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    Wooyeon n’avait jamais su cacher ce qu’il ressentait. La première fois qu’il avait craqué pour lui, c’était pareil. Et aujourd’hui encore, alors qu’il croyait avoir dépassé tout ça, son cœur refusait de coopérer. Il suffisait que ses yeux s’attardent sur lui et que sa poitrine batte un peu plus fort pour que tout son être soit emporté, comme une feuille dans le vent.

    Aujourd’hui ne faisait pas exception.

    Il fixait, un peu absent, le profil de Dohyun. Au départ, il avait tenté de lui jeter des petits coups d’œil, mais sans s’en rendre compte, il s’était mis à le regarder ouvertement. Garam dormait sur le lit pliant, Seongyu était parti régler une autre affaire et personne n’était là pour l’empêcher de se perdre ainsi.

    Il est vraiment beau.

    Le nez droit comme s’il avait été taillé dans la pierre, les sourcils légèrement froncés, l’œil gauche à peine plissé par une fine paupière double, et ses lèvres fermées… Tout en lui frappait Wooyeon en plein cœur.

    Il se rappela que, même lorsqu’ils faisaient leurs révisions, Dohyun s’asseyait toujours à sa droite. Ils étaient parfois si proches que leurs épaules se frôlaient. C’était l’angle parfait pour voir ses paupières se plier lorsqu’il riait. Et lorsqu’il penchait un peu la tête, Wooyeon pouvait même sentir cette odeur propre à lui, fraîche et réconfortante.

    « … »

    Comme maintenant.

    Ses phéromones, secs comme des feuilles mortes, enveloppaient doucement l’espace autour d’eux. Il faisait bon, un léger vent de printemps soufflait dehors, mais l’aura de Dohyun, elle, avait ce quelque chose de frais, presque automnal. Wooyeon enfouit ses lèvres dans le col de son hoodie et effleura son oreille du bout des doigts.

    Depuis qu’il avait dit à Dohyun : « Les phéromones de Sunbae sont supportables. », ce dernier avait commencé à en libérer un peu plus chaque jour. D’abord à peine perceptibles, ils avaient progressivement pris une présence digne d’un alpha dominant, Wooyeon ne montrant aucun signe de rejet.

    Une semaine avait passé ainsi. À présent, il lui suffisait de fermer les yeux pour sentir, par chaque pore de sa peau, que Dohyun était là, tout près. Bien sûr, sans sa sensibilité particulière aux phéromones, il ne s’en serait sans doute même pas rendu compte.

    « Tu as du mal à te concentrer, on dirait. »

    La voix douce de Dohyun brisa le fil de ses pensées. Il écrivait quelque chose dans son carnet, le ton posé, presque bienveillant.

    « J’ai quelque chose sur le visage ? »

    Pris sur le fait, Wooyeon détourna aussitôt la tête. Il ne s’était même pas rendu compte qu’il l’observait de face. Super. Autant brandir une pancarte disant que je suis amoureux.

    « Non…, rien du tout. »

    Il marmonna sa réponse en enfouissant la tête dans ses épaules. Enfin, si. Il y avait bien quelque chose. Genre… Sa beauté. Son charme. C’est tout le problème. Et s’il osait le dire, Dohyun le regarderait sûrement comme s’il venait de dire une énormité.

    « Si tu ne comprends pas quelque chose, dis-le. »

    « D’accord. »

    D’un geste distrait, Wooyeon frotta sa joue et força son regard à rester fixé sur son manuel. Les examens de mi-semestre approchaient à grands pas. Il n’avait pas le luxe de perdre du temps à rêvasser comme un gamin. Il ne pouvait pas se permettre d’échouer pour une bête histoire de cœur.

    Mais à peine cinq minutes plus tard, il avait de nouveau les yeux posés sur lui. Ses prunelles, glissant lentement, s’attardaient sur ses lèvres, puis restaient là, à errer dans les environs. Même ses lèvres sont magnifiques… pensa-t-il, complètement absorbé. C’est alors que Dohyun poussa un soupir et posa son stylo.

    « … Ça ne va pas. »

    Il se leva, attrapa le paquet de cigarettes posé sur le côté. Wooyeon sursauta légèrement, écarquilla les yeux. Dohyun passa une main dans ses cheveux, sans réel entrain. Même avec les cheveux en bataille, il est parfait…

    « Continue de bosser. Je vais fumer une clope. »

    Sans un mot de plus, Dohyun s’éloigna. Il ouvrit son paquet, vérifia la présence de son briquet, et ce geste suffit à faire bondir Wooyeon de sa chaise.

