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    Il portait une veste en shearling gris charbon et un jean noir. Aucune couleur vive, et pourtant, il semblait éclipser le décor. C’était comme si sa simple silhouette projetait sa propre lumière.

    Je revins à moi d’un coup et détournai les yeux. Mais qu’est-ce que je fous ? Pourquoi je le dévisage comme ça ? J’évitai soigneusement de le regarder, de peur qu’il ait remarqué.

    Ma peau frissonnait. Mes sens étaient en alerte maximale. Je sentis sa présence s’approcher jusqu’à se tenir tout près.

    Calme-toi. C’est juste un alpha. Très… Très alpha.

    « Voici mon oncle », annonça joyeusement l’oméga.

    Je levai légèrement les yeux pour adresser un hochement de tête poli. L’alpha ne répondit pas. Il continuait de me fixer, impassible.

    Il sait que je suis oméga ? Comme moi, j’ai su qu’il était alpha ? Une tension invisible s’installa.

    « C’est lui qui m’a donné les herbes suppressives », ajouta l’enfant, d’un ton léger.

    Super. Merci pour la discrétion. J’esquissai un sourire maladroit.

    « J’en ai toujours plein sur moi. »

    L’alpha ne dit rien. Il continuait à me scruter. C’est quoi son problème ? Il croit que je suis l’alpha qui a embêté son neveu ?

    Juste au moment où je commençais à sérieusement m’en inquiéter, il ouvrit la bouche :

    « Pourquoi en avoir autant sûr soi ? »

    Je restai un instant figé. Hein ? Sérieusement ?

    « Par habitude, je suppose », répondis-je vaguement, sans confirmer ma nature.

    Il continua de me fixer, toujours aussi insistant. Il a un souci avec les omégas ou quoi ?

    Je soutins son regard. Un instant, je crus voir une ombre de trouble dans ses pupilles sombres. Puis il détourna les yeux et passa une main dans ses cheveux.

    « Merci d’avoir aidé mon neveu », dit-il finalement, d’une voix grave.

    Je l’observai rapidement. Il avait l’air d’avoir à peu près mon âge, et pourtant, sa voix… Sa manière de parler le rendait plus mature.

    « Ce n’est rien. »

    Je forçai un sourire, un peu gêné, puis me tournai vers le collégien.

    « Rentre bien. »

    Je m’éloignai sans attendre, mais à peine avais-je fait un pas qu’une voix plus grave couvrit celle du garçon.

    « S’il vous plaît. Attendez. »

    Je m’arrêtai. « Oui ? »

    « Puis-vous parler un instant ? »

    J’ouvris la bouche, prêt à lui demander pourquoi, mais il s’était déjà tourné vers son neveu.

    « Rentre immédiatement à la maison. »

    Le gamin me jeta un coup d’œil, puis regarda son oncle, un sourcil froncé. Il semblait trouver étrange que son parent alpha veuille me parler. Moi aussi, en fait. Peu importait ce qu’il voulait me dire, je n’étais pas vraiment disposé à l’écouter. Les alphas dominants m’ont toujours mis mal à l’aise.

    « Vous devriez l’accompagner. Cet alpha du lycée pourrait encore rôder. »

    Il tourna de nouveau les yeux vers le garçon.

    « Ton téléphone ? »

    Le collégien releva sa manche, dévoilant sa montre connectée.

    « Ici. »

    « Si quelque chose arrive, appelle-moi immédiatement. »

    « D’accord. »

    « Tu as assez de suppressifs ? »

    « Les herbes que j’ai prises sont efficaces. Je devrais être tranquille jusqu’à ce soir. Pas vrai ? »

    Il se tourna vers moi. Pris de court, je hochai la tête.

    « Oui. »

    Cela sembla suffire à l’oncle, qui fit un léger mouvement du menton vers la sortie.

    « Tu penses pouvoir rentrer seul, alors ? »

    « Bien sûr ! »

    Le garçon hocha la tête avec enthousiasme. Il n’y avait plus rien à ajouter. J’avais pensé que la mention de l’alpha allait l’inquiéter, qu’il voudrait rester avec son oncle… Mais je m’étais trompé.

    Après quelques vérifications de routine, l’oncle le laissa partir. Le gamin descendit les escaliers de la bibliothèque avec une aisance qui tranchait radicalement avec l’état dans lequel je l’avais trouvé.

