03. Service cuillère
by Ruyi ♡« Tu ne sais même pas te battre, pourquoi tu t’es joint à nous ? »
S’il y avait bien une chose dont le bar ne manquait pas, c’était de glaçons. Il suffisait d’en prendre quelques-uns, de les envelopper dans un chiffon, et voilà une poche de glace improvisée.
Qiu Zixuan s’assit sur une chaise, jeta un regard autour de lui, puis demanda :
« Tes parents savent que tu bosses ici ? »
« Tu ne serais pas un peu trop autoritaire ? » répondit Xia Yuhao avec agacement.
« J’essayais juste de… Enfin, laisse tomber. »
Xia Yuhao s’installa sur la chaise en face. D’un geste rapide, il attrapa la jambe gauche de Qiu Zixuan et la posa sur sa propre cuisse. Il retroussa ensuite son pantalon. Le mouvement fut trop brusque pour que Qiu Zixuan puisse l’arrêter. Une longue cicatrice apparut, droite, mince, presque effrayante — comme un mille-pattes figé sur la peau. Xia Yuhao s’immobilisa.
Bon sang, une cicatrice pareille… Il a dû sacrément morfler.
Il leva les yeux vers Qiu Zixuan, qui affichait un sourire contraint.
« Je vais bien. »
« Arrête tes conneries. »
Xia Yuhao tira encore un peu sur le tissu, dévoilant cette fois une énorme ecchymose.
« Et ça, c’est quoi alors ? »
Il posa délicatement la poche de glace sur la blessure, comme s’il avait peur de lui faire mal.
Qiu Zixuan, surpris par la douceur du geste, se souvint de leur première rencontre. Ce jour-là, Xia Yuhao lui avait renversé de l’eau sur le pantalon et s’était platement excusé. Une scène banale, mais qui lui revenait maintenant avec netteté.
« En fait… Tu n’es pas si mauvais. » dit-il tout à coup, sans vraiment comprendre pourquoi.
Xia Yuhao eut une expression étrange.
« J’ai jamais dit que j’étais une mauvaise personne. »
Puis, changeant de sujet :
« Pourquoi es-tu venu ici ? »
Il va pas me dire qu’il est venu exprès pour me voir… ? Pourquoi ?
Qiu Zixuan baissa la tête, sa voix avait perdu sa froideur habituelle.
« Je pense que je te dois des excuses. »
« Qu’est-ce que tu veux dire ? »
« À propos de ce qui s’est passé sur le terrain de volley, aujourd’hui… Peut-être qu’on n’aurait pas dû te forcer à nous rejoindre. On dirait que tu n’aimes pas vraiment ça. »
« J’ai jamais dit que je n’aimais pas le volley ! » s’écria Yuhao.
Il n’y avait pas que Qiu Zixuan qui fut surpris. Xia Yuhao lui-même ne s’attendait pas à ce qu’il dise ça.
Mais qu’est-ce que je raconte, là ?
« C’est ce que je dis… » marmonna-t-il.
Merde. Comment je vais expliquer ça ?
Au départ, il ne s’intéressait pas spécialement au volley. Mais après avoir vu Qiu Zixuan réussir ce service sauté impressionnant… L’image lui était restée. Il s’était surpris à espérer pouvoir, un jour, exécuter le même geste. Mais est-ce que ça voulait dire qu’il aimait vraiment ce sport ?
Ne voulant pas s’attarder sur la question, il détourna la conversation :
« Comment tu as su que je bossais ici ? »
Qiu Zixuan hésita un instant avant d’admettre franchement :
« Je t’ai suivi. »
En réalité, après le départ de Xia Yuhao du gymnase, Qiu Zixuan avait ressenti le besoin de s’excuser. Il l’avait suivi, pensant trouver le bon moment pour lui parler. Par hasard, il était tombé sur sa propre petite sœur, Qianru, qui s’était confessée à Yuhao… Et s’était fait rejeter.
D’un côté, il avait été déçu — sa sœur était douce, jolie, généreuse. Comment pouvait-on ne pas l’aimer ? Mais de l’autre, il avait ressenti un certain soulagement. Heureusement qu’elle n’aura pas à traîner avec ce type…
Mais ses excuses, il devait quand même les présenter.
