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Chapitre 19
by Ruyi ♡Même en se dirigeant vers la salle du club, Wooyeon n’arrivait pas à chasser les ombres du passé. Depuis qu’il avait quitté l’amphi, traversé le campus, jusqu’au moment où il s’était arrêté devant la porte… Kang Junseong, en uniforme scolaire, continuait de le harceler, dans un coin de sa mémoire.
« Tu sens rien, toi ? »
À l’époque du collège, cette classe d’une trentaine d’élèves avait été pour lui une véritable prison. Chaque éclat de rire moqueur résonnait comme une cloche de honte, et même s’il faisait semblant que tout allait bien, il n’avait que l’âge d’un enfant. Et un enfant, ça souffre, même en silence.
« Seon Wooyeon, il pue le porc. »
Ce jour-là encore, Junseong lui avait jeté des ordures dessus. Il avait pincé son nez en lui disant d’aller se laver, et les autres, autour, avaient ricané. Wooyeon ne dégageait même pas la moindre odeur de sueur. Mais pour être persécuté, il n’y avait jamais besoin de raison.
« Espèce de porc, t’es immonde. »
Rentré chez lui, Wooyeon s’était lavé jusqu’à avoir sa peau sois rouge. Trois fois les cheveux, cinq fois le corps, puis il avait appliqué une épaisse couche de sa lotion habituelle. Il aurait voulu ajouter du parfum, mais n’avait pas eu le courage d’entrer dans la chambre de sa mère.
« Est-ce que… Je sens mauvais ? »
Dohyun, le tuteur qui lui donnait des cours à l’époque, avait froncé les sourcils, surpris. Il avait penché la tête comme s’il n’avait pas compris, puis avait tiré sa propre chaise pour se rapprocher. Trop près. Et sans pouvoir s’en empêcher, Wooyeon s’était tendu.
« Hm… Tu sais, j’ai un très bon nez. Et toi, Yeon, tu sens juste… Comme un bébé. »
Il avait dit ça d’un ton toujours aussi doux. En montrant la lotion sur la table du doigt : « Comme ça. » Puis, avec un sourire délicat :
« Et moi, je sens quelque chose ? »
De l’odeur, il n’y en avait pas. Dohyun portait simplement ce parfum d’assouplissant, une senteur légère comme la lumière du soleil. Mûre. Apaisante. Rien à voir avec celle, brute et maladroite, d’un adolescent. Wooyeon avait secoué la tête, et Dohyun avait simplement dit, d’un ton calme et évident :
« Toi aussi. »
Wooyeon n’avait jamais oublié la sensation de sa main qui lui caressait les cheveux. Ni les mots rassurants, murmurés doucement en réarrangeant ses mèches en bataille.
« Alors, c’est bon. »
Quand Dohyun disait ça, tout allait vraiment mieux. Si lui le dit, alors ça doit être vrai. Cette foi aveugle avait soutenu le Wooyeon de seize ans, juste assez pour qu’il ne s’effondre pas.
« Les cours sont déjà finis ? »
Il n’y avait que Dohyun, seul dans la salle du club. Il était toujours plongé dans ses révisions, comme plus tôt, et ne leva même pas les yeux en répondant :
« Les autres sont partis chercher des boissons. Ils ne devraient pas tarder. »
Plutôt que d’entrer, Wooyeon baissa simplement les paupières. Comme il y a quatre ans, il voulait que Dohyun lui caresse les cheveux. Ce n’était plus son professeur, juste un aîné de l’université… Mais, aujourd’hui, il aurait aimé que ce soit à nouveau « le prof ».
« Sunbae… »
Les mots lui échappèrent, spontanés. Sunbae au lieu de Seonsaengnim*. Un appel étrange, hésitant, qui fit tourner la tête à Dohyun. D’une voix à peine audible, Wooyeon ajouta :
(N/T : « Seonsaengnim » désigne un professeur, mais c’est bien plus qu’un simple « monsieur le prof » : c’est un titre empreint de respect.)
« Tu pourrais… Me caresser les cheveux ? »
C’était sorti tout seul. Pas vraiment déplacé, mais bien trop inattendu.
Dans le silence un peu embarrassé, on entendit les pas de Garam et Seongyu approcher. Dohyun allait sans doute détourner l’instant avec une plaisanterie, mais…
« … »
Dohyun s’approcha soudainement et posa la main sur la tête de Wooyeon. Il entoura doucement sa nuque, ébouriffa ses cheveux, puis s’éloigna lentement. La sensation de ses longs doigts glissant entre les mèches n’avait pas changé depuis quatre ans.
