Chapitre 19
par RuyiCe chapitre vous est présenté par la Dragonfly S. :
• Traductrice : Ruyi
• Correctrice : Ruyi
« Seigneur Rufus, quels sont vos plans après la fin du festival de la victoire ? »
La princesse posa une nouvelle question, espérant enfin éveiller l’intérêt de cet homme énigmatique.
La réponse qu’elle attendait semblait évidente.
Il aborderait certainement le sujet du mariage. Après tout, le roi avait promis, trois ans auparavant, que le héros qui mettrait fin à la guerre aurait le droit d’épouser sa fille. C’était une conclusion naturelle, inévitable.
Sordide avait soigneusement planifié ce moment. Elle s’était préparée à rejeter sa proposition avec élégance, mais sans équivoque.
Cependant, ce qui arriva ensuite la prit totalement au dépourvu.
« Je retournerai dans le territoire d’Inferna. »
« Quoi ? Pourquoi ? »
Les yeux de la princesse s’écarquillèrent sous l’effet de la surprise. Ce n’était pas une réaction digne d’une dame et sa gouvernante, postée à quelques pas de là, lui adressa un discret geste d’avertissement. Mais Sordide ne pouvait dissimuler son trouble.
Il ne compte pas me demander en mariage ?
Les mariages royaux avaient lieu au palais. Il était impensable qu’il veuille l’emmener dans une contrée reculée pour une cérémonie.
« Alors… Qu’en est-il de notre mariage… ? » balbutia-t-elle, sa voix vacillante trahissant son désarroi.
« Je n’en ai aucunement l’intention. »
La réponse du héros était sèche, presque tranchante.
Un silence abasourdi s’abattit sur le jardin.
La princesse resta figée, le souffle coupé, incapable de prononcer un mot de plus.
Ce n’était pas seulement elle qui était sous le choc. Tous les témoins de leur échange – nobles, domestiques et invités – étaient stupéfaits.
Quoi… ? Pourquoi refuserait-il de se marier avec la princesse… ?
L’incompréhension se lisait sur chaque visage.
Sordide était la perle du royaume, admirée par tous pour sa beauté éclatante et son élégance sans pareille. Des hommes nobles et influents s’étaient battus pour avoir ne serait-ce qu’un instant en sa compagnie, espérant un sourire, une parole, un regard. Et voici cet homme, cet inconnu devenu héros, qui détenait le privilège ultime : celui de pouvoir l’épouser, conformément à la promesse du roi.
Pourtant, contre toute attente, il venait de déclarer qu’il n’en voulait pas.
La réponse de Rufus n’était ni hésitante ni polie, mais un refus catégorique, abrupt et sans appel.
Il ignore totalement sa place !
Les pensées de la princesse s’emballèrent tandis qu’elle serrait le poing sous la table, ses ongles s’enfonçant douloureusement dans sa paume.
Elle se sentait insultée.
Elle, la figure la plus estimée et désirée du royaume, venait d’être rejetée. Rejetée par un homme qui, il y a peu encore, n’était qu’un simple roturier. Elle, princesse royale, refusée par l’héritier d’une baronnie insignifiante, à peine une tache sur la carte du royaume.
Bien sûr, elle n’avait jamais voulu de ce mariage. Mais pas ainsi. Pas de cette manière. Elle avait espéré le contrôler, dominer la situation, en sortir victorieuse. Mais là, c’était lui qui la renvoyait.
« Pourquoi quittez-vous le palais royal ? »
Sa voix se fit plus douce, presque empreinte d’humilité. En apparence, elle cherchait simplement à comprendre les raisons de son départ, mais son véritable message était clair : Pourquoi tourner le dos à une princesse, à la gloire, à la richesse ? Pourquoi échanger tout cela contre un coin reculé, sans avenir ni prestige ?
Rufus ne se fit pas prier pour répondre. Et sa réponse, simple mais inattendue, provoqua un nouveau choc.