En observant Yuhao marcher seul, sans amis proches, le visage fermé, il avait eu peur qu’il finisse par péter un câble. Il l’avait suivi discrètement, pensant que ça ne durerait pas longtemps… Sauf qu’il l’avait traqué jusque dans un pub, tard dans la nuit.
Il s’était dit que Xia Yuhao prendrait ça pour un comportement de pervers. Mais contre toute attente, celui-ci s’était contenté de lâcher un « Oh » et n’avait même pas relevé.
Il m’a suivi si longtemps juste pour s’excuser ?
Rien que pour ça, Xia Yuhao ne parvenait plus à lui en vouloir.
« Et pourquoi tu as joué les héros en prenant les coup à ma place ? » demanda-t-il.
« Je ne voulais pas que tu sois blessé. »
« Tu crois que t’as la responsabilité de protéger tous les joueurs de l’équipe, c’est ça ? »
Yuhao trouvait ça absurde.
« Sérieusement, tu n’as pas peur de te blesser ? »
Son regard se posa sur l’énorme hématome, et ses sourcils se froncèrent. Sa main, qui tenait la poche de glace, bougea avec encore plus de précaution.
« Je n’ai pas besoin d’aller sur le terrain. Ça ira. »
C’était la première fois que Xia Yuhao l’entendait parler avec autant de lassitude.
Il devait vraiment aimer le volley.
Il resta silencieux un long moment, jusqu’à ce que les glaçons aient toutes fondus et que l’eau ruisselle doucement sur le genou de Zixuan.
« Tu peux marcher maintenant ? » demanda-t-il enfin.
Qiu Zixuan se leva lentement, posa prudemment le pied au sol. La vieille blessure lui lançait encore, mais il pouvait marcher, lentement.
« Je vais te raccompagner. »
« C’est bon, je peux le faire seul… » protesta-t-il, déconcerté.
Xia Yuhao l’ignora et emprunta deux casques de scooter rouge vif au gérant.
« Je te ramène chez toi en scooter. C’est quand même plus rapide. »
« Attends… As-tu au moins le permis ? »
Peut-être était-ce à cause de sa jambe blessée, ou parce qu’ils roulaient en scooter au beau milieu de la nuit sans permis, et ne qui’ls ne voulaient pas attirer l’attention d’adultes indiscrets, mais la conduite de Xia Yuhao était étonnamment lente et stable. Qiu Zixuan, assis derrière lui, se sentit en sécurité — ce qui ne manqua pas de le surprendre.
Le scooter s’arrêta à un feu rouge. Une moto vint se ranger à leurs côtés. Le motard aperçut leurs uniformes scolaires et son visage se figea un instant, manifestement surpris. Puis il secoua la tête, comme pour chasser une pensée importune.
C’est du passé. Inutile de faire ressurgir de vieux souvenirs désagréables.
Le feu passa au vert, et le scooter repartit.
Et puis, le scooter atteignit enfin l’entrée de la maison de Qiu Zixuan. Après avoir coupé le moteur, ce dernier descendit prudemment, ses clés à la main.
Avant d’ouvrir la porte, il se tourna vers Xia Yuhao.
« Demain, j’irai voir le professeur Zhong et je lui demanderai de te retirer de l’équipe de volley-ball. Je l’expliquerai aussi au directeur. Après tout, si tu n’aimes pas ça, tu ne peux pas bien jouer, et tu te sentiras mal. »
Xia Yuhao resta interdit.
Il me laisse quitter l’équipe… Aussi facilement ?
Mais… Il n’avait pas des vues sur moi ? Il ne devait pas tout faire pour que je reste ? Pourquoi me laisse-t-il partir aussi simplement ?
Un mélange étrange d’irritation et d’incompréhension bouillonna en lui.
« Merci de m’avoir raccompagné. »
Qiu Zixuan s’apprêta à ouvrir la porte. Mais soudain, Xia Yuhao lui agrippa le bras.
« Hé ! Tu vas juste… Tu vas juste me laisser partir comme ça ? »
Qiu Zixuan fronça les sourcils, déconcerté.
