02. Brûler le passé
by Ruyi ♡Un mois s’était écoulé depuis l’inscription des étudiants de première année.
Pendant ce temps, Yichen était resté discret, évitant soigneusement de rejoindre un club. Il s’était plongé dans l’océan du savoir, menant une vie simple entre la bibliothèque, le dortoir et les salles de classe.
Bien qu’il ait réussi à éviter Jinteng, un poids lui restait sur le cœur : son journal intime. Quelques jours plus tôt, en rangeant sa maison, il l’avait retrouvé par hasard.
Oui, c’était bien le journal intime dans lequel il parlait de son amour secret depuis le collège.
Il le relut d’un bout à l’autre, se sentant stupide face aux phrases naïves et aux photos.
Comment ai-je pu aimer une telle personne ?
« Je t’admire en secret, mais tu ne me connais pas. Quand aurais-je la chance de te rencontrer ? »
Sur la page de gauche, une photo montrait le visage froid de Jiang Jinteng. En la regardant, Yichen revit la scène où ce dernier flirtait avec la fille de la boulangerie.
Le rencontrer ? Très bien, va le rencontrer !
Déterminé, Yichen ramassa les albums photos et le journal rempli de bêtises, les posa sur le côté du bureau, alluma l’ordinateur et commença à écrire.
Le titre de son post était :
[Besoin d’aide : je veux rompre avec la personne dont je suis secrètement amoureux. Le but est que nous devenions de parfaits inconnus. Y a-t-il un moyen d’y parvenir ?]
Quelques instants plus tard, il actualisa la page et découvrit que de nombreuses personnes avaient déjà répondu, mais leurs conseils manquaient cruellement de pertinence.
— Puisqu’il s’agit d’un amour secret, comment veux-tu « rompre » ? À moins que tu ne fasses quelque chose d’inoubliable… Comme enlever ton pantalon devant lui ?
— Moi, je lui ai avoué mes sentiments il n’y a pas longtemps. Pourquoi ne pas faire de même ?
— Certains talisman peuvent satisfaire tous vos désires. Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez me contacter en privé pour obtenir des détails sur la marche à suivre. »
— Vous êtes en train de faire votre propre publicité ?
Shao Yichen leur répondit :
— Je n’enlèverai pas mon pantalon. J’ai le béguin depuis longtemps. As-tu déjà aimé quelqu’un en secret ? Ce sentiment est si difficile à exprimer… C’est comme un rêve que j’ai moi-même construit.
— Par exemple, j’imagine toujours qu’il est à moi et que nous nous aimons profondément. Quand je regarde un film, je me dis que ce serait parfait s’il était à mes côtés. Ce film est génial, d’ailleurs, parce que je sais qu’il aime le réalisateur, Luc Besson*.
(N/T : Luc Besson est un réalisateur, producteur et scénariste français.)
— Ou quand je mange un plat délicieux, je pense : c’est si bon, j’aimerais tant qu’il puisse y goûter. Il aimerait sûrement, il adore la cuisine épicée, je le sais.
— Ou encore, quand je tombe sur une chemise à sa taille, en une fraction de seconde, je l’imagine la porter. Il serait si séduisant… Parce qu’à mes yeux, il est le plus beau. Il n’y a personne d’autre.
— Mais un jour, je me suis réveillé de ce rêve et j’ai compris qu’en réalité, il appartenait à une autre. Pas à moi.
— Il n’était que le héros d’un rêve qui a duré bien trop longtemps… Neuf ans.
— Maintenant que je suis réveillé, j’ai l’impression d’avoir vécu dans une illusion que j’ai moi-même créée. Mais je me répète que ce n’est pas une illusion, que je ne suis pas fou. Je veux juste oublier.
Oublier un garçon qui ne m’appartient pas.
Yichen plissa les yeux et envoya un message privé :
— Bonjour, existe-t-il un moyen d’oublier quelqu’un ?
— Il y a deux façons.
— J’aimerais en savoir plus !
— D’abord… Il faudra le tuer !
— … Je suis quelqu’un de bien, le meurtre n’est pas une option. Et la deuxième ?
— Écoute-moi bien. Il faut éradiquer tous tes souvenirs de lui. Voici ma stratégie : brûle tout ce qui le concerne. Ça te fera 200 yuans.
Yichen cliqua résolument sur le X de la fenêtre du chat.
Fin de la conversation.
Mais contre toute attente, environ cinq minutes plus tard, un nouveau message privé apparut.
— Hé, je ne suis pas un escroc ! Ne me traite pas comme ça !
Shao Yichen choisit de l’ignorer.
— En fait, je suis aussi amoureux de quelqu’un, mais mes recherches n’ont pas encore été testées. Je cherche donc quelqu’un pour expérimenter. Si ça fonctionne, tu n’auras rien à payer ! Si ça marche, alors seulement tu me devras quelque chose. Ça te va ?
— Je t’envoie les instructions, essaie vraiment. Je comprends ton histoire et ta tristesse. Moi aussi, je veux oublier quelqu’un, mais ma mission n’est pas encore terminée. Alors j’attends encore un semestre avant de tourner la page.
Shao Yichen hésita un instant, puis se dit qu’il pouvait toujours essayer.
— Merci.
Une dizaine de minutes plus tard, un courriel arriva.
