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    Poème de Jia Dao

    Jia Dao (賈島, 779–843) est un poète chinois de la fin de la dynastie Tang*, reconnu pour son art ciselé et sa quête du mot parfait. Moine bouddhiste dans sa jeunesse, il abandonne la vie monastique pour tenter une carrière dans la fonction impériale, sans jamais renoncer à une vie intérieure tournée vers la méditation et l’ermitage. Ses poèmes, souvent courts et empreints d’une grande sobriété, évoquent la solitude, la nature, et une tension constante entre l’idéal retiré et les réalités du monde. Son style, rigoureux et ascétique, lui valut autant de critiques que d’admirateurs.

    Son poème « Visite à l’ermite absent » (《尋隱者不遇》) illustre cette atmosphère de quête spirituelle et de mystère, à travers une scène apparemment simple : celle d’une visite à un sage retiré, qui demeure introuvable.

    Le poème

    xún yǐn zhě bú yù (尋隱者不遇) — Une visite à l’ermite absent

    松下問童子,言師採藥去。
    sōng xià wèn tóng zǐ, yán shī cǎi yào qù
    Sous un pin, j’interroge un enfant.
    Il me dit que son maître est parti cueillir des herbes médicinales.
    只在此山中,雲深不知處。
    zhǐ zài cǐ shān zhōng, yún shēn bù zhī chù
    Il est là, quelque part, dans la montagne,
    Mais les nuages sont si épais… On ne sait où le trouver,

    Jia Dao (賈島, 779–843)


    Ce poème de Jia Dao met en scène une rencontre manquée : celle d’un visiteur venu voir un ermite retiré dans la montagne, mais qui ne trouve que le silence, la brume, et la voix d’un enfant. En quelques vers, l’auteur parvient à créer une atmosphère de mystère et de recueillement, où chaque mot évoque le calme, l’attente, et l’invisible. La montagne, voilée de nuages, devient un espace symbolique : celui de la quête spirituelle, où le but semble toujours à portée, mais jamais tout à fait atteint.

    Le dialogue avec l’enfant, presque anodin, révèle en creux un thème central de la poésie chinoise : le retrait du monde. L’ermite, figure idéale du sage, se dérobe à la vue comme pour rappeler que la sagesse véritable n’est pas offerte à qui la cherche trop directement. Ici, l’absence devient éloquence. La nature ne répond pas, mais elle parle — par ses nuées profondes, ses pins, son silence.

    Ce poème, d’une simplicité trompeuse, condense tout un art de l’ellipse et du non-dit. Il incarne cette esthétique de l’attente et de la suggestion si chère à la tradition lettrée : le poète ne dit pas ce qu’il voit, mais ce qu’il ne voit pas — et dans cet interstice, une vérité plus vaste semble pouvoir éclore.

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