Chapitre 02
par RuyiCe chapitre vous est présenté par la Dragonfly S. :
• Traductrice : Ruyi
• Correctrice : Ruyi
Bien qu’on soit en février, l’air conservait encore toute la froideur de l’hiver. Malgré la grosse veste qu’il portait par-dessus un pull montant jusqu’au cou, Wooyeon ne pouvait échapper au vent mordant. Il n’avait certainement pas aussi froid aux États-Unis, se dit-il en tournant son téléphone dans la direction opposée.
— Comment as-tu pu partir en me laissant derrière !
Ses mains, sans gants, étaient douloureusement froides. Sans la pochette chauffante qu’on lui avait donnée devant la porte principale, il n’aurait pas tenu le téléphone aussi longtemps. Frissonnant, une main dans sa poche, Wooyeon jeta un coup d’œil au panneau.
— Désolé, je ne t’ai pas entendu. Qu’as-tu dit ?
— Wooyeon !
Bâtiment d’ingénierie 1, Bâtiment d’ingénierie 2, Bâtiment d’ingénierie 3. Bien que d’autres bâtiments, comme la bibliothèque et le gymnase, soient indiqués, le bâtiment A, où il devait se rendre, n’était nulle part en vue. Il chercha quelqu’un à qui demander son chemin, mais tout ce qu’il trouva, ce furent des étudiants errants comme lui.
— Comment as-tu pu partir en Corée sans rien me dire ? Qu’est-ce que je représente pour toi, hein ?
— Danny… Nous ne sommes que des amis. Et je ne suis pas venu ici en cachette.
Devrais-je simplement marcher ? Se dit Wooyeon, comme toute personne ayant un mauvais sens de l’orientation, alors qu’il entrait sur le campus. Des parterres de fleurs bien entretenus et des arbres soigneusement plantés témoignaient du début du printemps. S’il n’était pas parti étudier à l’étranger, il aurait peut-être dû entretenir au moins une de ces pelouses pour son admission.
— Je suis vraiment contrarié, Wooyeon.
Après une courte pause, une voix nettement plus calme se fit entendre. Comme il avait baissé le volume de l’appel plus tôt, il n’entendait plus très bien. Wooyeon se hâta de répondre en anglais, tout en appuyant sur le bouton pour augmenter le volume.
— J’ai toujours dit que, lorsque j’aurai vingt ans, j’irais en Corée. Cela fait presque un mois que je suis ici. Que peut-on y faire maintenant ? Si tu voulais en parler, tu aurais dû le faire avant que je n’aille à l’aéroport.
— Tu n’as que dix-huit ans !
— En âge coréen*, j’ai vingt ans.
(N/T : En Corée, l’âge traditionnel est calculé différemment. À la naissance, une personne a déjà 1 an, et son âge augmente chaque Nouvel An. Ainsi, la majorité est atteinte à 20 ans en âge coréen, soit 18 ou 19 ans en âge international. )
Alors qu’il parlait, il sentait les regards des étudiants autour de lui. Même dans une université où se côtoient des gens de tous horizons, parler une langue étrangère attirait l’attention. Wooyeon secoua ses cheveux teints en une couleur vive et accéléra le pas.
— S’il te plaît, ça me gêne de parler en anglais. Et il fait si froid ici que j’ai l’impression que mes mains vont geler. Ça te dit qu’on s’appelle plus tard, quand il fera moins froid ?
— Qu’est-ce qui est gênant ? Ta prononciation est parfaite.
— Il ne s’agit pas de cela…
S’arrêtant, Wooyeon baissa la voix. Il n’oublia pas de passer son téléphone dans son autre main tout en choisissant ses mots. La pochette chauffante qu’il tenait était excessivement chaude.
— J’ai l’impression qu’on me prend pour un étudiant étranger.