L’image en pièce jointe représentait un cercle et un pentagramme, entourés de symboles étranges aux extrémités. Y avait-il des instructions ?
Instructions :
Bonjour, bienvenue dans cette matrice. Pour son fonctionnement détaillé, veuillez vous référer aux images d’utilisation ci-dessus, accompagnées d’explications précises.
Le point le plus important : tout ce que vous souhaitez oublier doit être brûlé ici. (Si vous cherchez à effacer un souvenir précis, consultez la section sur le sort.)
Attention : ne coupez pas le rituel en cours, sous peine d’en assumer les conséquences.
Le lendemain, tôt le matin, Yichen observa la cour d’école vide. Il avait décidé de venir ici pour faire le deuil du passé.
L’endroit était isolé, personne ne viendrait le déranger. Il dessina donc un cercle à la craie sur le sol, y traçant des pentagrammes comme une matrice d’invocation.
Au centre du cercle, une cuve en cuivre. Dans ses bras, il serrait ses journaux d’amour secret, ceux qu’il avait écrits toutes ces années. Un à un, il les jeta dans le brasero et les regarda brûler.
Les flammes dévoraient lentement ses souvenirs, les réduisant en cendres.
Oui, au moins maintenant, je ne ressens plus cette douleur au cœur… Mais c’est étrange, j’ai envie de pleurer.
Il renifla, cligna des yeux.
Je suis sûrement en train de m’étouffer avec la fumée…
Alors qu’il avait déjà brûlé les quatre cinquièmes de ses carnets, une voix retentit derrière lui.
« Pourquoi tu fais ça ? Ça fait deux ans que tu écris ces journaux comme un fanatique. »
Yichen se retourna. Li Mubai se tenait là, les bras croisés.
« À partir de maintenant, je n’aurai plus rien à voir avec cette personne. »
Il se releva, épousseta son pantalon.
« Ça n’a pas de sens ! Ça représente la majeure partie de ta vie scolaire. Quand on était en première année, lui était en terminale… Mais… »
Mubai s’interrompit brusquement, fixant Yichen d’un regard étrange.
« Pourquoi tu me regardes comme ça ? » demanda ce dernier, mal à l’aise.
« Il y a un mois, après ton accident, tu t’es évanoui et t’as failli mourir. Depuis que le docteur t’a sauvé, t’es… Bizarre. »
« Bizarre, comment ? » Yichen haussa un sourcil, ouvrit les bras, se scruta.
Mubai plissa les yeux, regarda les carnets en train de se consumer et dit d’un ton grave :
« Prenons ce journal comme exemple. C’était la chose la plus précieuse à tes yeux. En deuxième année, tu t’es même battu pour le récupérer. Et là, tu le brûles sans m’en parler ? »
« Je ne suis plus un fan, c’est tout. »
Mubai détourna la tête, fronça les sourcils et le scruta longuement.
« C’est vraiment bizarre… »
Mais, l’instant d’après, il courut vers le brasero, se pencha et s’exclama :
« Hé ! Ce sera de ta faute si les pommes de terre ne cuisent pas ! »
Yichen roula des yeux.
Il fixa les pages qui se consumaient et pensa : À partir d’aujourd’hui, mon destin sera différent.
Tout à coup, une bourrasque se leva.
« Hé ! Pourquoi le vent souffle si fort d’un coup ? ! » s’exclama Mubai, en voyant les pages s’envoler.
« Comment je le saurai ? ! Aide-moi à les rattraper ! » répliqua Yichen, la mine amère.
Ils se mirent à courir après les feuilles emportées par le vent.
« Je T’en veux ! Brûler du papier, ce n’est pas écolo ! » râla Mubai en poursuivant les feuillets.
Mais ce vent soudain semblait presque malicieux. L’une des pages fut emportée bien plus loin, atterrissant sur le terrain de basket.
Là, dans cet espace vide, Jiang Jinteng était allongé sur les gradins.
À quelques dizaines de mètres, Zhegang, un pain à la main, mâchonnait distraitement.
Lorsqu’il vit la feuille virevolter et se poser sur son visage, il sursauta, recula vivement et l’arracha de sa joue.
« C’est quoi ça ? ! »
Ses sourcils se froncèrent tandis qu’il parcourait le texte du regard. Juste au moment où il allait râler, il se figea, surpris.
« Wow… C’est super précis. » Il leva les yeux vers Jinteng. « Hé, Jinteng, tu savais que quand tu fais un tir en trois pas depuis la gauche, ton épaule droite se rabaisse ? »
Jinteng tourna la tête, intrigué.
« Qu’est-ce que t’as dit ? »
« C’est écrit ici. »
Jinteng prit la feuille, la parcourut rapidement, puis tapota le bras de Zhegang du bout des doigts.
« Va voir s’il y en a d’autres. »
« Hein ? » Zhegang le dévisagea.
« Dépêche-toi ! »
« T’es sérieux ? ! Où veux-tu que j’aille chercher ça ? ! » grogna-t-il en se levant malgré tout.
Jinteng reporta son attention sur la feuille. Dessiné au crayon, un garçon qui lui ressemblait y apparaissait nettement.
Au-dessus du dessin, une annotation écrite avec soin :
« Quand il se penche du côté gauche, le côté droit se rabaisse légèrement. »
Un sourire naquit sur les lèvres de Jinteng. Il plia soigneusement la feuille et la rangea comme un trésor.
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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