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Chapitre 02
par Ruyi ♡Ah, c’était donc pour ça qu’il s’était enfui de chez lui. Mais que voulait-il dire exactement par : « un alpha, mais pas vraiment » ?
J’étais franchement curieuse, mais son ton était si grave que je n’osai pas insister. Tout ce que je trouvai à dire, ce fut :
« Ça… Ça a l’air dur. »
Il détourna les yeux, comme s’il ne supportait plus de me voir. Ça avait dû être vraiment dur.
« Et qu’en est-il des omégas ? » demanda-t-il soudain.
« Que veux-tu dire ? »
« Tu as dit que toi aussi tu avais des difficultés. »
« Oh, ça, c’est assez évident. »
Je ne savais même pas par où commencer. Je fixai un point dans le vide, puis énumérai quelques exemples pêle-mêle.
« Les omégas sont des êtres humains rationnels. Mais régulièrement, on entre en chaleur. Et là, on devient comme des animaux. Dans ces moments-là, on est irrésistiblement attirés par les alphas aux phéromones puissantes, même si ce sont de parfaits connards. Déjà, ça, c’est un enfer. Mais si jamais un de ces types te marque, tu es lié à lui pour le reste de ta vie. Certains omégas finissent même par abandonner leurs études ou fuir leur ville, juste pour échapper à leur alpha. »
Pourquoi est-ce que je lui racontais tout ça ? Qu’est-ce qu’un alpha pouvait comprendre à notre réalité ? Il avait grandi en étant traité comme un être supérieur. Mais peut-être, juste peut-être, que je pouvais éveiller un peu de sympathie en lui.
« Imagine la personne que tu détestes le plus au monde. Ce serait qui ? »
« Mon père. »
O-oh…
« Et la deuxième ? »
« Ma mère. »
… Pas étonnant qu’il ait fugué.
« D’accord, mauvais exemple. Et à l’école ? Quelqu’un qui t’agace ? »
« Personne ne me vient à l’esprit. »
« Allez, y’a forcément un alpha prétentieux qui se la joue, genre « le monde m’appartient ». »
Il renversa la tête en arrière et fixa le plafond, l’air de vraiment réfléchir. Puis il se tourna vers moi et secoua lentement la tête.
« Non, pas que je sache. »
Son école n’a qu’un élève, ou quoi ? Alors que je me demandais sérieusement s’il n’avait pas été scolarisé à domicile, il lâcha soudain :
« Pourquoi tu ne prends pas des herbes suppressives ? »
« Bien sûr que j’en prends. Mais ça ne règle pas tout. Si c’était le cas, aucun oméga ne serait jamais marqué contre sa volonté. Les alphas et les bêtas ne comprendront jamais à quel point l’idée d’être marqué de force est terrifiante. »
Je laissai échapper un soupir amer.
« Les herbes suppressives ne sont pas des potions magiques, tu sais. Elles sont inefficaces face aux phéromones d’un alpha dominant. Et si l’un d’eux découvre que tu en prends… Ces enfoirés s’excitent encore plus. Ils te traquent comme des chiens de chasse. Pour eux, c’est un plaisir tordu, une sorte de défi : forcer une réaction chez un oméga. Et une fois qu’ils y parviennent, ils s’en vantent auprès de leurs potes comme s’ils avaient gagné un trophée. »
Un silence pesant s’abattit, plus lourd que tous les précédents.
« Je suis pas comme ça, » finit-il par dire, à mi-voix, visiblement contrarié.
Je n’ai pas pu retenir mon sourire cette fois. Il s’étira jusqu’à mes yeux. « Non. T’as pas l’air d’en faire partie. »
Nos regards se croisèrent un bref instant à travers la visière de son casque, puis je détournai les yeux en voyant ses épaules tressaillir. Il frissonnait par à-coups depuis que je l’avais ramené ici, et il n’avait pas l’air de s’être réchauffé malgré tout ce temps.
Je dénouai mon écharpe absurdement longue, me levai et l’enroulai autour de lui sans un mot. Il ne tenta pas vraiment de me repousser — tout au plus un léger mouvement de recul.
Je retournai à ma place, consciente qu’il ne me quittait pas des yeux.