« Tu ne voulais pas rejoindre l’équipe, non ? »
Xia Yuhao s’emmêla.
« Je… Non, je ne voulais pas ! Mais c’est toi qui as décidé pour moi ! Tu projettes tes rêves sur les autres en pensant qu’ils les porteront pour toi, comme si ça les rendait heureux ! »
Il y avait un sens plus profond dans ses mots. Ce n’était pas tant le volley-ball qu’il n’aimait pas… Mais plutôt le fait qu’on attende quelque chose de lui, qu’on mise sur lui.
Qiu Zixuan éclata de rire.
« Tu te fais des idées. Tu ne sais même pas faire un service. Tu es à peine meilleur qu’un porc Tu crois vraiment que je t’aurais confié mes rêves ? »
« Tu… Tu viens encore de me traiter de porc ! »
Enfin, cette fois, il avait dit qu’il était un peu meilleur qu’un porc… Mais c’était tout aussi vexant !
Pourquoi suis-je aussi furieux ?
En fait… Je n’ai jamais vraiment détesté le volley-ball. Et je ne déteste pas Qiu Zixuan non plus !
Alors pourquoi est-ce que je dis toujours le contraire de ce que je ressens ?
Qiu Zixuan avait déjà ouvert la porte et s’apprêtait à entrer. Avant de disparaître, il lança :
« Pour ton boulot à mi-temps… Je garderai le secret. Ne t’inquiète pas. »
Xia Yuhao le regarda refermer la porte. Il voulut lui dire que ce n’était plus un secret : sa gouvernante philippine et sa mère étaient déjà au courant. Sa mère, d’ailleurs, l’avait soutenu, affirmant qu’il était bon d’entrer tôt dans le monde du travail, de rencontrer toutes sortes de personnes. Cela l’aiderait plus tard, lorsqu’il commencerait à faire des affaires.
Il venait d’une famille peu ordinaire. Il n’a jamais connu son père, sa mère était une superwoman du monde des affaires, et les domestiques philippins de la maison changeaient sans arrêt. Il avait toujours eu l’impression de ne pas avoir de famille et personne sur qui compter.
Mais Qiu Zixuan… Était différent.
Il ne savait pas pourquoi, mais il avait envie de se rapprocher de lui. Il sentait qu’il y avait quelque chose de spécial chez lui, quelque chose qui pourrait le retenir ici. Peut-être parce que cet autre avait vu un potentiel en lui, qu’il croyait qu’il avait les moyens d’accomplir ses rêves inachevés ?
Pour la première fois de sa vie, Xia Yuhao s’est mis à espérer.
Mais devait-il vraiment laisser passer cette opportunité ?
La porte de Qiu Zixuan s’était refermée depuis longtemps, mais il resta là, immobile, incapable de reprendre ses esprits.
Le lendemain, après les cours, les membres de l’équipe de volley s’étaient rassemblés dans le gymnase pour s’entraîner à la réception. Qiu Zixuan, un appareil photo à la main, observait les joueurs. De temps en temps, il pris des photos et donna quelques conseils.
He Chengen fut le premier à remarquer Xia Yuhao. Il donna un coup de coude à Qiu Zixuan et le désigna du doigt.
Qiu Zixuan leva les yeux et vit Yuhao, déjà en tenue de sport, marcher droit vers lui.
Les autres joueurs l’aperçurent à leur tour et interrompirent leurs exercices pour le fixer.
« Qu’est-ce que tu fais ici ? » demanda Qiu Zixuan, surpris.
« Je viens m’entraîner », répondit Yuhao.
Après une nuit de réflexion, il savait qu’il allait perdre la face*, mais il ne voulait pas laisser passer cette chance de revoir Qiu Zixuan. Il voulait vraiment apprendre le service sauté, ce coup impressionnant, et il voulait aussi que Qiu Zixuan et les autres le regardent autrement. Alors, il avait décidé de venir.