    « Moi aussi… ! »

    Il avait parlé sans réfléchir. L’impulsion l’avait devancé. Et maintenant, avec Dohyun qui s’était retourné vers lui avec une expression indéchiffrable, il bafouilla comme un idiot :

    « Moi aussi… Je veux aller fumer. »


    Le printemps s’installait doucement, et le parfum des fleurs s’infiltrait dans chaque recoin du campus encore mouillé par la pluie. Les cerisiers avaient déjà perdu la moitié de leurs pétales, mais les jeunes feuilles verdoyantes venaient habiller leurs branches dénudées.

    Wooyeon, le cœur un peu trop léger, s’efforçait de garder contenance en suivant Dohyun de près.

    Depuis qu’ils avaient quitté la salle du club, ce dernier n’avait pas prononcé un mot et accélérait le pas. Ce n’était pas dans ses habitudes. À tel point que Wooyeon peinait à suivre, ses pas de plus en plus rapides l’obligeant à presque trottiner. Quand il fut sur le point de se faire distancer, Dohyun se retourna brièvement.

    « … Tu arrives à te concentrer, en ce moment ? »

    Wooyeon secoua la tête, les mains profondément enfoncées dans la poche de son sweat. Concentré ? Depuis la semaine dernière, il n’avait même pas réussi à fixer son attention plus de dix minutes. Le quiz de vendredi avait été un miracle… Sans l’aide de Dohyun, il aurait sûrement échoué.

    « Pas vraiment… La matière est compliquée, et il y en a tellement… J’arrive pas à me concentrer. »

    Il ne s’en était pas rendu compte, mais leurs pas s’étaient alignés. Rien d’exceptionnel, en soi, mais le simple fait de marcher à ses côtés fit battre son cœur un peu plus fort. Dohyun, lui, le regarda un instant avant de froncer légèrement les sourcils et de reporter son attention droit devant.

    La zone fumeur n’était pas très loin. On y avait installé récemment des panneaux de bois pour créer une sorte de paravent. À peine arrivé, Dohyun sortit une cigarette et la coinça entre ses lèvres.

    « Et toi ? »

    « Hein ? »

    « Tu ne fumes pas ? »

    Pris au dépourvu, Wooyeon hésita un instant, la main figée sur le bord du banc où il s’apprêtait à s’asseoir. Il fouilla nerveusement ses poches – celles de son sweat, de son jean – avant de lâcher un petit rire embarrassé.

    « Je… Je crois que j’ai oublié d’en prendre. »

    « Ah ouais ? »

    Dohyun ne fit aucun commentaire. Il alluma tranquillement sa cigarette, cachant la flamme du briquet d’une main, et Wooyeon le regarda faire sans ciller. Daniel aussi fumait, mais ça n’avait jamais eu cet effet-là. Quand c’était Dohyun, c’était comme un plan d’un magazine. Irrésistiblement photogénique.

    « Tu fumes depuis longtemps ? » demanda-t-il en se penchant un peu, les mains appuyées sur le banc.

    Le regard de Dohyun se plissa, et un sourire discret effleura ses lèvres avant qu’il ne détourne la tête.

    « Depuis… À peu près au même moment que tout le monde. »

    « Tu as appris à fumer à l’armée ? »

    « Non. J’avais déjà commencé avant d’y aller. »

    La fumée grise ondulait paresseusement entre eux. En observant le visage à moitié tourné de Dohyun, Wooyeon eut un curieux sentiment de déjà-vu. Comme si je t’avais déjà vu fumer d’encore plus près…

    « Je peux… En tirer une bouffée ? »

    Le regard de Dohyun se posa sur lui, visiblement surpris. Il garda la cigarette aux lèvres, relâcha lentement la fumée dans un souffle long.

    « C’est le même paquet que l’autre fois. Trop fort pour un oméga. »

    « Juste une taffe. »

    Wooyeon ne lâchait pas l’affaire, les yeux fixés sur la cigarette.

    Après un court instant de silence, Dohyun s’approcha lentement. Il tenait la cigarette entre deux doigts, l’amenant jusqu’aux lèvres de Wooyeon.

    « Contente-toi de l’extrémité. »

    Il y avait quelque chose d’étrangement troublant dans l’atmosphère. Sans trop savoir pourquoi, Wooyeon entrouvrit lentement les lèvres pour poser sa bouche sur l’extrémité de la cigarette. C’était celle de Dohyun – et ce simple fait suffisait à y laisser un parfum entêtant de phéromones.

    « Aspires, sinon ça ne sert à rien. »

    La voix de Dohyun, basse et douce, glissa jusqu’à lui comme un murmure contre la peau. Son regard fixe et intense, presque tactile, semblait le scruter de l’intérieur. Comme envoûté, Wooyeon fronça légèrement les sourcils et aspira une bouffée.

    « … Kof, kof ! »

    La fumée l’attaqua de plein fouet, piquant sa gorge, brûlant son nez, et le faisant tousser sans retenue. Il y avait là le goût âcre du tabac, l’odeur entêtante de la fumée, mêlée au parfum épicé du phéromone de Dohyun. Pris d’une quinte de toux, Wooyeon recracha la cigarette et se mit à suffoquer.