« … Tu. »
Je clignai des yeux. « Hm ? »
« Tu pues. Depuis tout à l’heure. »
Je restai suspendue entre l’assise et l’air, abasourdie.
« Mais je me douche tout le temps ! Deux fois par jour, même ! » protestai-je.
Il ne répondit pas. Il tourna simplement la tête, comme pour fuir l’odeur qu’il décrivait.
Il parle de mes phéromones… ? Pourtant, avec toutes les herbes suppressives que j’avais prises, elles devaient être quasiment inexistantes. Et même si ce n’était pas le cas… Il était « un alpha, mais pas vraiment », non ? Il ne devait pas pouvoir les sentir.
Comme il existe des alphas dominants aux instincts puissants, il existe aussi des alphas récessifs qui n’ont pas plus d’acuité qu’un bêta.
Mais… Je sens ? Sérieusement ?
Je me reniflai discrètement, mais rien. Absolument rien. De son côté, il fixait obstinément le mur, comme s’il refusait de respirer le même air que moi.
Parfait. C’est le moment. J’attrapai mon téléphone en silence, pianotai rapidement un message au 911 et l’envoyai sans me faire repérer.
« Mais… »
Je sursautai à sa voix et retournai aussitôt le téléphone face contre la table.
« Même si les phéromones rapprochent deux personnes, elles peuvent finir par s’aimer, non… ? » marmonna-t-il, front contre le mur.
« C’est possible, oui. Si t’as une sacrée veine. Mais moi, j’y crois plus. »
Un silence étrange s’installa. Pas inconfortable, juste suspendu. Moi, j’avais fait ma part. Les secours allaient arriver. Je n’avais plus qu’à attendre. Je fixai la lueur rougeoyante du radiateur et me remis à fredonner cette chanson qui me hantait depuis l’accident.
Je remplaçai les paroles que je ne connaissais pas par des « mm-mm-mm » en fredonnant doucement l’apogée de la chanson. La partie dont je me souvenais était courte, mais dans le silence oppressant du conteneur, elle me parut s’étirer à l’infini.
Quand je terminai, je remarquai que le gamin n’avait pas réagi une seule fois. Il restait parfaitement immobile, comme figé dans le froid.
« Tu as froid ? » demandai-je à mi-voix, hésitante.
Aucune réponse.
Je me levai, un mauvais pressentiment montant dans ma poitrine. En m’approchant, je vis que ses frissons s’étaient intensifiés.
« Hé… Ça va ? »
Je secouai doucement son bras — et son corps s’affaissa brutalement sur le côté.
« Whoa, hé ! »
Je me précipitai, mes doigts s’attaquant fébrilement à l’attache de son casque. Une fois retiré, je découvris un visage bien plus jeune que ce que j’avais imaginé. Presque enfantin. Ses cheveux humides de sueur collaient à ses tempes, et ses joues rougies brûlaient comme s’il avait couru en plein été au lieu de geler ici.
Je sortis un mouchoir de ma poche et lui épongeai le front avec précaution, m’efforçant de garder un ton doux.
« C’est bon… L’ambulance va bientôt arriver, » murmurai-je. « Tu vas aller à l’hôpital, tu vas t’en sortir. D’accord ? »
Je jetai un coup d’œil à la porte, priant intérieurement pour entendre une sirène.
Les minutes s’étirèrent, plus longues les unes que les autres. Je restai penchée au-dessus de lui, répétant sans cesse : « Ça va aller. Tu vas aller bien. » Mes doigts passaient dans ses cheveux en gestes lents, presque mécaniques, pour le rassurer autant que moi-même.
Je commençais à envisager de le porter jusqu’à l’hôpital moi-même quand je l’entendis enfin.
Une sirène.
L’ambulance.
Je rangeai le mouchoir et me redressai brusquement. Mais avant que je ne puisse me lever tout à fait, une main brûlante se referma autour de mon poignet.
Je baissai les yeux : ses paupières mi-closes me fixaient avec un regard embué de fièvre, tremblant d’incompréhension.
Je posai doucement la main sur sa tête, mes doigts glissant dans ses cheveux en une caresse tendre.
« Bon garçon, » soufflai-je, la voix pareille à celle que j’utilisais pour calmer ma petite sœur autrefois.