Wooyeon s’était envolé pour les États-Unis à l’automne de ses seize ans. Au départ, il prévoyait d’intégrer un lycée de langues étrangères, mais pour diverses raisons, il avait décidé d’étudier à l’étranger. Le calendrier et les circonstances étaient flous, mais comme toujours, tout s’est résolu grâce à l’argent.
— Mais tu es bien un étudiant étranger, non ?
Daniel avait été le premier Américain avec lequel il s’était lié. Au début, il l’appelait « Woo Yoon » d’un air hésitant, mais après un mois d’efforts et d’entraînement, il avait fini par prononcer « Wooyeon » à la perfection. Daniel avait aidé Wooyeon, qui peinait à s’adapter à la nourriture étrangère, et c’est lui qui lui avait procuré des inhibiteurs lors de sa première manifestation d’Omega.
C’est peut-être pour cette raison que Daniel s’occupait de Wooyeon d’une manière étrangement protectrice. Wooyeon lui en était reconnaissant quand il le soutenait face à la discrimination raciale qu’il subissait en tant qu’Asiatique, mais le fait qu’il agisse comme un gardien, même après son retour en Corée, devenait agaçant. Surtout dans des moments comme celui-ci, où il avait des affaires urgentes à régler.
— Tu t’es déjà mis à rechercher cette personne ?
— Cette personne ?
— Le tuteur dont tu me parles tout le temps.
À cette question soudaine, Wooyeon s’arrêta net. Son tuteur. Ce seul mot fit serrer son cœur. En réalité, ce sentiment durait depuis un moment. Depuis le moment où il avait aperçu les portes de l’université, ou peut-être depuis qu’il avait vu la grande banderole le félicitant pour son admission. Non, pour être précis, depuis qu’il avait remis les pieds en Corée après quatre ans d’absence.
« Yeon-ah. »
Le visage qui lui vint involontairement à l’esprit n’était pas aussi affectueux que dans ses souvenirs. C’était le visage d’une personne visiblement embarrassée, aux sourcils légèrement froncés et aux lèvres serrées. La phrase qui suivit dans sa mémoire n’était pas un doux souvenir, bien au contraire.
« Je vais rejoindre l’armée. »
Un premier amour inachevé, quelque chose comme ça. Son lien avec le tuteur s’était rompu à ce moment-là, lorsqu’il était parti faire son service militaire. Le tuteur avait changé de numéro, et Wooyeon s’était enfui aux États-Unis.
— Je me suis fait larguer…
Un petit soupir s’échappa de sa bouche. Ce n’était qu’un murmure pour lui-même, pas des mots destinés à Daniel. Avec son niveau limité en coréen, Daniel ne pouvait pas comprendre ce qu’il venait de dire.
— Qu’as-tu dit ?
— Rien, laisse tomber.
Quatre années s’étaient écoulées depuis. Wooyeon avait désormais vingt ans, s’était révélé être un Omega et avait perdu plus de 30 kg. De grande taille, avec une apparence transformée, il lui arrivait de devoir patienter jusqu’à vingt minutes lors des contrôles de passeports, en raison de ses traits physiques modifiés. En plus de cela, il avait subi une opération des yeux au LASIK* et avait abandonné ses lunettes, c’était sûr que son ancien professeur ne le reconnaîtrait jamais.
(N/T : Le LASIK est une chirurgie corrective de la vision qui améliore la vue en modifiant la forme de la cornée, permettant ainsi de corriger des problèmes de myopie, hypermétropie ou astigmatisme. C’est une procédure populaire en Corée et dans de nombreux autres pays, souvent choisie pour ses résultats rapides et son faible temps de récupération. )
— De toute façon, raccrochons, je suis un peu occupé.
— Ah, d’accord.
Wooyeon s’approcha du panneau, essayant de maîtriser ses émotions complexes. Heureusement, cette fois-ci, il trouva un plan de l’université. Le bâtiment qu’il cherchait n’était pas loin d’ici.
— Qu’est-ce que tu as à faire là-bas ? T’es pas parti en Corée pour t’amuser ?
