Chapitre 16
par Ruyi ♡Wooyeon hésita, la main suspendue alors qu’il s’apprêtait à retirer sa casquette. Même s’il ne s’attendait pas à être grondé, il était loin d’imaginer qu’il recevrait des compliments, d’autant plus avec une voix aussi douce que celle de Dohyun. Et ce dernier ne s’arrêta pas là et ajouta d’un ton posé :
« C’était une situation où tu pouvais parfaitement l’insulter. Il t’avait fait boire, et on ne sait pas ce qu’il aurait pu te faire après… Franchement, tu as été très indulgent. »
Ses sourcils soigneusement dessinés se froncèrent violemment. Même ses yeux, alourdis par la fatigue, débordaient d’agacement. D’un geste agacé, Dohyun repoussa ses cheveux en arrière, avant de fixer Wooyeon droit dans les yeux.
« Un type comme ça mérite amplement de se faire insulter. »
Waouh.
Wooyeon remua les lèvres, la main toujours plaquée devant sa bouche. Son tuteur était en train de critiquer quelqu’un. Et avec un visage franchement contrarié, en plus. Que ce soit lorsqu’il recevait encore des cours particuliers ou maintenant, c’était une scène qu’il avait rarement eu l’occasion de voir.
« Il est déjà connu pour avoir les mains baladeuses. Comme il n’avait pas prévenu de sa venue cette fois, je m’étais dit que j’étais tranquille… Mais il a quand même débarqué avec sa voiture. »
« … »
« Si jamais il essaie de te chercher des ennuis à cause d’hier, préviens tout de suite Moon Garam ou moi… »
En pleine phrase, Dohyun fronça légèrement les sourcils. Wooyeon le fixait avec des yeux brillants d’admiration, comme un chiot regardant son maître. Face à ce regard pétillant, Dohyun demanda d’une voix calme :
« Pourquoi tu me regardes comme ça ? »
« C’est la première fois que je t’entends dire du mal de quelqu’un. »
Dohyun eut soudain une expression difficile à décrire. Il se tut, détourna les yeux et passa distraitement la main dans ses cheveux en bataille. Puis, comme s’il se parlait à lui-même, il murmura à voix basse :
« Tu parles comme si tu me connaissais depuis longtemps. »
« … »
Oups. Pour dissimuler son embarras, Wooyeon détourna la tête. Voilà un mois que le hubae Sunwoo Wooyeon n’avait pas croisé Kim Dohyun, et pourtant, il s’était permis d’employer l’expression exagérée « c’est la première fois ». La cigarette offerte par Dohyun coincée entre les lèvres, il fit semblant de chercher un briquet dans sa poche. Heureusement, Dohyun ne se douta de rien et enchaîna simplement sur un autre sujet.
« Ta maison est loin de l’école ? »
« Non, elle est tout près. »
Même sans l’avoir allumée, la cigarette dégageait une odeur de phéromones. C’était léger, mais artificiel, au point d’en devenir désagréable. Comment peut-on fumer ce truc… Grimaçant légèrement, Wooyeon retira discrètement la cigarette de sa bouche.
« Jette-la. Ce truc est mauvais pour les Omégas. »
Wooyeon obéit sans rechigner et déposa la cigarette dans le cendrier. Pendant ce temps, Dohyun s’en alluma une autre avant de reprendre d’un ton tranquille :
« Si ta maison est proche de l’école, je t’y déposerai tout à l’heure en voiture. Ne t’embête pas à prendre le bus. »
Cette phrase éveillait, malgré lui, une certaine attente. Mais elle soulevait aussi, une fois de plus, la question de la raison derrière tant de gentillesse. Cependant, Dohyun ne lui laissa pas le temps de s’égarer dans des pensées illusoires : il souffla un nuage de fumée, mettant fin à toute attente.