« On dirait que les autres arrivent. »
Wooyeon leva les yeux vers Dohyun, sans dire un mot. Ils étaient si proches qu’il aurait suffi de tendre les bras pour s’y blottir, comme par accident. Il me semble qu’on s’est déjà retrouvés face à face, comme ça, un jour… Avant même de pouvoir s’attarder sur ce sentiment de déjà-vu, Dohyun le regarda.
« Tu as dû te fatiguer en cours. »
Boum. On aurait dit le bruit d’une chose lourde qui retombe, ou d’une porte longtemps fermée qui se met à trembler. Dohyun restait impassible, mais Wooyeon baissa la tête, le visage en feu. Boum, boum. Les battements irréguliers de son cœur résonnaient dans ses oreilles.
« Oh ? Qu’est-ce que tu fais là ? »
« J’ai cru entendre que vous arriviez. »
Son tuteur avait toujours été ainsi. Il ne posait jamais de questions inutiles, et offrait juste la dose de réconfort qu’il fallait. À première vue, il traçait une ligne de distance, mais au fond, c’était toujours par bienveillance. Sans même s’en douter, c’était précisément cela qui bouleversait tant Wooyeon.
« Wooyeon, qu’est-ce qui ne va pas ? T’es malade ? »
« Non… J’ai juste un peu froid. »
Il rabattit la capuche sur sa tête et serra les pans de sa veste. Ses oreilles chauffaient — il fallait à tout prix les cacher. Heureusement, la capuche ample dissimulait son visage.
« Par ce temps ? Pourtant j’ai acheté des boissons froides… »
Wooyeon secoua la tête et pressa le gobelet contre sa joue. Le contact froid apaisa lentement la chaleur qui lui montait au visage. Les pensées à propos de Junseong s’étaient depuis longtemps dissipées.
L’appartement de Wooyeon se trouvait non loin de l’école. Le complexe résidentiel arborait un paysage soigné, et la fontaine centrale était si vaste qu’on aurait pu la confondre avec une piscine. À peine sorti du taxi, Garam écarquilla les yeux, puis resta bouche bée devant le bâtiment surmonté d’un penthouse.
« Tu vis ici… Tout seul ? »
« Euh… Oui. »
Wooyeon valida l’entrée avec sa carte, tout en répondant vaguement. Il pensait que l’endroit était assez banal pour ne pas attirer l’attention, mais il se rendit compte qu’il s’était trompé. Peut-être que vivre seul dans un appartement comme celui-ci paraît bizarre… J’aurais dû dire que je vivais avec mes parents.
Même dans l’ascenseur, les exclamations ne cessaient pas. « C’est immense ! », « À cette hauteur, j’aurais le vertige ! » Seul Dohyun resta impassible… Jusqu’à ce que Wooyeon appuie sur le bouton du dernier étage.
« Alors comme ça, t’es vraiment riche… »
Seongyu murmura en fixant les chiffres qui défilaient. Lui qui, lors de l’assemblée de rentrée, avait interdit ce genre de remarques déplacées, semblait trop choqué pour s’en rappeler. Wooyeon détourna le regard, et il s’excusa, gêné :
« Désolé, c’est sorti tout seul. »
« Ce n’est… Pas complètement faux. »
Tant qu’ils ne médisaient pas dans son dos, Wooyeon n’en avait pas grand-chose à faire. Et même si c’était le cas, du moment qu’il ne l’entendait pas, cela lui était égal. Il ne connaissait pas Seongyu depuis longtemps, mais il savait que ce n’était pas le genre à dire du mal des autres dans leur dos pour si peu.
« Entrez à votre aise. Il n’y a personne. »
Dès l’entrée, Wooyeon leur tendit des chaussons pour invités. Ils n’avaient jamais servi — seuls lui et les employés mettaient les pieds ici d’ordinaire. Garam les enfila lentement, puis, en levant les yeux, il inspira brusquement.
« Hé… C’est le fleuve Han, là-bas ? ! »
Le fleuve s’étendait juste devant eux*. Ils n’étaient même pas encore dans le salon, et déjà, la vue depuis la terrasse embrassait tout un pan de Séoul. Wooyeon, habitué à ce spectacle, n’en ressentait plus rien, mais pour les autres, c’était un véritable choc.
(N/T : L’expression « voir le canal de Han depuis chez soi » est une métaphore typiquement coréenne pour parler d’une personne très aisée. Elle fait référence aux luxueux appartements donnant sur la rivière Han à Séoul, réservés à une élite fortunée. Autrement dit : si quelqu’un voit le Han de sa fenêtre, il roule sur l’or.)
