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    Il sentit qu’il allait s’évanouir. Il était un homme parfaitement versé dans la littérature et la poésie, il avait de ce fait déjà lu au sujet d’individus bizarres qui prenaient un malin plaisir à se déshabiller devant d’autres personnes, surtout si c’était pour montrer leurs parties intimes… Cependant, il ne s’attendait pas à l’existence d’une sous-catégorie qui choisissait délibérément leur propre victime… Et ça dans le but qu’ils les matent.

    Bái Xù détourna immédiatement le regard, d’une voix tremblante, il lui dit : « Invité, vous… Vous me faites une mauvaise blague. Je-Je ne suis pas une jeune femme… »

    « Une jeune femme ? De quoi parlez-vous ? Que devrais-je montrer à une jeune femme ? Je suis ici pour que vous m’aidiez à examiner… » Dit-il tout en s’approchant de Bái Xù.

    Bái Xù ne lui laissa pas le temps de finir, avant qu’il ne crie : « Invité… Invité… Vous vous trompez de personne ! Je ne fais pas partie des manches coupés*… Je n’aime pas cette pratique… D’un sursaut de peur, il s’effondra sur le lit, se recroquevillant face au malheur qu’il allait sûrement subir…

    « Que… ? ‘Manche coupée’ ? De quoi parlez-vous ? »  Perplexe, le jeune homme s’arrêta devant lui. J’ai juste besoin de votre aide pour déchiffrer les caractères de ce sceau. »

    « Ah, vraiment ?… »  Bái Xù abaissa lentement les bras qui protégeaient sa tête. Puis, à moitié convaincu, il dirigea son regard vers l’intérieur de la cuisse du jeune homme, près de son scrotum. À sa grande surprise, à la lueur vacillante d’une bougie, il distingua une minuscule marque nichée sur la peau couleur miel.

    «  Vous… Vous me demandez de lire l’inscription  ?  » Bái Xù poussa un long soupir de soulagement, bien qu’un léger trouble subsistât dans son regard.

    «  Eh bien, que pensiez-vous que je vous demandais de faire  ?  » Le jeune homme fronça les sourcils avec irritation, son expression sombre prenant des allures légèrement menaçantes.

    «  Oh…   » Les craintes de Bái Xù s’apaisèrent un peu, et il continua avec hésitation : «  Ah, c’est donc cela…   » Tout en parlant, il tendit la main pour effleurer la petite marque, cherchant à déchiffrer les mots gravés.

    «  Que faites-vous  ? !  » Le jeune homme recula brusquement à son contact, comme s’il avait été brûlé. Réalisant aussitôt que sa réaction était excessive, il ajouta précipitamment, d’un ton plus calme : «  Je vais le faire moi-même.  »

    Rougissant sous l’embarras, il étira doucement la peau autour de la petite marque, s’approchant un peu plus pour mieux la lire.

    «  Je suis désolé de déranger le maître pour si peu…   » murmura-t-il, sa voix teintée d’un mélange de gêne et de respect.

    Bien qu’ils aient la même anatomie, Bái Xù était fasciné de voir cet endroit d’aussi près. Ce qui était inhabituel, c’étaient les ecchymoses rondes dispersées sur cet endroit qui ne voyait jamais le soleil, comme si quelque chose l’avait sournoisement mordu. Bái Xù jeta un regard en coin, vers le visage rempli d’amertume du jeune homme, du coin de l’œil, et ne put que faire comme s’il n’avait rien vu, réprimant le sentiment étrange qui montait dans sa poitrine. En examinant de près la petite marque, il constata que certains mots étaient écrits en xiǎo zhuàn*, et étaient incroyablement complexes. Ce serait un vrai défi de déchiffrer les mots, pour ceux qui n’étaient pas versés dans l’art de la gravure des sceaux. Il commençait enfin à comprendre pourquoi ce bandit des montagnes était venu le voir, lui, l’expert dans le domaine de la gravure.

    Quand il releva enfin la tête, le jeune homme demanda avec empressement : « Maître, avez-vous réussi à déchiffrer les mots ? »

    Bái Xù était en pleine réflexion. Lentement, il répondit, « D’après ce que je sais, cette marque comporte deux mots ’Jìng Xǐ’. »

    Avant qu’il n’ait fini, une d’épiphanie frappa le jeune homme. Aussitôt, une rage meurtrière s’empara de lui. «  Donc, le nom de ce salaud est Jìng Xǐ  !  » grogna-t-il avec une haine palpable.