(N/T : « Perdre la face » est une expression française qui signifie être humilié, se ridiculiser, ou se sentir gêné, en particulier en public. L’idée est de perdre son honneur ou son prestige, ou de se trouver dans une situation où son ignorance ou sa faiblesse est exposée. )
Et puis, entre une punition dans la salle des instructeurs et l’entraînement de volley, il n’y avait pas photo : ce dernier était bien plus supportable.
Il s’approcha de Qiu Zixuan et se donna une petite tape sur la poitrine.
« Peu importe la difficulté de l’entraînement, je suis prêt ! »
Qiu Zixuan mit un moment à sortir de sa surprise. Il ressentait une satisfaction secrète, mais son visage resta impassible.
« C’est ce que tu dis. »
Xia Yuhao, montre-leur à tous si tu as vraiment ce qu’il faut pour faire partie de cette équipe.
En plus de l’entraînement quotidien après l’école, Qiu Zixuan lui prépara un programme personnel extrêmement strict.
Tous les matins, Yuhao devait courir cinq kilomètres, enchaîner avec deux cents sauts jambes croisées dans un sens, puis trois cents dans l’autre, et finir avec du crossover-hop*. Un tel entraînement ne pouvait pas être fini en deux ou trois heures. Il devait se lever très tôt, arriver à l’école à six heures, et s’entraîner seul. Même les jours de pluie n’étaient pas une excuse.
(N/T : En français, « crossover-hop » se traduit généralement par « saut croisé » ou « saut de traversée ». Il s’agit d’un test sportif qui mesure la capacité à sauter de manière unipodale (sur une jambe) en effectuant des sauts successifs en traversant une ligne. )
Après l’école, il rejoignait les autres au gymnase pour l’entraînement défensif. Comme il venait d’intégrer l’équipe, ses gestes étaient encore maladroits. Chen Jiajun et quelques autres en profitaient : ils envoyaient volontairement le ballon très loin pour le faire courir partout, et parfois même, smashaient en direction de sa tête juste pour l’atteindre. C’était humiliant, mais pour l’instant, il serrait les dents.
Ce jour-là, alors qu’il tournait le dos pour ramasser une balle, une autre vint brusquement le frapper à l’arrière de la tête. L’impact fut violent. Étourdi, Xia Yuhao se retourna. Pas besoin de chercher, il savait qui l’avait lancé.
Il planta son regard dans celui de Chen Jiajun, qui ne tenta même pas de nier.
« Désolé, je n’ai pas su contrôlé la balle », dit-il avec un sourire narquois. Puis ses lèvres formèrent silencieusement un mot : « Porc. »
Sans réfléchir, Xia Yuhao fonça sur lui, l’attrapa par le col, prêt à se battre. Les autres joueurs intervinrent aussitôt pour les séparer.
« Espèce d’enfoiré ! Tu l’as fait exprès ! » cria Yuhao, hors de lui.
« Ouais, je l’ai fait exprès ! » rétorqua Jiajun. « Je ne supporte pas de voir un porc prétentieux comme toi rêver de rejoindre notre équipe ! »
« Tu crois que j’ai peur de toi juste parce que tu n’es pas tout seul ? »
« Viens ! Frappe-moi ! Tu aimes tellement te battre que tu as même dû changer d’école. Tu ferais mieux d’en changer encore une fois ! »
Cette dernière phrase visa délibérément là où ça faisait mal.
« Ça suffit, tout le monde, arrêtez immédiatement ! »
La voix furieuse de Qiu Zixuan claqua comme un fouet. Tous se figèrent. Même Chen Jiajun, prêt à lever le poing, s’arrêta net.
« Chen Jiajun, tu n’en as pas assez ? »
Jiajun le fixa sans répondre.
« On dirait que vous avez tous beaucoup de temps libre, non ? La compétition approche et vous vous battez encore ? »
He Chengen s’avança à son tour.
« Si vous avez autant d’énergie, allez courir ! Cinq kilomètres. Personne ne rentre tant que vous n’aurez pas fini. »
Les membres de l’équipe grognèrent et quittèrent le gymnase, non sans jeter un regard noir à Chen Jiajun.
Ils savaient que Jiajun était juste jaloux. Ce fichu complexe de supériorité…
Xia Yuhao allait suivre le groupe quand Qiu Zixuan l’interpella.
