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    Yoon Chi-young décida de retourner à l’hôpital le lendemain.

    C’était parce que Heeseong avait refusé de dormir avec lui. Le petit chiot, voyant le loup profondément endormi, avait discrètement quitté le lit pour s’allonger sur le coussin d’appoint dans sa propre chambre. Quand Yoon Chi-young s’est réveillé en pleine nuit, il est allé le chercher et a ramené Heeseong — coussin compris — dans leur lit. Pourtant, rongé par l’inquiétude, Heeseong n’a pas pu se rendormir.

    Et s’il faisait encore une crise de phéromones… ?

    Même endormi, Yoon Chi-young respirait parfois avec difficulté, comme s’il souffrait. Anxieux, le chiot lui avait léché la joue, puis s’était allongé sur ses yeux comme un bandeau. Ce n’est qu’alors que sa respiration s’était calmée et qu’il avait enfin sombré dans un sommeil profond.

    Le lendemain, vers midi, le chiot s’approcha de lui, la carte médicale dans la gueule, bien décidé à l’emmener à l’hôpital.

    Ploc.

    « Pourquoi ? Tu veux qu’on aille à l’hôpital ? »

    Tu dois y aller.

    Lui repondit le chiot d’un air résolu. Pour une raison qui lui était encore inconnue, cette attitude plut beaucoup à Yoon Chi-young, qui se mit aussitôt à le couvrir de baisers, au grand désarroi du chiot. Les poils en bataille, il fila se réfugier dans sa chambre pour retrouver forme humaine. Qu’il soit en chiot ou en humain, il avait bien du mal à gérer l’affection débordante de Yoon Chi-young.

    Vêtu de vêtements propres, Heeseong l’accompagna à l’hôpital. Après tout, c’était bien naturel : il était son gardien.


    Une fois à l’hôpital, Yoon Chi-young partit recevoir une nouvelle injection d’anti-phéromones. La veille encore, son taux avait chuté à 1 013, mais ce jour-là, il était remonté à 1 083. Le médecin, stupéfait, s’inquiéta d’une hausse aussi soudaine en à peine vingt-quatre heures.

    Heeseong se sentit un peu coupable. En tant que gardien, il avait le sentiment d’avoir failli à sa mission. Il avait suivi les consignes avec sérieux, mais il ne s’attendait pas à ce que les taux remontent aussi vite.

    Il suffit pas d’atténuer l’anxiété de séparation ? Faut vraiment qu’on couche ensemble pour que ça se calme… ?

    Il secoua vivement la tête, chassant cette idée.

    Coucher avec Yoon Chi-young ? Rien que la différence de gabarit suffisait à rendre ça invraisemblable, sans parler du fait qu’il soit un loup… un loup mangeur d’hommes. Rien que d’avoir songé à ça lui sembla absurde, et il s’empressa de rejeter cette pensée d’un mouvement brusque.

    C’est alors qu’il aperçut une silhouette familière au fond du couloir.

    Qu’est-ce qu’il fout encore là, lui ?

    Yang Hye-chan.

    Rien qu’à sa vue, Heeseong sentit ses muscles se tendre, mais il afficha un visage impassible. Après l’épisode de la veille, il était prêt à se défendre si cet homme cherchait à l’importuner. Après tout, cet homme avait essayé de tuer Yoon Chi-young — pour Heeseong aussi, il n’était rien d’autre qu’un ennemi.

    Mais Yang Hye-chan se contenta de lui adresser un sourire narquois, sans s’approcher ni intervenir.

    Ce qui mit Heeseong mal à l’aise, ce fut de le voir parler à son téléphone, comme s’il conversait avec quelqu’un. Il n’entendait rien, mais cette scène lui donnait un mauvais pressentiment.

    Autant l’éviter pendant un moment.

    Il se tourna vers Ji Yeong-bae, le seul à l’avoir accompagné ce jour-là à l’hôpital.

    « Hyung, je peux aller chercher un jus ? »

    « Tu comptes en faire quoi ? »

    « … Le boire. »

    Il avait brièvement envisagé de s’en servir comme arme, juste au cas où, mais vu ses antécédents, il a préféré rester discret.

    Ji Yeong-bae consulta sa montre, hocha la tête, puis se mit lentement en marche à ses côtés. De toute façon, Yoon Chi-young en avait encore pour une bonne demi-heure d’isolement.