    Je restai là un moment, un peu perdu. Je l’envie, ce gamin. Il avait surmonté la situation si facilement, retrouvant sa confiance comme si de rien n’était. Et son oncle… Tellement calme, tellement sûr. Ils ont une relation solide.

    C’est alors que je réalisai que j’étais maintenant seul avec l’oncle. Je me tournai vers lui. Il me fixait toujours, ses yeux noirs intenses braqués sur moi. Il me reproche quelque chose ?

    Je fis de mon mieux pour rester impassible.

    « Vous aviez quelque chose à me dire ? »

    Il ouvrit la bouche, mais détourna aussitôt le regard.

    « Vous étiez en train d’étudier ? »

    « Oui. Et j’aimerais y retourner rapidement. »

    S’il a quelque chose à dire, qu’il le dise maintenant. Je n’étais pas du genre agressif, mais les alphas comme lui me mettaient sur la défensive. J’avais déjà fui à cause de l’un d’eux. C’était le seul choix que j’avais à l’époque. Je ne le regrettais pas… Mais cette fuite avait laissé une cicatrice. Depuis, je n’arrivais plus à baisser ma garde.

    Il sembla le comprendre. Après une pause, il entra enfin dans le vif du sujet.

    « Pourriez-vous me donner votre numéro de téléphone ? »

    « Pourquoi ? »

    « Vous avez vu ces deux lycéens alpha. J’aurai peut-être besoin de votre aide pour les identifier. »

    Je le regardai sans répondre. Il est sérieux ? Il compte vraiment aller jusqu’au bout ? Certes, ils avaient dépassé les bornes… Mais quand même.

    « Votre numéro, s’il vous plaît. »

    Il fixait son téléphone, déjà prêt à noter. Je cédai.

    « 010-XXXX-XXXX. »

    Il resta figé quelques secondes. Alors que je me demandais ce qui n’allait pas, mon téléphone vibra. Il venait de m’appeler pour enregistrer le numéro.

    Je le sortis de ma poche, et l’entendis alors murmurer :

    « Les quatre derniers chiffres sont les mêmes…  »

    Il connaît quelqu’un avec un numéro similaire ? Ce n’était peut-être qu’une coïncidence. Ou peut-être pas.

    Comme beaucoup de gens en Corée, les quatre derniers chiffres de mon numéro étaient ceux de mon anniversaire. J’avais changé de numéro en quittant Séoul, il y a trois ans, mais j’avais fini par reprendre cette même séquence. Ça peut paraître ridicule, surtout dans une situation où je fuyais tout… Mais effacer jusqu’à ma date de naissance, c’aurait été comme nier un peu plus mon existence. À ce moment-là, c’était le seul bout de fierté que je pouvais encore m’accrocher à défendre, les dents serrées.

    En y repensant, je réalisai soudain que la personne en face de moi était un Alpha dominant. Je fis un grand pas en arrière.

    « Alors… Bon courage pour retrouver ce lycéen. »

    Je me retournai brusquement, craignant qu’il tente encore de m’attraper, et me hâtai de partir. Tout au long du trajet jusqu’à la salle d’étude, j’avais l’impression que son regard me suivait.


    Je m’assis à ma place, mais les mots du livre ouvert devant moi glissaient sans laisser de trace. L’image de ce collégien affirmant avec assurance qu’il pouvait rentrer seul ne cessait de me hanter, tout comme celle de cet oncle à la présence marquante. Même ma faim, pourtant bien réelle il y a peu, s’était évanouie sans que je m’en rende compte.

    Renonçant à lire, je me levai, enfilai ma doudoune épaisse et passai mon sac sur l’épaule. Autant rentrer chez moi.

    Je quittai la salle d’étude, descendis l’escalier de secours tout proche, rendis le livre, puis atteignis le hall du premier étage. L’endroit, aux plafonds hauts, était glacial — l’air froid de l’extérieur s’y infiltrant sans peine.

    Dès que l’air froid me traversait les narines, mon nez se mettait à couler — un effet secondaire habituel de mes bronches fragiles. Je m’étais enfoncée à moitié dans mon écharpe et m’apprêtais à pousser la porte de la bibliothèque quand, soudain, quelqu’un attrapa mon bras dans mon dos, d’un geste sec.

    Surprise, je fis un bond en arrière et me retournai brusquement.

    C’était l’oncle de l’oméga.


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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