10. Chiot d’un jour ⋄ Partie 04
par Ruyi ♡De retour sur la terrasse, Yoon Chi-young s’installa et prit sa tablette.
Sur l’écran défilaient des images de vidéosurveillance et des photos. En faisant glisser les fichiers, il fit apparaître des rapports et des notes rédigées par les membres de l’organisation.
Tous ces documents concernaient les événements survenus autour de la base du clan des loups le jour où le chiot avait été trouvé.
Perdu dans ses pensées, il scrutait les enregistrements lorsqu’il se tourna vers Ji Young-bae, resté debout derrière lui.
« Aucune organisation n’a empiété sur notre territoire ce jour-là, n’est-ce pas ? »
« Non, en effet. »
Un sourire narquois effleura les lèvres de Yoon Chi-young. Le chiot avait été découvert blessé, précisément dans un angle mort non couvert par les caméras. Pourtant, en recoupant les indices, il pouvait facilement deviner ce qui s’était passé.
Il paraissait absurde de déclencher une bagarre aux abords de la base du clan juste pour mettre la main sur quelques millions de wons de drogue. Même les petites frappes de la rue savaient qu’il valait mieux éviter de provoquer les loups sur leur propre territoire.
À moins que quelqu’un n’ait voulu se débarrasser d’un fardeau gênant… Tout en récoltant un peu d’argent au passage.
Et si le plus jeune membre d’une organisation disparaissait en plein territoire ennemi, personne ne se presserait pour lancer une enquête.
Son regard glissa vers l’intérieur de la maison. Sur le tapis noir, une boule de poils blanche dormait paisiblement, serrant un jouet en forme de serpent entre ses pattes.
« Que vais-je bien pouvoir faire de toi… »
Un sourire effleura ses lèvres.
La situation l’amusait presque.
Le manager du casino, Park Geon-tae, était déjà surveillé de près pour de bonnes raisons. Chaque fois qu’un produit passait entre ses mains, une partie semblait invariablement disparaître. Étant donné son obsession pour les femmes, il n’aurait pas hésité à vendre sa propre chair… Et cette fois, il semblait bien avoir effectivement sacrifié sa carte la plus précieuse.
« Si c’est le cas, notre chiot serait attristé en l’apprenant. »
Il avait beau prendre un ton préoccupé, une lueur d’excitation brillait dans ses yeux gris.
Sans perdre plus de temps, il donna une instruction simple à Ji Young-bae.
« Mets Park Geon-tae sous surveillance dès aujourd’hui. »
« Bien reçu. »
Se levant, Yoon Chi-young attrapa la petite boule de poils endormie et la posa près de son lit. Son regard s’attarda sur le chiot, une lueur d’excitation grandissant dans ses yeux, à une intensité qu’il ne s’expliquait pas encore.
Alors que le week-end s’écoulait, Yoon Chi-young resta contraire à ses habitude à la maison au lieu d’aller travailler. Heeseong, installé confortablement, regardait le dernier film que Yoon Chi-young avait lancé tout en dégustant des gambas grillées qu’il avait épluchées lui-même.
« Le chiot aime les gambas ? »
Je ne sais pas. C’est la première fois que j’en mange.
C’était en effet une découverte pour Heeseong. Il n’avait jamais imaginé que les crevettes puissent être aussi délicieuses. À tel point qu’il s’accrocha spontanément au poignet de Yoon Chi-young pour en recevoir une de plus, qu’il avala aussitôt. Voyant cela, Yoon Chi-young le contempla avec une fierté évidente.
« Ah, tu es tellement mignon que je pourrais en mourir. »
Quoi ?
« Mange bien et guéris vite. Comme ça, je pourrai te manger cet hiver. »
« … »
L’appétit de Heeseong chuta brutalement.
« D’un regard noir, il fixa Yoon Chi-young et, dans un accès de colère, renversa même une tasse d’eau. Mais loin de s’en offusquer, Yoon Chi-young, amusé, lui adressa un sourire avant d’éplucher d’autres gambas en guise de pot-de-vin. Après une brève hésitation, Heeseong finit par tout engloutir. »
L’idée d’être mangé en hiver lui avait brièvement coupé l’appétit, mais après tout, il comptait bien s’enfuir avant que cette saison n’arrive.
Le soir venu, un médecin à l’air hagard — qui donnait plus l’impression d’un toxicomane que d’un professionnel — se présenta pour examiner Heeseong, dont le ventre était maintenant bien gonflé.
« Les niveaux de phéromones sont à peine détectables à nouveau. C’est vraiment juste un chiot. »
Espèce de charlatan.
Le médecin, décidément pas très net, le diagnostiqua une fois de plus comme un simple chiot. Après avoir rebranché l’appareil de mesure des phéromones derrière sa nuque et confirmé les résultats, Yoon Chi-young esquissa un sourire subtil, sans faire de commentaire.
Néanmoins, malgré son apparence douteuse, le médecin semblait compétent. Il s’occupa du chiot avec attention et sans la moindre erreur, peut-être sous la pression du regard glacial et scrutateur de Yoon Chi-young.
