09. Chiot d’un jour ⋄ Partie 03
par Ruyi ♡Yoon Chi-young retourna à la voiture et s’installa à l’arrière. Dès qu’il fut assis, le véhicule quitta le parking en douceur.
Même à cet instant, le cœur de Heeseong battait encore à toute vitesse. Il savourait pleinement la satisfaction d’avoir pris le dessus sur Kwon Ki-hyuk. Au fond, il devait bien l’admettre… Lui aussi était un véritable salaud.
Perdu dans ce sentiment grisant, il fut brusquement interrompu par une question totalement inutile de Yoon Chi-young.
« J’ai bien fait ? »
Heeseong l’ignora royalement. Il se contenta de s’allonger sur les cuisses de Yoon Chi-young et détourna le regard, l’air désinvolte. Il était d’excellente humeur et voulait simplement savourer, en paix, le doux souvenir du bruit des os de Kwon Ki-hyuk se brisant.
Mais il semblerait que l’autre n’ait pas l’intention de le laisser tranquille.
« Mais… Pourquoi tu lui as renversé de la soupe sur son truc, tout à l’heure ? Tu étais intéressé ? »
La voix de Yoon Chi-young s’était faite plus basse, comme s’il se sentait offensé.
Heeseong, lui, ne daigna toujours pas répondre. Ce type était peut-être beau, mais justement, c’était bien ça le problème. Il était tellement agaçant avec son fichu visage parfait.
« Le mien est plus gros que le sien, tu sais… »
Beurk !
Un frisson de dégoût lui parcourut l’échine. Il plaqua aussitôt ses pattes sur ses oreilles pour éviter d’entendre davantage… Mais elles étaient trop courtes pour être réellement efficaces. C’était une torture. Il ne voulait rien savoir. Ni de son truc, ni de quoique ce soit d’autre le concernant.
« Quoi ? Tu es jaloux ? »
Comme s’il y avait quoi que ce soit à envier ! À court de patience, Heeseong n’essaya même pas de répondre et se concentra uniquement sur sa mission : se boucher les oreilles. Mais Yoon Chi-young n’était pas du genre à abandonner simplement parce que l’autre refusait d’écouter.
« Je n’ai pas fait exprès de regarder. C’est lui qui passe son temps à demander à tout le monde de lui faire une pipe. »
Les petites canines de Heeseong claquèrent sous l’effet de la frustration.
Dès qu’il retrouverait son corps humain, il ferait en sorte de lui coudre la bouche.
Oui. Définitivement.
Le lien parmi les hommes-bêtesentre était bien plus crucial qu’entre les humains.
Cela s’expliquait par le fait qu’un homme-bête, une fois retourné à sa forme originelle due à une blessure, avait absolument besoin de l’aide de sa meute.
Ah, mon oreille me démange…
Redevenu un chiot, Heeseong ressentait encore plus le besoin du contact de ses semblables. Déjà incapable d’utiliser ses mains—ce qui était franchement agaçant—ses oreilles, à moitié repliées, étaient en plus sujettes aux infections et lui démangeaient sans arrêt. Et avec une patte arrière blessée, il ne pouvait même pas se gratter correctement.
Ne pouvant plus supporter l’irritation, Heeseong finit par chercher Yoon Chi-young. Dans le besoin, il faut bien emprunter même la main d’un loup cannibale…
Le chiot trottina jusqu’à la grande terrasse. Là, Yoon Chi-young fumait, apparemment insouciant du fait que son appartement se trouvait au dernier étage. Heeseong tira sur le bas de son pantalon. Yoon Chi-young, absorbé par les documents affichés sur sa tablette, baissa les yeux vers lui avec un sourire amusé.
« Hmm ? »
Mon oreille. Mes oreilles me démangent.
Heeseong frotta désespérément son oreille avec sa patte avant. C’était insupportable. Jusqu’à présent, son frère nettoyait régulièrement ses oreilles, alors ça restait gérable. Mais depuis qu’il était chez Yoon Chi-young, il n’avait pas pu les nettoyer une seule fois.
Le plus gros problème, c’était l’absence totale de communication.
« Tu veux que je te prenne dans mes bras ? »
Non, hé… ’
« Oh, tu veux une caresse ? Un bisou ? »
Boum !
Heeseong explosa de frustration. Il repoussa les lèvres de Yoon Chi-young avec sa patte avant voulant désespérément éviter le baiser.
C’était insupportable de ne pas pouvoir se faire comprendre.
