Chapitre 17
par Ruyi ♡Le printemps était arrivé à une vitesse folle. Wooyeon avait l’impression que l’excursion — le fameux MT — venait tout juste d’avoir lieu, mais en reprenant ses esprits, le mois d’avril pointait déjà le bout de son nez.
Des bourgeons s’étaient formés sur les branches encore nues, et de jeunes pousses verdoyantes perçaient timidement ici et là. En regardant les paysages colorés défiler par la fenêtre, Wooyeon se surprit à regretter de ne pas avoir vu la neige cet hiver.
« On va s’arrêter là pour aujourd’hui. »
Le professeur, après avoir éteint le vidéoprojecteur, quitta l’amphithéâtre sans un regard en arrière. Wooyeon parcourut rapidement ses notes, puis retira ses lunettes. En massant doucement ses yeux secs, il entendit Seongyu gémir en s’affalant sur son bureau.
« Haa… Le programme pour les exams est complètement dingue. »
Les fleurs de cerisier annonçaient-elles vraiment l’arrivée des partiels ? À peine avait-il eu le temps de regretter la saison passée que les examens de mi-semestre se profilaient déjà. Si le contenu était difficile, la charge de travail pouvait au moins rester raisonnable… Et si la quantité était démesurée, alors que ce soit simple… Mais même les matières remplacées par des rapports exigeaient un travail colossal.
« Pourquoi tu portes des lunettes ? Tu vois mal ? »
« Non, elles sont sans correction. »
Depuis qu’il avait corrigé sa vue avec une opération au LASIK, Wooyeon portait parfois des lunettes sans verres correcteurs, comme des lunettes de repos, quand ses yeux devenaient trop secs.
Il se demandait parfois pourquoi il avait fait cette opération s’il devait quand même porter des lunettes, mais ces derniers temps, il n’avait pas vraiment le choix : passer des heures à lire asséchait ses yeux.
Et puis, comme elles n’étaient pas correctrices, il avait l’impression que cela fatiguait moins sa vue.
« Le temps est couvert, mais j’ai les yeux secs quand même. »
Dès le réveil, une étrange sécheresse l’avait irrité. Ses rêves étaient confus, le ciel morose, ses épaules tendues : tout semblait pesant aujourd’hui. Chaque fois que son corps se retrouvait dans cet état, quelque chose de désagréable finissait toujours par arriver.
Repoussant cette impression de mauvais présage, Wooyeon se mit à ranger ses affaires une à une.
« Hé, Wooyeon ! Garam a dit qu’elle nous invitait à manger du tteokbokki dans la salle du club. Elle veut qu’on passe. »
Jetant un œil à l’heure sur son téléphone, Wooyeon hocha la tête. Le mot « salle du club » évoqua aussitôt Dohyun, mais il n’était que midi — il devait encore être en cours. Avec un peu de chance, il serait coincé dans le bâtiment des sciences humaines jusqu’à treize heures au moins.
« Je vais bosser un peu avant 13 h, ça te va ? »
« Ouais, pas de souci. Elle nous a appelés parce que c’était trop pour elle toute seule. »
Depuis l’excursion, Wooyeon s’était mis — presque inconsciemment — à éviter Dohyun. Chaque fois qu’il le croisait dans la salle du club, qu’ils assistaient ensemble au cours du vendredi, ou même lorsqu’il l’apercevait de loin, son cœur s’emballait, et une chaleur étouffante lui montait au visage.
Il connaissait trop bien ces symptômes, semblables à ceux d’un mauvais rhume. C’était une émotion qu’il avait déjà ressentie quatre ans plus tôt. Et, cette fois encore, il n’avait trouvé d’autre remède que l’ignorance… Et la comédie.
« Noona, on est là ! »
« Oh, vous voilà ! »
Comme prévu, seule Garam occupait la salle du club. En voyant la fenêtre entrouverte, Wooyeon devina qu’elle avait pensé à lui à la dernière minute et avait aéré un peu. Il balaya distraitement la pièce du regard… Puis s’arrêta net en apercevant une silhouette assise sur le canapé.
« Oh… Tu es là aussi ? »
C’était son tuteur.
Un visage qu’il n’avait pas revu depuis leur déjeuner de vendredi lui lança un bref regard. Le cardigan beige aux gros boutons allait à merveille à l’allure soignée de Dohyun.
« Hyung ! Ton cours a fini plus tôt ? »
« Ouais, il y a une heure environ. »
Les nuages noirs dans l’esprit de Wooyeon commencèrent lentement à se dissiper. Comme le parfum du printemps s’infiltrant par la fenêtre, son humeur changea, elle aussi, de teinte. Ce basculement soudain, presque brutal, le laissa lui-même un peu déconcerté.
« … Bonjour. »
Wooyeon salua vaguement en entrant dans la pièce.
C’était justement pour éviter ce genre de situation qu’il avait tant tenté d’esquiver Dohyun. Mais le simple fait d’appartenir au même club suffisait à les ramener l’un vers l’autre.
Son cœur le démangeait au point qu’il aurait voulu gratter sa poitrine pour soulager cette brûlure.
