Header Background Image

    Attention : Harcèlement ! - Vous pouvez masquer le contenu sensible marqué ou avec la bascule dans le menu de formatage . S'il est fourni, le contenu alternatif sera affiché à la place.

    Le premier amour de Wooyeon était son tuteur d’anglais. Il avait un regard lumineux et de longs doigts fins. Leur première rencontre, marquée par sa présence imposante, droite et mature, est restée profondément gravée dans le cœur de Wooyeon, même après des années.

    « Ton nom est… Seon Wooyeon ? »

    C’était la première fois que Wooyeon réalisait qu’une voix pouvait être aussi douce. Qu’on pouvait sentir bon sans porter de parfum, que la prononciation de l’anglais pouvait être plaisante sans paraître forcée, et qu’un simple geste, comme tenir un stylo ou se tenir droit, pouvait être aussi majestueuse.

    « Quel joli nom. »

    Sa voix douce enveloppa ses oreilles. Il ne lui avait demandé que son nom, mais cela résonnait comme une douce mélodie. Et la tendresse avec laquelle il l’appelait ensuite restait tout aussi envoûtante.

    « Ravi de te rencontrer, Yeon-ah. »

    Il était différent des gens que Wooyeon avait l’habitude de fréquenter. Au lieu de fanfaronnades immatures et d’une assurance excessive, il faisait preuve de bienveillance et de considération, juste ce qu’il fallait. Quand Wooyeon, timide, restait silencieux, il patientait avec un sourire bienveillant.

    C’est pour cela que Wooyeon n’avait pas pu le corriger lorsqu’il l’appela ‘Seon Wooyeon’ au lieu de ‘Sunwoo Yeon’. À seize ans, entendre ‘Yeon-ah’ faisait battre son cœur.

    « … Professeur, êtes-vous un Alpha ? »

    Le jour où Wooyeon posa cette question pour la première fois, son tuteur le regarda calmement et lui répondit avec la même voix douce.

    « Pourquoi ? Est-ce que j’en ai l’air ?  »

    Ce n’était pas une question à laquelle Wooyeon pouvait répondre. Il avait grandi avec une mère Alpha, reçu une éducation d’un tuteur Alpha et avait été rejeté par des camarades Alphas. Alpha, Alpha, Alpha. Dans un environnement rempli d’Alphas, il avait appris à être Alpha, même sans en manifester les signes.

     « … Non. »

    Il était impossible qu’une personne aussi gentille puisse être un Alpha. Les Alphas que Wooyeon connaissait étaient effrayants, dominateurs et égocentriques.

    « Vous n’avez rien d’un Alpha. »

    Son cœur, jusqu’alors réticent, s’ouvrit soudainement. Le doux sourire naissant aux coins des lèvres de son professeur capta son regard, il fut aussi éclatant qu’une fleur qui s’épanouissait sous un soleil printanier.

    Depuis ce jour-là, Wooyeon attendait avec impatience chaque séance de tutorat. Trois fois par semaine, pendant deux heures. Ces six heures de cours d’anglais par semaine étaient comme une pluie bienfaisante dans la sécheresse qu’était sa vie. Lorsqu’il ouvrait ses cahiers d’anglais et attendait le professeur, il avait l’impression que le monde entier était à ses côtés.

    « Hé, le cochon. »

    Mais cela ne signifiait pas pour autant que sa faim était comblée. À cette époque, Wooyeon était si obèse qu’on lui avait même conseillé de suivre un régime, ce qui faisait de lui une cible facile pour les adolescents en pleine publicité. Ses lunettes épaisses cachaient ses expressions, et avec son caractère acerbe, le harcèlement qui subissait ne fit qu’empirer.

    « Merde, tu vas encore nous ignorer ?  »

    Le chef du groupe qui tourmentait sans cesse Wooyeon était l’un des Alphas qu’il détestait le plus. Le garçon ricana et lui tapa la tête du bout du doigt.

    « Dis quelque chose, non ? »

    Wooyeon sortit son téléphone en silence. Un message de son tuteur venait d’arriver. Malheureusement, ce n’était pas une bonne nouvelle.

     « Regardez ça, il nous ignore. »

    Le message disait que le professeur ne pourrait pas venir aujourd’hui en raison d’un festival à l’école. S’excusant abondamment, il demandait si le cours pouvait être reporté. Wooyeon, déçu, mais compréhensif, s’apprêtait à répondre lorsqu’on lui arracha soudainement son téléphone des mains.

    « Voyons voir… ’Yeon-ah, je ne peux pas venir aujourd’hui à cause du festival… ’ C’est quoi ça, Yeon ? »

    Le visage de Wooyeon devint instantanément rouge. Non pas à cause du « cochon », qu’ils utilisaient habituellement pour l’insulté, mais parce que l’émotion derrière ce « Yeon-ah » semblait souillée, comme si quelque chose de précieux avait perdu toute sa pureté.

