Chapitre 12
par Ruyi ♡La routine de Hwayeong — se réveiller sous les baisers de Gyuwon, travailler toute la journée avec rigueur, puis s’adonner à des jeux torrides une fois rentrée — avait, en surface, tout d’un quotidien métro-boulot-dodo. Mais c’était si intense, si électrisant, qu’elle n’avait même pas le temps d’en mesurer la monotonie. Un mois s’était écoulé depuis que Gyuwon était devenu son garde du corps. À part une Mercedes endommagée, un mur taché de peinture et une filature passagère, tout semblait sous contrôle.
Jusqu’à ce coup bas.
Hwayeong regardait les photos envoyées par fax, les sourcils froncés.
Comme ça on se le prend par-derrière, hein…
Sur l’image, on le voyait, en pleine action, insérant quelque chose dans l’anus de Gyuwon. Un zoom sur la scène rendait la nature du geste indiscutable : un lavement. Sous les regards tranchants de plusieurs collègues, dont la cheffe de département Lee Joohee, Hwayeong grogna intérieurement :
Putain de merde.
Puis, calmement, en regardant toujours la photo :
« Sacrée mise en page. En fait, je suis suivie depuis quelque temps. L’homme sur la photo, c’est mon garde du corps. L’entreprise l’a placé chez moi pour ma sécurité. Et voilà où on en est. Franchement, je ne sais même pas comment lui présenter mes excuses… Enfin. Je suis désolée pour ce scandale privé. Je ferai tout pour régler ça rapidement. »
Face au vice-président et à la cheffe de service, qui elle avait un sourire tiré, teinté d’un goût amer. Le vice-président, crâne luisant sous les néons, hocha la tête avec gravité.
« Je ne vous crois pas capable d’un tel acte, Hwayeong. Mais j’ai cru que mon cœur allait lâcher en voyant ça… Enfin, vous manquez de quoi, pour en arriver là ? ! Avez-vous au moins contacté la police ? »
« Non », répondit-elle, posée. Avant d’ajouter :
« Le stalker, je pense que c’est lui qui a aussi vandalisé la Mercedes que vous m’avez attribuée. Vitres brisées, pneus dégonflés… Probablement à coups de batte. Ça s’est passé sur le parking de l’hôtel, et ce sont eux qui ont pris en charge les réparations. Si vous le souhaitez, je peux fournir les factures. Où faire témoigner mon garde du corps. Il doit attendre en bas. »
À ces mots de Hwayeong, Joohee leva vivement les mains pour apaiser la situation.
« Il ne s’agit pas de me mêler de ta vie privée, Hwayeong. Je voulais juste t’avertir. Ce genre de truc attire forcément l’attention… Et soyons honnêtes, ce n’est pas très flatteur aux yeux des autres. Je te conseille de faire attention pour que ça ne nuise pas à ton boulot. »
« Je suis sincèrement désolé. »
Hwayeong inclina la tête. Dans ce genre de circonstances, mieux valait rester impassible. Son expression résolue et son ton las finirent par convaincre les collègues qu’il était réellement victime de harcèlement. Heureusement, il avait déjà glissé un jour, d’un ton amer :
« Ces derniers temps, je me sens souillé, comme si un harceleur me suivait… »
Joohee s’en souvint soudain.
« C’est vrai… Tu en avais parlé, Hwayeong. Ce jour-là, au bureau, pendant qu’on mangeait de la pizza. »
Les autres membres du personnel semblèrent aussi s’en rappeler. Ils jetèrent un nouveau regard sur les photos envoyées par fax… Et poussèrent tous en même temps un grognement de gêne.
« Est-ce qu’il y a eu d’autres incidents ? Tu vas bien, Hwayeong ? »
Ceux qui, quelques instants plus tôt, le prenaient pour un détraqué affichaient maintenant des visages pleins d’inquiétude. Décidément, Joohee a une sacrée mémoire, pensa Hwayeong en esquissant un faible sourire. Un sourire calculé, mêlé de lassitude et d’amertume — exactement comme il le voulait.
« Ouais… La Mercedes que mon frère m’avait offerte pour mon entrée à l’université a dû être réparée pour une somme qui dépasse les cent millions de wons. Je doute que l’hôtel laisse ce harceleur s’en tirer comme ça. Moi, ça va. J’ai eu un moment de panique quand j’ai compris que j’étais suivi… Mais après tout, je suis un homme. »
Le chef du département voisin grinça des dents.
« Peut-être, mais avec un visage pareil, on comprend que ça parte en vrille… Quelle folle peut bien tomber aussi bas ? Si jamais t’as nulle part où aller, viens chez moi. Ma femme serait ravie de t’accueillir, j’en suis sûr. »
Alors qu’ils quittaient la salle de réunion après cette conversation, Hwayeong fut rattrapée par Joohee, une collègue du même service, qui revenait dans la même direction.