Entre hommes-bêtes de la même espèce, une certaine forme de communication restait possible, même sous forme animale. Ils ne pouvaient pas aligner de vraies phrases, mais il était facile de transmettre deux ou trois mots clés avec le langage corporel.
Mais entre un chien et un loup… C’était comme essayer de parler avec un étranger dans une langue inconnue. Et chez les hommes-bêtes, les loups étaient particulièrement hermétiques à leur propre langage corporel, ce qui rendait toute tentative d’échange encore plus compliquée.
Yoon Chi-young, intrigué, passa un appel.
« Young-bae est là ? Dis-lui de monter. »
D’après Heeseong, aujourd’hui était un week-end… Mais apparemment, les gangsters n’avaient pas de jours de repos.
Quelques minutes plus tard, un homme robuste fit son entrée dans l’appartement de Yoon Chi-young. Il dégageait une aura imposante, avec son regard sévère et ses traits durs, mais Heeseong savait qu’il avait en réalité des mains étonnamment délicates. Il l’avait déjà vu lui attacher une épingle dans les cheveux—qu’il avait immédiatement enlevée, bien sûr.
Un sourire malicieux aux lèvres, Yoon Chi-young lança un regard en coin à Ji Young-bae avant de désigner le chiot sur la table de la terrasse.
« Tu es de la tribu canine, non ? »
« Oui. »
« Que dit le chiot ? »
Tu me comprends ?
Heeseong jeta un regard prudent à Ji Young-bae, sans trop d’espoir. Travailler sous les ordres des loups alors qu’il était de la tribu canine… C’était suspect.
En plus, en tant qu’homme-bête de la tribu canine, Ji Young-bae devait être capable de percevoir qu’il n’était pas un simple chiot, mais bien un homme-bête sous sa forme originelle. Les hommes-bêtes pouvaient communiquer jusqu’à un certain point avec les animaux de leur propre espèce, mais ces derniers ayant une intelligence inférieure, c’était comme essayer de parler avec un enfant de cinq ans. Si Heeseong se montrait trop expressif, il risquait de révéler sa véritable identité. Mieux valait rester sur ses gardes.
Mais à cet instant, son oreille se mit à le démanger violemment. Incapable de supporter l’irritation, Heeseong se frotta frénétiquement l’oreille avec sa patte avant et poussa un petit grognement.
S’il te plaît, nettoie mon oreille…
Cette fois, il fit un effort pour utiliser un langage corporel clair et précis.
Ji Young-bae l’observa avec sérieux, puis déclara d’un ton neutre :
« Merde ! »
Il y avait peut-être eu une erreur d’interprétation. Après tout, même entre hommes-bêtes sous leur forme originelle, la communication pouvait s’avérer difficile selon leur région d’origine. C’était un peu comme tenter de comprendre un dialecte aux sonorités trop épaisses.
Quoi qu’il en soit, Yoon Chi-young, loin de se soucier de la nuance, souleva Heeseong près de son visage avec un air attendri et plongea son regard dans le sien.
« Ah, tu veux qu’on te touche l’oreille ? Mon petit touto aime ça, hein ? »
« … »
Le chiot, résigné, abandonna à la fois l’idée de répondre et celle d’attaquer. Désormais, Heeseong aspirait à retrouver son frère pour une toute autre raison.
Après tout, Yoon Chi-young, avec ses oreilles de loup noires et dressées, n’avait jamais connu le calvaire des oreilles repliées. Il ne pouvait pas comprendre. Soupirant devant cette injustice génétique, Heeseong s’allongea sur la table, vaincu.
Puis, contre toute attente, Yoon Chi-young toucha doucement ses oreilles.
Et c’est là qu’il fit une découverte inattendue. En retournant machinalement les oreilles du chiot, il fronça légèrement les sourcils.
« N’est-ce pas une infection ? »
« Euh… »
Les regards de Ji Young-bae et de Yoon Chi-young convergèrent vers les oreilles du chiot, pas plus grandes que leurs poings. Heeseong sentit un frisson d’alerte parcourir son échine, mais il se força à rester immobile. Tant pis pour la dignité, il devait attirer l’attention sur ses oreilles sales.
C’était humiliant, mais il n’avait pas le choix.
« On doit lui nettoyer ça. »
Enfin, vous avez compris compris !
Peut-être parce qu’ils étaient tous deux de la tribu canine, Yoon Chi-young comprit immédiatement ce qu’il fallait faire.
Il se leva, prit le chiot sous son bras et se dirigea vers la salle de bain pour se laver les mains. Puis, de retour dans le salon, il vida un sac en papier posé dans un coin. Sur la table, une collection flambant neuve d’accessoires pour animaux s’étala sous les yeux de Heeseong.