« D’habitude, quand on part en MT ou à ce genre d’événements, c’est moi qui conduis pour les membres du club. J’avais l’intention de venir te chercher aussi, mais j’ai oublié de te le dire en cours. »
« Tu aurais pu m’appeler. »
Wooyeon laissa échapper, sans même s’en rendre compte, une lueur de déception. Rien qu’à repenser aux personnes qui s’étaient massées devant la voiture de Dohyun la veille, il sentit son estomac se nouer sans raison précise. S’il avait oublié pendant le cours du matin, il aurait pu le contacter plus tard. Qu’est-ce qui pouvait bien être si difficile pour quelqu’un vivant au XXIᵉ siècle ?
« Seongyu ne répondait pas au téléphone. »
Dohyun haussa les épaules avec une expression indifférente. Puis, une cigarette coincée entre ses doigts, il regarda Wooyeon.
« Et je ne connais pas ton numéro. »
« … Pourquoi ? »
C’était une excuse si absurde qu’il en resta sans voix. Wooyeon était pourtant certain d’avoir échangé son numéro avec Dohyun. Il l’avait reçu dès leur première rencontre, et son numéro figurait aussi sur le formulaire d’inscription au club. Comment pouvait-il prétendre qu’il ne pouvait pas le contacter sous prétexte qu’il ne connaissait pas son numéro ?
« Parce que je ne t’ai pas appelé ? » demanda-t-il, incrédule.
Dohyun répondit en plissant les yeux, un sourire moqueur au coin du regard. « Le numéro, il faut l’obtenir directement. »
Wooyeon resta un instant interdit face à cette voix douce, la bouche entrouverte, avant de sortir machinalement son téléphone de sa poche.
« Franchement, est-ce que ça a du sens ? »
Vraiment, c’était insensé.
Il aurait suffi de demander à Garam pour obtenir son numéro. S’il ne l’appelait jamais, comptait-il vraiment rester dans l’ignorance toute sa vie ?
[Kim Dohyun, sunbae.]
Les mots qui s’affichèrent sur l’écran lui semblèrent soudain étrangement étrangers. Plus précisément, c’était ce mot — « sunbae » — qui lui parut déplacé. Autrefois, il l’avait enregistré sous un autre nom. Mais à présent, avec le changement de numéro, le nom enregistré — et leur relation aussi — avaient changé.
« Tu as reçu l’appel ? » demanda-t-il.
Dohyun ne répondit pas. Il fronça légèrement les sourcils, les yeux fixés sur l’écran du téléphone. Son visage avait quelque chose d’inhabituel. Lorsque la tonalité retentit pour la cinquième fois, il laissa échapper un léger rire, dépourvu de joie.
« Ouais, c’est bon. »
À cet instant, Wooyeon sentit un étrange frisson lui parcourir l’échine. Sans même réfléchir, il raccrocha. Dohyun rangea son téléphone, écrasa sa cigarette presque consumée dans le cendrier, puis se leva du banc.
« Allez, rentrons. Il reste encore à ranger à l’intérieur. »
La sensation fugace s’évanouit aussitôt, comme balayée d’un simple battement de cils. Pensant qu’il s’était simplement fait des idées, Wooyeon suivit Dohyun en silence. Mais, soudain, un détail lui revint en mémoire.
Finalement, il ne savait toujours pas ce qui s’était passé entre eux, hier.
Comme Dohyun l’avait dit, Wooyeon rentra en voiture. Avant de monter, il s’était souvenu de ce qu’on lui avait raconté : « Kim Dohyun n’aime pas avoir quelqu’un sur le siège passager. »
Mais il n’avait pas pu le vérifier : à peine Dohyun avait-il jeté les clés à Garam et pris place à l’arrière qu’il s’était aussitôt endormi.
« Hyung n’a pas dû dormir de la nuit. »
Seongyu s’installa sur le siège passager, tandis que Wooyeon prit naturellement place à l’arrière. À la remarque discrète de Seongyu, Garam jeta un coup d’œil à Dohyun dans le rétroviseur.