    Le café était au rez-de-chaussée. Heeseong se rendit au comptoir, donna le nom de Yoon Chi-young, et reçut un jus d’orange. Apparemment, il suffisait de mentionner son nom pour obtenir ce qu’on voulait.

    Il tendit un autre jus à Ji Yeong-bae — même si techniquement, c’était Yoon Chi-young qui payait — et alla s’installer sur un canapé pour discuter. L’atmosphère restait cependant un peu tendue : Ji Yeong-bae refusait de s’asseoir, et restait debout, légèrement en retrait, en diagonale derrière lui.

    « Dis, hyung… Tu es de la tribu des chiens, alors comment tu as fini par bosser avec des loups ? »

    « C’est le directeur Yoon qui m’a recruté personnellement. »

    « Sérieux ? Pourquoi ? »

    « … J’ai tué un membre de la tribu des loups. »

    Les yeux noirs de Heeseong s’écarquillèrent de stupeur.

    On pouvait appeler ça un recrutement par compétences, mais les circonstances étaient visiblement sensibles. Il prit une gorgée de jus en jetant un coup d’œil discret à Ji Yeong-bae. Un chien qui avait tué un loup… D’un coup, la carrure massive et solide de Ji Yeong-bae lui parut bien plus intimidante.

    « … ? »

    Remarquant son regard méfiant, Ji Yeong-bae lui ébouriffa doucement les cheveux. Heeseong éprouva une étrange sensation. Il se rappelait encore de la douceur avec laquelle Ji Yeong-bae l’avait traité lorsqu’il s’était réfugié derrière lui la dernière fois. Mais il ne dit rien, acceptant ce geste d’affection — il savait que cet homme avait un bon fond.

    Puis, son regard fut attiré par quelque chose à l’extérieur.

    « … C’est quoi, ça ? »

    De l’autre côté de la vitre s’étendait une promenade soigneusement aménagée le long de la rivière, avec en toile de fond des quartiers huppés et les lumières de la ville.

    Et sur cette promenade… une silhouette familière. Un chien jaune. Il fixait Heeseong droit dans les yeux. Il aurait pu s’agir d’un simple chien errant, mais son instinct lui souffla que non : ce n’était pas une coïncidence.

    Le chien du tripot.

    Heeseong se leva brusquement et se dirigea vers la sortie, comme attiré par un aimant. Ji Yeong-bae posa une main ferme mais douce sur son épaule pour le retenir :

    « Tu ne devrais pas sortir comme ça. »

    « Je dois juste vérifier un truc. » murmura-t-il, avant de s’éloigner. Le chien recula à son tour, gardant néanmoins les yeux rivés sur lui.

    Heeseong le reconnut aussitôt. Un ancien camarade du tripot. L’un des chiens de combat avec qui il avait noué des liens.

    Le chien, sans un mot, s’exprima par gestes. Son langage corporel était clair :

    « J’ai quelque chose à te dire. »

    Les yeux de Heeseong s’écarquillèrent. Il hésita. Se déplacer en pleine ville sous sa véritable forme était extrêmement risqué pour un métamorphe, et pourtant, son ami avait pris ce risque. Ce ne pouvait être que pour une raison très sérieuse.

    Il jeta un regard vers le bâtiment de l’hôpital. Yoon Chi-young lui traversa l’esprit, mais le feu de la vengeance qui brûlait en lui eut raison de son hésitation.

    Pour se venger de Park Geon-tae, il ne pouvait négliger aucune information.

    Et si ce chien avait fait tout ce chemin en cachette, c’était forcément important.

    « Hyung, je reviens tout de suite. »

    « C’est interdit. »

    « Je ne serai pas long. »

    Sans attendre de réponse, Heeseong s’élança. Le chien se retourna comme pour l’inviter à le suivre, trottinant à petites foulées. Heeseong le suivit sans hésiter.

    Surpris par sa fuite soudaine, Ji Yeong-bae se transforma aussitôt en chien-loup massif et puissant, sa forme animale, et fondit à sa suite. Il se plaça près de Heeseong, scrutant les alentours avec vigilance.

    Hésitant, mais déterminé à rattraper son ami, Heeseong traversa un pont qui enjambait la rivière. De l’autre côté, un quartier résidentiel connu pour sa richesse s’étendait.

    C’était décembre. La neige recouvrait les trottoirs. Le quartier était calme, silencieux, entouré de hautes clôtures.