— De quoi est-ce que tu parles ? D’où te vient cette idée ?
Bâtiment A… C’est ici.
J’ai l’intention d’aller à l’université, Danny.
Après un léger silence, un cri étouffé retentit à travers le téléphone. Wooyeon éloigna l’appareil pour mettre de la distance et mit fin à l’appel. Presque aussitôt, un appel international lui parvint, mais il n’hésita pas à le refuser.
Il poussa un soupir.
Son souffle embrumé se dispersa, léger et troublé. « Orientation pour les nouveaux étudiants en langue et littérature anglaises. » Les lettres en gras sur le mur indiquaient à Wooyeon l’endroit où il devait se rendre.
La séance d’orientation était bien plus ennuyeuse que ce à quoi Wooyeon s’attendait. Dans une atmosphère quelque peu gênante, les discours de bienvenue se succédèrent, suivis par une présentation des professeurs et de l’orientation universitaire, le tout de manière prévisible et monotone. En réalité, l’orientation semblait davantage centrée sur la célébration de l’admission et sur la vantardise de l’école.
L’après-midi, les étudiants furent divisés en petits groupes et dirigés vers la salle des ordinateurs. Wooyeon se demanda brièvement s’il ne ferait pas mieux de rentrer chez lui à ce moment-là. La seule raison pour laquelle il resta était qu’il n’avait aucun ami à qui demander des informations concernant l’inscription aux cours.
« Euh… Je ne suis pas sûr ? »
C’est alors qu’un assistant bien habillé s’approcha de lui, le sortant de sa contemplation de l’écran. Avec ses cheveux noirs et sa peau pâle, l’assistant dégageait une impression de distance difficile à expliquer. Wooyeon se crispa légèrement en percevant les phéromones Alpha qui émanaient de lui, mais se détendit en réalisant qu’elles étaient « enfouies », et étaient presque imperceptibles.
« Il te suffit de sélectionner ceci, puis cela. »
Les doigts fins de l’assistant pointaient l’écran, l’aidant à naviguer parmi les options. En remarquant une bague à l’annulaire gauche de l’assistant, Wooyeon supposa que les phéromones qu’il avait perçues étaient en réalité une trace laissée par son compagnon. Étonnamment, l’assistant, qui baissait la tête, dégageait également une faible dose de phéromone Omega.
« As-tu d’autres questions ?
Après ses explications, l’assistant tourna lentement la tête. Ses yeux, aussi noirs que ses cheveux, semblaient étrangement perçants. Wooyeon, distraitement, tenait la souris en regardant vers le bas.
« Que dois-je faire pour suivre les cours d’arts libéraux… »
« Oh, les arts libéraux. »
S’attendant à une réponse neutre, Wooyeon fut surpris par les conseils précis de l’assistant.
« Bien que les cours d’arts libéraux offrent de bonnes notes, si tu n’es pas à l’aise avec les maths, tu devrais peut-être éviter certaines matières. Et en anglais, la compétition est rude, donc ce serait plus sage de choisir autre chose. »
Puis, l’assistant, baissant légèrement la voix, ajouta :
« Tu parles bien anglais ? »
« Hein ? Oh, juste un peu. »
Ce n’était pas qu’un peu, mais Wooyeon répondit ainsi par modestie. L’assistant hocha vaguement la tête et lui désigna un cours.
« Eh bien, le professeur est un Omega dominant, il sera donc compréhensif. »
Une brève odeur familière flotta dans l’air. Wooyeon resta immobile, mais l’assistant continua nonchalamment :
« Peut-être lors d’un cycle de chaleur ou quelque chose comme ça. »
L’assistant, dans sa voix discrète, semblait éprouver une certaine camaraderie envers Wooyeon, un Omega comme lui. Sans poser davantage de questions, Wooyeon ajouta le cours suggéré à ses options.
