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    « …  »

    La vitesse à laquelle son esprit fouillait dans ses souvenirs semblait anormalement lente. Ou peut-être était-elle trop rapide, car il avait remonté quatre ans en arrière en une fraction de seconde. Tentant de ne pas montrer sa surprise, Wooyeon déglutit avec difficulté, sa pomme d’Adam bougeant visiblement.

    « Qu’est-ce que ça veut dire… ? »

    Ses mots semblaient bloqués dans sa gorge. Son cœur s’était affaissé, et ses pupilles s’étaient dilatées considérablement. Son esprit, déjà vide, peinait à trouver les mots justes. Comment ça, je ne me souviens pas ?

    « Pourquoi, la dernière fois… »

    Dohyun reçut un regard perplexe. Wooyeon calma son cœur affolé, laissa échapper un rire nerveux et se remémora cette rencontre imprévue. Bien qu’ils aient échangé quelques mots, ce n’était qu’un bref moment, une rencontre fugace. Ce n’était pas hier, ni même la semaine dernière—plus de deux semaines s’étaient écoulées. Pourtant, le simple fait que Dohyun s’en souvienne était stupéfiant.

    « J’ai naturellement une bonne mémoire pour les visages. Et puis, oublier quelqu’un d’aussi… Particulier que toi serait encore plus difficile. »

    Il y avait une pointe d’ironie dans le ton de Dohyun. Même lorsqu’il ajouta qu’il avait des yeux, ses paroles semblaient presque absurdes. Frustré, Wooyeon lui lança un regard agacé.

    « Qu’est-ce qu’il y a de si particulier chez moi ? »

    « …  »

    Le visage de Dohyun se crispa légèrement. Il ouvrit la bouche, hésita, puis la referma plusieurs fois avant de lâcher un soupir bref, comme s’il venait de perdre une bataille intérieure.

    « … Peu importe. »

    La conversation prit fin comme un souffle de vent qui s’éteint doucement. Wooyeon, soulagé de sentir la tension diminuer, essuya discrètement la fine pellicule de sueur qui s’était formée sur sa poitrine. Pourtant, un doute persista en lui, une réflexion sur les émotions qu’il ressentait à cet instant.

    Il n’y avait pas vraiment de secret autour des cours particuliers qu’il avait reçus de Dohyun. Simplement, ce détail ne lui avait jamais semblé suffisamment important pour être mentionné. Même si Dohyun l’apprenait maintenant, cela n’aurait aucune importance. Après tout, il n’y avait rien à « découvrir » en premier lieu.

    « J’avais prévu de passer outre si tu ne savais pas. Ce n’est pas une grande affaire, et faire semblant aurait été amusant de toute façon. »

    C’était exactement cela. Wooyeon n’y voyait aucun intérêt si Dohyun ne se souvenait pas. Pour lui, leur lien était celui d’un simple « ancien camarade » qu’il aurait un jour croisé. Pas un junior de première ou de deuxième année, mais un junior assez distant, de troisième année, à la limite de l’anonymat.

    Pourtant, une question le hantait encore. Ce n’était pas un secret qu’il avait autrefois pris des cours particuliers avec Dohyun. Mais ce n’était pas une information qu’il jugeait pertinente de partager. Même si Dohyun l’apprenait maintenant, cela n’aurait pas de répercussions majeures. Alors, pourquoi cette impression étrange d’avoir été « découvert » ?

    « J’aurais laissé passer si tu ne t’en étais pas souvenu. Ce n’était pas important, et faire semblant d’être surpris aurait été amusant, de toute façon. »

    Les paroles de Dohyun s’enchaînèrent avec une désinvolture presque irritante. Wooyeon se mordit inconsciemment la lèvre. Il se demanda pourquoi ces mots, qui auraient dû être légers, sonnaient comme un piège.