    « Yeon-ah ? Ça devrait plutôt être un cochon dégoûtant. »

    Pour la première fois depuis le début des brimades, Wooyeon lança un regard noir au garçon. D’habitude, il se contentait d’ignorer ou d’essayer de partir, mais cette fois-ci, il ne pouvait plus se retenir. Le garçon, surpris, éclata d’un rire moqueur.

    « Oh, regardez-moi ça, il nous lance un regard noir. »

    Wooyeon n’aimait pas voir le garçon sur son téléphone. Le fait qu’il se moquait de chaque message alimentait encore davantage ce même sentiment.

    « … Rends-moi mon téléphone. »

    « Quoi ? »

    « J’ai dit, rends-le-moi. »

    « Qui a dit que je te le prenais ? Je veux juste y jeter un œil…  »

    Avant qu’il ne puisse finir, Wooyeon se leva brusquement. Le problème, c’est que le garçon, surpris, le poussa instinctivement. Avec un bruit sourd, Wooyeon tomba au sol, emportant son bureau avec lui.

    « …  »

    Ses lunettes volèrent, atterrissant loin de lui. Les personnes autour, qui avaient feint de ne rien voir jusqu’à présent, tournèrent maintenant leur attention vers eux. Wooyeon mordit sa lèvre inférieure, accablé par l’humiliation. Le garçon, qui avait regardé Wooyeon tomber, jeta son téléphone au sol par frustration.

    « Ugh, et puis merde. »

    Le téléphone tomba au sol et se brisa. L’écran fissuré semblait refléter les sentiments de Wooyeon. Comme si cela ne suffisait pas, le garçon donna un coup de pied au téléphone brisé avec sa pantoufle.

    « De toute façon, tu es riche. Pourquoi est-ce que tu fais tout un drame pour un stupide téléphone ? »

    Le reste devint flou. Quand il reprit ses esprits, Wooyeon était assis dans le bureau du professeur, face au harceleur, dont le visage était enflé. Peu après, sa mère fut appelée, et le professeur, embarrassé, lui montra le téléphone cassé.

    « Je pense qu’il vaudrait mieux qu’il rentre plus tôt aujourd’hui. »

    Comme toujours, tout se résolvait avec de l’argent. La mère de Wooyeon, qui ne pouvait compter que sur ses ressources financières, reçut même des excuses du professeur avant de quitter le bureau. Elle ne regarda pas Wooyeon, ni ne lui demanda pourquoi cela s’était produit. Elle se contentait de vérifier sa montre à plusieurs reprises, ne disant qu’une seule chose :

    « Je n’ai pas le temps de te raccompagner, donc prends un taxi. Ça devrait suffire pour le trajet, non ? »

    La liasse de billets qu’elle lui tendit manquait de sincérité. C’était largement suffisant pour prendre le taxi au moins dix fois, mais sans même songer à l’accepter, Wooyeon baissa les yeux. Une autre option lui fut proposée sans aucune émotion.

    « Ou devrais-je appeler notre chauffeur, Yoon, pour qu’il vienne te chercher ?  »

    Il ne pleura pas. Ses yeux le piquaient, mais il savait quelle réponse ses larmes ici susciteraient : une réprimande pour ne pas pleurer sans raison, un rappel de sa dignité, peut-être juste un soupir, ou quelque chose dans ce genre.

    « Et les lunettes…  »

    Finalement, Wooyeon prit un taxi pour rentrer chez lui. Il se sentait plus à l’aise dans le taxi que dans la voiture robotique du chauffeur Yoon. Ses lunettes déjà cassées étaient plus un handicap qu’une aide, et après avoir donné tout l’argent qu’il avait au chauffeur de taxi, il sortit de la voiture.

    « …  »

    Revenir dans une maison vide s’accompagnait toujours d’une solitude indescriptible. La maison, inutilement grande, était si silencieuse qu’on pouvait entendre le bruit des fourmis rampant. Dans cet espace surréaliste où le temps semblait s’être arrêté, Wooyeon s’effondra impuissant dans un coin du salon.

    C’était une horrible sensation. Il n’arrivait pas à l’expliquer, mais il se sentait misérable. Le téléphone cassé, sa mère qui faisait semblant de ne pas le remarquer, et la personne qu’il devrait affronter à nouveau demain… Ils étaient tous les mêmes.

    Sans réfléchir, il se précipita dans sa chambre et se jeta sur son lit. Même la couverture froide n’offrait aucun réconfort. Avec la séance de tutorat annulée, il serait seul jusqu’à tard dans la nuit. Il souhaitait pouvoir devenir un cadavre et disparaître sans que personne ne le remarque.