« Ma grand-mère a des soucis de santé. »
Sa grand-mère ?
La princesse plissa légèrement les yeux, cherchant à comprendre. Cette grand-mère… Serait-ce l’actuelle dirigeante de la maison Inferna ? Cette femme obstinée qui s’accrochait encore au titre de baronne, même après la mort de son époux ?
« La baronne d’Inferna, cette fichue vieille femme ! »
Les mots de son père, le roi, lui revinrent brusquement en mémoire. Elle se souvenait de lui pestant, agacé, alors qu’il parcourait les interminables rapports en provenance de cette baronnie isolée.
« Elle ose encore demander un soutien financier royal pour revitaliser ce tas de ruines ? Ha ! Ces mendiants du désert pensent-ils vraiment que le trésor royal déborde de richesses à leur offrir ? »
Son ton, empli de mépris, résonnait encore dans l’esprit de Sordide.
Elle se souvenait aussi de l’ordre catégorique qu’il avait donné ce jour-là. Chaque rapport envoyé par la baronne devait être brûlé, sans même être lu.
D’après ce qu’elle savait, la baronnie d’Inferna n’était rien d’autre qu’un territoire stérile, une étendue désolée où même l’espoir semblait s’être éteint. Dirigée par une vieille femme insensée, s’épuisant à tenter de redonner vie à une terre condamnée, la baronnie n’était qu’un fardeau inutile pour la couronne.
Et pourtant, Rufus avait décidé d’y retourner.
Il semblait qu’en dépit de tous ses efforts, la fin de cette baronne était proche.
« Eh bien, il était temps que la baronne d’Inferna finisse par disparaître », murmura la princesse avec un léger sourire satisfait.
Pour un instant, le visage de Rufus se figea.
« Que dites-vous ? »
« N’est-ce pas évident ? Quand les gens vieillissent, ils finissent par mourir. Vivre trop longtemps sans raison ne fait que devenir un fardeau pour les autres. »
Elle le regarda, le menton légèrement relevé, un éclat froid dans les yeux, comme pour lui demander pourquoi il semblait surpris par une vérité aussi banale.
« … »
Le silence qui suivit fut lourd, presque suffocant.
Les yeux de Rufus s’écarquillèrent, ses mâchoires se crispèrent et ses poings, sous la table, tremblaient violemment. Les veines de ses mains saillaient, comme si toute la colère qu’il contenait menaçait de jaillir à tout moment.
C’était une insulte.
La princesse venait d’insulter sa famille, la personne la plus précieuse à ses yeux.
« Votre Altesse. »
Sa voix, bien que tremblante de rage contenue, parvint à percer le silence.
« Si Sa Majesté le Roi venait à tomber gravement malade, tiendriez-vous les mêmes propos qu’à l’instant ? »
Sordide arqua un sourcil, visiblement surprise par la véhémence de sa question. Mais un sourire froid glissa sur ses lèvres alors qu’elle écartait ses paroles d’un geste nonchalant.
« Vous êtes bien dur. Pourquoi faire une telle comparaison ? »
Son ton était détaché, presque désinvolte.
« Ce n’est pas pareil avec mon père. Il est de ma famille proche. »
Sous la table, les poings de Rufus se crispèrent davantage, ses ongles s’enfonçant dans la chair de sa paume.
« Ma grand-mère m’est tout aussi précieuse. »
Le regard de la princesse s’assombrit un instant, avant de se parer d’un amusement glacial, comme si ses paroles étaient une absurdité qu’elle n’avait pas la force de prendre au sérieux.
« Ah, vraiment ? » Elle haussa les épaules avec une indifférence feinte. « Je ne suis pas particulièrement proche de ma propre grand-mère, alors je ne saurais pas dire. »
Comme pour conclure sa réponse, elle prit son couteau avec un geste calculé et découpa un morceau de gâteau. Elle porta le morceau à sa bouche, le savourant avec une lenteur presque provocante, comme si la conversation n’avait aucune importance.
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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