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    Wooyeon ouvrit grand les yeux, surpris. Comme plus tôt, lorsqu’il avait perçu l’entrée de Dohyun dans le café, le simple fait de croiser son regard aux paupières douces effaça d’un coup les émotions troubles qui s’agitaient en lui. Même les résidus de phéromones de Junseong, encore perceptibles sur son poignet, semblaient avoir complètement disparu.

    « Hein… Mais t’es qui, toi… »

    Junseong recula d’un pas, l’air déconcerté. Il semblait totalement pris au dépourvu par l’arrivée soudaine de  Dohyun. Rien d’étonnant : l’autre était visiblement un aîné, et en plus plus grand que lui. Wooyeon, sans lui accorder un regard, le dépassa et attrapa doucement le col de Dohyun.

    « La réunion est terminée. »

    Pas un mot pour Junseong. Pas même un soupir d’agacement. Il leva simplement les yeux vers Dohyun, les paupières alourdies, le regard chargé d’émotion.

    « Allons-y, sunbae. »

    Cette fois, Junseong ne tenta même plus de le retenir.  Dohyun suivit Wooyeon en silence, tout en jetant un regard discret mais appuyé vers Junseong.

    Une fois dans la salle d’étude, Wooyeon fut assailli de questions par Garam et Seongyu. Tous deux étaient furieux, exigeant de savoir ce que ce « blondinet débile » avait encore fait, et restèrent bouche bée en apprenant que Junseong était le chef de son groupe de projet. Après un long moment de silence, l’un d’eux déclara, très sérieusement :

    « On n’a qu’à faire les parasites. »

    Cette proposition, aussi absurde que sincère, arracha un petit rire involontaire à Wooyeon.

    « Mais… Comment tu as su qu’il fallait venir ? »

    Serrant son sac contre lui, Wooyeon jeta un coup d’œil autour de la pièce. Peut-être qu’on pouvait voir l’extérieur d’ici ? Mais la grande vitre était à moitié recouverte d’un film opaque sur la partie inférieure. Tout au plus pouvait-on distinguer une silhouette floue. Impossible de deviner précisément ce qui se passait dehors.

    « Juste une question de timing. »

    Dohyun répondit simplement, désignant le paquet de cigarettes qu’il avait sorti. Apparemment, il s’était levé pour fumer et avait aperçu quelque chose à travers la partie transparente de la vitre. Garam se leva en ricanant alors qu’elle fouillait dans sa veste en jean.

    « J’ai cru que Kim Dohyun s’était levé comme ça parce qu’il avait une envie pressante. »

    « Noona, moi aussi j’veux une clope. »

    Ils se levèrent tous les deux et collèrent leur visage contre la vitre.

    « Il est plus là. Si ce connard traînait encore dans les parages, je l’aurais pas laissé filer. »

    Leurs échanges dignes d’un duo comique s’enchaînaient quand Dohyun les interrompit, d’un ton détaché :

    « Revenez quand l’odeur sera partie. »

    Visiblement, ils sortaient fumer. Mais Dohyun, lui, n’avait pas l’intention de bouger. Garam haussa les sourcils.

    « Tu viens pas ? »

    « La flemme. »

    « Et Wooyeon ? »

    « Il a arrêté. »

    « Sérieux ? J’aurais jamais cru. »

    Il ajouta que les plus petits étaient souvent les plus coriaces, puis sortit avec Seongyu.

    Clac

    La porte se referma, les coupant du monde extérieur.

    « …  »

    « … »

    Un silence indéfinissable s’installa. De la gêne, peut-être. Ou peut-être un calme apaisant. Wooyeon posa son menton sur son sac et battit lentement des paupières.

    « … Merci, sunbae. »

    Dohyun ne répondit rien, mais ses phéromones, maintenant adoucies, apportèrent un réconfort muet au cœur de Wooyeon. Celui-ci réprima les siennes, qui menaçaient d’émerger, en enfonçant fermement ses ongles dans ses paumes.

    Puis, dans l’intention d’oublier Junseong, il se plongea entièrement dans ses études. À leur retour de la pause cigarette, Garam et Seongyu furent si impressionnés par sa concentration qu’ils ne purent s’empêcher de la commenter. À l’exception des quelques moments où Dohyun lui soufflait qu’il serait bon de faire une pause, Wooyeon ne quitta pas son livre des yeux pendant trois heures entières.