    Jetant un regard au maître, il remarqua que ce dernier semblait vouloir ajouter quelque chose. Mais avant qu’il ne puisse parler, le jeune homme afficha un visage terrifiant.

    «  Si un mot de ce qui s’est passé ici aujourd’hui sort de votre bouche, je veillerai à ce qu’aucun poulet ni chien de cette maison n’en sorte vivant  !  »

    Après avoir proféré cette menace glaciale, il ne prêta plus attention à Bái Xù. Il se dirigea calmement vers la chaise où étaient posés ses vêtements, s’habilla avec une élégance féroce, puis quitta la chambre, son pas empreint d’une puissance contenue.

    Bái Xù observa sa silhouette s’éloigner en secouant légèrement la tête. Il était sur le point de lui dire que, dans le langage des sceaux, était un mot utilisé spécifiquement pour désigner les sceaux réservés à la famille royale. Et le nom de l’empereur actuel… N’était-ce pas justement Jìng  ?

    Mais, après tout, il n’avait aucune obligation morale de partager cette information.

    Une satisfaction subtile émergea en lui alors qu’il repensait à la scène. Répondre à l’impolitesse du jeune homme par une ruse indirecte faisait naître un sourire discret sur ses lèvres.

    De son côté, le jeune homme, inconscient des pensées de Bái Xù, était tout à la joie d’avoir résolu ce qu’il considérait comme un grand mystère. Il retourna d’un pas vif dans le hall d’accueil, appela ses disciples, puis quitta la maison des Bái.

    Sur le chemin du retour, il serra les poings, le regard déterminé.

    Oh, Jìng Xǐ, Jìng Xǐ, odieux violeur… Si je ne mets pas fin à ta vie de mes propres mains, moi, Lù Cāng, je jure que je ne remettrai plus jamais les pieds dans le Jiāng hú*  !

    Inutile de dire que ce jeune homme était Lù Cāng, le roi des bandits de la montagne. L’horriblement malchanceux qui avait été pris de force par l’empereur coercitif*, nommé Jìng, qui s’était déguisé en femme. Depuis qu’il avait été humilié par Jìng, il n’y a pas eu un seul moment où il n’avait pas passé son temps à comploter sa vengeance.

    Il avait lui-même essayé de dechiffrer le nom de son ennemi à partir du sceau entre ses jambes. Chaque jour, il passait donc des heures à essayer de lire cette marque en utilisant un miroir placé entre ses cuisses. Mais déchiffrer cette calligraphie complexe et sinueuse était presque impossible pour un artiste martial comme lui, qui n’avait qu’un niveau rudimentaire d’éducation.

    À bout de patience et de désespoir, il n’avait eu d’autre choix que de recourir à une méthode sournoise : demander l’aide du célèbre maître graveur de Hángzhōu, Bái Xù. Et finalement, après bien des efforts, il avait obtenu une réponse.

    Pourquoi  ? Pourquoi ai-je dû m’abaisser à une chose aussi humiliante  ?

    Il serra les poings, la rage grondant en lui. Pourquoi me suis-je rendu chez un inconnu pour exposer la partie la plus intime de mon corps à cet étranger  ? Ces pensées tourbillonnaient dans son esprit, attisant une colère qui ne cessait de croître. Lù Cāng sentit même ses yeux se remplir de larmes, signe de la frustration qu’il ne parvenait plus à contenir.

    Les dix derniers jours avaient été une véritable épreuve. Une haine brûlante lui embrasait le cœur, le plongeant dans un calvaire quotidien. La région qui avait été souillée et pénétré de force était gravement déchirée, ce qui provoquait des saignements constants. Ses blessures rendaient toute toilette douloureuse, le forçant à se laver discrètement dans le lac de la montagne, uniquement au beau milieu de la nuit.

    La douleur, vive et incessante, émanait de la zone marquée. Pourtant, il n’avait d’autre choix que de vérifier, encore et encore, cette marque maudite avec un miroir, comme s’il était soumis à une torture sans fin.

    Mais tout cela n’était rien comparé à l’humiliation ultime.

    Depuis que son intimité avait été souillée par cet homme monstrueux, il avait remarqué quelque chose de terrifiant  : son corps semblait ne plus lui obéir. Son attribut masculin, autrefois fier et puissant, était désormais flasque, sans vie. Désespéré de prouver qu’il était toujours normal, il avait envisagé de recourir aux services d’une célèbre courtisane de Jiāngnán.

    Cependant, à chaque fois, les souvenirs horribles de ce jour le rattrapaient, paralysant son esprit et son corps. Il n’avait pas pu aller au bout de son projet.