Puis je me dégageai avec précaution.
La sirène se rapprochait, déchirant la nuit d’un cri strident. Il ne fallait pas que je reste.
J’ouvris la porte du conteneur et m’éclipsai dans le froid mordant. Derrière moi, des voix retentirent — un ambulancier appelait, à la recherche du patient. Je pris la direction opposée, me dissimulant dans l’ombre d’une rangée de conteneurs pour éviter d’être repérée
De là, je restai tapie dans l’ombre, observant le tumulte autour du conteneur. Une agitation fébrile s’était installée : les brancardiers entraient et sortaient à toute vitesse, leurs silhouettes tranchées par les flashs bleutés du véhicule d’urgence.
J’attendis que le calme revienne. Que les sirènes s’éloignent. Que plus aucun pas ne résonne dans la neige.
Alors, je me glissai de nouveau à l’intérieur du conteneur, le cœur encore battant.
Le chauffage avait été coupé. L’air y était à nouveau glacial. Mon écharpe gisait sur le sol, là où elle avait glissé plus tôt. Je la ramassai, la secouai distraitement pour en chasser la poussière, puis m’assis sur le canapé, là même où le gamin s’était allongé.
Mon téléphone vibra dans ma poche.
Je le sortis, découvrant une avalanche de notifications. Plusieurs messages non lus de ma mère et de ma sœur s’étaient accumulés pendant que j’étais coupée du monde.
Le message de ma mère était bref : Appelle-moi dès que tu arrives chez ton oncle, d’accord ? Je m’inquiète pour toi. Il fait trop froid pour sortir si tard.
Celui de ma sœur, en revanche, formait un véritable mur de texte.
« Oppa*, ce crétin d’alpha qui est ton sunbae* ou je sais pas quoi, il a débarqué chez nous tout à l’heure. Il a hurlé comme un taré qu’il allait te retrouver, que tu pouvais bien essayer de te planquer, il te mettrait la main dessus quoi qu’il arrive. Puis il a claqué la porte et s’est tiré. On a appelé les flics, mais dès qu’ils ont compris que ce fils de pute était un alpha dominant, ils nous ont dit de « gérer ça entre nous » et se sont barrés. Ces flics, c’est aussi des fils de pute. »
(N/T : Oppa est un terme honorifique utilisé par les femmes pour s’adresser à un homme plus âgé, souvent entre frères et sœurs, mais aussi entre amis et connaissances proches.)
(N/T : Un sunbae est une personne ayant plus d’expérience ou d’ancienneté dans un groupe, comme une école ou une entreprise. Un hubae est l’inverse, une personne ayant moins d’expérience ou d’ancienneté.)
Je poussai un long soupir en faisant défiler le reste. Le mot « fils de pute » revenait au moins quatre fois, sans compter les variantes. Mais le fond du message était clair : elle voulait que je quitte l’école, au moins temporairement.
Je pris une longue inspiration. L’air glacé du conteneur me mordit les poumons. Mon nez coulait, et je reniflai en resserrant mon écharpe autour de mon cou.
L’épisode avec le gamin me semblait déjà loin, presque irréel. Comme un souvenir flou avalé par la nuit.
Une fois encore, j’étais seul à attendre. Comme avant l’accident.
Il suffisait de tenir encore un peu. Juste assez pour que les trains recommencent à circuler.
Le dernier jour de mes vingt ans était particulièrement froid.
— Il y a 1 an, le 23 décembre —
La fin de l’année était une période dangereuse pour les omégas, mais Noël était sans doute le pire jour de tous. Pendant l’hiver, je faisais de mon mieux pour ne pas quitter la maison, de peur de croiser un alpha dérangé en rut*. S’ils posaient leurs yeux sur moi, c’était fini. Je finissais toujours par les suivre, impuissant, comme un idiot.
(N/T : Le rut est une période récurrente caractérisée par des instincts sexuels exacerbés chez les Alphas, analogue à la chaleur ressentie par les omégas. Cette phase est marquée par un besoin intense de s’accoupler avec leurs partenaires.)
Mais aujourd’hui, je n’avais pas le choix.