    « J’ai vraiment bien bossé aujourd’hui grâce à Wooyeon. »

    « Moi aussi. J’ai été motivé malgré moi. »

    Lorsque la réservation de la salle toucha à sa fin, Wooyeon retira ses lunettes et se frotta les yeux. Il s’était tellement investi que les mots d’anglais grouillaient encore dans sa tête comme des vers de terre. Dohyun, qui était en train de ranger ses affaires, lui lança un sourire qui le fit frissonner.

    « Tu as la marque de tes lunettes. »

    Pourquoi cette simple remarque lui donna-t-elle si chaud ? Son visage vira instantanément au rouge. Il tenta de cacher ses oreilles avec la main, mais sa nuque déjà en feu trahissait son trouble. Une journée paisible, sans incidents… Mais une journée où il ne s’était rien passé, c’était déjà un miracle.


    Un rendez-vous avec Dohyun. Rien que cette idée suffisait à motiver Wooyeon. En dehors des repas et du sommeil, il restait assis à son bureau, et dès que sa concentration flanchait, il pensait à lui. Comme à l’époque lointaine où il voulait bien se faire voir de son professeur, sa détermination atteignait celle d’un véritable candidat au concours national.

    C’est ainsi qu’il obtint un score parfait pour sa première épreuve, une critique écrite en anglais. Certes, c’était surtout grâce aux fiches que Dohyun lui avait données, mais Seongyu, qui avait reçu les mêmes, avait vu ses points amputés. Wooyeon, bien que dévoré par l’envie de se vanter, se contint pour se concentrer sur l’examen suivant.

    Le deuxième examen fut lui aussi une réussite. Il fallait remplir une feuille blanche avec tout ce qu’on avait mémorisé. Loin d’être dérouté, Wooyeon couvrit la page sans laisser d’espace. Pour lui, qui étudiait de façon rigide et sans méthode, ce type de question sans application, juste de la récitation pure, était idéal.

    Les troisièmes et quatrièmes épreuves se déroulèrent tout aussi bien. Certains points qu’il avait mémorisés juste avant l’examen furent même repris tels quels. Mieux encore, l’UV qu’il suivait avec Junseong fut suspendue en raison de la préparation des présentations de mi-semestre. Aucune nouvelle de ses coéquipiers, mais Wooyeon préféra continuer à se concentrer sur ses examens.

    Puis arriva enfin le fameux vendredi. Avant sa dernière épreuve, il recopia dans son carnet tout ce qu’il avait retenu. La phonologie anglaise, qu’il suivait avec Dohyun, était particulièrement difficile. Grâce à l’aide de ce dernier, il comprenait un peu mieux, mais il ne se sentait pas du tout confiant.

    « Tu penses que ça va aller ? »

    Wooyeon secoua la tête, abattu. Son manque d’assurance fit plisser les yeux de Dohyun, qui soupira. Puis, après un bref instant d’hésitation, il tendit la main vers l’arrière de son crâne.

    « Te crispe pas. Détends-toi. »

    Ses longs doigts se glissèrent entre ses mèches, les écartant doucement. Les cheveux, légers, s’enroulèrent autour des doigts de Dohyun. Wooyeon se redressa brusquement et le fixa, les yeux écarquillés.

    « Lis bien les questions. D’accord ? »

    Le léger sourire qui accompagna ces mots pressa son cœur si fort qu’il crut suffoquer. Dohyun retira sa main rapidement, mais la sensation persistait encore. Wooyeon, bouche bée, sentait les battements frénétiques de son cœur résonner jusque dans ses tympans.

    « Toi aussi… »

    Son visage était brûlant. La chaleur lui montait à la tête, si bien qu’il ne se souvenait même plus de ce qu’il avait révisé. Il n’était pas du tout détendu ; au contraire, son corps entier était sur le point de se crisper pour une toute autre raison.

    « Bon… Bon courage pour l’examen. »

    Il parvint tout juste à articuler ces mots avant de baisser la tête. Juste avant de détourner les yeux, il crut voir l’expression de Dohyun changer, comme s’il avait oublié quelque chose. Mais il n’y prêta pas attention. Son cœur battait si fort qu’au moindre relâchement, il craignait de libérer un flot de phéromones.

    S’il avait voulu le détendre, c’était raté. Par contre, s’il avait cherché à occuper ses pensées pour qu’il arrête de stresser, alors c’était un franc succès. Jusqu’à l’arrivée du professeur et la distribution des copies, Wooyeon n’avait qu’une seule chose en tête : Dohyun.


    « Aaah, enfin les examens sont… Terminés… ! »

    Garam, surexcité, s’apprêtait à entrer dans la salle du club mais s’arrêta net. Une atmosphère pesante lui effleura la peau comme une décharge électrique. En face d’elle, Dohyun et Wooyeon étaient assis à une table, face à face.