    Ça ne prendra pas longtemps, pas vrai… ?

    Heureusement, même après avoir franchi le pont, l’hôpital restait visible derrière lui. La distance n’était pas si grande, ce qui le rassura quelque peu. Reprenant contenance, Heeseong s’avança vers le chien qui l’attendait près d’un parking faiblement éclairé.

    Ji Yeong-bae, toujours sous sa forme bestiale, tournait autour de lui avec un air protecteur. Grâce à lui, Heeseong se sentit un peu plus en sécurité, et pénétra dans le parking.

    Crunch.

    Mais Ji Yeong-bae le retint en mordillant le tissu de ses vêtements. Heeseong s’arrêta devant le parking plongé dans la pénombre, les yeux fixés sur son ami. La ruelle toute proche était étrangement déserte.

    Il aurait été plus sage de ne pas entrer.

    Les chiens du tripot étaient là.

    Plusieurs bêtes massives, des chiens anthropomorphes familiers à Heeseong – mais pas dans le bon sens du terme. C’étaient les gardes du tripot, ceux qui le punissaient souvent ou se défoulaient sur lui lorsqu’il faisait une erreur. Il ne pouvait pas les appeler ses amis.

    L’un d’eux, marqué d’une cicatrice sur le front, cracha un mot avec mépris :

    « Traître. »

    L’expression de Heeseong se durcit. Il savait que sa disparition soudaine avait pu semer le doute, mais il n’aurait jamais imaginé qu’un ancien camarade le trahirait de la sorte.

    Le garde du tripot prononça des paroles lourdes de sens, comme un verdict.

    « Tu croyais être à l’abri, maintenant que tu as rejoint les loups, après avoir trahi ta meute ? »

    « Putain, c’est qui qui a trahi qui, au juste ? »

    Heeseong montra les crocs en guise de réponse, mais les gardes restaient impassibles. Pour eux, il n’y avait pas de doute : c’était un traître.

    Ils m’ont attiré ici pour m’éliminer discrètement, à l’écart des loups, pas vrai ?

    Tout s’éclairait. Ils avaient utilisé un ancien camarade pour l’isoler et régler leurs comptes sans éveiller de soupçons. Le garde reprit la parole, solennel :

    « Heeseong, avoue ta trahison avant qu’on te fasse disparaître ici. »

    Chez les chiens, la loyauté était sacrée, et la trahison le crime ultime. Ils n’étaient peut-être pas aussi méthodiques que les loups, mais un traître ne repartait jamais sans sanction. En général, ils brisaient un membre pour l’exemple.

    Mais Heeseong n’avait pas peur.

    À ce stade, il devait au moins tirer quelques informations de cette rencontre. Il lança au garde, sans prendre de gants :

    « C’est Park Geon-tae qui vous a ordonné de m’éliminer dans le dos des loups ? »

    « Réponds d’abord à nos questions. »

    « Votre réseau d’info est à chier. Comment vous saviez que j’étais avec les loups ? »

    Cette question effrontée fut accueillie par une réponse menaçante.

    « Un traître, on le surveille quoi qu’il fasse. Alors arrête de faire le malin et avoue. »

    Heeseong ignora leurs paroles, agita une oreille et réfléchit. Leur organisation n’était pas aussi structurée que celle des loups. S’ils avaient des infos sur lui, c’est qu’un informateur travaillait pour eux.

    « … Qui collabore encore avec ce débile ? » marmonna-t-il entre ses dents. Les gardes perdirent patience.

    « Espèce de sale bâtard… ! »

    Deux d’entre eux se transformèrent en bergers allemands et se jetèrent sur lui. Les molosses, de la même taille que Heeseong, exhibèrent leurs crocs acérés pour tenter de lui arracher la gorge. Heeseong leva les bras et se baissa par réflexe.

    Bang !

    Ji Yeong-bae bondit et neutralisa facilement les deux bergers. Mais aussitôt, deux autres surgirent de l’ombre pour fondre sur Heeseong. Tout se passa en une fraction de seconde.

    Merde.

    Quand il les vit, leurs crocs étaient déjà à quelques centimètres de son visage. Son instinct lui hurlait de fuir, mais il savait qu’il serait encore plus vulnérable en tournant le dos. Il ne lui restait qu’une option : bloquer ou attaquer, quitte à y laisser un bras.

    Trop proches.