    « Kof, kof — ! »

    Sans un mot, Dohyun lui retira aussitôt la cigarette des doigts. Il écrasa le mégot d’un geste sec avant de s’éloigner vers le distributeur le plus proche. Quelques secondes plus tard, il revint avec une canette d’électrolytes à la main.

    « Je me disais aussi que ça n’allait pas. »

    « Uuh… »

    Des larmes avaient perlé au coin de ses yeux. Dohyun, désormais assis à côté de lui, ouvrit la boisson d’un geste calme. Wooyeon, incapable de répondre, se pinçait le nez pour atténuer la brûlure. Toute sa trachée semblait en feu.

    « Bois, ça ira mieux. »

    Dohyun posa doucement la canette dans sa main et l’observa attentivement. Ses yeux rougis et humides trahissaient la gêne autant que la douleur. Pendant un bref instant, Dohyun ne dit plus rien, puis il leva la main et tapota lentement son dos.

    « Tu ne sais même pas fumer. Pourquoi faire genre ? »

    Wooyeon réussit à avaler une première gorgée, puis une autre. Le goût frais de la boisson aida un peu à dissiper l’amertume dans sa bouche. Il reprit son souffle peu à peu, tandis que Dohyun restait silencieux à ses côtés.

    Après de longues minutes ponctuées de toussotements, Wooyeon parvint enfin à retrouver une voix à peu près stable. Il appuya une main sous sa mâchoire et murmura, les traits tirés :

    « … Comment t’as su que je fumais pas ? »

    Ce n’était pas la première fois qu’il tenait une cigarette. Il l’avait déjà fait pour ne pas se faire remarquer, juste pour s’intégrer. Mais aujourd’hui, c’était juste parce que Dohyun avait eu l’air si… Irrésistible.

    « Je t’ai jamais vu allumer une clope. »

    Dohyun répondit simplement, un sourire en coin, les yeux plissés avec malice. Il observait tout, remarquait tout. Même ses amis proches comme Seonggyu ou Garam pensaient encore que Wooyeon fumait. Mais lui, il avait vu clair depuis le début.

    « Ça peut paraître ringard, mais… Si tu peux éviter, ne commence pas. Franchement, c’est mieux de jamais toucher à ça. »

    Wooyeon acquiesça, un peu penaud. Il n’en avait jamais vraiment eu envie, mais quand c’était Dohyun, l’envie de l’imiter s’imposait malgré lui. Maintenant que son mensonge était percé à jour, il ne lui restait plus qu’à se faire discret.

    « Et arrête aussi de traîner ici avec les fumeurs. »

    « … ! »

    Wooyeon écarquilla les yeux. Donc je ne pourrais plus venir ici ? Plus voir Dohyun allumer sa cigarette avec cette nonchalance superbe ? Plus l’observer en douce pendant leurs pauses ?

    « Je peux pas juste… Venir pour regarder ? »

    Il prit son air le plus misérable, jouant la carte de la supplication sans véritable raison. Juste pour tenter. Dohyun le fixa calmement, puis répondit avec un ton moqueur, presque tendre :

    « Même si t’aimes pas l’odeur ? »

    « J’aime bien, en fait. »

    « Je t’ai déjà dit combien de fois que tu ne savais pas mentir ? »

    La remarque, moqueuse et douce, fit froncer les sourcils de Wooyeon. Son expression boudeuse — les sourcils levés avec une pointe d’agacement — tira un rire léger à Dohyun. Celui-ci pencha légèrement la tête, l’observant en biais avec un sourire aux lèvres.

    « Tu as combien de matières à passer pour les partiels, déjà ? »

    « … Cinq. »

    Il avait suffi d’un regard pour que sa mauvaise humeur s’envole. Les yeux de Dohyun, posés sur lui, le faisaient fondre comme neige au soleil. Wooyeon sentit son cœur battre plus fort, avec cette sensation familière mais toujours incontrôlable d’être totalement désarmé devant lui.

    Pourquoi est-ce que ça me fait autant d’effet, à chaque fois ?

    « J’ai bien vu que t’arrivais pas à te concentrer sur tes révisions… »

    Évidemment que je peux pas me concentrer. Comment aurait-il pu, quand la simple présence de Dohyun suffisait à lui faire perdre tout repère ? Même garder une contenance en face de lui devenait une épreuve.

    Dohyun, voyant l’expression soudain abattue de Wooyeon, adoucit naturellement sa voix. Ce n’était ni un reproche, ni une critique, mais plutôt une attention voilée.

    « Si tu réussis bien tes examens, je te donnerai une récompense. »


    ・.ʚ Voilà la fin de cette première partie du chapitre 5 ɞ .・

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