    « Mais si tu veux parler d’Alphas, Wooyeon… »

    Pour appuyer ses paroles, Dohyun tapota le bureau du bout des doigts. Pris au dépourvu, Wooyeon suivit machinalement le mouvement. Les ongles, soigneusement arrondis et impeccables, frappaient doucement la surface.

    « Dans ce cas, je suppose que je serais obligé de poser la question. »

    Une sensation inquiétante s’installa soudainement. La voix de Dohyun était douce, presque charmeuse, mais Wooyeon ressentit un instinct de danger imminent. Ce sentiment s’amplifia lorsque Dohyun planta sur lui un regard insistant et pénétrant.

    « Pourquoi m’as-tu demandé si j’étais un Alpha ? »

    Oh non.

    Ses pensées se bousculaient tellement qu’il ne parvenait plus à réfléchir correctement. Ce n’était clairement pas le moment de baisser sa garde. Il aurait dû détourner habilement la conversation, jouer la désinvolture lorsque Dohyun lui avait souri chaleureusement. Mais c’était trop tard. Le froid s’infiltra en lui, et sous la pression de ce regard, semblable à une lune montante, l’urgence devint palpable.

    « Alors, Wooyeon ? »


    Heureusement, Wooyeon fut épargné de répondre. Le professeur entra dans la salle de classe à ce moment précis. Sans perdre de temps, il appela les présents et entama une présentation PowerPoint pour l’orientation. Pour la première fois de sa vie, Wooyeon priait intérieurement pour que le cours s’éternise.

    « Bon, c’est ici que nous allons finir aujourd’hui,  » annonça finalement le professeur.

    Dès que ces mots furent prononcés, Wooyeon referma son carnet en un éclair et se leva, prêt à s’éclipser rapidement. Mais avant même qu’il puisse faire un pas, une ombre s’étira à ses côtés, bloquant sa route.

    « …  »

    Son regard oscillait entre la chaise désormais vide et la personne devant lui. Pourtant, il avait bien accroché son sac à l’arrière de la chaise, mais maintenant, c’était Dohyun qui le tenait à la main. Avec un sourire serein, ce dernier posa le sac sur le bureau devant lui.

    « Récupère tes affaires. On va déjeuner. »

    Wooyeon sentit ses mains trembler autour de son carnet. Il releva la tête pour refuser, mais avant même qu’il ne puisse prononcer un mot, Dohyun lui prit le carnet des mains.

    « Le cours s’est terminé plus tôt, on a une heure devant nous. »

    Une heure  ? Un créneau idéal pour un repas tranquille avant le prochain cours. Cela confirmait bien la désorganisation de son emploi du temps, sur laquelle il s’était plaint plus tôt.

    « Je t’invite, tu verras, ce sera délicieux. »

    Dohyun souriait doucement, d’un sourire clairement calculé. Wooyeon prit une inspiration, tenant fermement son sac comme s’il tenait un précieux otage, et déclara d’un ton résolu :

    « Je n’ai pas très envie de manger », répondit-il fermement, agrippant son sac, devenu malgré lui un otage.

    « Mange quand même. »

    « … »

    Son excuse fut impitoyablement rejetée. Dohyun ajouta même avec nonchalance :

    « C’est pour ça que tu es si maigre. »

    C’était la première fois que quelqu’un lui faisait remarquer sa maigreur, et cela lui donna un étrange frisson.

    « Je n’ai vraiment pas faim. »

    « Moi si. »

    « Ce n’est pas encore l’heure du déjeuner. »

    « Tu n’as pas pris de petit-déjeuner. »

    « J’attendais un ami. »

    « Kwon Seongyu a une période libre aujourd’hui, pas vrai ? »

    Wooyeon resta figé, déconcerté.

    « … Comment tu sais ça ? »

    Cette fois, c’est Dohyun qui sembla pris au dépourvu. Il cligna des yeux, une expression sincèrement surprise sur le visage.