« Bah… Ça se comprend. Il est resté assis dans le salon toute la nuit. »
« Il n’arrivait pas à dormir ? »
« Aucune idée. Je l’ai juste aperçu en allant aux toilettes. »
Wooyeon observa discrètement Dohyun. Bras croisés, tête appuyée contre la vitre, il semblait vraiment mal à l’aise. S’il pouvait s’allonger un peu, il serait sans doute mieux… Mais vu sa taille, peu importe la position, il devait être à l’étroit.
« À dormir comme ça, il va finir par se cogner la tête contre la vitre, » murmura-t-il.
À ces mots, Garam émit un petit rire étouffé. Elle sembla hésiter un instant, puis fronça les sourcils en claquant légèrement la langue.
« Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? Ce n’est pas comme s’il pouvait dormir en s’appuyant sur toi. »
Wooyeon n’aurait pas trouvé cela gênant… Mais il doutait que les autres partagent son avis. Seongyu, pris de pitié lui aussi, attrapa sa ceinture et se retourna vers eux.
« J’aurais dû laisser Hyung s’asseoir devant et incliner le siège. »
« De toute façon, il ne s’endort jamais sur le siège passager, » répondit Garam. « Il dit que ce n’est pas poli de dormir à côté du conducteur. C’est pour ça qu’il est monté directement à l’arrière. »
« Sérieux… Alors, je n’ai pas le droit de dormir non plus ? » bougonna Seongyu.
« Tu avais prévu de roupiller alors que ton sunbae conduit ? Tu n’as pas honte ? » rétorqua Garam en riant.
Wooyeon baissa les yeux alors qu’ils les écoutaient leurs chamailleries d’une oreille distraite. Même ses doigts, croisés soigneusement sur ses genoux, semblaient plus longs que les siens. Ses ongles étaient nets, ses jointures délicates ; de la tête aux pieds, Dohyun ne laissait rien au hasard.
« Wooyeon, il y a une couverture derrière. Mets-la sous sa tête, » lança Garam.
Comme elle lui avait indiqué, une couverture roulée se trouvait à l’arrière du véhicule.
Wooyeon la plia soigneusement pour en faire un coussin improvisé, puis s’approcha avec précaution de Dohyun. Il ne lui restait plus qu’à glisser la couverture entre sa tête et la vitre.
Pourtant, le simple fait de toucher quelqu’un plongé dans un sommeil si profond lui parut étrangement difficile.
« Pousse juste un peu sa tête et mets-la, » souffla Garam. « Ce sera toujours mieux que de le laisser se cogner. »
Très lentement, Wooyeon tendit la main. Sa gorge se serra, une soif étrange l’envahit. Son cœur accéléra, et il eut soudainement du mal à respirer.
Après mille hésitations, au moment où sa main effleura la tête de Dohyun —
« … »
« … »
Les paupières, jusqu’alors closes, s’ouvrirent lentement. Des yeux encore embués de sommeil croisèrent les siens, d’un regard vague et flottant. À peine une paume les séparait. Vu d’aussi près, son visage dégageait une chaleur troublante, donnant l’impression qu’il allait le submerger tout entier.
« … Ah. »
Wooyeon, qui retenait son souffle, les yeux écarquillés, s’éloigna doucement, augmentant la distance entre eux. Puis, aussi naturellement que possible, il glissa la couverture contre le côté de la tête de Dohyun.
« Je… Je voulais juste… Mettre la couverture, » balbutia-t-il, incapable de soutenir son regard plus longtemps.
Dohyun ne répondit pas. Ses paupières battirent paresseusement avant de se refermer, comme s’il acceptait silencieusement son geste.
Boum, boum — son cœur battait à tout rompre.
Le bruit lui parut si fort qu’il craignit un instant que tout le monde dans la voiture puisse l’entendre.
Une pensée absurde lui traversa même l’esprit : et si ce battement finissait par sortir de ma gorge ?
