacé Madame Yok pour qu’elle me vire, il faisait pression sur mon entourage, et maintenant il se servait de mon frère comme d’un levier. Tout ça, juste pour que je devienne son garde du corps ?
Va te faire foutre, Kinn.
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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