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    Sarubia est morte.

    Sa disparition provoqua un bouleversement soudain.

    Le roi périt et le trône demeura vacant ; les fondements mêmes du royaume se mirent à trembler.

    Le peuple apprit que le roi avait tenté d’assassiner Rufus et que des innocents avaient péri dans la manœuvre.

    En réponse, le prince héritier Viren s’empressa de réagir  : il ordonna l’exécution de Rufus et de la baronne d’Inferna, tout en préparant sa propre accession au trône.

    Mais la famille royale avait déjà perdu la faveur populaire. Les citoyens, en colère, n’avaient plus l’intention d’étouffer leur ressentiment. Le sort du royaume — qui liait un prince ayant renié son peuple à des sujets qui l’avaient rejeté — était scellé.

    Une rébellion éclata.

    Rufus et la baronne, en attente de leur exécution, furent libérés par des insurgés issus du peuple. Rufus, malgré lui, devint le chef de la révolte et reprit l’épée, une fois encore, pour protéger les siens.

    La tête du prince héritier Viren fut tranchée.

    Les autres princes qui avaient levé des armées contre Rufus périrent également. Les nobles opposés à la rébellion furent tous réduits au silence.

    Rufus ne comprenait plus pourquoi il frappait et tuait. Au fond, la raison importait peu  : Sarubia était morte. Celle qui faisait tout son univers n’existait plus. Le monde, sans elle, ressemblait à un échiquier désert.

    Tout paraissait vain, creux, dépourvu de sens. Rufus ne savait plus ce qu’il désirait.

    Ainsi s’étira une guerre sanglante d’un an.

    Et, finalement…

    «  Vive le roi Rufus  !  »

    «  À genoux devant notre unique souverain, le roi Rufus  !  »

    Rufus se retrouva, à contrecœur, assis sur le trône.

    Tous louaient son nom.
    Tous inclinaient la tête devant lui.
    Tous tremblaient devant sa majesté.

    Il contemplait ses sujets agenouillés d’un regard vide.

    Cela n’avait aucune importance.

    Tout était vain, tout était vide — même lorsque l’on déposait devant lui la splendeur de l’or et de l’argent, même lorsque le peuple jurait fidélité.

    Rufus ne sourit pas.


    Une autre nuit tomba.

    Aujourd’hui marquait le premier anniversaire de la mort de Sarubia. Rufus se tenait seul au point le plus élevé du palais.

    L’air nocturne était glacial. Lorsque la brise froide effleura sa peau, il se rappela ses paroles  :

    «  Je préfère mourir de froid que de dormir enveloppée de chaleur.  »

    Sarubia.

    Elle exécrait la chaleur, presque maladivement. Si seulement elle avait pu profiter d’un soir pareil, songea‑t‑il, comme tout aurait été plus doux.

    Rufus baissa les yeux vers sa main  : il tenait une pierre magique rouge qui irradiait une lueur inquiétante — la gemme du roi‑démon qu’il avait jadis offerte à Sarubia. Jamais il n’aurait imaginé qu’elle deviendrait son dernier souvenir.

    Sarubia.

    Il compta silencieusement ce nom chéri dans son cœur. Combien de fois l’avait‑il prononcé  ? Des milliers, des dizaines de milliers, peut‑être des milliards ; chaque fois qu’elle lui manquait.

    Sarubia lui avait juré qu’elle resterait à ses côtés jusqu’à sa mort. À présent, il ne restait d’elle que sa tombe ; sa chair avait déjà rejoint la terre. Sarubia n’existait plus.

    Alors, que signifiait vraiment la vision qu’elle avait eue de la mort de Rufus  ?

    Il était plongé dans ses pensées lorsque quelqu’un l’appela  :

    «  Seigneur Rufus.  »

    «  Pourquoi êtes‑vous dehors à une heure pareille  ?  »

    C’était la princesse Sordide. Non, plus une princesse  : la reine Sordide, épouse du roi Rufus. Un mariage que ni l’un ni l’autre n’avaient désiré. Rufus lui en voulait d’avoir maltraité la femme qu’il aimait et d’avoir insulté sa grand‑mère ; Sordide, elle, nourrissait une haine égale pour l’homme qui avait tué son père et ses frères. Leur union n’était qu’une nécessité politique.

    Avec la disparition du roi et des princes, Sordid était la dernière héritière du sang royal ; certains nobles prétendaient que sans elle, la légitimité même de la dynastie se serait éteinte. Elle savait pourtant qu’à la moindre disgrâce, elle risquait la mort. Elle avait tout tenté pour conquérir le cœur de Rufus, mais il ne lui avait jamais même ouvert la porte de sa chambre.

    «  Ne prononcez pas mon nom à la légère,   » répliqua Rufus d’une voix glaciale.

    «  Seigneur Rufus, je m’inquiète pour vous et je suis venue… Je suis votre épouse…   »

    «  Partez.  »


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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