    Wooyeon s’endormit quelques minutes plus tard. Bien que la couverture qui recouvrait son visage fût suffocante, cela n’empêcha pas sa respiration.

    Lorsqu’il ouvrit les yeux, la chambre était plongée dans l’obscurité et il entendit quelqu’un sonner à la porte.

    Personne n’est censé venir…

    Il n’avait aucune idée de qui ça pouvait être. Même les démarcheurs n’osaient pas s’approcher des maisons imposantes de ce quartier. Il pensait qu’ils partiraient bientôt, mais le bruit assourdissant de la sonnette ne montrait aucun signe d’arrêt.

    « … Qui est-ce ? »

    Sans autre choix, Wooyeon traîna son corps lourd à l’extérieur. En prenant le combiné relié à l’extérieur, il demanda d’une voix désinvolte, n’anticipant qu’une réponse incroyable.

    « Yeon-ah, c’est moi, ton professeur. »

    C’était la personne qu’il avait attendue tout ce temps. Celui qu’il pensait ne pas pouvoir voir aujourd’hui, dont l’absence lui avait laissé un goût amer. Avec des mains tremblantes et un sentiment d’excitation à l’idée de le retrouver, Wooyeon appuya nerveusement sur le bouton et se précipita vers la porte d’entrée.

    Dès que la porte s’ouvrit avec un clic, une silhouette familière se présenta à lui. Les pas dans le jardin semblaient plus rapides que d’habitude. En un clin d’œil, la personne s’approcha, souriant chaleureusement et poussant un soupir de soulagement.

    « Je suis tellement soulagé, je pensais que tu n’étais pas là. Le festival s’est terminé plus tôt que prévu, donc je pouvais faire le cours aujourd’hui. Je t’ai appelé pou te prévenir, mais tu n’as pas répondu…  »

    Tout semblait surréaliste : sa vision floue, la légère sensation d’écrasement dans sa tête, et ce regard qui le scrutait calmement.

    « … Qu’est-ce qui s’est passé ? »

    Les larmes jaillirent à cette question A Cette simple question. Bien que Wooyeon savait que cela genant, il ne put contrôler ce flot d’émotions. Les pleurs, qui avaient commencé sans raison, le poussaient sans relâche jusqu’à ce que sa respiration devienne irrégulière.

    « Professeur… Snif…  »

    Wooyeon pleura comme un enfant, sanglotant tot en s’asseyant par terre, il pleura sans pouvoir s’arrêter. Le professeur, surpris, s’accroupit à ses côtés et lui tapa doucement le dos. De si près, un léger parfum floral flottait dans l’air.

    « Qu’est-ce qui se passe, Yeon-ah ? Ça va ? »

    Tout ce que Wooyeon voulait, c’était que quelqu’un lui demande ce qui n’allait pas. Il ne se comportait pas ainsi pour attirer l’attention, mais cela ne voulait pas dire qu’il n’en avait pas envie. Il ne voulait pas monter dans la voiture du chauffeur Yoon, qui se comportait comme un robot, ni supporter le regard d’un chauffeur de taxi. Il voulait simplement que quelqu’un lui demande s’il allait bien, et pourquoi il agissait ainsi.

    « Tu es malade ? Tu as mal quelque part ? Laisse-moi voir, d’accord ? »

    Plus il essayait de le réconforter, plus la tristesse le submergeait. Toutes les émotions refoulées s’écoulèrent comme un fleuve après la rupture d’un barrage.

    C’est après ce qui sembla une éternité, alors que toute la tristesse s’évanouissait, que Wooyeon leva enfin la tête, haletant.

    « As-tu fini de pleurer ? »

    Sans s’en rendre compte, Wooyeon se retrouva dans l’étreinte chaleureuse de son professeur. Le visage si proche de lui restait calme et serein. Le professeur essuya doucement les larmes de Wooyeon avec sa manche, puis posa une grande main sur son front.

    « On dirait que tu n’es pas malade…  »

    Le cœur de Wooyeon se serra. Son visage devint rouge et sa gorge lui piqua d’une sensation inconnue. Ses muscles faciaux incontrôlables menaçaient de se tordre en une expression étrange. Son cœur battait la chamade, et peu importe combien il essayait, il ne pouvait pas le calmer.

    Ce n’est qu’alors que Wooyeon commença à comprendre. Le désir de voir cette personne, d’être avec elle. Le sentiment d’être soudainement tiré du fond du gouffre. Wooyeon donna un nom vague à toutes ces émotions : « Son premier amour. »


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

    Soutenez la team sur

    0 Commentaire

    Laisser un commentaire

    Note