« Tu étudies déjà pour les examens ? Wow. »
« Déjà ? Il est temps de s’y mettre. »
Seongyu s’exclama en s’approchant du canapé. En l’entendant dire que seul Seon Wooyeon pouvait être aussi studieux, Dohyun se contenta d’un mince sourire.
« Il est appliqué, même pour les cours qu’il prévoit d’abandonner. »
Le ton, à la fois moqueur et tendre, fit sursauter légèrement Wooyeon, sans raison apparente. Il alla s’asseoir à côté de Seongyu. À peine installé, il croisa le regard brillant de Dohyun.
« Ça faisait longtemps. »
Gêné, Wooyeon effleura le bord de son oreille, tout en jetant un coup d’œil nerveux aux notes posées sur la table.
« On s’est vus vendredi pourtant… » répliqua-t-il d’un ton incertain, ce qui fit sourire Dohyun en silence.
Wooyeon observa un instant l’écriture droite et nette du professeur, avant de s’appuyer maladroitement contre le dossier du canapé.
« Hé, ce n’est pas pour rien que Kim Dohyun est premier de promo. Ce taré finit ses devoirs le jour même où ils sont donnés, et les rend dès le lendemain. »
« Et sérieux, Noona, quand un prof lui demande de lire quelque chose, il lit vraiment tout. Il révise même pendant les pauses… Même un candidat au concours d’entrée ne ferait pas ça. »
Le ton n’avait rien de réprobateur : c’était un mélange d’admiration et d’incrédulité.
Alors qu’ils cliquetaient de la langue en soupirant sur leur sort, Wooyeon répondit d’un ton posé :
« Si je ne fais pas ça, je ne pourrai pas suivre. Je ne suis pas très intelligent. »
Le regard de Dohyun se posa doucement sur l’oreille de Wooyeon.
À force de la tripoter nerveusement, son lobe était devenu rouge vif. Wooyeon tenta de masquer son embarras, mais les yeux attentifs de Dohyun ne le quittaient pas. Ses traits se crispèrent légèrement sous la gêne.
« Enfin… » Dohyun laissa échapper un sourire doux. « C’est bien d’être travailleur. »
« Si vous ne trouvez pas de place à la bibliothèque, venez étudier ici, au local du club. Pendant la période des examens, personne ne parle. »
« Vraiment ? C’est un soulagement. Il n’arrêtait pas de dire qu’il n’y avait plus de place à la bibliothèque. »
« … Ce n’est pas comme s’il n’y avait plus aucun siège de libre. »
Seongyu s’en réjouit, mais ce fut Wooyeon qui répondit timidement.
Il était vrai que la bibliothèque était bondée, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’il voulait venir ici.
Si je continue à croiser Dohyun, un vrai désastre va finir par arriver…
« Hé, la dernière fois, t’es parti de la bibliothèque parce que le mec à côté de toi te draguait, non ? Le local est beaucoup plus tranquille. »
« Quoi ? ! Quel enfoiré a osé draguer notre Wooyeon ! »
Garam, jusque-là allongée sur le lit pliant, se redressa d’un bond. Pris de court, Wooyeon toussota maladroitement. Dohyun aussi le fixait.
« Il ne me draguait pas vraiment… »
Wooyeon chercha une excuse, mais finit par se taire, incapable d’en trouver une crédible.
Quelques jours plus tôt, après une bataille acharnée, Wooyeon avait réussi à obtenir une place à la bibliothèque.
Et il en était ressorti moins d’une heure plus tard.
Tout ça à cause de la boisson qu’on avait déposée sur son bureau pendant qu’il était allé aux toilettes.
« Le gars avait même laissé un mot imprégné de phéromones. C’est clairement de la drague. »
C’était un objet saturé d’intenses phéromones d’alpha.
Je croyais que ce genre de trucs n’existait que dans les films ou les dramas…
En réalité, c’était franchement désagréable.
Évidemment, Wooyeon était parti sans toucher à la boisson.
« Pff, y a toujours des types comme ça. Incapables d’étudier correctement. »
Dohyun déposa son stylo avec un léger sourire.
Ce n’est qu’à ce moment-là que Wooyeon laissa échapper un soupir de soulagement, glissant ses mains dans les poches de son hoodie.
La chaleur qui en émanait calma un peu les battements affolés de son cœur.
Garam secoua la tête d’un air entendu, puis poussa Dohyun pour s’installer à sa place. Elle s’empara de ses notes et de son stylo comme s’ils lui appartenaient, un large sourire aux lèvres.
« Hé, puisqu’on en parle, lançons un groupe d’étude. »
Impossible de comprendre comment une telle idée lui était venue. Les trois autres échangèrent des regards ahuris, mais Garam, imperturbable, griffonnait déjà quelque chose sur une feuille.
« L’objectif… Avoir de bonnes notes. »
Les lettres, tracées en grosses lignes maladroites, étaient toutes de travers.
Dohyun, qui n’avait aucun souci de résultats, laissa échapper une exclamation interloquée :
« Et ça, c’est censé être pour qui, au juste ? »
Wooyeon partageait son étonnement.