Mon oncle, décorateur d’intérieur, avait eu un contretemps sur un chantier. Une cuisine, censée être terminée la veille, restait à moitié montée. Le propriétaire menaçait déjà d’annuler le contrat. Mon oncle n’avait d’autre choix que de foncer à la recherche de l’entrepreneur chargé de l’installation – un arnaqueur qui s’était envolé avec l’argent.
Avant de partir, il m’avait tendu les clés de son vieux camion blanc, un air soucieux au fond des yeux.
« Tu n’auras pas grand-chose à faire, » m’avait-il dit en se grattant la nuque. « Juste ramasser les débris de chantier. Tu penses pouvoir gérer ça ? »
Il avait l’air inquiet, mais j’avais balayé ses craintes d’un hochement de tête.
« Pas de souci, je m’en occupe. »
Il m’hébergeait gratuitement depuis deux ans, à Pohang*. C’était bien le minimum que je puisse faire.
(N/T : Pohang City, ou Pohang-si, est une grande ville portuaire de la province de Gyeongsang-do.)
Malgré mon enthousiasme, il n’avait pas l’air totalement convaincu. Il m’a jeté un dernier regard soucieux avant de s’éclipser, déterminé à retrouver le propriétaire véreux de l’entreprise d’installation, qui s’était enfuie avec son argent.
J’ai conduit jusqu’à la ruelle derrière la plage de Yeongildae, où se trouvait le restaurant en rénovation. Le vent salé me fouettait le visage, glacial et humide. En poussant la porte du bâtiment, je suis resté figé un instant sur le seuil.
Le chantier était un cauchemar.
Des pots de peinture éventrés traînaient à même le sol. Des sacs en plastique déchirés, des morceaux de bois, des câbles arrachés… Partout où mon regard se posait, ce n’était que chaos.
Bon… Ce n’est que du ménage, me suis-je dit en resserrant mon écharpe autour de mon cou.
Trois heures plus tard, j’étais allongé à plat ventre sur le sol gelé, vidé de toute énergie. Je n’avais nettoyé qu’à peine la moitié de la pièce. L’absence de chauffage transformait le restaurant en congélateur, mais je ne sentais presque plus le froid. Mon corps était en sueur, mon dos trempé sous ma chemise.
J’avais dû balancer mon écharpe quelque part en plein effort, trop encombrante. Elle gisait à l’autre bout de la salle.
Et maintenant, toute la chaleur accumulée m’abandonnait.
Mais ce n’était pas le froid le plus urgent. Mon estomac hurlait.
J’avais cru pouvoir sortir acheter quelque chose vite fait avant de revenir. Grave erreur. Même si Noël n’était que demain, les rues étaient déjà bondées. Les gens riaient, chantaient, se pressaient les uns contre les autres. Et surtout… Les phéromones d’alphas flottaient partout, denses, enivrantes.
Je m’étais retourné illico. Pas question de finir la soirée plaqué contre un mur.
Après avoir erré un moment dans les rues bondées, j’ai fini par trouver un peu de répit : un Kimbap Heaven* ouvert 24h/24.
(N/T : Kimbap Heaven est une chaîne de restaurants qui vend des plats rapides et décontractés tels que des kimbap, des ramyeon et des tteokbokki.)
L’endroit, étonnamment dépourvu de couples, était peuplé d’âmes solitaires. Des silhouettes silencieuses, la tête baissée au-dessus de leurs bols fumants. Tous semblaient avoir fui la lumière criarde des fêtes, trop aveuglante pour ceux qu’elle n’éclairait pas.
J’ai mis un moment à trouver une place libre. Ce n’était pas l’idéal — une table contre la baie vitrée, avec un courant d’air glacial qui s’infiltrait par les jointures — mais j’étais trop affamé pour faire la fine bouche.
À ce stade, j’aurais mangé n’importe quoi. Même froid. Même tombé par terre.
Une fois ma commande passée, je me suis affalé sur la banquette et j’ai sorti mon téléphone. Histoire de tuer le temps.
Un post récent sur un forum communautaire attira mon attention. Je le connaissais bien, ce site — principalement fréquenté par des omégas, pour des omégas. Rien d’exceptionnel, sauf peut-être ce titre :
[Un alpha pas comme les autres.]
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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