    Et lorsqu’il avait été moqué cruellement pour son impuissance, la honte et la colère avaient failli le submerger.

    Cette pensée seule suffisait à lui serrer la gorge et à raviver les larmes qu’il luttait si ardemment pour contenir.

    Tout ceci était l’œuvre de cette bête monstrueuse  !

    Lù Cāng ressassait ces souvenirs, son esprit envahi par une haine viscérale et un dégoût si profond qu’il sentait son corps frémir. À chaque instant, il se projetait dans un futur où il pourrait enfin assouvir cette vengeance, une vengeance qui dépasserait l’entendement humain. Il n’avait plus qu’à attendre… Attendre jusqu’au quinzième jour de ce mois. Une nuit de pleine lune.


    À l’époque de son âge d’or, comme toutes les grandes dynasties impériales, Dà Tóng avait fait de Cháng Ān sa capitale. Mais avec le déclin de sa splendeur, la ville avait été rebaptisée Tóng Ān. C’est là, à la jonction entre la cité impériale du sud et sa périphérie, que se trouvait le célèbre pont Yuè Lóng.

    Il était déjà minuit. La rue était déserte, enveloppée dans un silence pesant. Pas une âme ne se dessinait le long du chemin. La lumière froide de la pleine lune baignait le pont, éclatante et impitoyable. Et pourtant, une ombre, longue et immobile, se tenait au centre du pont.

    C’était lui.

    L’homme qui avait parcouru un millier de miles, des montagnes de Hángzhōu jusqu’aux portes de Tóng Ān, pour trouver un antidote. Mais ce n’était pas un simple homme. Ce soir, il n’était pas le malheureux Lù Cāng, victime d’un cruel destin. Non. Ce soir, il était le roi des montagnes, celui que tout Jiāng Hú appelait avec crainte et admiration  : «  l’Aigle  », Lù Cāng.

    Mais cette fois, il n’était pas venu chercher un remède.

    De ses manches, il fit glisser un poignard brillant comme une étoile froide. Il contempla la lame, son esprit déjà envahi par des visions de vengeance. L’idée de placer cette lame contre le cou de cet ennemi au visage parfait lui arracha un rire. Un rire sombre, presque dément, résonnant dans la nuit comme un écho de la lune elle-même.

    La nuit était aussi fraiche, qu’une source d’eau.

    La chaleur oppressante du jour s’était effacée, laissant place à des brises douces et revigorantes, chargées d’une fragrance légère, presque imperceptible, qui flottait dans l’air comme une promesse fugace.

    Attends… Une fragrance subtile  ?

    Il sortit de ses pensées en sursautant, Lù Cāng se tourna brusquement sur lui-même. Et là, à l’extrémité nord du pont, une silhouette immaculée se dessinait sous la lueur pâle de la lune.

    C’était lui.

    Même sans ses habits féminins, les robes blanches confucéennes qu’il portait ajoutaient une aura éthérée à son apparence. Une beauté transcendante, presque divine, mais prisonnière d’un visage qu’il exécrait plus que tout. Ce visage… Ce mélange fatal d’élégance et de cruauté appartenait à l’homme impardonnable qui n’hésiterait pas à commettre les pires atrocités.

    Le cœur de Lù Cāng se serra. Impuissant face à la perfection troublante de cet ennemi, il détourna rapidement le regard, comme pour se protéger d’une douleur qu’il n’osait affronter.

    «  Quoi, tu n’es pas content de me voir  ?  »

    La voix de Jìng brisa le silence avec une douceur trompeuse, presque ensorcelante. Elle résonnait avec une pureté qui semblait se moquer de l’horreur de ses actes, éveillant malgré lui un trouble dans l’esprit de celui qui écoutait.

    Lù Cāng serra les poings, trop effrayé pour lever les yeux vers ce visage qui le torturait autant qu’il le fascinait. Baissant la tête, il parla d’une voix grave, lourde de ressentiment.

    «  Où est l’antidote  ? Dépêche-toi de me le donner.  »

    Sa voix, bien qu’assurée, trahissait une nuance de déception, comme s’il espérait une issue différente, même dans sa haine.

    Jìng sourit lentement, un sourire qui semblait contenir mille secrets, et s’avança vers Lù Cāng. Ils étaient à peine à quelques pas l’un de l’autre, leurs hauteurs presque identiques. Leurs regards se croisèrent immédiatement, et Lù Cāng se sentit submergé par l’éclat presque irréel des yeux de Jìng. Ces yeux… D’une beauté insondable, capables de fendre son cœur en un instant. Un frisson incontrôlable parcourut Lù Cāng alors qu’il se battait pour contenir l’accélération de son pouls, son cœur battant à tout rompre.

