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    « … »

    Assise sur le canapé, la servante resta silencieuse, ses lèvres étroitement scellées. Il semblait que la question était trop difficile à aborder.

    Un soupir s’échappa de Rufus, qui venait de s’asseoir à ses côtés, l’air accablé.

    Il leva les yeux vers le plafond blanc immaculé, un contraste cruel avec l’image douloureuse de sa grand-mère toussant sans répit qui hantait son esprit.

    Une image persistante, brutale.

    « … L’année prochaine. »

    Les yeux clos, Rufus murmura d’une voix faible :

    « Au printemps prochain, mon frère aura sa cérémonie de passage à l’âge adulte. »

    « Oui », répondit doucement la servante.

    « Est-ce que ma grand-mère pourra vivre jusque-là ? »

    Un nouveau silence s’installa. Mais Rufus comprit immédiatement ce que cela signifiait. Edel avait raison. Cette année serait la dernière qu’il pourrait passer avec elle.

    « … Une semaine. »

    Après un silence long et pesant, la servante finit par répondre, sa voix empreinte de prudence.

    « Il lui reste une semaine. »

    « Une semaine ? C’est bien trop court… »

    Juste sept jours. Rufus avait espéré qu’elle tiendrait au moins jusqu’à la fin de l’hiver.

    « Comment va-t-elle partir ? »

    Sa voix était à peine un murmure alors qu’il posait la question, les yeux toujours fermés.

    Partirait-elle dans la douleur ? Ou s’éteindrait-elle doucement, dans la paix de son sommeil ?

    « Y a-t-il un moyen d’empêcher sa mort ? »

    Et si sa santé était fragile ? Peut-être qu’un remède rare pourrait l’aider. Peut-être qu’il existait une solution pour raviver son énergie.

    « Il doit bien y avoir une solution, n’est-ce pas  ? »

    Pas encore, pas maintenant. Ça ne peut pas arriver.

    Jusqu’ici, leur grand-mère s’était sacrifiée pour élever Rufus et son frère cadet.

    Ses mains, gonflées par les années de travail, étaient trop enflées pour porter la moindre bague. Son corps frêle n’était qu’une silhouette squelettique. Elle n’avait jamais goûté de mets délicats, ni porté de robes élégantes.

    « Vous m’aviez promis de ne pas poser d’autres questions. », lui rappela doucement la servante.

    « … C’est vrai. »

    Rufus hocha la tête sans un mot.

    Une promesse restait une promesse. Il ne pouvait pas lui demander davantage.

    « Est-ce que cela vous rend triste  ? » demanda soudain la servante, d’une voix simple, presque innocente.

    Rufus garda le silence face à cette question désarmante.

    « Je vais bien. »

    La servante se leva doucement du canapé.

    « Il lui reste encore du temps. »

    Tout en se levant, elle s’approcha de Rufus.

    Sa petite main vint doucement effleurer la joue de Rufus.

    Rufus ne repoussa pas ce geste. Il ne pouvait résister à la chaleur qui émanait de ses mains rugueuses, marquées de callosités.

    Il aurait préféré rester ainsi pour toujours.

    Tic, tac.

    Le temps s’écoulait lentement.

    Une douleur amère serrait sa poitrine, comme si son cœur allait se briser en mille morceaux.

    « C’est normal de pleurer. »

    La servante murmura ces mots à Rufus, qui avait posé sa tête sur son épaule.

    Comme on apaise un enfant, elle le réconforta. Tandis qu’elle lui caressait doucement le dos, Rufus sentit les larmes lui monter.

    Ne voulant pas pleurer, il ferma les yeux.

    Dans cette obscurité imparfaite, les souvenirs des jours passés refirent surface.

    Sa grand-mère, forte, mais pleine de compassion.

    Sa grand-mère, qui avait gouverné avec assurance le domaine d’Inferna malgré la perte de son mari.

    Sa grand-mère, qui lui lisait des histoires avant le coucher, avec une tasse de thé chaud à ses côtés.

    Sa grand-mère, qui avait silencieusement posé une main sur sa tête lorsqu’il avait utilisé la magie pour la première fois.

    Sa grand-mère, qui, après la mort de ses parents, l’avait serré contre elle en insistant sur l’importance de rester digne.

    Sa grand-mère, qui avait agrippé fermement ses mains lorsque Rufus avait été contraint de rejoindre l’unité d’assujettissement des démons.

    Et enfin, sa grand-mère, qui, après son retour victorieux contre le Roi Démon, lui avait dit : « Je savais que tu en étais capable. »

    Il ne pouvait plus se retenir.

    Rufus étreignit la servante avec force. Peu à peu, des sanglots emplirent la pièce. La servante serra doucement son corps contre elle, le laissant pleurer.

    Mais elle ne souriait pas.


    Ce type a vraiment décapité le Roi Démon  ?

    Le roi regardait la tête tranchée du Roi Démon, Audixus, que Rufus lui avait apportée, et claqua la langue.

    Il se souvenait très bien de Rufus.

    Impossible de l’oublier. Comment aurait-il pu oublier cet homme ? Celui qui, malgré son statut de plus bas rang et le plus insignifiant des prétendants, avait osé demander la main de la princesse Sordide.

    C’est précisément pour cela que le roi l’avait envoyé au sein de l’armée de subjugation des démons, espérant que le garçon trouverait une mort précoce sur le champ de bataille.

    Mais Rufus était revenu, sain et sauf, et il avait même rapporté la tête du Roi Démon.


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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