« Toi, viens avec moi. »
Chen Jiajun tourna la tête et lança un regard haineux à Yuhao.
Il m’a vraiment volé Senior Xuan…
Sentant cette jalousie étouffante, Yuhao lui lança un regard triomphant avant de suivre Qiu Zixuan vers une sortie à l’arrière du gymnase.
« Je n’abandonnerai pas », dit-il d’un ton résolu, avant même que l’autre n’ouvre la bouche.
Qiu Zixuan le fixa, surpris.
« Même si tu me fais faire des entraînements de mort, je tiendrai bon. »
Qiu Zixuan fut pris de court.
En réalité, il avait espéré que Xia Yuhao abandonnerait de lui-même. Mais contre toute attente, il avait tenu bon. D’ailleurs, à l’exception de Chen Jiajun, les autres joueurs commençaient à l’accepter, impressionnés par sa ténacité.
« Si tu n’es pas intéressé… »
« Qui a dit que je ne l’étais pas ? » le coupa Yuhao.
« Tu l’as déjà dit. »
« Je veux participer à la compétition ! »
Qiu Zixuan en resta sans voix. Depuis quand Yuhao est-il devenu aussi passionné ?
Il préféra ne pas poser la question. Ce qui comptait, c’était qu’il rejoigne réellement l’équipe. Son potentiel pourrait faire toute la différence.
« Tu crois qu’il suffit de dire que tu veux participer pour jouer ? Si tu veux être aligné, tu dois au moins savoir servir. »
« Tu peux », l’interrompit encore Yuhao.
« Quoi ? »
Qiu Zixuan, déstabilisé par cette nouvelle interruption, avait du mal à suivre.
« Tu peux m’entraîner, faire de moi un titulaire* ! C’est toi qui m’as dit que j’avais du potentiel, non ? »
(N/T : Un « titulaire » au volley-ball peut se référer à plusieurs choses, selon le contexte. En général, il désigne un joueur qui est choisi par l’entraîneur pour commencer le match dans la formation principale… Enfin, je crois.)
« Ce n’est que du potentiel. »
« Alors aide-moi à le faire exploser à 100 % ! Je peux vraiment me battre ! »
« Se battre n’a rien à voir avec le volley-ball… »
« Il n’y a qu’une question : à quel point ça peut être difficile », déclara Yuhao, sûr de lui.
À quel point ça peut être difficile ?
Qiu Zixuan plissa les yeux.
Très bien… Encore un type qui surestime ses capacités.
Il semblerait que son chef d’équipe doive vraiment lui faire découvrir ce qu’était le « vrai » volley.
Le ballon atterrit en dehors du terrain.
Debout sur la ligne de service, Xia Yuhao fronça légèrement les sourcils. Il était agacé. Il avait frappé la balle plus d’une dizaine de fois, sans jamais réussir à la faire tomber là où il le souhaitait. Il n’aurait jamais cru que même un simple service cuillère puisse être aussi difficile à maîtriser.
Qiu Zixuan était chargé de le guider.
« Ta posture est mauvaise. Ne plie pas les bras. Tu ne sers pas, tu offres la balle à l’adversaire. Là, c’est juste une remise gracieuse. »
« Tu pourrais m’apprendre une autre technique pour comparer ? Comme ton service sauté de l’autre fois ? » demanda Xia Yuhao, une pointe d’impatience dans la voix, tout en mimant le geste.
« Le service sauté n’est pas pour les débutants. Le service par en dessous paraît discret, mais si tu le maîtrises et contrôles bien la trajectoire, il peut être redoutable. »
Qiu Zixuan insistait : il fallait partir de zéro, sans chercher de raccourcis.
Xia Yuhao, bien qu’un peu contrarié, n’osa rien dire. Après tout, l’autre prenait la peine de l’entraîner personnellement.
Il se frotta le nez, reprit le ballon et continua à s’exercer au service cuillère. Qiu Zixuan restait à ses côtés, le corrigeant de temps en temps.
Au début, ses mouvements étaient maladroits. Il gardait les yeux fixés sur la balle, mais la manqua quand même, et elle vint s’écraser contre son visage. Il grogna en exagérant volontairement la douleur, les mains plaquées sur ses joues.