… Vous n’allez pas m’emmener chez un vétérinaire ?
Il avait secrètement espéré qu’une gentille vétérinaire aux mains douces s’occuperait de lui. Mais au lieu de ça, c’était ce gangster qui s’apprêtait à lui trifouiller les oreilles avec ses grosses mains.
Il lui lança un regard inquiet.
Sentant son hésitation, Yoon Chi-young esquissa un sourire.
« On va vivre ensemble pour toujours, alors autant bien faire les choses dès maintenant. »
« … »
Un sourire radieux.
Enfin… En apparence.
Aux yeux de Heeseong, c’était clairement le sourire d’un tyran qui avait trouvé une nouvelle façon de le torturer. Ce type savait exactement ce qu’il détestait.
Puis, sans prévenir, un coton-tige imbibé de solution nettoyante s’enfonça dans son oreille.
Heeseong frissonna.
Mais alors qu’il s’attendait au pire, il sentit un frottement doux, précis. Le bruit de succion à l’intérieur de son oreille lui arracha un frémissement incontrôlé.
Ah… Ha…
C’était…
C’était terriblement agréable.
Malgré lui, il devait admettre que Yoon Chi-young était bien meilleur que son frère pour ça. Son toucher était délicat, presque méticuleux, comme s’il s’occupait d’un objet précieux. Il prenait même plus de temps à nettoyer ses oreilles qu’à lire ses fichus documents.
Et comme si ça ne suffisait pas, il alla plus loin, essuyant soigneusement les petites crottes de yeux du chiot avant de lui offrir des éloges et… Des friandises.
« Bravo. Tiens, quelques friandises. »
« … »
Heeseong, toujours pétrifié, fixa les friandises.
Il venait de recevoir des récompenses pour quelque chose d’aussi insignifiant que se faire nettoyer les oreilles.
… Il refusait de l’admettre, mais ce type savait vraiment y faire.
Boum.
Le regard fixé sur Yoon Chi-young, Heeseong grignota lentement sa friandise à la patate douce séchée, comme s’il tentait d’évaluer la situation. Puis, sans un mot, l’homme posa le chiot sur le tapis moelleux du salon.
Boitant jusqu’au miroir en pied, Heeseong s’assit face à son reflet, submergé par des émotions contradictoires.
Merde. Je suis… Vraiment satisfait…
Quatre jours s’étaient écoulés depuis son arrivée ici, une semaine si l’on comptait les trois jours où il avait été inconscient. Et en ce laps de temps, Heeseong avait constaté un changement alarmant : il s’était laissé aller au luxe.
Son apparence en témoignait.
Dans le miroir, un chiot méconnaissable l’observait. Sa fourrure blanche, d’ordinaire terne et négligée, brillait d’une propreté éclatante. Son corps, autrefois émacié, avait repris quelques rondeurs. Ses yeux noirs, toujours emplis de fatigue, scintillaient à présent d’une lueur plus vive.
Il paraissait… En bonne santé.
Ce constat le frappa de plein fouet.
Il ne s’était jamais vu dans cet état auparavant.
Un pincement de culpabilité l’envahit aussitôt. Il pensait à son frère. À quel point ce dernier devait s’inquiéter. À quel point lui, Heeseong, s’était laissé aller à une situation qu’il n’aurait jamais dû apprécier.
Son frère lui manquait.
Et pourtant…
Depuis qu’il avait commencé à travailler, c’était la première fois qu’il dormait réellement à satiété, la première fois qu’il pouvait respirer sans redouter le lendemain.
L’idée même de rentrer lui laissait un goût amer.
Tu as perdu la tête, Heeseong ?
Il secoua la tête. Non. Il ne pouvait pas se laisser séduire par ce confort.
Qu’importaient les soins qu’il recevait ici, il ne pouvait pas oublier que Yoon Chi-young restait un loup cannibale.
Il appartenait à la tribu canine. Il avait une meute. Un endroit où il devait retourner, quelles qu’en soient les conséquences. Même si cela signifiait subir le châtiment réservé à ceux qui perdaient de la marchandise…
Ressaisis-toi. Ce n’est pas chez toi.
Les mâchoires serrées, il attrapa un jouet en peluche en forme de serpent, l’imaginant à l’effigie de Yoon Chi-young, et le mordit férocement. Il devait se rétablir au plus vite et retrouver son frère.
C’était sa seule priorité.
… Enfin, c’est ce qu’il se répétait.
Mais au fond, il se surprit à espérer que sa guérison prenne un peu plus de temps. Juste un peu.
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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