    Heeseong serra les dents et tendit les bras de toutes ses forces. Il comptait saisir l’un des bergers et le projeter violemment au sol. L’autre risquait de le mordre, mais il fallait en neutraliser au moins un.

    Les crocs semblaient prêts à lui déchiqueter l’épaule d’une seconde à l’autre. Pourtant, il ne reculait pas. Il s’était déjà préparé mentalement à se faire mordre. Il tendit la main pour agripper la peau du cou de l’un des chiens. Au moment où les crocs effleurèrent à peine son vêtement tout neuf…

    Bam !

    Deux loups surgirent de nul part et déchiquetèrent les bergers allemands dans un fracas d’os et de crocs. Les chiens hurlèrent, comme s’ils criaient à la mort, et les rares rescapés prirent la fuite dans un chaos paniqué. Heeseong inspira profondément pour calmer ses nerfs et balaya la scène du regard.

    Sans qu’il s’en aperçoive, une meute de loups, bien plus massive que les chiens du tripot, s’était rassemblée dans un silence total. Contrairement aux chiens, les loups ne grognaient pas. Ils avaient fondu sur leurs proies sans un bruit, tels de véritables prédateurs.

    Comment les loups ont-ils pu arriver jusqu’ici ?

    Heeseong regarda autour de lui, abasourdi. Le fait qu’ils aient pu s’infiltrer aussi loin le déconcertait, mais ce qu’il voyait le glaça d’effroi. Des gouttes de sueur froide alourdissaient ses mèches noires qui se collaient à son front crispé.

    Ce n’était pas un simple combat entre chiens dressés. C’était une chasse, à sens unique. Les loups attrapaient les pattes des bergers allemands tentant d’escalader le mur, et traquaient sans relâche ceux qui essayaient de fuir. Heeseong recula lentement, cherchant à reprendre son souffle.

    Soudain, quelqu’un le tira brusquement contre lui.

    « Ugh… ! »

    Surpris par la force brute, Heeseong en resta figé, avalant sa salive avec peine avant de tourner la tête pour voir de qui il s’agissait.

    C’était Yoon Chi-young, les yeux troubles, le souffle court, l’air complètement désordonné, loin de son apparence habituelle.

    « Yoon Chi-young… ? »

    « Gyeon Heeseong. »

    Peut-être était-ce à cause de ses pupilles verticales dans ses yeux gris, mais sa voix résonna dans l’esprit de Heeseong comme un froid glacial. Elle était plus grave, rauque, hachée, presque bestiale — au point de lui donner la chair de poule. Heeseong, saisi d’un frisson, agrippa le bras qui lui enserrait la taille, les yeux écarquillés.

    Quand leurs regards se croisèrent, Yoon Chi-young le fixait sans expression. Les yeux de Heeseong tombèrent sur les siens, devenus rouge éclatant. Yoon Chi-young, les mâchoires serrées, semblait peiner à articuler normalement.

    « Pourquoi tu continues à disparaître comme ça… ? »

    Son ton était chargé d’inquiétude, mais quelque chose clochait. Le bras autour de sa taille le serrait avec une force presque insupportable. Quand Heeseong toucha le dos de sa main, il fut frappé par une chaleur anormale, brûlante.

    Quelque chose n’allait pas. Yoon Chi-young semblait à deux doigts de perdre le contrôle. Un nouveau choc de phéromones était imminent.

    Oubliant complètement le danger qui l’avait menacé quelques minutes plus tôt, Heeseong posa ses mains sur ses épaules.

    « Yoon Chi-young, est-ce que… tu vas bien ? »

    À peine eut-il posé la question que Yoon Chi-young planta de nouveau ses yeux dans les siens. Il souriait — mais ce sourire avait quelque chose d’effrayant.

    « Oui. Maintenant que je t’ai retrouvé. »

    « D’accord… mais calme-toi, d’accord ? Je ne comptais pas aller bien loin… »

    « J’aimerais bien me calmer, mais… »

    Il rit doucement, un rire tremblant, et prit une grande inspiration avant de repousser ses mèches noires en désordre. Ses yeux rouges réapparurent sous ses cheveux. Et à cet instant, ses ongles s’allongèrent, noircis, preuve que son corps reprenait peu à peu sa forme originelle.

    Heeseong, pris d’un élan d’instinct, l’enlaça plus étroitement. C’était ainsi qu’il avait pu faire baisser ses phéromones la dernière fois.