« Hwayeong, désolée pour tout à l’heure. Je n’aurais pas dû dire ça, surtout sachant que tu traverses un moment difficile. Je sais que tu es la victime dans cette histoire, mais tu comprends, ce genre de choses peut influencer les évaluations internes. Heureusement, cette fois, les gens ont compris sans trop discuter que tu étais la victime… Mais tu sais comment sont certains hommes coréens. Tu vois ce que je veux dire, pas vrai ? »
Elle lui donna une petite tape sur l’épaule. Hwayeong acquiesça sans un mot. Mais toute la journée, elle dut entendre les commentaires des collègues inquiets :
« Hwayeong, tu vas bien ? On m’a dit que tu avais un stalker ! »
« J’ai entendu que cette folle avait fait un montage photoshopé ! »
Elle les écoutait avec un visage affligé, alors qu’en elle, un rictus moqueur prenait forme.
Quand est-ce que j’ai parlé de montage ? J’ai juste dit que les photos étaient arrivées par fax, rien de plus.
La rumeur s’était répandue à une vitesse fulgurante. Même certains clients avaient envoyé des mails :
« Hwayeong, il paraît que vous avez été agressée par un harceleur et hospitalisée ? ! »
Elle ne comprenait pas comment ces absurdités circulaient, mais elle répondait à chacun avec une politesse irréprochable. Entre les inquiétudes maladroites (« Je connais un flic si besoin… ») et les remarques paternalistes (« Vous êtes sûre de pouvoir rentrer seule ? »), elle finit par atteindre sa voiture, complètement épuisée.
« Hwayeong-ssi* ? Il s’est passé quelque chose ? »
(N/T : Le suffixe coréen « -ssi » (씨) est une marque de politesse neutre, équivalente à « monsieur », « madame » ou « mademoiselle », selon le contexte. Il s’ajoute après le prénom ou le nom.)
Gyuwon venait de lui poser la question quand un toc toc retentit sur la vitre passager. Une jeune femme se tenait dehors et, à travers la vitre entrouverte, lui tendit un paquet de biscuits :
« Tenez bon, Hwayeong-ssi ! Et vous aussi, monsieur le garde du corps, courage ! »
Hwayeong lui adressa un sourire attendri :
« Merci beaucoup. On les partagera avec plaisir. »
La jeune femme rougit et recula. Hwayeong lui fit un petit signe de la main, auquel elle répondit avec enthousiasme. Puis, dès que la vitre fut refermée, toujours le bras levé :
« Partez. Tout de suite, s’il vous plaît. »
Gyuwon appuya sur l’accélérateur.
« Ah, si je mets la main sur cette salope… »
Marmonna Hwayeong en s’enfonçant dans son siège.
Puis elle sortit une photo et la tendit à Gyuwon, l’air faussement innocent :
« Elle n’est pas superbe, celle-là ? Surtout ton expression… Un vrai chef-d’œuvre. »
Le visage de Gyuwon vira instantanément au cramoisi. Sur la photo, on le voyait en larmes, le sexe dressé, un godemiché en verre profondément enfoncé dans l’anus — jusqu’aux plis de son ouverture visibles en détail.
« Où cela a-t-il été pris ? Ce n’était clairement pas chez vous, Hwayeong-ssi. Si j’ai pu passer à côté de quelque chose, peut-être devrions-nous faire appel à un expert… »
Hwayeong l’interrompit sèchement :
« Au donjon. Ça ne peut être qu’à cet endroit. »
Kyuwon le regarda, surpris. Pourquoi en est-il aussi certain ? se demanda-t-il. Il pensa que lorsqu’on est submergé par la douleur et le plaisir, il devait être difficile de se souvenir précisément. Hwayeong répondit à sa question muette :
« Le lavement… On ne l’a jamais fait ailleurs qu’au donjon, à part chez moi. Donc ça devait être notre première séance. Et on dirait une capture vidéo… Regardez ici. »
Kyuwon fronça les sourcils.
« … Il y avait une caméra dans la pièce ? »
« Oui. Certains dominants forcent les soumis, même s’ils refusent. C’est malheureusement courant, dans ce milieu. Alors des lieux comme celui-là ont vu le jour. Ils préfèrent se savoir filmés que de risquer une agression. Tous les soumis qui y vont paient pour louer l’espace en connaissance de cause. »
Donc d’autres ont vu ça ? Le visage de Kyuwon pâlit brusquement. Hwayeong, en voyant sa réaction, laissa échapper un petit « Ah… » avant d’incliner profondément la tête.