« Cette vue… C’est dingue. »
Ignorant leurs réactions, il continua d’avancer lentement. Ils en faisaient tant qu’il ne savait même plus quoi dire. Il avait d’abord pensé les asseoir calmement sur le canapé… Mais même cela serait compliqué.
« On se croirait dans un appartement témoin*… »
(N/T : Un « appartement témoin » est un logement modèle, soigneusement aménagé et décoré, que les promoteurs immobiliers utilisent pour montrer à quoi ressembleront les appartements une fois terminés. Il sert à séduire les acheteurs en montrant un espace parfaitement agencé, presque trop parfait, et souvent impersonnel. Quand quelqu’un dit « On se croirait dans un appartement témoin », cela signifie que l’endroit est d’une propreté et d’une perfection presque irréelles.)
Le salon, vaste et dégagé, paraissait presque majestueux. Un canapé, une table basse, une télévision. Quelques meubles seulement, dans un espace si large qu’on n’osait même plus l’appeler « pièce ». Le plafond haut laissait place à un escalier en retrait, et tout un pan du mur était fait de baies vitrées.
« Et le ménage ? Tu fais tout tout seul ? » « Non, il y a quelqu’un qui s’en occupe. »
Wooyeon répondit avec un air à moitié résigné. À ce stade, autant les laisser croire que je suis juste un gosse de riche… Même si, bien sûr, leur définition du « riche » et la sienne n’étaient pas du tout comparables.
« Il y a un étage ? » Seongyu pointa l’escalier du doigt. Wooyeon n’y était pas monté une seule fois depuis qu’il avait emménagé, il y avait déjà deux mois.
« Oui, mais je ne m’en sers pas. Il n’y a rien là-haut. » « Et toutes ces chambres… Tu les utilises ? » « Non. Juste la chambre et le bureau. »
« Hé, Wooyeon ! Cet arbre, là sur la terrasse… C’est du vrai bois ? » Garam s’était brusquement incrusté dans la conversation. Wooyeon regarda l’arbre, puis répondit avec hésitation :
« Je crois, oui… » « Et la pelouse ? Elle est vraie aussi ? » « Aucune idée. Ce n’est pas moi qui m’en occupe. »
« Un endroit pareil, ça doit faire flipper quand tu vis seul, non ? » « Pas vraiment. »
Réponse détachée. Il posa son sac sur le canapé. L’espace, la solitude — il y était habitué depuis l’enfance. La maison familiale, une fois le personnel parti, n’était qu’un immense vide… Une prison à ciel ouvert.
« Ça doit coûter une fortune. On peut louer ça, tu crois ? » « À mon avis, la caution vaut plus que notre maison entière, noona. »
En entendant ces chuchotements, Wooyeon ne put retenir un sourire. Les voir si sérieux, à se demander combien coûtait le loyer, avait quelque chose d’attachant. Quand il porta le poing à sa bouche pour masquer son rire, Garam rougit de gêne.
« Hé, Kim Dohyun. Pourquoi t’as l’air de t’en foutre ? T’as déjà vu une maison pareille, ou quoi ? Hein ? »
Elle s’en prit à Dohyun, resté silencieux depuis qu’ils étaient entrés. Depuis son unique « Excusez-moi », il s’était contenté d’observer, l’air impassible, comme à son habitude.
« C’est mon premier penthouse… Mais j’ai déjà vu plus grand. » « Où ça ? »
Wooyeon répondit du tac au tac. J’ai l’impression de savoir de quel endroit il parle. Dohyun esquissa un sourire, mais au lieu de répondre, il changea de sujet :
« Arrêtez d’examiner chaque recoin. Posez vos sacs, on est là pour bosser, non ? »
Un silence penaud tomba aussitôt. Ils avaient visiblement oublié le but de leur visite, absorbés par la découverte du lieu. Wooyeon ravala sa déception, puis annonça qu’il allait chercher des boissons, avant de se diriger vers la cuisine.
« Il y en a… Un sacré choix. »
Le frigo débordait de produits. Rien qu’il ait acheté lui-même — les employés remplissaient régulièrement les réserves. De grandes bouteilles en verre étaient alignées, probablement des jus, mais sans étiquette, impossible de savoir quoi était quoi.
Il attrapa d’abord une bouteille orange. Orange = jus d’orange, pensa-t-il, simplement. Mais alors qu’il tendait la main vers une bouteille rouge, une voix familière lui parvint de derrière :
« C’est du jus de carotte, ça. »
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin de cette troisième partie du chapitre 4 ɞ .・
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