    « Ah, vraiment ? Une période libre ? J’ai juste dit ça au hasard. »

    Wooyeon soupira, exaspéré, relâchant lentement la sangle de son sac. Dohyun, triomphant, afficha un sourire éclatant, clairement satisfait de sa victoire.

    « Alors, tu viens ? » demanda Dohyun avec un ton léger.


    La pièce, fermée à clé, était envahie par l’air glacial de la fin de l’hiver. Tremblant légèrement, Wooyeon resserra sa doudoune autour de lui, tandis que Dohyun, relâchant son « otage », alluma le chauffage. L’appareil, mis en marche à la hâte, souffla d’abord un courant d’air encore froid.

    « Installe-toi, fais comme chez toi. »

    La pièce comportait deux canapés et un lit de fortune. Wooyeon choisit de s’asseoir sur le canapé près de l’entrée. Dohyun, après un coup d’œil, ôta son manteau et le lui tendit.

    « Ça va prendre un moment avant que la pièce se réchauffe. Si tu as trop froid, couvre-toi avec ça. »

    Avant que Wooyeon puisse le remercier, Dohyun se dirigea vers un coin où se trouvait un placard. Désormais vêtu seulement d’un pull fin, il semblait pourtant insensible au froid, contrairement à Wooyeon.

    C’est pour ça que je l’admirais.

    Peut-être que Dohyun aurait agi de la même manière pour n’importe qui ayant froid. C’était du moins l’image qu’il avait de lui à l’époque. Si Wooyeon avait eu seize ans, ce simple geste l’aurait certainement fait battre son cœur. Mais aujourd’hui, il savait mieux.

    « Tu ne sembles pas ressentir le froid. »

    Wooyeon n’avait pas l’intention d’e faire un commentaire’être acerbe. Dohyun lui lança un regard rapide avant d’ouvrir nonchalamment le cabinet. Heureusement, il ne semblait pas du tout offensé.

    « Je ressens le froid comme tout le monde, mais je m’en accommode. »

    Enveloppé dans le manteau, Wooyeon caressa distraitement son oreille. Le vêtement, ample, portait un léger parfum de phéromones. Pas envahissant, ni trop sucré ou collant. Même pour Wooyeon, qui d’ordinaire n’appréciait pas les Alphas, cette fragrance avait un charme subtil et apaisant.

    Il doit être populaire.

    Les Alphas et les Omégas, en général, formaient leur première impression à travers les phéromones. Peut-être que même Dohyun percevait instinctivement les phéromones lorsqu’il rencontre un Omega. Si les siens avaient été similaires, sa popularité aurait sans doute explosé.

    Agacé par ces pensées, Wooyeon fronça les sourcils. Un sentiment vague, presque insaisissable, émergeait en lui, mais la voix de Dohyun le tira de sa réflexion.

    « À quelle heure est ton prochain cours ? »

    Dohyun tenait un stylo et une feuille où figurait l’inscription ’Demande d’adhésion au club’. Wooyeon, jetant un œil rapide à la feuille, répondit d’un ton désinvolte :

    « À 5 heures. »

    Dohyun s’arrêta net, levant un sourcil perplexe. Ses yeux sombres s’emplirent de points d’interrogation.

     « À 5 heures ? Tu veux dire, 5 heures de l’après-midi ? » 

    « Je te rassure, pas à 5 heures du matin. »

    « Hm. »

    Habitué à ce genre de réaction, Wooyeon sortit son téléphone et montra son emploi du temps. Dohyun, scrutant attentivement la liste, demanda avec une voix toujours aussi intriguée :

    « Mais qu’est-ce que tu as fait pour te retrouver avec un emploi du temps pareil ? »

    La vérité était qu’il n’avait pas dormi de la nuit, s’était torturé l’esprit, avait raté son timing et même cliqué sur les mauvaises options. La cause, pour couronner le tout ? Une rencontre imprévue avec Kim Dohyun.

