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    Destinée de la rosée

    Il était une fois, dans la Chine ancienne, un temple bouddhiste nommé Yuān Yīn Sì. Une araignée y avait tissé sa toile au-dessus des encens sacrés. Au fil des siècles, la fumée des encens monta vers la toile, et l’araignée, baignée dans cette atmosphère spirituelle, finit par acquérir une conscience et devint un esprit.

    L’araignée passa mille ans à méditer sur les enseignements du Bouddha. Un jour, celui-ci lui apparut et lui demanda :

    «  À ton avis, quelle est la chose la plus précieuse au monde  ? »

    L’araignée répondit :

    «  Ce qui est le plus précieux… C’est ce qui est inatteignable. Et déjà perdu. »

    Le Bouddha, sans dire un mot, l’encouragea à poursuivre sa méditation.

    Mille années s’écoulèrent encore. Le Bouddha revint lui poser la même question. La réponse ne changea pas.

    Et encore mille années passèrent.

    Un matin, une brise légère traversa le temple et déposa quelques gouttes de rosée sur la toile de l’araignée. Émerveillée par leur éclat fragile, elle sentit un pincement au cœur quand le vent les emporta. Pour la première fois, elle comprit ce qu’était la perte.

    Lorsque le Bouddha lui posa de nouveau la question, elle répondit, le cœur encore alourdi par la disparition de la rosée  :

    «  La chose la plus précieuse… C’est ce qui est inatteignable. Et déjà perdu. »

    Alors le Bouddha déclara :

    «  Puisque tu persistes à le croire, je t’accorderai une existence parmi les hommes.  »

    L’araignée se réincarna en une jeune fille nommée Zhū’ér (蛛儿, «  l’Enfant-Araignée  »), née dans une famille noble. En grandissant, elle devint une belle jeune femme. Un jour, elle fut conviée à un grand banquet au palais impérial. Ce soir-là, un homme attira tous les regards : Gān Lù, le champion des lettrés. (Son nom, 甘露, signifie «  rosée sucrée  », un jeu de mots avec 露 , la rosée.)

    Zhū’ér fut immédiatement séduite. Elle pensa que leur rencontre était prédestinée par le Bouddha lui-même.

    Mais lorsqu’elle osa lui parler, elle découvrit que Gān Lù l’appréciait… Sans pour autant l’aimer. Déçue, elle se demanda si le destin n’était pas qu’une illusion.

    Peu après, l’empereur annonça deux mariages : Gān Lù épouserait la princesse Cháng Fēng (长风 – «  Long Vent  »), et Zhū’ér serait promise au prince héritier Zhī Cǎo (之草 – «  brin d’herbe  »).

    Zhū’ér fut anéantie. Elle refusa de s’alimenter et resta alitée plusieurs jours, entre la vie et la mort.

    Un jour, le prince héritier Zhī Cǎo entra dans sa chambre et se jeta à genoux devant son lit.

    «  Quand je t’ai aperçue ce soir-là au banquet, mon cœur s’est épris de toi sans retour. J’ai imploré mon père pour que nous soyons promis. Si tu meurs… Alors, je n’ai plus de raison de vivre.  »

    Et il leva son épée contre sa propre gorge.

    Zhū’ér, perdue dans sa douleur, prête à renoncer à son existence humaine, entendit soudain la voix du Bouddha résonner à nouveau en elle.

    «  Araignée… T’es-tu déjà demandé ce qui avait apporté la rosée  ? C’est le vent. Et qu’est-ce qui l’a emportée  ? Encore le vent.

    Gān Lù n’était qu’un passage éphémère dans ta vie. Mais Zhī Cǎo… Lui, était ce brin d’herbe à l’entrée du temple. Il t’a observée pendant trois mille ans. Et pourtant, jamais tu ne l’as regardé une seule fois.

    Alors, je te le demande une dernière fois : quelle est la chose la plus précieuse au monde  ? »

    Une lumière jaillit dans le cœur de Zhū’ér. Pour la première fois, elle comprit.

    «  La chose la plus précieuse… Ce n’est pas ce qui est inatteignable ou déjà perdu… Mais le bonheur que j’ai ici et maintenant. »

    Le Bouddha s’éloigna en silence.

    Zhū’ér rouvrit les yeux. Elle vit Zhī Cǎo, l’épée prête à trancher. Elle se redressa d’un bond, repoussa l’arme de ses mains tremblantes, et le serra dans ses bras.

    • Chapitre

      Chapitre 11 🔍

      Chapitre 11 🔍 Couverture
      par Ruyi ♡ - La brise d’été soufflait doucement. Dans le bassin de lotus du palais de Tóng Ān, les feuilles d’un vert infini ondulaient avec grâce au gré du vent. Tout le palais baignait dans un parfum léger et enivrant, à la fois mystérieux et envoûtant. Ceux qui y vivaient semblaient transportés dans une cité céleste*, comme enivrés par cette ambiance féerique. Même les pans des vêtements de ceux qui se trouvaient dans le pavillon au centre de l’étang semblaient s’imprégner d’aura…

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