En réalité, il cherchait juste à attirer l’attention de Qiu Zixuan.
Celui-ci sourit et s’approcha. Il écarta doucement les mains de Xia Yuhao, se pencha vers lui et examina attentivement son visage.
« Ça va ? Tu t’es fait mal aux yeux ? »
« Je NE sais pas… Tu peux vérifier de plus près ? » répondit Xia Yuhao en inclinant la tête vers lui.
Il ressemblait presque à un enfant gâté qu’on réconforte. Leurs regards se croisèrent, leurs visages si proches qu’il semblait n’y avoir plus qu’eux dans ce monde.
À cet instant, Xia Yuhao sentit son cœur battre étrangement, comme agité d’un trouble nouveau.
Il observa le visage concentré de Qiu Zixuan qui vérifiait s’il n’avait rien, et bien qu’il ne détecte aucune blessure, la scène, de l’extérieur, pouvait sembler ambiguë.

Chen Jiajun, qui les observait, enrageait. Il s’en voulait d’avoir voulu jouer au plus malin, car au lieu de se débarrasser de Xia Yuhao, celui-ci avait désormais Qiu Zixuan comme entraîneur privé ! Ce foutu parasite s’était collé à son senior… Et maintenant, les voilà, à se regarder dans les yeux comme s’ils étaient seuls au monde. Qu’est-ce qu’il cherchait exactement ?
Plus il les regardait, plus il avait envie de tout renverser. Soudain, un ballon frappa violemment l’arrière de sa tête. Il se retourna, furieux, mais s’arrêta en voyant que c’était le capitaine, He Chengen, qui l’avait lancé.
« Qu’est-ce que tu fixes comme ça ? C’est ton tour. »
« Ce n’est pas juste ! » explosa Chen Jiajun. « Et lui, là ? Il fout quoi ? »
Il pointa Xia Yuhao du doigt avec colère.
« Quoi ? » rétorqua He Chengen, l’air de s’en foutre royalement.
Un joueur qui se tenait non loin de lui ajouta, mi-ironique : « Jiajun est jaloux, parce que Zixuan entraîne le petit nouveau en tête-à-tête. »
« Ce mec sait même pas faire un service de base ! Pourquoi il est dans l’équipe ? On a fini dans le top 12 l’an dernier, je vous rappelle ! » pesta Chen Jiajun.
« C’était grâce aux anciens, pas à nous », lâcha un autre joueur.
« Vous… »
En voyant que personne ne le soutenait, Chen Jiajun entra dans une colère noire. Il refusa de continuer l’entraînement, s’approcha de Qiu Zixuan et désigna de nouveau Xia Yuhao.
« Senior, je pense pas qu’il soit utile d’entraîner des recrues maintenant. »
Qiu Zixuan fronça les sourcils. Il ressentait clairement la forte hostilité de Chen Jiajun envers Xia Yuhao.
« Senior, je veux pas te contrarier, c’est pour ça que j’ai rien dit jusqu’à présent ! Mais le premier match du groupe A approche, il ne reste que quelques mois. Je pense que tu ne devrais pas perdre ton temps avec un novice qui connaît même pas les bases du volley. Ce n’est pas un manga ! Ceci n’est pas un jeu, alors pourquoi est-ce que tu essaie d’imiter Slam Dunk ? »
Un autre joueur non loin lança avec un sourire :
« Tu veux pas plutôt dire « La nouvelle recrue du volley » ? »
« Tu changes toujours mes mots ! » s’énerva Chen Jiajun.
« Chen Jiajun, tu vas arrêter ta crise, oui ? ! Reprends l’entraînement ! » cria un coéquipier.
Face à ses provocations, Xia Yuhao resta étonnamment calme. Il ne se laissa pas emporter, prit une profonde inspiration, puis lança le ballon à Qiu Zixuan.
« On continue. Ignore-le. »
« Xia Yuhao, tu… »
Mais la sonnerie retentit soudain, annonçant la fin de la séance.