    C’est alors qu’une voix rauque, grave, presque inhumaine lui murmura à l’oreille :

    « Tu as encore failli te faire blesser… Comment veux-tu que je reste calme ? »

    « … »

    « Hein ? Gyeon Heeseong. Réponds-moi. »

    Heeseong se figea, choqué. Il comprit alors : ce que redoutait le plus Yoon Chi-young, ce n’était pas qu’il disparaisse. C’était de le savoir blessé, recroquevillé quelque part dans une ruelle, vulnérable. Le gémissement qu’il avait poussé, juste avant de perdre connaissance la dernière fois que Heeseong avait été blessé, en était la preuve.

    Bientôt, plusieurs voitures noires s’arrêtèrent devant eux.

    C’étaient les véhicules des membres de l’organisation des loups. Yoon Chi-young monta dans l’une d’elles en tirant Heeseong contre lui, toujours aussi fermement. L’étreinte était presque trop forte, mais Heeseong ne résista pas et se laissa emmener.

    Depuis l’intérieur de ses bras, Heeseong leva les yeux vers lui. Ses prunelles, tremblantes, débordaient d’inquiétude.


    La voiture prit rapidement la direction de la maison.

    Pendant ce temps, Yoon Chi-young luttait pour maîtriser une respiration de plus en plus lourde et douloureuse. Heeseong, bien qu’encore marqué par l’image du loup noir qu’il était devenu, s’efforçait de rester à ses côtés et de le serrer dans ses bras.

    Mais ni ses tentatives de dialogue ni ses gestes tendres ne parvinrent à l’apaiser. Peu à peu, une peur sourde, jusqu’alors tapie dans le cœur de Heeseong, prit de l’ampleur.

    Il ne savait même plus dans quel état d’esprit il était rentré. Ce n’est qu’une fois arrivé dans le territoire de Yoon Chi-young — leur maison — que celui-ci le fixa enfin, les yeux à peine focalisés. Le soleil s’était déjà couché ; c’était l’hiver, et une pénombre bleutée baignait la pièce. C’est dans ce pénombre que leurs regards se croisèrent.

    « Bébé… »

    Yoon Chi-young l’appela d’une voix mêlée à un soupir et du rire nerveux, comme s’il essayait de se contenir. Mais, vu de près, ses yeux gris avaient quelque chose d’étrange. Sa voix aussi avait changé : rauque, râpeuse, comme chargée d’un grondement animal.

    « Si tu continues à disparaître comme ça… je vais vraiment finir par perdre la tête. »

    « Je… Je n’ai jamais voulu fuir, ni t’abandonner. »

    « Oui, je le sais. Je le sais, mais… »

    Il tenta de sourire. Un sourire fragile, fébrile, où ses lèvres tremblaient et ses crocs pointaient. Heeseong recula lentement, déstabilisé par cette expression inquiétante.

    Bientôt, il se retrouva acculé contre un mur, les oreilles de chiot plaquées en arrière, crispées. Sa petite queue blanche se recroquevilla nerveusement.

    Comme pour l’empêcher de s’échapper, Yoon Chi-young l’attira brutalement contre lui, l’enlaça fermement, et murmura :

    « Je préférerais cent fois être blessé à ta place… »

    « … »

    « Si quelqu’un te fait encore du mal… je crois que je vais vraiment perdre le contrôle. »

    Ses mots se voulaient tendres, mais un frisson glacial parcourut l’échine de Heeseong. Il se sentait comme pris au piège, à la merci d’un loup affamé prêt à bondir. La voix de Yoon Chi-young, basse et tremblante, semblait sortir d’un être au bord de la rupture.

    Et pourtant, Heeseong refusait de le craindre.

    C’était lui, après tout, qui l’avait rendu aussi instable. Ce qu’il voyait là, ce n’était qu’une crise, un passage douloureux, éphémère. Serrant les poings pour maîtriser ses propres tremblements, il s’efforça de répondre d’une voix presque naturelle :

    « Ça n’arrivera plus. Je ne me blesserai plus. »

    « Non… C’est déjà arrivé deux fois… »

    La chaleur brûlante du souffle de Yoon Chi-young caressa sa nuque. Heeseong détourna la tête et enfouit son front contre son épaule. Chaque point de contact avec la peau de Yoon Chi-young semblait irradier de chaleur.

    Et au fond de lui, Heeseong commençait à comprendre l’angoisse qui rongeait Yoon Chi-young.