    « … »

    « … »

    L’air désolé de Dohyun se tourna lentement vers elle. Il ne dit même pas « tu es là », ce qui confirma ses soupçons : quelque chose s’était passé. Garam déglutit avec difficulté et posa les yeux sur Wooyeon, qui semblait au bord des larmes.

    « Qu’est-ce que c’est que ça… J’espère que ce n’est pas un bizutage, au moins ? »

    Le visage de Dohyun se crispa aussitôt. Il répondit d’un ton agacé, les yeux pleins d’incompréhension :

    « Tu me prends pour un taré ? »

    Garam se gratta la joue, un peu gênée par cette réponse cinglante.

    « Bah alors, pourquoi cette ambiance ? Y’a eu un décès ou quoi ? »

    Elle entra lentement dans la salle, hésitant sur la place à prendre. Elle sembla vouloir s’asseoir près de Dohyun, mais changea brusquement d’avis pour rejoindre Wooyeon. Dès qu’elle s’installa à ses côtés, Dohyun tressaillit légèrement et se tut.

    « Pfiou… on dirait un ballon complètement dégonflé… »

    Wooyeon leva vers elle un regard morne. Ses grands yeux ronds étaient étrangement brillants, comme s’ils retenaient des larmes. Le cœur de Garam se serra. Elle adoucit son expression — probablement la première fois qu’elle affichait un air aussi tendre de toute sa vie.

    « Allez, dis-moi tout. C’est Kim Dohyun ? Ou ce blondinet de l’autre fois ? »

    « Noona… »

    Wooyeon entrouvrit les lèvres, comme pour parler, mais aucun son n’en sortit. Malgré l’hésitation visible de son cadet, Garam attendit patiemment. Finalement, Wooyeon enfouit son visage dans ses mains et murmura d’une voix tremblante, pleine de larmes :

    « J’ai raté le dernier examen… »

    Tout avait commencé à se détraquer dès qu’il avait reçu la feuille. Jusque-là, encore tout retourné par son trouble envers Dohyun, il était presque euphorique. Mais dès qu’il avait lu la première question, son esprit s’était figé. Non pas à cause de Dohyun… mais parce que les questions étaient tout simplement affreuses.

    Rien à voir avec les petits quiz des cours. Il connaissait pourtant les notions, comprenait parfaitement les énoncés, mais impossible de savoir quoi appliquer. Et une fois perdu sur une question, tout le reste s’était embrouillé. Tout ce qu’il avait si bien mémorisé avait volé en éclats.

    « Il fallait modifier une caractéristique pour produire un autre phonème, mais je comprenais plus rien… Et en plus, j’ai tout confondu avec une pause fortuite ou je sais pas quoi… »

    Garam écoutait à moitié, le regard un peu vide. Pause fortuite ou pas, le seul Wooyeon qu’elle connaissait, c’était celui qui était juste là, devant elle. Certes, elle avait aussi suivi le cours de phonologie anglaise, mais à part le D+ qu’elle avait récolté, elle n’en gardait aucun souvenir.

    « Oh… je… vois… »

    Elle leva la main, voulut lui tapoter l’épaule, puis hésita et la retira. Dohyun, qui évitait soigneusement leur regard, n’avait manifestement pas trouvé non plus comment le réconforter. Il restait là, muet.

    « Mais tu sais, Wooyeon, si toi tu l’as trouvé dur, c’est que les autres aussi ont galéré, non ? »

    « Il a dit qu’il l’a bien réussi, lui. »

    « … »

    Le regard de Garam devint plus tranchant que jamais en direction de Dohyun. Pourquoi t’as dit ça, espèce d’abruti. Dohyun détourna les yeux, visiblement embarrassé. Au fond, rien d’étonnant : il suivait ce cours depuis sa première année, alors forcément qu’il s’en sortait mieux que Wooyeon.

    Combien de temps passa ainsi ? Même Garam, pourtant déterminée à le réconforter, finit par abandonner. Wooyeon faisait de son mieux pour garder contenance, mais ça ne faisait que le rendre plus pitoyable. Quand Garam se redressa et se tint droite sur sa chaise, on frappa doucement à la porte du local du club.

    « Ah, vous êtes tous là ? J’ai fini mon exam et… »

    Seongyu eut exactement la même réaction que Garam un peu plus tôt. Il entra tout sourire, mais s’interrompit net en découvrant l’atmosphère pesante. Les aînés mal à l’aise, la camarade de promo au bord des larmes… Il recula d’un pas, le visage soudain sérieux.

    « … Si c’est une séance d’intimidation, je préfère ressortir tout de suite. »


    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .

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