« C’est l’heure d’aller bosser. Désolé, je dois y aller. Demain matin, je viendrai plus tôt pour m’entraîner seul », dit Xia Yuhao en reposant la balle.
Qiu Zixuan lança un regard noir à Chen Jiajun, déconcerté par son attitude.
« Senior, je… »
« Jiajun, si tu as autant de temps pour emmerder un débutant, tu en as sûrement assez pour t’entraîner sérieusement. »
Chen Jiajun n’osa pas répondre. Il retourna s’entraîner, l’air sombre. Sa rancune envers Xia Yuhao n’en était que plus profonde.
Un jour, il le ferait dégager de cette équipe, coûte que coûte.
Après l’entraînement, Qiu Zixuan resta seul pour ranger.
Il contempla le terrain de volley désormais vide. Le souvenir du bonheur et de l’exaltation qu’il avait ressentis en jouant sur ce terrain lui revint en mémoire.
Il ramassa un vieux ballon et ferma les yeux. Devant lui se dessinait le terrain de match du groupe A. Les lignes latérales étaient bondées de spectateurs retenant leur souffle, tous dans l’attente de son service…
S’agenouiller, lancer la balle, courir, sauter, frapper…
Dans son esprit, c’était un service sauté parfait, et il croyait même entendre l’euphorie de la foule résonner autour du terrain.
Mais lorsqu’il ouvrit les yeux, la balle qu’il venait d’envoyer venait à peine de heurter le filet.
Ses jambes avaient beau impressionner un débutant, s’il jouait vraiment, il ne ferait qu’entraîner toute l’équipe dans sa chute.
Un sourire amer aux lèvres, il traîna son pied gauche, trop sollicité, et se dirigea lentement vers la balle. Soudain, une main se tendit et la ramassa pour lui.
Il leva les yeux. C’était Xia Yuhao.
Voyant l’air désemparé de Qiu Zixuan, Xia Yuhao fut le premier à parler :
« J’ai oublié de prendre mon téléphone. »
Qiu Zixuan émit un simple « hum ». Il tenta de bouger, mais son genou gauche le fit souffrir et il en perdit équilibre. Tout son corps bascula en avant.
Xia Yuhao cligna des yeux et réagit aussitôt en le rattrapant.
« Tu vas bien ? » demanda-t-il.
Qiu Zixuan posa simplement sa tête contre son épaule, sans dire un mot.
C’était une forme de désespoir si profonde qu’aucune parole ne pouvait l’exprimer.
Blessé à la jambe, incapable de jouer, Qiu Zixuan refusait sans doute d’accepter cette réalité.
Spontanément, Xia Yuhao passa un bras autour de sa taille pour le soutenir. Puis, il entendit sa propre voix dire :
« Je vais te raccompagner. »
Après un long silence, Qiu Zixuan demanda d’une voix rauque :
« Tu ne vas pas travailler ? »
Ne me dites pas qu’il a pleuré…
Pris d’un léger affolement, Xia Yuhao se sentit désemparé. Il n’avait jamais réconforté qui que ce soit auparavant… Que devait-il faire, maintenant ?
La voix morne de Qiu Zixuan s’éleva alors :
« Ce qui s’est passé aujourd’hui… Garde-le pour toi. »
« D’accord. »
« Merci. »
Qiu Zixuan continua de s’appuyer sur son épaule. Un peu plus tard, il soupira et leva la tête. Ses yeux étaient rougis, mais son expression avait retrouvé son calme habituel.
Xia Yuhao porta Qiu Zixuan, ainsi que leurs deux cartables en bandoulière, jusqu’à la porte de l’école et héla un taxi.

Il avait appelé le directeur pour lui demander un jour de congé.
En voyant Qiu Zixuan dans un tel état, il s’était dit qu’il ne pouvait pas le laisser seul, quoi qu’il arrive. Il voulait rester avec lui. Cette pensée, celle de surmonter les épreuves à ses côtés, était devenue très forte.
Quand Qiu Zixuan fut arrivé chez lui, Xia Yuhao fit mine de s’éloigner, mais il fut interrompu par la voix de Qiu Zixuan :
« Attends-moi. »
Curieux, Xia Yuhao attendit une dizaine de minutes devant la porte. Finalement, Qiu Zixuan revint en boitant, un ballon de volley à la main.