Dohyun qui avait reposé sa tête contre la vitre, ferma les yeux et esquissa un léger sourire.
« Merci. »
Sans même oser respirer, Wooyeon regagna sa place. Il posa la paume de sa main contre la vitre froide, puis y appuya son front ; une chaleur discrète, vestige du contact précédent, irradiait encore sous sa peau.
Il sentit cette même chaleur à l’arrière son oreille gauche, qu’il effleura machinalement.
« Merci, Yeon. »
À l’époque, quand il recevait encore des cours particuliers, Dohyun répétait sans cesse ces mots. Pourtant, Wooyeon n’avait jamais eu l’impression d’en avoir fait assez pour mériter une telle gratitude. Même pour des riens — lui offrir un goûter, lui prêter un porte-mine — Dohyun lui souriait, avec cette facilité naturelle qu’ont les rayons du soleil à percer les nuages.
« Si vous êtes fatigués, vous pouvez dormir, » lança Garam depuis le siège du conducteur. « Je conduis très bien toute seule. »
« Moi, j’ai bien dormi, alors ça va, » répondit Seongyu en riant. « Et toi, Wooyeon, tu n’as pas sommeil ? »
« … Non. Je n’ai pas sommeil. »
Wooyeon trouvait que Dohyun ressemblait à un ange. Son visage souriant, sa voix douce, jusqu’à sa manière aimable de parler, tout en lui semblait irréel.
Avec du recul, il savait que c’était une comparaison que seul un garçon de seize ans aurait pu faire.
« Est-ce que hyung est resté éveillé toute la nuit ? » demanda-t-il.
« Non. Après que Jinsang soit parti, il a dû somnoler un peu. Dix, vingt minutes tout au plus. » répondit Garam. « De toute façon, dormir comme ça, à moitié, ça épuise encore plus. »
Les yeux clos, Wooyeon s’efforçait d’effacer l’image de Dohyun de son esprit. À côté de lui, il y avait un aîné, mais dans sa tête, c’était son tuteur qui persistait.
C’était lui qu’il avait aimé, et non l’homme d’aujourd’hui. Pourtant, la frontière entre les deux devenait floue.
À ce rythme, il n’était pas différent de ce qu’il était quatre ans plus tôt.
« Wooyeon, tu as le mal de voiture ? Tu veux que j’ouvre un peu la fenêtre ? » demanda Garam.
« … Juste un peu, s’il te plaît. » murmura-t-il.
Ziing.
La vitre descendit légèrement. Wooyeon inspira discrètement l’air frais qui s’engouffrait. Ce n’est pas parce que je l’aime, se répéta-t-il. C’est juste parce que mes souvenirs de lui refont surface. À force de se convaincre, la chaleur qui lui brûlait le visage finit par s’estomper.
« Si ça devient trop, dis-le. On s’arrêtera à une aire de repos. »
Son cœur, lui, était depuis longtemps bien rangé. Tout ce qu’il en restait n’était qu’un écho lointain, les vestiges d’un passé enfoui. Ce qui remontait à la surface n’était qu’un frémissement éphémère, destiné à disparaître.
En pressant doucement ses lobes d’oreilles entre ses doigts, Wooyeon observa Dohyun. Heureusement, il ne sentait plus ses joues s’embraser comme tout à l’heure. Seules les lèvres de Dohyun, qui bougeaient parfois dans son sommeil, faisait encore frémir doucement son cœur, comme une caresse oubliée.
La longue excursion touchait enfin à sa fin.
Note de Ruyi
Voici donc la fin de ce troisième chapitre. Qu’en avez-vous pensé ?
°˖✧◝(⁰▿⁰) ◜✧˖°
Le prochain chapitre comptera au moins 7 parties. J’ai encore du travail qui m’attend, haha.
À très bientôt pour la suite !
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la dernière partie du chapitre 3 ɞ .・
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