    Gyeon Heeseong… Gyeon Heeseong…

    Il revoyait avec précision l’attitude anormalement fébrile de Yoon Chi-young, lorsqu’il avait disparu après sa première transformation, lui revint en mémoire. En se rappelant combien il avait eu l’air désespéré, un profond sentiment de culpabilité l’envahit. Yoon Chi-young était de son espèce. Peut-être même représentait-il bien plus que cela.

    « … Calme-toi. »

    Heeseong comprenait son angoisse. Yoon Chi-young avait déjà dit un jour que Heeseong était tout ce qu’il avait.

    Même si les paroles enjôleuses du loup pouvaient parfois sembler creuses, Heeseong savait qu’au moins la moitié de ce que lui disait Yoon Chi-young venait du cœur.

    « Je ne vais nulle part. Je ne te quitterai jamais. »

    Aux mots résolus de Heeseong, Yoon Chi-young enfouit son visage dans sa nuque, un rire sombre au bord des lèvres. Il ne semblait pas croire un mot de ce qu’il venait d’entendre. L’étreinte autour de sa taille se fit plus forte, presque douloureuse.

    La situation ne faisait qu’empirer. Les crocs de Yoon Chi-young s’allongeaient visiblement, et à chaque souffle haletant s’échappait un grondement sourd. Il perdait pied, incapable de se contenir.

    S’il ne le calmait pas maintenant, il risquait de replonger dans un nouveau choc de phéromones.

    « Yoon Chi-young… ? »

    Heeseong releva doucement la tête, encore blotti contre lui.

    Ses oreilles de chiot, aplaties vers l’arrière, tressautèrent d’inquiétude, et ses yeux brillaient d’une tension contenue. En face de lui, les yeux gris de Yoon Chi-young, cernés de fatigue, semblaient pleins de douleur.

    Heeseong voulait l’apaiser. Ce n’était pas seulement par devoir — c’était un élan bien plus profond, bien plus tendre, qui le poussait à agir.

    Hésitant, Heeseong se hissa légèrement sur la pointe des pieds et lui rendit enfin un peu de l’affection qu’il avait tant reçue de lui.

    Ses lèvres effleurèrent la mâchoire lisse de Yoon Chi-young, puis vinrent mordiller doucement sur le côté. Ce n’était rien comparé au baiser qu’ils avaient échangé la dernière fois — à peine un frôlement joueur. Sa langue glissa légèrement contre la lèvre inférieure du loup, puis se retira aussitôt.

    Silence.

    Et ce simple geste suffit à faire écarquiller les yeux de Yoon Chi-young. Sa queue, d’ordinaire impassible, se hérissa, et doubla de volume. À la vue de son expression stupéfaite, Heeseong en ressentit un frisson si intense que sa nuque en fut parcourue de picotements.

    C’est lui qui se détacha le premier.

    La respiration de Yoon Chi-young s’était légèrement calmée. Sa main, posée sur la taille de Heeseong, était restée figée. Seule sa queue noire frémissait encore, agitée de petits sursauts nerveux, comme traversée par un courant électrique.

    Prenant son courage à deux mains, Heeseong murmura :

    « Calme-toi. »

    Silence.

    Le regard trouble de Yoon Chi-young se posa lentement sur lui. Ses pupilles fendues peinaient à retrouver leur focus. Il pencha légèrement la tête en l’observant, puis un sourire se dessina sur ses lèvres, dévoilant ses crocs.

    « … Yoon Chi-young ? »

    Le baiser de Heeseong semblait avoir eu l’effet inverse.

    « Ah… ! »

    Yoon Chi-young se jeta sur lui, l’assaillant de baisers comme une pluie torrentielle. Heeseong tenta de le raisonner, mais il était déjà trop tard — Yoon Chi-young n’était plus en état d’écouter. Ses vêtements furent arrachés comme s’ils avaient été déchirés, et les larges mains du loup saisirent ses hanches frêles avec une force presque écrasante.

    Un frisson de peur traversa Heeseong, mais il se détendit presque aussitôt en comprenant que Yoon Chi-young ne cherchait pas à le mordre. Il ferma les yeux et mêla sa langue à la sienne. S’il fallait en passer par là pour faire baisser ses phéromones…

    Non. Tant que c’était Yoon Chi-young, alors c’était bon.

    Sur cette pensée, Heeseong s’abandonna pleinement entre ses bras.


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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