« C’est pour toi. Rentre chez toi et entraîne-toi au service avec. »
En prenant le ballon, Xia Yuhao aperçut trois petits caractères écrits dessus : « Qiu Zixuan ».
C’était son ballon de volley.
« Merci… Je vais m’entraîner dur. »
Ce cadeau était incroyable.
Voyant que Qiu Zixuan avait toujours l’air abattu, Xia Yuhao ne put s’empêcher de dire :
« En fait… J’ai vu comment tu jouais. Sur internet. Tu es vraiment incroyable. »
Qiu Zixuan fut surpris un instant, puis haussa un sourcil :
« Tu essaies de m’encourager, là ? »
« Qui, moi ? ! Qui essaierait de t’encourager ! » s’exclama Xia Yuhao, pris de court. Après tout, il n’avait jamais été doué pour réconforter qui que ce soit, et dès qu’il se sentait piqué, il niait aussitôt.
« Je vois. Je pensais que tu avais soudainement changé. »
Inexplicablement, le visage de Qiu Zixuan s’éclaira un peu.
« Je m’en vais ! »
Il lui balança ces mots avant de se retourner et de partir, mais il sentit aussitôt une chaleur lui monter à aux joues.
Merde… Pourquoi je rougis comme ça ?
Après avoir fait quelques pas, il se retourna. Qiu Zixuan se tenait toujours devant la porte, le regardant avec un sourire.
À ce moment-là, Xia Yuhao sentit son cœur s’émouvoir. Il ne comprenait pas encore ce que cela signifiait, mais c’était un sentiment nouveau.
Une voix féminine un peu trop forte surgit soudain derrière Qiu Zixuan :
« Ge ! Pourquoi tu restes planté devant la porte ? Entre donc ! »
Qiu Qianru sortit de derrière la porte et poussa un cri de surprise en apercevant Xia Yuhao :
« Xia Yuhao ? ! Ge, tu dois m’aider cette fois ! Le bonheur de ta sœur dépend de toi dans cette vie ! »
Qiu Zixuan était déconcerté.
« Tu l’as rencontré une seule fois hier, c’est vraiment nécessaire, tout ça ? »
« Pas une fois, mais deux ! Enfin, en comptant hier, ça fait trois fois ! » le coupa aussitôt sa précieuse petite sœur.
« Ce n’est pas une raison pour… »
« Ge*, c’est lui dont je t’ai parlé ! Le héros qui m’a sauvé ! »
(N/T : Ge (哥) signifie « grand frère » en chinois ; le terme peut désigner un frère aîné biologique, mais s’emploie aussi pour s’adresser à un homme plus âgé avec affection ou respect, en particulier dans un lien de proximité.)
Qiu Zixuan resta bouche bée.
Ce monde est vraiment petit… Xia Yuhao est le prince charmant de ma sœur ?
C’était donc lui, le courageux qui avait mis en fuite le voyou qui embêtait Qianru ?
Pas étonnant qu’elle se soit précipitée pour lui faire une déclaration devant l’école ce jour-là… Et qu’il l’ait rejetée.
Attends une minute… S’il l’a déjà rejetée, pourquoi est-ce qu’elle ne lâche toujours pas l’affaire ?
Comme si elle avait deviné les pensées de son frère, Qiu Qianru s’accrocha encore plus :
« Ge ! Je suis tombée amoureuse de lui au premier regard ! Je t’en supplie, c’est le seul véritable amour de ma vie, toi seul peux m’aider ! »
« Tu as dit la même chose pour ton dernier copain. »
« Cette fois, c’est vrai ! »
« Tu as dit la même chose pour les deux précédents… »
Mais Qiu Qianru s’en moqua et tira désespérément le bras de son frère. Elle savait qu’il l’adorait depuis son plus jeune âge, qu’il lui obéissait presque toujours et finissait toujours par céder à ses caprices.
Qiu Zixuan regarda avec gêne l’objet que sa sœur lui tendait. Pour la première fois de sa vie, il hésitait face à sa demande.
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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