Chapitre 15
par RuyiCe chapitre vous est présenté par la Dragonfly S. :
• Traductrice : Ruyi
• Correctrice : Ruyi
Les souvenirs d’il y a trois ans refirent surface.
Lentement, presque prudemment, la servante tourna la tête vers Rufus. Puis, dans un élan fugace et inattendu, elle lui vola à nouveau un baiser.
Ce fut un instant d’une brièveté presque douloureuse.
Le cœur de Rufus s’enfonça dans cette chaleur passagère qui l’effleura, fragile comme une flamme vacillante sur le point de s’éteindre.
C’était irréel, comme un rêve qu’il craignait de briser. Au-delà de la douceur fugace de ce contact, presque cruel dans sa brièveté, quelque chose d’indescriptible germait en lui. Les émotions qu’il avait étouffées pendant tout ce temps semblaient à présent éclore avec une force qu’il ne contrôlait plus.
« Tu… »
Rufus, totalement absorbé par cette femme qu’il ne comprenait pas, la fixa avec une intensité qui traduisait l’agitation dans son cœur. Enfin, d’une voix rauque et hésitante, il parvint à articuler :
« Pourquoi continues-tu à me faire ça ? »
Pourquoi ?
« Pourquoi me traites-tu si gentiment ? » murmura-t-il, presque pour lui-même.
Pourquoi me traites-tu si gentiment ?
Pourquoi t’occupes-tu de ma douleur ?
Pourquoi partages-tu ta chaleur avec moi ?
Ces questions résonnaient en lui comme un écho incessant, mais il n’osait les poser à haute voix.
Face à ses questions désespérées, la servante lui caressa doucement les cheveux dans un geste empreint de tendresse.
Puis, elle murmura : « Parce que vous vous êtes souvenu de mon nom. »
Son nom.
Sarubia.
C’était vrai. Il n’y avait pas un jour où Rufus avait oublié ce nom. Il s’était toujours souvenu de Sarubia.
Peut-être était-ce parce qu’elle était une sainte. Ou peut-être était-ce grâce à sa prophétie, celle qui lui avait assuré qu’il survivrait jusqu’à la fin de l’asservissement des démons.
Quelle qu’en soit la raison, une chose était certaine : au cours des trois dernières années, son nom avait traversé son esprit un nombre incalculable de fois.
« Puis-je vous raconter une histoire intéressante ? »
La servante taquina légèrement Rufus, un sourire espiègle flottant sur ses lèvres.
« En vérité, lorsque vous êtes apparu devant le palais de la princesse, je vous ai reconnu comme l’homme d’il y a trois ans. »
« … Vraiment ? »
« Oui, je faisais semblant de ne pas vous connaître. Je suis désolée. »
« Pourquoi as-tu fait ça ? »
« J’étais curieuse de connaître votre réaction. »
Ma réaction ?
« Je me demandais quelle expression vous prendriez si je vous disais que je ne me souvenais pas de vous. »
Alors qu’elle parlait, la servante tira la langue d’un air amusé.
« Tu… »
Cette fille espiègle, vraiment.
Elle l’agaçait, mais d’une étrange manière, son cœur se sentait plus léger.
« Alors, quelle expression ai-je faite ? »
« Vous n’avez pas remarqué l’expression que vous faisiez ? On aurait dit que vous étiez sur le point de pleurer. »
« Moi ? »
« Oui. »
La servante acquiesça toujours souriante.
« Était-ce si déchirant que je ne me souvienne pas de vous ? Je ne savais pas que vous chérissiez autant une simple servante. »
« C’est vrai. »
Ses mots étaient légers, presque lancés pour détendre l’atmosphère. Mais Rufus s’en empara avec une gravité inattendue.
Il ne pouvait pas laisser passer ça.
« C’est exact, tu dis vrai. »
C’était enfin clair.
« Vraiment ? Qu’est-ce qui est vrai ? »
« Tout ce que tu as dit est correct. »
« Que voulez-vous dire… ? »
« Sarubia. »
Rufus prononça son nom avec une intensité qui fit vaciller son sourire.
« Viens ici. »
À son appel, la servante s’approcha, hésitante.
C’était le point culminant de tout.
Il lui saisit fermement le poignet alors qu’elle avançait. D’un mouvement sûr, il la tira brusquement à lui, la faisant basculer en avant.
Lorsqu’elle tenta par réflexe de se redresser, Rufus l’en empêcha. Il la garda dans son étreinte, ses bras refermés sur elle avec une force douce, mais inébranlable.
Puis, sans attendre, il inclina la tête et l’embrassa.
Ses lèvres capturèrent les siennes avec une impatience évidente, mordillant doucement la lèvre inférieure de Sarubia. Lorsqu’elle laissa échapper un gémissement doux, presque inaudible, Rufus en profita pour approfondir le baiser.
Il n’y avait aucune hésitation, aucune retenue. Seulement un besoin pressant, une urgence brute d’être plus proche d’elle.
Il ne comprenait pas exactement pourquoi il se comportait ainsi. Et il ne voulait pas comprendre. Ce n’était pas le moment.
Il savait que c’était impoli. Que c’était un manque de respect envers elle, envers ce qu’elle représentait.
Mais il ne pouvait pas s’en empêcher.
Il avait besoin de sa chaleur, maintenant. Il voulait s’enfouir dans ce petit corps, trouver un réconfort qu’il n’avait jamais connu, et remplir le vide béant de son cœur. C’était un désir égoïste, primaire, impossible à contrôler.
Alors, il laissa des traces sur ses paupières, ses joues, ses oreilles, son cou… Toutes les parties de son corps qu’il pouvait atteindre. Rufus dérobait sa chaleur sans retenue, comme un homme affamé.
« Vous… Vraiment… »
Sarubia finit par le repousser doucement, haletante. Ses yeux étaient remplis de larmes.
En la voyant ainsi, Rufus s’arrêta net.
Avait-il été trop brutal ?
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
Elle renifla légèrement avant de répondre :
« Tu es si mauvais à ce jeu. »
« … »
S’il avait dit qu’il n’était pas blessé par ces mots, il aurait menti.
« Pourquoi es-tu si pressé ? Vas-y doucement. »
« Tu crois que j’ai le temps pour ça ? »
« Quoi ? »
« Sarubia. »
D’une main ferme, Rufus saisit doucement son menton et releva son visage.
« Ouvre la bouche. »
L’homme, si souvent maladroit et rouge de honte face à ses taquineries, avait disparu.
À sa place, il y avait un soldat brisé.
Des mois de tension, d’anxiété sur le champ de bataille, d’isolement, et cette peur constante de perdre tout ce qu’il chérissait — tout cela l’avait consumé, laissant place à un besoin dévorant.
Il devait combler ce vide. Maintenant.
Sinon, il avait l’impression qu’il allait mourir, ici et maintenant.
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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