À la fin de l’orientation, Wooyeon quitta précipitamment le bâtiment, comme s’il cherchait à fuir. Une séance de beuverie était prévue, mais il n’y participa pas, d’autant que l’aîné qui l’avait invité était un Alpha. Non, même si cela avait été un Omega ou un Bêta, il ne serait probablement pas allé.
Il soupira profondément.
Un sentiment d’étouffement l’envahit. Même en traversant le campus, une réalité oppressante déferlait sur Wooyeon comme une marée implacable. Il avait renoncé à une université d’État américaine, convainquant sa mère de le laisser revenir en Corée. Aujourd’hui, avec le recul, il se demandait si c’était une décision insensée.
Ce n’était pas que l’université coréenne était mauvaise. Elle jouissait d’un prestige certain, offrait des installations de premier ordre et avait même des assistants bienveillants dans chaque département. Les avantages étaient nombreux, mais Wooyeon n’avait pas anticipé ce qu’il ressentirait.
Yeon-ah.
Si seulement il avait eu quatre ans de plus… Peut-être que la différence d’âge n’aurait pas été un obstacle pour fréquenter la même université. En tant que Bêta, son professeur avait dû servir dans l’armée ; s’il revenait juste après, il serait maintenant en troisième année. Il aurait pu y avoir une chance de le croiser par hasard.
Tout cela avait poussé Wooyeon à se retrouver ici. Même s’il savait qu’il ne servait à rien d’espérer, il s’était inscrit et avait attendu les résultats d’admission avec impatience. À présent, face à la cérémonie d’accueil, entouré de tant d’étudiants, une vérité qu’il avait ignorée lui apparut enfin.
Et si nous nous rencontrions ?
Par accident. Oui, supposons qu’ils se croisent par hasard. Rencontrer ce professeur qu’il avait tant voulu revoir, échanger quelques mots, relâcher cette tension accumulée au fil des années. Si cela arrivait, qu’est-ce que cela changerait, en fin de compte ?
Il ne pensait pas que le professeur serait heureux de le voir. La dernière image dont Wooyeon se souvenait était le visage gêné que le professeur ne montrait même pas lorsqu’il manquait de faire ses devoirs. Au lieu d’être ravi, le professeur pourrait trouver repoussant Wooyeon, qui l’avait poursuivi jusqu’à l’université.
Il doutait que le professeur soit heureux de le revoir. Le dernier souvenir que Wooyeon avait de lui était celui d’un visage fermé, une gêne que le professeur n’avait jamais montrée, même quand il manquait de rendre ses devoirs. Plutôt que d’être ravi, il risquait de trouver l’idée de cet ancien élève qui le suivait jusqu’à l’université tout bonnement agaçante.
Non, il ne me reconnaîtrait probablement même pas.
Wooyeon laissa échapper un rire amer et baissa la tête. Heureusement, le département ne comptait pas beaucoup d’Alphas. En y réfléchissant, il aurait dû demander à l’assistant s’il pouvait choisir un professeur Alpha pour ses cours. À cette pensée, il perçut soudain une vague de phéromones Alpha, comme un parfum fugace.
« Ah. »
C’était un Alpha dominant. Wooyeon le savait, car il était lui-même dominant. L’odeur qui flottait dans l’air n’était pas désagréable, mais une fraîcheur frappante qui le fit malgré lui froncer les sourcils.
La première chose qu’il remarqua fut l’ourlet d’un long manteau. L’homme portait un col roulé fin sous son manteau, et son allure droite et soignée lui donnait une prestance naturelle. Alors que Wooyeon tentait de se rappeler où il avait déjà vu ce dos, l’homme sentit son regard et tourna la tête.
« … »
Leurs yeux se rencontrèrent. Le temps sembla se suspendre, et le cœur de Wooyeon manqua un battement. Une vague d’émotion le submergea, et il inspira profondément comme pour contenir un cri.
« Kim Dohyun ! Pourquoi tu arrives que maintenant ? »
C’était lui. Son tuteur !
・.ʚ Voilà la fin de cette première partie du chapitre 2 ɞ .・
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