« Ce serait juste pour la période des examens. On s’encouragerait mutuellement, et on pourrait aussi partager les anciens sujets. »
À la surprise générale, Garam avançait un argument plutôt convaincant.
Cela ne changeait pas grand-chose pour Dohyun, mais Seongyu, lui, avait les yeux brillants d’espoir. On aurait dit que tous les cours les plus complexes venaient de défiler dans son esprit.
« Kim Dohyun, ce serait bien que tu nous aides en étudiant en même temps ! Et puis… Tu vas laisser notre Wooyeon se faire humilier tout seul à la bibliothèque ? »
« Non mais… Je n’en ressens pas vraiment le besoin… »
« Wooyeon, c’est une question d’honneur pour ta noona. »
« Pourquoi est-ce que votre fierté est en jeu, au juste ? »
Wooyeon laissa échapper un rire nerveux en se grattant l’arrière de la tête.
Non, vraiment, je me fais juste embarquer dans leur délire…
C’est alors que Dohyun esquissa un sourire et sortit un autre stylo.
« Si on le fait, autant s’engager sérieusement. Il nous faut une période assez longue et un objectif clair. Genre viser au moins 4.0. »
Wooyeon resta bouche bée devant sa réponse immédiate. Ce n’est même plus un groupe d’étude, c’est du mentorat pur et simple…
Et pourtant, Dohyun écrivait déjà calmement l’objectif sur une feuille.
« Hé, 4.0, c’est pas le nom d’un chien non plus, hein. »
« Si on se contente de se retrouver sans but précis, on finira juste par papoter. Il nous faut un thème et un cadre. »
« Si on se retrouve n’importe comment, ce sera un vrai désastre. Il nous faut un sujet précis à étudier. »
Le jour, l’heure et la matière furent fixés. Il ne restait plus que le lieu à décider lorsque, soudainement, Wooyeon reprit ses esprits.
« Je ne le ferai pas. »
Les trois regards se tournèrent vers lui. Wooyeon fronça les sourcils et secoua la tête. Un groupe d’étude ? Cela signifierait voir Dohyun chaque semaine. Jamais de la vie.
« C’est plus simple de travailler seul. »
Dohyun leva les yeux. Dans ses pupilles noires se reflétait son visage délicat et soigné. Avant même que Seongyu n’essaie de le convaincre, une voix ferme jaillit de la bouche de Dohyun.
« Tu dois le faire. »
Wooyeon avait depuis quelque temps remarqué que Dohyun n’était pas dans son assiette. Il paraissait comme d’habitude, et pourtant, il y avait quelque chose de plus froid en lui. À en juger par l’atmosphère du club, il semblait être le seul à s’en être rendu compte.
« Tu crois pouvoir étudier la phonologie anglaise tout seul ? »
« … »
Wooyeon détourna les yeux sans répondre. La phonologie anglaise était le seul cours qu’il suivait avec Dohyun. Ce dernier lui avait promis de l’aider, et Wooyeon avait continué à assister aux cours en se reposant entièrement sur cette promesse. Bien sûr, ces derniers temps, il trouvait mille excuses pour éviter leurs rendez-vous.
« Tu as un test chaque semaine. Il me semble que tu t’es planté la semaine dernière, non ? Il faut que tu te rattrapes. »
Wooyeon n’avait rien à répliquer. Comme il le disait, le test de la semaine précédente avait été un désastre. Un plosive ? Un fricatif ?* Les questions étaient si complexes que même Daniel, qui avait pourtant grandi aux États-Unis, n’avait pas su y répondre.
(N/T : « Plosive » ou « occlusive » – Son formé en bloquant puis relâchant brusquement l’air, créant un petit « pop ». Exemples : p dans « papa », t dans « table », k dans « carotte ».)
(N/T : « Fricatif » – Son produit par un frottement continu de l’air sans l’arrêter totalement. Exemples : f dans « fête », s dans « serpent », v dans « vélo ».)
« … Quand même… »
Wooyeon leva les yeux au ciel, incapable de trouver une réponse immédiate. C’est alors que le visage de Dohyun s’illumina d’un sourire éclatant. Il souriait avec tant de douceur qu’on aurait cru qu’il allait fondre. Sa voix, aussi tendre que du miel, caressa l’air.
« Wooyeon. »
Leurs regards se croisèrent, et, sans même s’en rendre compte, Wooyeon se redressa. Malgré le sourire angélique de Dohyun, il avait l’impression que la température autour d’eux avait chuté de cinq degrés. Que Dohyun en ait conscience ou non, sa voix conservait une douceur inégalée.
« Est-ce que je te mets mal à l’aise ? »
« D’accord, je le ferai. »
Wooyeon secoua vivement la tête. C’était un réflexe incontrôlé, comme si quelqu’un avait saisi sa tête pour la secouer à sa place. Dohyun plissa les yeux avec satisfaction, comme s’il avait toujours su qu’il finirait par céder.
Ce chapitre vous est présenté par la Dragonfly Serenade : Traductrice • Ruyi ⋄ Correctrice • Ruyi
・.ʚ Voilà la fin de cette première partie du chapitre 4 ɞ .・
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