« Je suis désolé. J’ai tellement l’habitude de ce lieu… Pour moi, c’était évident. J’ai complètement oublié que c’était votre première fois. Vraiment, je m’excuse. »
Face aux multiples excuses de Hwayeong, Kyuwon dut à son tour répéter « Ce n’est rien » plusieurs fois. Il était choqué, c’est vrai. Mais puisque cela relevait de la sécurité, il comprenait. Et si on vous force pendant une séance ? Si on vous domine physiquement, que pouvez-vous faire ? Lui pouvait se défendre. Mais qu’en était-il des femmes soumises ? Des masochistes ? Cela doit être bien plus dur pour elles…
« Dans ce cas… La personne qui a diffusé cette photo fait partie de ceux qui ont accès aux vidéos ? »
Il disait cela pour détourner la conversation, apaiser Hwayeong qui culpabilisait tant. « On sait déjà que c’est un membre du personnel. On réduit le champ des suspects, c’est bien. » dit-il avec un sourire sincère. Touché par son expression, Hwayeong effleura son visage du bout des doigts. Kyuwon rougit légèrement, ce qui fit murmurer Hwayeong :
« Vous avez un très beau sourire. Mais je préfère encore votre visage quand vous pleurez. »
Kyuwon détourna leS yeux, troublé.
« C’est… La première fois qu’on me dit ça. »
Hwayeong lui répondit que sa gêne le rendait encore plus mignon, mais Kyuwon, désarmé, se sentit soudain pris au dépourvu. Et s’il m’aimait vraiment ? Pensa-t-il. Est-ce que je devrais le tester ? Mais il n’avait jamais tenté ce genre de chose. Et puis c’était Hwayeong. Celui qui, durant les jeux, devinait chacun de ses désirs. Il le verrait tout de suite. C’est évident.
« Je me suis toujours dit que si un jour je tombais amoureux… Enfin, ce serait sûrement impossible. Mais on dit que même les sandales trouvent leur paire, alors… Si ça arrivait, je ne pratiquerais jamais le SM avec cette personne. Je cacherais mes penchants sadiques. Je ne regarderais qu’elle. J’en étais convaincu. Et tant que cette personne n’existait pas, je n’aimerais personne. »
Il caressa doucement la joue de Kyuwon.
« Ça peut vous sembler stupide… Mais moi, je n’ai jamais cru aux coups de foudre. »
Ce visage que les autres jugeaient dur était, pour lui, le plus beau du monde. Cette voix que d’aucuns trouvaient froide ne lui avait livré que des gémissements étouffés. Je suis le seul à voir ce qu’il cache. Le seul à le voir comme il est vraiment. Une tendresse poignante l’envahit.
« Mais maintenant, je n’ai plus besoin de me retenir. Et ça me rend si heureux. J’ai longtemps douté… Est-ce que je pouvais vraiment prendre du plaisir à faire l’amour comme un homme « normal », sans dominer ? Je n’en suis plus inquiet. »
Hwayeong leva les yeux vers lui. Kyuwon le regardait aussi. Ses pupilles noires hésitaient, ballotées d’un côté à l’autre. Puis ses longs cils s’abaissèrent. Ses lèvres tremblèrent, il voulut parler, se ravisa. Il ravala difficilement sa salive. Lentement, il baissa les yeux vers la photo. Son doigt se posa dessus, tremblant. On y voyait leurs deux corps entremêlés. Ce n’était pas de l’amour. C’était une perversion. Kyuwon en était convaincu. Personne ne verra dans cette scène un acte empreint de tendresse. Cette pensée le faisait souffrir.
Il avait toujours voulu un maître. Mais jamais il n’aurait accepté cela de quelqu’un d’autre que Hwayeong. Ni pour lui, ni pour l’autre. Et avec un effort presque douloureux, il laissa enfin s’échapper une voix à peine audible…
« Félicitations. Je ne sais pas qui est cette personne… Mais elle a bien de la chance. »
Hwayeong, qui venait de faire la confession la plus importante de sa vie, manqua de glisser du siège tant il perdit pied. Il se rattrapa de justesse, les yeux rivés sur le profil de Kyuwon, qui fuyait toujours son regard. Je sais que Kim Kyuwon n’est pas le plus réactif… Mais là… Était-ce de la naïveté ou une manière détournée de le rejeter ?
Il ouvrit la bouche, prêt à dire « C’est toi que j’aime ! », mais se ravisa, les lèvres pincées dans une expression contrariée. Est-ce que c’était un refus ?
Et si, à ce moment précis, il me disait : « Ce n’est pas moi. Pour moi, tu n’es qu’un partenaire de jeu » ?
Alors, il s’effondrerait. Il serait incapable de continuer à vivre comme avant. Comment pourrais-je faire sans lui ?
Que me resterait-il ?
Retourner dans ces clubs, comme avant ? Attraper un soumis au hasard et me plonger dans des séances interminables juste pour l’oublier ?
Non. Il ne pourrait pas. Il ne voulait pas.
Hwayeong, lui qui avait toujours vécu avec une confiance inébranlable, sentit ses certitudes vaciller. Il se mordit la lèvre. Peut-être vaut-il mieux continuer ainsi. Ne rien dire. Ne rien risquer. Et… Le rendre dépendant. Pas par les mots, mais par le corps. Oui. J’en suis capable.
Mais soudain, une pensée s’imposa à lui.
Et si le harceleur était arrêté ?
Son cœur se glaça. Si le stalker disparaît… Kyuwon n’aurait plus de raison de rester. Il partirait. Sans se retourner.
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・
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