    « Tu peux encore modifier ton planning. Supplie les professeurs, ils n’ont sûrement pas envie de voir un étudiant de première année abandonner dès le départ. »

    « J’ai essayé, mais les assistants ont vérifié et tout le monde semble trop occupé en début de semestre pour être à leur bureau. »

    « Alors, insiste. Envoie des mails, attends devant leurs portes, ou bien… Tu comptes vraiment suivre ces cours et espérer que tout se passe bien ? »

    « …  »

    « … Haa. »

    Dohyun se toucha le front d’une main. Wooyeon répondit d’un ton indifférent au commentaire concernant sa diligence ou sa mauvaise tête.

    « J’ai une mauvaise mémoire. »

    « … Désolé, j’ai mal formulé. Comment quelqu’un avec une mauvaise mémoire a-t-il fait pour entrer dans notre école ? »

    Vraiment. De telles paroles était tout au plus vexant. Dohyun agita la main et tendit un stylo à Wooyeon.

    « Utilise ça. C’est pour rejoindre le club. »

    Wooyeon hésita un instant avant de tendre la main hors de son manteau. Dohyun laissa échapper un petit rire en voyant le geste hésitant de Wooyeon, tel un écureuil effrayé.

    « Tu as encore froid ? »

    Wooyeon se rendit tardivement compte que la pièce était déjà bien chauffée. L’air ambiant était suffisamment chaud, même après avoir retiré son manteau. Dohyun, voyant son embarras, se couvrit la bouche pour étouffer un rire.

    « Tu peux le garder si tu veux. »

    « … Non, merci. J’ai trop chaud. »

    Dohyun, qui s’apprêtait à reprendre celui qu’il lui avait donné, s’arrêta. Son regard vide passa alternativement entre le manteau et Wooyeon.

    « Qu’as-tu demandé ? »

    Est-ce qu’il y avait quelque chose dessus ? Wooyeon se leva en y pensant. Bien que le manteau ait servi à le couvrir tranquillement, sa longueur était telle qu’il était tout à fait possible que quelque chose y soit tombé. Dohyun, fixant le manteau distraitement, murmura :

    « Il y a bien quelque chose dessus. »

    « Ah… J’aurais dû être plus prudent. »

    Wooyeon tendit la main avec une expression désolée. Il s’apprêtait à s’excuser et à proposer de couvrir les frais de nettoyage, mais Dohyun plia le manteau et le posa à côté de lui. Puis, il tendit le stylo à Wooyeon.

    « Ne t’inquiète pas. Ce n’est pas grave. »

    Au moment où leurs doigts se frôlèrent, Wooyeon repoussa instinctivement la main de Dohyun. Surpris, Dohyun s’arrêta brusquement, et le stylo tomba et roula au sol.

    « Désolé… Je suis désolé. »

    C’était déjà la deuxième fois qu’il s’excusait. Wooyeon serra la main qu’il avait récupérée et ajouta précipitamment une explication.

    « Ce n’était pas intentionnel… »

    Les doigts qui avaient touché ceux de Dohyun étaient étonnamment chauds. Même s’il ne portait pas de bagues, son visage devint plus rouge qu’il ne l’aurait imaginé. Sa gorge le démangeait, comme si des phéromones étaient sur le point de sortir.

    « Désolé, je t’ai effrayé ? »

    Dohyun ramassa le stylo qui était tombé, ne le tendant pas directement à Wooyeon cette fois, mais le posant devant lui. En voyant cela, Wooyeon se rendit enfin compte de la nature du malaise qu’il avait ressenti plus tôt.

    « C’est bon, assieds-toi. »

    Les phéromones de Wooyeon n’étaient pas perceptibles. Ni lors de leur première rencontre, ni sous le manteau. L’odeur distincte des phéromones, habituellement inconfondable, ne s’était pas fait sentir par Dohyun. C’était comme si Wooyeon était simplement un individu dont les traces étaient dissimulées, ressemblant davantage à un Beta qu’autre chose.


    ・.ʚ Voilà la cinquième partie du chapitre 2 ɞ .・

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