« Heureusement, la blessure guérit vite. On peut retirer le plâtre aujourd’hui, et les points de suture la semaine prochaine. Marcher risque encore d’être compliqué, mais d’ici là, il pourra reprendre un peu d’activité. »
« … »
Heeseong ne fut pas ravi d’apprendre sa guérison rapide.
Il s’était laissé aller, profitant des repas complets et de la chaleur, ce qui lui semblait injuste en pensant à son frère. Frustré, il mordit la main de Yoon Chi-young qui le caressait, comme un enfant capricieux.
Il baissa ensuite les yeux sur ses pattes. Sa peau suturée avait un aspect grotesque, et des ecchymoses couvraient son petit corps.
Reprendre forme humaine risque d’être compliqué…
Les hommes-bêtes guérissaient plus vite sous leur apparence animale. Leur corps conservait instinctivement la forme la plus sécurisée lorsqu’ils étaient blessés. Ainsi, chaque fois que Heeseong tentait de redevenir humain, la douleur l’en empêchait. Une preuve que son organisme était encore en convalescence.
Malgré tout, il était déterminé à récupérer au plus vite. Il savait qu’une fois redevenu humain, il aurait bien plus de chances de s’échapper. Alors, en attendant, il se préparait à fuir.
À ce moment-là, Yoon Chi-young, dont la main venait d’être mordue, demanda au médecin :
« Quand pourra-t-il commencer à sortir se promener ? »
… Il me prend vraiment pour un chien ?
Des promenades, rien que ça. Heeseong n’avait aucune intention d’accepter la laisse que Yoon Chi-young finirait forcément par lui imposer. Il y avait déjà eu des incidents où, après avoir été attaché, il se laissait tomber au sol en signe de protestation, refusant de bouger jusqu’à ce qu’on le détache. Il avait même réussi à se débarrasser de plusieurs colliers et, par esprit de rébellion, il renversait tout ce qu’il trouvait sur son passage, café y compris.
Le pire, c’était que Yoon Chi-young semblait trouver ça amusant. Il allait même jusqu’à prendre des photos. Ce qui ne faisait qu’irriter davantage Heeseong. Mais refuser la laisse ou tout accessoire de ce genre n’était pas un simple caprice : c’était une question de fierté.
Le médecin hésita avant de répondre :
« Vu que nous sommes en novembre et qu’il est encore en convalescence, il vaudrait peut-être mieux éviter les promenades pour le moment… »
« Hmm… »
Yoon Chi-young ne sembla pas particulièrement déçu. Il observa attentivement les blessures du chiot, plissant légèrement les yeux. À croire que la guérison rapide de Heeseong n’était pas une si bonne nouvelle pour lui non plus.
Le médecin, cherchant à interpréter sa réaction, enchaîna avec prudence :
« Dans ce cas… »
Il sortit un appareil de mesure des phéromones et s’approcha prudemment. Yoon Chi-young hocha simplement la tête, sans montrer la moindre objection.
L’appareil émit un bourdonnement mécanique avant qu’un chiffre rouge s’affiche sur l’écran : 892.
C’était des centaines de fois plus élevé que les 4 ou 5 mesurés chez Heeseong.
Troublé, le médecin demanda :
« Le niveau normal est de 200… Vous n’êtes pas retourné à votre forme originelle récemment ? »
« J’étais occupé à élever un chiot. »
Yoon Chi-young répondit avec indifférence, continuant à caresser Heeseong comme si de rien n’était.
Le médecin, tâchant de rester professionnel, lui prodigua quelques conseils :
« Quand même… En tant qu’homme-bête, vous devriez soit revenir à votre forme originelle, soit réguler vos phéromones par une activité sexuelle. Avec une puissance comme la vôtre, vous devriez le faire au moins une fois toutes les deux semaines… »
… Toutes les deux semaines ?
Heeseong releva brusquement la tête, surpris.
Les hommes-bêtes, bien que proches des humains, n’avaient pas besoin de gérer leurs phéromones aussi fréquemment. D’ordinaire, une régulation tous les deux mois suffisait largement.
Mais une fois toutes les deux semaines… Cela signifiait que la lignée de Yoon Chi-young était particulièrement dominante.
Ce type… Est-il vraiment juste une bête ?
Ce pourrait-il que les rumeurs de cannibalisme soient vraies ?
Tandis que Heeseong se perdait dans ses pensées, Yoon Chi-young, visiblement épuisé, raccompagna le médecin à la porte.
Dès qu’il fut parti, il ouvrit grand les fenêtres. Heeseong remarqua qu’il avait toujours ce réflexe après une visite, comme s’il ne supportait pas certaines odeurs. Son odorat devait être particulièrement sensible. Il n’aimait même pas l’odeur de ses propres cigarettes, se lavant systématiquement les mains après en avoir fumé une et gardant toujours des bonbons à la menthe sur lui.
« … Pff. »
De retour dans la chambre, Yoon Chi-young s’allongea sur le lit, serrant machinalement le chiot contre lui.
Perché sur l’oreiller, Heeseong l’observa du coin de l’œil, songeant une fois de plus à la meilleure façon de gérer ce loup cannibale.