    Mais il se força à reprendre le contrôle.

    «  Tu veux que je te le donne ici  ?  » La voix de Jìng vibra de taquinerie. Il s’avança encore, réduisant la distance entre eux, avant de passer un bras autour de la taille de Lù Cāng. Son autre main, presque trop audacieuse, se posa sur les fesses de Lù Cāng, les pinçant avec un geste aussi intime que provocant.

    Lù Cāng se figea, un instant déstabilisé, avant que ses souvenirs ne le frappe de plein fouet. Il se souvint de la manière dont cette pilule, cette torture silencieuse, était entrée dans son corps. Un rougissement incontrôlable monta en lui, mais il réussit à contenir sa honte.

    Il tenta de garder une apparence calme, mais sa voix trahit son embarras. «  A-Alors… As-tu un endroit  ?  »

    Jìng capta immédiatement la panique sous-jacente dans les mots de Lù Cāng. Un éclat de rire s’échappa de ses lèvres, un rire léger et cruel, alors qu’il observait les signes évidents de fureur et de haine sur le visage de Lù Cāng. Il s’arrêta soudainement, voyant que la situation risquait de dégénérer.

    Son sourire s’effaça et Jìng se pencha légèrement en avant, sa voix devenant plus grave, plus intime. «  Viens avec moi.  » Il n’attendit même pas la réponse de Lù Cāng d’un geste de kung-fu aérien, il s’élança dans les airs dans une trajectoire rapide vers la périphérie nord de la ville.

    Lù Cāng ne perdit pas de temps et se lança immédiatement à la suite de Jìng, déployant toute son agilité dans un effort désespéré pour le rattraper. Son kung-fu aérien était sa fierté, il était surnommé « l’Aigle » pour une raison. Et aujourd’hui, il ne permettrait pas à sa réputation de vaciller. Il s’éleva dans les airs avec une rapidité implacable, comme si sa vie en dépendait, chaque muscle tendu dans une danse de puissance et de vitesse.

    Mais, une fois de plus, la réalité le frappa de plein fouet. Malgré tous ses efforts, Jìng restait toujours trois pas devant lui. À chaque mouvement, il semblait se jouer de Lù Cāng, se déplaçant avec une aisance totale, comme s’il savait d’avance qu’il ne serait jamais atteint. Ce n’était pas simplement une question de vitesse, c’était comme s’il flottait au-dessus de la terre, insaisissable.

    Lù Cāng ressentit une vague de chagrin déchirer son cœur, une déception amère qu’il n’avait pas anticipée. Une frustration cuisante s’empara de lui, et sans y réfléchir, il serra instinctivement le poignard caché dans sa manche, comme s’il pouvait y puiser une force cachée pour combler le fossé entre eux.

    Il avait l’impression que, malgré tous ses efforts, il n’était jamais assez bon. Jamais assez rapide. Jamais assez fort.

    Finalement, Jìng s’arrêta devant une petite maison. C’était une résidence modeste, aux quatre côtés égaux, mais la cour à l’intérieur dégageait une élégance qui contrastait avec l’apparente simplicité de l’extérieur. Une lumière chaleureuse s’échappait de la fenêtre en papier de soie, brillant doucement dans la nuit noire, attirant l’attention comme un phare.

    Lù Cāng suivit Jìng dans l’intérieur de la maison, ses yeux immédiatement attirés par un détail… Le lit. Il était plus grand que la normale, orné d’un matelas en soie rouge éclatante et de couvertures en satin blanc, brodées de fleurs qui semblaient prendre vie sous la lumière. Les tons contrastés de rouge et de blanc se complétaient harmonieusement, presque irréellement magnifiques, un cadre de luxe et de beauté qui paraissait aussi insensé que l’homme qui se tenait devant lui.

    Il fit, malgré lui, un pas en arrière. Lù Cāng était un peu mal à l’aise d’être dans la même pièce que cet homme, alors que le lit était juste devant eux.

    « Peux-tu me donner l’antidote maintenant ? » Lù Cāng ne le ressentait pas, mais sa voix commençait à manquer de force et à se faire plus douce.

    Une fois de plus, Jìng afficha ce sourire que Lù Cāng répugnait et dit : « Enlève tes vêtements et viens sur le lit, et je te donnerai l’antidote. »

    « Quoi ? ! » Lù Cāng sursauta de choc. « Tu… Tu… Tu vas trop loin… » Sous la panique et la colère, il ne parvint pas à formuler quelque chose d’intelligible.


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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