Mais aujourd’hui, quelque chose clochait.
… Est-ce qu’il est malade ?
Sa respiration était lourde, et bientôt, des oreilles de loup noires apparurent, accompagnées d’une petite queue frémissante. Intrigué, Heeseong posa une patte sur sa joue brûlante.
Idiot.
Son corps était en train de lutter. Il aurait dû gérer ses phéromones depuis longtemps, mais il s’obstinait à rester sous forme humaine. Peut-être pour ne pas l’effrayer ? Heeseong aperçut ses canines proéminentes et, instinctivement, enroula sa queue autour de lui.
Aujourd’hui, je ferais mieux de ne pas le chercher.
Heeseong était malin. Il avait grandi dans une maison de jeux et avait appris à lire les signes. Tout le monde savait qu’un homme-bête submergé par ses phéromones pouvait devenir plus agressif, voire sexuellement instable. Il valait mieux éviter de le provoquer.
C’était un fait bien connu…
Soudain, un souvenir lui revint.
« Ah, les loups sont moins actifs en hiver. On perd pas mal d’argent à cette saison. »
« Pourquoi ? Ils hibernent ou quoi ? »
« Non. »
Son frère avait ricané, moqueur.
« Les loups entrent en rut quand il fait froid. Dans la nature, c’est pour que leurs petits naissent au printemps. »
Un frisson parcourut le dos de Heeseong.
Nous étions en novembre. Le froid s’installait peu à peu.
Il savait que les loups, monogames par nature, passaient généralement cette période avec des médicaments ou en évitant tout contact jusqu’à trouver un partenaire.
Ce qui voulait dire que Yoon Chi-young approchait dangereusement de sa saison des amours.
Un loup cannibale en rut.
Heeseong sentit son cœur se serrer.
… Et en plus, son sang de loup est particulièrement fort.
Il descendit prudemment de l’oreiller et s’avança vers le torse solide de Yoon Chi-young. Ses jambes longues et musclées se détachaient nettement sous le tissu.
Et puis… Il vit ça.
Une énorme bosse sous ses vêtements.
Heeseong pria pour que ce soit juste une queue.
Mais au vu de la taille…
Un frisson incontrôlable lui parcourut l’échine.
Dormir à côté d’un loup à la veille de sa saison des amours.
S’il perd le contrôle, c’est moi qu’il attaquera en premier.
Après tout, il était aussi un chiot mâle. Être aussi proche risquait de réveiller son instinct territorial.
Heeseong oublia aussitôt ses lamentations sur sa guérison rapide. Il n’avait plus qu’une seule priorité : faire semblant d’être un chiot et s’enfuir au plus vite.
À cet instant, Yoon Chi-young, toujours allongé, le souleva et le rapprocha de son visage.
« … Chiot… »
Lâche-moi !

Pris de panique, Heeseong se débattit, mais c’était peine perdue face à ces grandes mains.
Yoon Chi-young le fixa d’un regard embrumé, ses pupilles à peine visibles. Puis, dans un geste paresseux, il frotta doucement son nez contre le ventre du chiot.
« Je ne pense pas que je vais te manger. »
Dis-le avec un peu plus de conviction !
Indigné, Heeseong agita ses petites pattes dans le vide, mais son geste était dérisoire. Ce qui le déstabilisa encore plus, c’était l’étrange sérieux de Yoon Chi-young. Troublé, le chiot finit par cesser de se débattre et pencha la tête, perplexe.
« Non, attends… »
Dans la pénombre tamisée, les traits marqués de Yoon Chi-young se dessinaient sous des ombres profondes. Ses yeux gris reflétaient une lueur indéchiffrable, et pendant un instant, Heeseong ressentit un frisson d’appréhension.
Voyant le chiot se figer, Yoon Chi-young esquissa un léger sourire.
« Quoi qu’il arrive, je ne te mangerai pas. Vraiment. »
Quoi… ?
Sans lui laisser le temps de réagir, Yoon Chi-young le ramena contre sa poitrine. Enfoncé dans cette étreinte brûlante, Heeseong sentit le battement régulier de son cœur, la chaleur apaisante de son corps.
Toujours méfiant, il leva les yeux vers lui.
Est-ce qu’il a compris que je suis un homme-bête ?
Impossible. S’il le savait, pourquoi le traiter comme un simple chiot ? Ce serait insensé.
Ou bien… Est-ce qu’il s’est déjà autant attaché à moi ?
Troublé, Heeseong resta éveillé longtemps après que Yoon Chi-young se soit assoupi, cherchant désespérément à percer le mystère de ses intentions. Mais sous cette forme, il n’y avait rien qu’il puisse faire.
Finalement, la fatigue eut raison de lui. Dans un dernier mouvement inconscient, il se roula en boule sur le visage de Yoon Chi-young, tel un masque de sommeil improvisé, espérant au moins passer une nuit paisible.
Et, à défaut de réponses, il trouva un maigre réconfort dans la promesse que, quoi qu’il arrive… Yoon Chi-young ne le mangerait pas.
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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